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tion au J>ccrctaire fac la ïScbuc, rue fiogale 26, %\lit.
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[Came III (xxxve hc la caïicction).
^ 1"= livraison. — Jantjicr 1883.
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Iï!e JSj)mboltgme ti)rétten au ICI' mtlt, ti^aprèg
les poèmes îie ©rudence, (Bccmicr article.) ^:3)®^:^$®<^5gx^
E symbolisme est la re-
présentation d'une idée
au moyen d'une image
interposée entre elle et
l'esprit. Le symbole est
autre chose que la com-
paraison. Celle-ci a pour
butd'exprimeruneidéeen plaçant près d'elle
un objet qui, par ses similitudes ou même
par ses différences, aide à la comprendre.
Dans le symbole, au contraire, l'image ne
se sépare pas de l'idée et fait corps avec
elle.. « Jésus-Christ ressemble à un bon
pasteur, et les chrétiens ressemblent à ses
brebis, » — voilà des comparaisons.
«Jésus-Christ est le bon pasteur, nous
sommes ses brebis, » — voici des symboles.
La comparaison suppose deux opérations
de l'esprit, le symbole les ramène à une
seule. Dans le symbole, l'idée et l'image se
confondent, s'appliquent l'une sur l'autre, à
la manière de ces draperies qui moulent de
leurs plis souples et de leur fin tissu les
belles formes des statues grecques. L'image
transparente couvre et révèle à la fois
l'idée, elle en dessine les contours, elle en
tempère l'éclat ; elle lui donne plus de relief
en la voilant.
Le symbolisme est naturel à l'homme :
il supplée aux ressources trop restreintes
du langage, et substitue au mot sec, à
l'expression abstraite et parlois inintelli-
gible une forme concrète, familière et vi-
vante. La comparaison est le plus souvent
le résultat d'un art savant, d'une réflexion
profonde, le symbolisme naît naturellement
sur les lèvres de l'enfant, de l'homme du
peuple, du sauvage. Il faut être déjà familier
avec le travail de la pensée pour comparer
entre elles deux idées : l'image se développe
spontanément dans les cerveaux naïts et
l'idée n'en sort, pour ainsi dire, que vêtue.
iRctiiic De ract cbrcticn.
Le symbolisme n'est pas seulement le
langage naturel des individus et des peuples
enfants : il peut devenir aussi l'un des mo-
des les plus élevés d'exprimer la pensée et
servir à rendre les idées les plus profondes
ou les plus sublimes. De là son rôle con-
sidérable dans la littérature et l'art reli-
gieux. Il est le langage naturel de l'art,
quand celui-ci veut traduire autre chose que
des faits concrets, et devenir le truchement
d'idées abstraites. De même dans la litté-
rature, quand elle doitexprimer par des mots
les mystèresdivinsdevant lesquels l'espritse
prosterne et viennent expirer toutes les
ressources du langage humain, les dogmes
ineffables qui laissent les plus grands génies
muets ou balbutiants. Comme ces mystères
et ces dogmes ne sont point l'apanage
réservé d'un petit nombre de philosophes,
mais le patrimoine du genre humain, il de-
vient nécessaire de les traduire par des
images assez simples pour frapper l'esprit
des petits et des ignorants, tout en demeu-
rant assez nobles pour ne point défigurer
ou dénaturer d'aussi hautes idées. Même
s'ils avaient été destinés à ne point sortir
d'un étroit cénacle de disciples privilégiés,
les dogmes chrétiens eussent dû, en raison
de leur sublimité, se revêtir souvent de
symboles. Platon n'enveloppe-t-il pas d'i-
mages les plus hautes parties de sa philo-
sophie, bien qu'elle ne soit pas destinée au
vulgaire ? A plus forte raison, révélés non
seulement aux théologiens et aux docteurs,
mais à la femme, à l'esclave, à l'ouvrier, à
l'enfant, les mystères encore plus élevés du
christianisme doivent-ils tempérer par le
symbole l'éclat de leurs rayons, rendre sen-
sibles par l'image les abstractions nécessai-
res de leurs définitions, rapprocher ainsi
des plus humbles esprits une religion telle-
ment profonde qu'un saint Augustin, un
saint Thiinias ou un Bossuet consumera sa
vie entière à l'étudier, tellement simple
cependant en son essence qu'un enfant
pourra l'embrasser d'un coup d'œil, si on la
lui présente dans un langage et sous une
forme appropriés à son intelligence.
Telle est une des raisons du rôle considé-
rable joué par le symbolisme dans l'art et
dans la littérature du christianisme : la
profondeur des mystères chrétiens et la
nécessité de les rendre accessibles à tous.
Il en est une autre, qui tient aux origines
historiques de notre religion.
Dans la conception chrétienne de l'his-
toire, le Christ divise en deux les annales
du monde, comme une montagne centrale
dont le double versant regarderait le passé
et l'avenir. D'un côté tout monte vers son
sommet, de l'autre tout en descend. Les
livres sacrés où les chrétiens lisent l'histoire
de leurs croyances se composent de deux
parties ou, selon le terme reçu, deux
Testaments : le premier contient les événe-
ments qui ont préparé ou annoncé la venue
du« Désiré des Nations», le second raconte
sa vie, sa mort, son œuvre. Beaucoup de
faits rapportés dans l'Ancien Testament
peuvent être, bien que réels, considérés
comme la prophétie de ceux du Nouveau.
« Ces choses ont eu lieu en figure de nous, »
dit saint Paul racontant plusieurs événe-
ments de l'histoire du peuple choisi pour
conserver la notion du monothéisme et
préparer une famille au Messie futur. De
là, dans les temps chrétiens, une tendance
des meilleurs esprits à se reporter en
arrière, vers l'Ancien Testament, pour y
trouver des images applicables aux dogmes
cvangéliques et y contempler le Dieu fait
honune dans le miroir des prophéties. La
Bible fournit ainsi aux docteurs, aux lettrés,
aux artistes des premiers siècles de notre
ère les éléments d'un immense symbo-
lisme.
ïLc %|)mt)olismc chrétien au i\i' siècle, D'après les poèmes De PruD
« Le Seigneur nous est apparu deux
« fois, — dit le grand poète du IV^ siècle,
« Prudence, — en premier lieu dans les
« livres, puis réellement ; la foi le vit d'a-
« bord, ensuite il se montra dans la
« vérité de sa chair et de son sang ('). »
Les âmes religieuses et poétiques se plai-
saient à refaire en sens inverse le chemin
parcouru, se servant, pour peindre Jésus-
Christ, des images dont la Bible s'était
servie pour l'annoncer, et, selon un autre
mot de notre poète, « recherchant dans les
« vieux récits et dans les faits antiques les
« types des derniers événements ('). »
Je n'essaierai point de tracer ici, même
à grands traits, l'histoire de l'antique sym-
bolisme chrétien, tel qu'il se développe
dans les écrits des Pères de l'Eglise et
s'épanouit sous la main des peintres, des
sculpteurs, des mosaïstes qui ont décoré les
catacombes et les basiliques. Je me propose
de l'étudier seulement dans les poèmes de
Prudence. Le poète de Théodose et d'IIo-
norius n'a pas enrichi de créations nouvelles
le symbolisme chrétien. Le cycle symbo-
lique déjà formé au IV^ siècle ne se re-
trouve même pas tout entier dans son
œuvre. Des faits de l'Ancien ou du Nouveau
Testament dans lesquels la littérature
sacrée et l'art religieux de son temps
voyaient des symboles, sont racontés par
lui comme de simples épisodes historiques,
dont il se borne à dégager quelquefois une
leçon morale, sans mettre en relief leur
valeur idéale ou typique ('). Mais si Pru-
1. Nos qui Dominum libris et corpore jam bis
\"i(limiis ante fide, mox carne et sanj;uine coram.
Prudence, .Ipot/u-ûsis, 217, 218.
2. Ergo ex futuris prisca jam cepit fabula,
Factoque primo res notata est ultima.
\à.,Hamattigcnia, Praefatio, 25, 26.
3. \'oir Prudence, Cathemerinon, ix, 31, 40, 46, 64, 69 ;
X, 69 ; Apotheosis, 147; Psychomachia, Prxfatio, 1-8,
162; Dictochaeon, 11, 32, 134, 177; Péri Stephaiton, x,
945-
cnce.
dence n'a pas donné place dans ses vers à
tout le symbolisme en vigueur au IV^ siè-
cle, il a toujours marché d'accord avec les
écrivains et surtout les artistes de ce temps,
en ce sens qu'il ne lui arrive jamais de
reprendre et de rajeunir un symbole tombé
en désuétude et abandonné par eux. Ainsi
parmi les images assez nombreuses sous
lesquelles il se plait à représenter la per-
sonne du Christ, n'apparait jamais le
signe arcane du Poisson, l'iXQYC, si célèbre
aux premiers siècles, encore employé quel-
quefois par les Pères de l'Eglise postérieurs
à Prudence, mais abandonné par les artistes
dès la fin du règne de Constantin (').
Même quand il raconte le miracle de la
multiplication des pains et des poissons,
Prudence désigne les pains comme symbole
eucharistique et ne donne aucune valeur
emblématique au.x poissons. Les vers de
notre poète portent donc bien leur date, et,
en matière de symbolisme, ne manifestent
de sa part ni recherche d'archaïsme ni
tentative d'innovation : dans leur clair mi-
roir se reflètent seulement les peintures, les
sculptures, les mosaïques des dernières
catacombes ou des premières basiliques.
C'est un fleuve qui roule majestueusement,
emportant dans ses ondes l'image des mo-
numents que l'art du IV^ siècle élève de
tous côtés à la gloire du Christ. Les sym-
boles particuliers à l'époque des persécu-
tions n'y paraissent pas, si l'âge de la paix
ne les a conservés et rajeunis. Prudence est
l'homme de son temps: il ne faut demander
à ses œuvres que la pensée, l'art, le sym-
bolisme du siècle de Théodose, — et on
ne les y trouvera même pas tout entiers.
Jésus-Christ, — les sacrements, — la
croix, — les apôtres, — les martyrs, —
l'âme, — le corps : — tels sont les princi-
I. De Rossi, De christianis titulis IX0YN exltihcniihus,
p. 4-15. (Paris, 1855; extrait <\\\ Spicil. SoUsm.x. III.)
Eeuue De ract cijrcticn.
paux sujets dont Prudence a parlé dans le
langage voilé du symbole.
I.
DIEU, dit Prudence, ne peut être vu en
lui-même: il se manifeste par sonVerbe.
Toutes les apparitions de la Divinité ont
montré au monde le Verbe divin. « Oui-
« conque raconte avoir vu Dieu, a vu le
« Fils : c'est le Fils qui, splendeur du Père,
« se révèle sous des formes que puisse
« percevoir l'œil de l'homme ('). » D'accord
en ceci avec beaucoup d'anciens Pères de
l'Église ('), Prudence attribue au Verbe
divin les théophanies et même quelques-
unes des plus solennelles apparitions angé-
liques racontées dans l'Ancien Testament.
Ainsi, quand Moïse au désert vit Dieu
dans le buisson ardent, c'est le Verbe qui
se manifeste devant ses yeux sous cette
forme.
Prudence a deux fois décrit cette grande
scène biblique. « Une flamme semblait
« brûler les broussailles : Dieu voltigeait
« parmi les épines aiguës, un feu qui ne
« consume pas s'agitait au milieu de leur
« piquante chevelure, afin de montrer que
« Dieu devait descendre un jour dans la
« chair épineuse de l'homme, couverte des
« épaisses broussailles du crime, et devenue
« douloureuse sous l'aiguillon du péché {^). »
L'apparition qui frappa d'un saint respect
les yeux de Moïse est donc celle de la
1. Quisquis hominum vidisse Deum memoratur, ab ipso
Infusum vidit natum: nam Filius hoc est
Çuod de Pâtre micans se prajstitit inspiciendum
Per species, quas possit homo comprendere visu.
Apothcosis, 22-25.
2. Petau, Dogm. Theol., De Trinitatc, viii, 2. cf. De
Rossi, Bull, diarcheol. crisL, 1883, p. 93.
3 ...... Sentum visa est excita cremare
Flamma rubum : Deus in spinis volutabat acutis,
Vulnificasque comas innoxius ignis agebat,
Ksset ut exemplo Deus inlapsurus in artus
Spinifcros, sudibus quos texunt ciimina densis
Et peccata malis hirsuta doloribus implent.
A-polheosis, 55-60.
deuxième personne de la Sainte Trinité,
<i la lumière image de Dieu, le Verbe Dieu,
« Dieu sous la figure du feu ('). »
« Moïse, dit ailleurs Prudence, a vu dans
« le buisson ardent Dieu tout en flammes,
« entouré d'une éclatante lumière. Heureu.x
<( qui mérita de contempler dans le buisson
« sacré le maître du ciel, et reçut l'ordre de
« dénouer sa chaussure de peur de souiller
« le lieu saint (°) ! » Moïse se déchaussant
pour s'approcher du buisson ardent est
quelquefois représenté dans les monuments
des premiers siècles ('). Plusieurs Pères de
l'Eglise ont vu dans ce trait de la vie du
législateur hébreu une image des renonce-
ments du Baptême, du courage avec lequel
le catéchumène doit se dépouiller de ses
péchés et de ses vices avant d'approcher du
sacrement de la Régénération (f). Cette
interprétation symbolique s'explique aisé-
ment, si l'on reconnaît avec Prudence dans
le buisson ardent une image du Verbe, de
Celui qui a institué le sacrement auquel les
anciens donnaient le nom d'illumination,
'^')\-\,'ju.y. y).
1. Ergo nihil visum est, nisi qiiod sub came videndum,
Lumen imago Deo, verbum Deus et Deus ignis,
Qui sentum nostri peccamen corporis implet.
//'/,/., /I-73.
2. Moyses ncmpe Deum spinifcro in rubo
Vidit conspicuo lumine fiammeum.
Félix qui meruit sentibus in sacris
Cœlestis solii viserc principem,
Jussus nexa pedum vincula solvere
Ne sanctum involucris poUueret locuni.
Cal/icmeriuoil, \, 31-36.
3. IIi^ siècle, catacombe de Domitille (Garrucci, Sloyia
delParte crist., pi. XXD ; — III^ siècle, catacombe
de Calliste (Ibid., pl.XVIII;DeRossi, ^fl;«(î Sotlcrratiea,
t. II, pi. B ; t. III, pi. IX) ; — IV' siècle, catacombe de
Sainte .'\gnes (GaiTucci, pi. LX) ; catacombe de Cyriaque
(De Rossi Bull, dl archcol. crist., 1876, pi. VIII) ; deux
sarcophages du musée de Latran.
4. Martigny, Dict. des antiq. chrét. 2° édition, art.
Moïse, p. 473.
5. S. Justin, Apolog. II ; .S. Grégoire de Nazianze, .SV;-
mo il! siinctii lumina; S. Cyrille de Jérusalem, Pro-
catcchesis, i ; S. Jean Chrj-sostome, /// / Tliess. hoiiiilid
IX, I.
Le sî?mt)olismc chrétien au it)^ siècle, D'après Ic0 poèmes ne PruDence.
C'est encore le Verbe divin qu'il faut
voir dans la colonne de feu pendant la nuit,
de nuée pendant le jour, qui marchait en
tête des Israélites dans le désert, et, selon
l'Exode, était « Dieu lui-même guidant
« son peuple ('). » Prudence en parle après
avoir décrit le buisson ardent. « Ce feu, dit-
il, un noble peuple, protégé par les méri-
tes de ses ancêtres, mais impuissant, accou-
tumé à vivre sous des maîtres barbares,
va, libre désormais, le suivre dans les
déserts : partout où ils portent leurs pas et
leur camp, pendant la nuit azurée, un rayon
plus brillant que le soleil les précède de son
éclat et les conduit {"). » L'art contempo-
rain de Prudence s'est plusieurs fois inspiré
de ce sujet. Des sarcophages chrétiens du
IV<= ou V^ siècle montrent, devançant les
Israélites en marche, une colonne lumineuse,
reconnaissable aux flammes qui couronnent
son chapiteau {^). La colonne a été prise
par l'art chrétien comme symbole de Jésus-
Christ (•'); dans le petit poème attribué à
saint Damase, où sont rassemblés en sept
vers les titres donnés par les anciens au
Verbe fait chair, figure celui de Columna {^).
C'est encore le Verbe, dit Prudence, que
vit Moïse sur le mont Sinaï, quand il monta
y recevoir les tables de la loi. « Celui
« qui devait apporter aux hommes la loi
« divine reçut l'ordre de s'approcher, il s'en-
<{ tretint avec le Seigneur comme avec un
1. Exode, xni, 21.
2. Hune ignem populus sanguinis inclyti
Majorum meritis tutus et inipotens,
Suetus sub dominis vivere barbaris,
Jam liber seqiiiturlonga par avia :
Qui gressum moverant,castraque ca-iul;e
Noctis per médium concita moverant,
Plebem pervigilem fulgure prasvio
Ducebal radiis sole micantior.
Ctitlumoinon, V, 37-44.
3. Edmond Le lîlant, Insct. chrci. de la Gaule, t. I,
p. 167, note; Martigny, Dict., art. Colonne, p. 190.
4. Ou de l'Église; voir Martigny, 1. c.
5. S Damase, Cariii. \'I;*dans Aligne, Patrol. lai.,
t. XIII, col. 378.
1. Prudence, Apot/ieosis, 32-48.
2. Genèse, .\xxii, 24-30.
3. Hoc colluctantis tractarunt bracchia Jacob.
Apot/i., 31.
4. Callitiiniiiioii, 73-80.
5 Ha'c nos docent imagines
Hominem tenebris obsitum,
Si forte non cédai Dco,
Vires rebellis pcrdcre.
Jbùl., S5-S8.
« ami, mêla ses paroles aux discours sacrés,
« et sentit que sous une apparence humaine
« il voyait le Christ : mais, voulant plus
« encore, il tendit son esprit jusqu'à des
« vœux interdits à l'homme, demandant ce
« que ne peuvent les mortels, voir le Christ
« dans toute sa grandeur, dépouillé des
« voiles corporels. Après de longs entre-
« tiens avec son Maître : « Je demande, dit-
•■< il enfin, qu'il me soit permis, ô Dieu, de
« vous connaître tout à fait; » le Seigneur
O
« répondit: «Je permettrai aux justes de me
« voir par derrière, non de me voir tel que
« je suis. » Comment exprimer plus claire-
« ment que le Verbe ne peut être vu .s'il ne
« prend une forme étrangère? qu'il peut,
« quand il le veut, se montrer aux yeux |
« terrestres avec notre figure, tandis que le
« Père demeure invisible? et que souvent
« il a revêtu l'apparence des anges ou des
« hommes, afin de se faire voir sous une
« image (') ? »
C'est ainsi que, selon Prudence, l'ange
qui, dit un mystérieux récit de la Genèse (=),
lutta toute une nuit avec Jacob, n'était autre
que le Verbe divin : « Il fut pressé par les
« bras du lutteur Jacob (s). » Aussi, après
avoir plus longuement raconté ailleurs cette
lutte d'où Jacob sortit affaibli et blessé {'),
le poète ajoute-t-il : «Ces images nous font
« voir que l'homme rebelle, plongé dans les
« ténèbres, perdra ses forces s'il refuse de
« céder à Dieu (=). »
Avant d'éprouver Jacob, le Verbe divin
était déjà apparu à Abraham sous la figure
îRcDiic De l'3rt cïji'Cticn.
d'une v( trinité d'anges ('). » — « Abraham,
« père d'une race généreuse, hôte mortel du
« Christ qui daignait dès lors visiter la
« terre, le vit rayonner dans une triple figu-
« re ('). » Cette théophanie a été rarement
représentée dans l'ancien art chrétien : elle
se rencontre pour la première fois dans les
peintures exécutées par l'ordre de saint /\m-
broise, au milieu du I V*^ siècle, dans une ba-
silique de Milan (^),se retrouve un siècle plus
tard dans les mosaïques de la nef de Sainte-
Marie-Majeure (■•), puis, cent ans après,
dans celles de Saint-Vital de Ravenne [^).
Au contraire, l'art chrétien a souvent
reproduit une apparition non moins mysté-
rieuse racontée au livre de Daniel. Quand
trois jeunes hébreux, après avoir refusé
d'adorer une idole élevée par Nabuchodo-
nosor, eurent été plongés dans une four-
naise ardente, « un ange du Seigneur des-
« cendit avec eux dans les flammes, les
« écarta, fit souffler dans la fournaise com-
« me un vent de rosée, et le feu ne les tou-
« cha point {°). » Nabuchodonosor étant
venu voir ses victimes, les trouva chantant
dans la fournaise; mais, au lieu de trois,
quatre personnes s'y tenaient debout. « Je
vois, s'écria-t-il, quatre hommes marchant
libres au milieu des flammes, et le quatrième
ressemble au Fils de Dieu ('). » Je n'ai
point à rechercher ici quelle signification ce
mot pouvait présenter à l'esprit du roi de
Babylone : l'art chrétien l'entendit dans son
1. Mox et triformis angelorum trinitas
Senis revisit hospitis mapalia.
Prudence, Psychomachia, praîfatio, 45, 46.
2. Hoc vidit princeps generosi seminis Abram,
Jam tune dignati terras invisere Christi
Hospes homo, in tripliceni nunien radiasse figuram.
Apolheosis, 28-30.
3. Dislicha in picturas sacras in basilica .linhrosiana,
dans Biraghi, Inni sinceri di S. Ambroi;io, Rome, 1862.
4. Barbet de Jouy, Les mosaïques chrétiennes de Rome,
p. 12.
5. Ciampini, Vêlera inonumenla, t. I, pi. xx.
6. D.\NiEi,, m, 49, 50.
7. Ibid., 92.
sens littéral, et, sur plusieurs monuments
où un personnage est représenté à côté des
trois hébreu.x — vêtus ordinairement, com-
me le dit Prudence, d'habits orientaux aux
larges plis et coiffés de tiares assyriennes('),
— ce n'est pas un ange, mais Jésus-Christ
qui apparaît. Le personnage qui accompa-
gne les trois martyrs, dans les deux seules
peintures où l'artiste l'ait introduit, n'a aucun
attribut qui le désigne particulièrement pour
un ange (^) : dans un bas relief du IV^ siècle,
il porte même un volume à la main, attribut
souvent donné au Christ , jamais aux
anges; un fond de coupe le montre touchant
les flammes avec la verge du commande-
ment, du geste habituel du Christ multi-
pliant les pains ou guérissant le paralytique,
sujet représenté sur le même verre; un
ivoire du V^ siècle le représente étendant
la croix au dessus de la fournaise ; enfin, dans
une peinture de catacombe, le Sauveur des
jeunes hébreux n'a pas la forme humaine,
mais celle de la colombe, qui, nous le verrons,
était un symbole du Christ ['). « La four-
« naise haletante, fait dire Prudence à Na-
« buchodonosor,a reçu trois hommes seule-
« ment; or, bravant les vapeurs et les feux,
« en voici un quatrième: c'est leFilsdeDieu,
« je le confesse, et, vaincu, je l'adore ("•) ; »
et, plus loin : « Le Fils, ce n'est pas dou-
« teux, est l'auteur de ce miracle; celui que
« je vois est Dieu même, le Fils unique de
« Dieu (5). »
1. Barbaricos... sinus Assyrias... tiaras... Apotheo-
sis, 143, 145-
2. Catacombe de .Saint-Hermis l'Garrucci, pi. I.XXXII,
i); — catacombe de Callixte (Ue Rossi, A'ûina So/ler-
ranea, t. MI. pi. XV).
3. Martigny, Dict.des ant.chr,'t.,7i\\.. He'breux, p. 339,340.
4. Nempe, ait, o procercs, tria vasta incendia anhelis
Accepere vires fornacibus, additus unus
Ecce vapori feros rLdens intersccat ignés.
Filius ille Dei est, fateorque et victus adoro.
Apotheosis, 133-135.
5. Filius, haud dubium est, agit ha:c miracula rerum,
(2uem video, Deus ipse, Dei certissima proies.
Ibid. 138, 139. _J
Le ^pmboUsme chrétien au i\}' siècle, D'après les poèmes De pruDcnce. 7
II.
LE Buisson ardent, la Colonne lumi-
neuse, les Anges qui visitèrent
Abraham, Jacob et les trois martyrs
Hébreux, ne sont pas les seules figures de
l'Ancien Testament dans lesquelles Pru-
dence reconnaisse le Christ. Il considère
encore Moïse et David comme des types
du Sauveur.
Prudencevoit dans l'épisode de Moïse en-
fant,sauvé des eaux quand tous les Juifs de
son âge y périssaient, une image de l'enfant
Jésus échappant à la fureur d'Hérode et au
massacre des innocents. « A quoi a servi ce
« forfait ? en quoi ce crime a-t-il été utile à
« Hérode.'' Seul au milieu de tant de funé-
« railles le Christ est sauvé... Ainsi avait
« échappé jadis aux absurdes édits du Pha-
« raon celui qui était la figure du Christ,
« Moïse, le libérateur de son peuple ('). » Le
poète continue le parallèle entre le chef in-
spiré de la Loi ancienne et le chef divin de la
Loi nouvelle : il montre Moïse faisant passer
le peuple à travers les eaux de la mer Rouge,
comme Jésus-Christ le fera passer à travers
celles du Baptême, et priant les bras étendus
en forme de croix, pendant le combat d' Israël
contre Amalec (-) ; il conclut ainsi : « N'est-
« il pas permis de reconnaître le Christ
« dans les actes de ce grand homme (^) ? »
Plusieurs de ces épisodes de l'Ancien et du
Nouveau Testament ont été reproduits par
I. Quid proficit tantum nefas,
(juid crimcn Herodem juvat.'
Unus tôt inter funera
Impune Christus tollitur.
Sic stulta Pharaonis mali
Edicta qiiondam fugerat,
Chrisii figuram prœferens,
Moyses, receptor civium.
CiitheiHi-riiion, xn, 133-136, 141-144.
2. Cathenierinon, XU, 165-172.
3. Licet ne Christu.m noscere
Tanii per exemplum viri?
Ibid., 157, 157.
l'art chrétien; ainsi, le massacre des Inno-
cents se voit sur un sarcophage ('), et le
passage de la mer Rouge a été assez sou-
vent représenté par les sculpteurs des pre-
miers siècles {^); mais je les trouve tous
groupés, comme dans les vers de Prudence,
sur les tableaux en mosaïque exécutés à
Sainte-Marie-Majeure, peu d'années après
la mort du poète. La zone inférieure du
grand arc est occupée par une vaste compo-
sition représentant, avec une certaine ani-
mation, le massacre des Innocents; parmi
les mosaïques se déroulant autour de la
nef, on reconnaît, entre autres traits de
l'Ancien Testament, Moïse sauvé des eaux,
le passage de la mer Rouge, Moïse priant
sur la montagne les bras étendus pendant
le combat entre les Hébreux et les
Amalécites, Josué traversant le Jourdain
et introduisant le peuple d'Israël dans
la terre promise, — Josué, hic Jésus
verior, image du Sauveur, d'après Pru-
dence (5).
David, vainqueur de Goliath, est aux
yeux des Pères de l'Église un symbole du
Christ vainqueur du démon (^). Il est re-
présenté quelquefois, sa fronde à la main,
dans les peintures, les bas reliefs, les mo-
saïques et les ivoires (^). Mais nulle part
dans l'art primitif n'apparaît la figure de
David assis sur son trône, symbole naturel
de la royauté du Christ. Cependant, si
comme nous le croyons, les quatrains du
1. Martigny, Diction.^ art. Innocents, p. 353.
2. Edm. Le V>\-AX).\.,Sarcoph. chrél.ant. delà ville d'Arles,
p\.XXXl ; Carrucci, Sloriadell' arlecfis/., p\. CCCIX, 4;
RoUer, Ca/acomfies de Rome, pi. L\'I, i ; LXIX, i.
3. Cathemeruion, XU, 173-184.
4. Voir les textes patrologiqiics dans Kraus, Real Encykl.
der christ. Allcrt., art. David, p. 345.
5. Kraus, 1. c; Martigny, art. David, p. 240; Edmond
Le Blant, Sarcoph. chiét. ant. delà ville d'Arles, pi. XX ;
Les Ras Reliefs des sarcophui^es ehrélietis et des liturgies
fuHihûires, dans la Re^>. arc/u'ol., t. X.X.W'III, (1879),
p. 240
8
iacDue De r^rt cbrcticn.
Dittochaeon ont été composés par Prudence
pour servir de légendes aux peintures ou
aux mosaïques d'une basilique inconnue, ce
sujet aurait été représenté une fois au
moins dans les monuments reliçrieux de la
fin du IV= siècle. Un de ces petits poèmes
est intitulé Rcgmim David ; en voici la
traduction : « Voyez étinceler les royaux
« insignes du bon David, le sceptre,
« l'huile, la corne, le diadème, la pourpre,
« l'autel. Tout cela convient au Christ, la
« chlamyde et la couronne, le sceptre de la
« puissance, la corne de la croix, l'autel,
« le rameau d'olivier ('). » Jésus-Christ
est, en effet, le Roi par excellence, et le titre
de Roi figure dans l'énumération des
noms donnés au Sauveur par les premiers
chrétiens (^).
III.
TELS sont les principaux symboles
du Christ, empruntés par Prudence
à l'Ancien Testament ; voyons quels em-
blèmes du Sauveur le poète demande au
Nouveau.
« Je suis la lumière du monde, » a dit
Jésus-Christ if). Les premiers siècles chré-
tiens ont adoré le Sauveur sous ce titre,
1. Regia mitifici fulgentinsignia David ;
Sceptrum, rt/t?«;«, cornu, diadema et ptirpura et ara,
Oinnia conveniunt Chris ro, chlamys atque coroiia,
Virga potestatis, cornu crucis, altar, olivuin.
Dit/ocliacon, XX.
La corne pleine d'huile servant au sacre des rois, ^
laquelle fait ici allusion Prudence (olciim, cornu), c'tait
encore à la fin du IV'' siècle conservée à Jérusalem.
Une relation d'un voyage aux saints lieux en 367,
récemment découverte par M. Gamurrini dans la biblio-
thèque d'Arezzo, dit que pendant l'adoration de la croix
sur le Golgotha, le vendredi r.aint, le diacre tenait la corne
du sacre (Studi e Docuinenti di Storia e Diritio, 1884,
p. 102). Cette corne avait probablement été apportée à K orne
par Titus avec les objets provenant du temple de Jérusa-
lem, et rendue .\ l'église du Martyrium par Constantin.
Elle se voyait encore au temps du voyage vulgairement
attribué h Antonin de Plaisance, peu avant la destruction
des églises de Jérusalem par Cosrhoès.
2. S. Uamase, Carin. vi.
3. S. Jean, vin, 12 ; Cf. ix, 5 ; xn, 35, 46.
auquel les esprits avaient été déjà préparés
par les symboles du Buisson ardent, de la
Colonne de feu. Il n'est pas seulement la
lumière de ceux qui vivent sur la terre, il est
aussi le soleil qui éclaire et réjouit les âmes
de ceux qui l'ont quittée. « Puisse ma mère
« goûter un bon repos, je t'en conjure, ô
« Lumière des morts, » s'écrie l'auteur de la
célèbre épitaphe d'Autun ('). Au début du
petit poème Damasien que j'ai déjà cité, le
titre de « Lumière » est donné à Jésus-
Christ (''). Prudence s'adresse au Sauveur
en ces termes :
« Bon maître, créateur de l'étincelante
« lumière, tu nous apprends à chercher
« le soir une étincelle en heurtant les
« pierres oia reposent les semences du
(i feu; afin que l'homme sache que l'espoir
« de la lumière est pour lui caché dans
« le corps solide du Christ, qui voulut
« être appelé la pierre inébranlable, et
« qui donne naissance à tous nos petits
« feux (3). »
Prudence mélange ici deux symboles.
« Jésus-Christ est la pierre, )y peira mitcin
erat Christîis, a dit saint Paul {■*) et répète
après lui saint Damase (=) ; mais au lieu
que de cette pierre le poète fasse couler
sous la versfe de Moïse l'eau symbole de la
vie divine, sujet si souvent représenté par
1. ET EYAOI MHTHP CE AITAZOVIVI, <l>i2cT0
f-).\j\ONTÛN. Corp. inscr. grac.,ïV, gSgo; Edm.Le lîlant,
liitcr. chrét. de la Gaule, t. I, n° 4.
2. Migne, Patrol. Int., t. XIII, col. 39S.
3. Inventor rutili, dux bone, luminis
Incussu silicis lumina nos tamen
Monstras saxigeno semine qu.'erere:
Ne nesciat homo speni sibi luminis
In CrlKlSTl solido corpore conditam.
Oui dici stabilem se voluit petram,
Nostris igniculis unde genus venit.
Ciithcinerinon, V, 1,7-12.
4. I Cor. X, 4.
5. Virga, columna, manus, /<•/;<», Filius Emmanuelque.
S. Damase, Carm.W.
le %pmôoïisme chrétien au i\i' 0iècle, li'après les poèmes ne Iprun
tnce.
le premier art chrétien (') et chanté par
Prudence lui-même ('), ici c'est l'étincelle de
la grâce, c'est la lumière même du Christ
qu'il en suscite. Par cette hardie coiupéné-
tration de deux symboles, il semble que
Prudence ait eu la pensée de mettre le
dogme chrétien en regard des superstitions
mithriaques, si puissantes encore à l'époque
où il écrit (3), et, aux images du dieu
persan, que ses statues représentent quel-
quefois jaillissant de la pierre mère,
petra genitrix, comme l'étincelle jaillit
du silex (■•), ait opposé le symbole victo-
rieux du Christ, la pierre inébranlable sur
laquelle est fondée l'Eglise et d'où émane
la vraie lumière.
Jésus-Christ n'a pas seulement dit de
lui-même : « Je suis la lumière ; » il a ajouté :
« Je suis le Bon Pasteur (^). » L'antiquité
chrétienne aimait à se le représenter sous
cette naïve et touchante figure. Dans les
peintures des catacombes, sur les sarco-
phages, sur les lampes, dans les rares sta-
tues des premiers siècles (°), le Bon Pasteur
apparaît doux, mélancolique, presque tou-
jours jeune et gracieux ; sur ses épaules il
rapporte la brebis errante, quelquefois
même le bouc impur, et souvent les brebis
1. Vingt-deux fois dans les peintures des catacombes
romaines, du II'-' au V'^ siècle ; vingt et une fois sur les
sarcophages du musi^e de Latran ; très fréquemment sur
les verres à figures dorées.
2. Cathemerinon, V, 89-92 ; Psycliomachia, 371-373.
3. Beugnot, Histoire de la destruction du pagmiisme en
Occident, t. I, p. 155-161, 272-273, 334, 336, 373-375-
4. S. Justin, Apo/., I, 66 ; Dialoi;. cuni Tryph., 70. Cf.
la statuette de la caverne mithriaque découverte sous la
basilique de St-Clémcnt de Rome. Elle a été reproduite
par M. Roller, dans la RcTue arc/u'ol., t. X.XIV( 1872), p. 71.
5. S. Jean, x, 1-17.
6. Cinq statues du Bon Pasteur à Rome, une à Constan-
tinople, une à Séville, une au musée de Patissia ; Bii/l.
di archcol. crist., 1869, p. 47 ; 1870, p. 150 ; Kev. arc/u'ol.,
t. .X.X.XII (1876), p. 297. Eusèbe parle yDe vita Constan-
tini, m, 49J d'une statue du Bon Pasteur en bronze doré,
érigée à Constantinople. Quant aux représentations du
Bon Pasteur dans les peintures, les bas reliefs, etc., je
n'essaie pas de les énumérer : elles sont innombrables.
fidèles se pressent autour de lui, car « il les
connaît et elles le connaissent ('). » La
poésie ne pouvait oublier cette belle image.
Prudence a chanté en vers charmants le
Bon Pasteur allant, à travers l'épaisse forêt,
rechercher la brebis fugitive, dont la toison
s'est accrochée aux ronces du chemin : il la
rapporte à la bergerie ensoleillée, aux
vertes prairies, aux bois de palmiers et de
lauriers (^). Sur une lampe chrétienne trou-
vée dans les ruines d'Ostie, la bersferie
dont parle Prudence est représentée par
une petite hutte, dans laquelle entre une
des brebis, tandis que le Pasteur en porte
une autre sur ses épaules, et qu'une troi-
sième s'approche de lui (^). Les poètes
chrétiens du V^ et du Vie siècle ont, après
Prudence, célébré Jésus-Christ sous la
même figure. « Que le sentier de la vie, dit
Sedulius, me conduise dans l'enceinte où,
sous la conduite du blanc agneau, fils de la
brebis vierge, le candide troupeau entre
tout entier {*). » Fortunat montre le Pas-
teur rappelant ses brebis de peur des loups,
1. S. Jean, X, 15.
2. Ille ovem morbo résident gregique
Perditam sano maie dissipantem
Vellus adfixis vepribus per hirtœ
Uevia sylvie,
Impiger pastor revocat lupisque
Gestat exclusis liumeros gravatus,
Inde purgatam revehens aprico
Reddit ovili :
Reddit et pratis viridique campo.
Vibrât impexis ubi nulla lappis
Spina, necgermen sudibus perarniat
Carduus horrena :
Sedfrequenspalmis nemus et retiexa
Vernat herbarum coma, tum perennis
Gurgitem vivis vitreum fluentis
Laurus obumbrat.
Cathemerinon, vui, 33-4S.
3. Bull, di archcol. crist., 1870, pi. I.
4 Sémite vit;e
Ad caulas me ruris agat, qua servat am(unum
Pastor ovile bonus, qua vellere pni.'vius albo
Virginis agnus ovis, grexque omnis candidus intrat.
Sedulius, Carmen pasc/iale, I, Invocatio
lO
IRcu uc Qc rart cbrcticn.
et celles-ci qui, « reconnaissant sa voix, ac-
courent pleines d'amour auprès de lui ('). »
IV.
PRUDENCE nous fait connaître trois
autres symboles du Christ : l'agneau,
la colombe, le coq.
Célébrant dans une des plus belles
hymnes du Cathemci-inon la réconcilia-
tion universelle qui devait suivre la nais-
sance du Christ, et se souvenant à la fois
d'Isaïe et de Virgile, le poète chrétien
s'écrie :
« L'agneau, ô miracle ! commande aux
« lions, et, tombée du ciel, la colombe pour-
« suit à travers les nuages et les vents les
<3; aigles féroces. Vous êtes pour moi, ô
« Christ, la puissante colombe à laquelle
« cède l'oiseau gorgé de sang, l'agneau
« d'une blancheur de neige qui défend du
« loup la bergerie et soumet le tigre à son
« joug (0- »
Je n'ai pas besoin de rappeler ici les nom-
breux textes de l'Ancien et du Nouveau
Testament désignant le Sauveur du monde
par le symbole de l'agneau, et célébrant
ainsi dans une même image son sacrifice et
sa douceur (^). Depuis les plus anciennes
peintures des catacombes jusqu'aux mosaï-
ques du moyen âge, l'agneau apparaît dans
tous les monuments de l'art religieux, tan-
1. Fortunat, 0pp., I, U, 13.
2. Agnus enim vice mirifica
Ecce leonibus imperitat,
Exagitansque truces aquilas
Per vaga nubila perque notos
Sidère lapsa columba fugat.
Tu mihi, Christe, columba potens,
Sanguine pnsta cui cedit avis,
Tu niveus per ovile tuum
Agnus hiare lupum prohibes
Sub juga tigridis ora premens.
Cathemerinon, III, 1 6 1 - 1 70.
3. Gen., IV, 4; EXOD., xu, 3 ; XXIX, 36 ; Jcrémie,
ni, 7 ; S. Jean, l, 29 ; IPctri, l, 19 ; Apocal., XII, 8.
tôt soutenant la houlette pastorale et le vase
de lait, symbole de l'eucharistie, tantôt de-
bout sur un tertre d'où s'échappent quatre
fleuves, symboles des quatre évangélistes,
tantôt portant le nimbe et la croix, tantôt
couché sur cette croix, une fois même, dans
un bas relief du IV^ siècle, frappant le ro-
cher avec la verge de Moïse, recevant de
Dieu les tables de la Loi, ressuscitant Lazare
et multipliant les pains ('). De même que
l'agneau, la colombe est un des symboles
les plus fréquemment employés par l'art
chrétien, et depuis les peintures de la crypte
de Lucine, datant de la fin du I^i^ siècle ou
du commencement du II ^ jusqu'aux mo-
saïques de la basilique de Saint-Clément,
qui appartiennent au XI 11^ siècle, on la
retrouve sur toute espèce de monuments.
Mais elle y représente le plus souvent soit
le Saint-Esprit, soit l'âme chrétienne ; rare-
ment elle est prise, conune dans les vers
de Prudence, pour un symbole du Christ.
Cependant Martigny cite d'après Cavedoni
l'image, moulée sur une lampe, d'une
colombe dont la tête est surmontée
d'une croix et qui porte dans son bec un
rameau d'olivier: « Il n'est pas douteux,
écrit le savant archéologue, que, se pré-
sentant avec ce double attribut de la croix
et de l'olivier, cette colombe ne soit ici
le symbole de Jksus-Ciikist, de qui
saint Paul a dit (Co/oss., i, 20) qu'il
pacifie par le sang de sa croix la terre et
les cieux ("). »
Prudence a encore comparé Notre-Sei-
gneur au coq matinal. Son cri arrache les
hommes au sommeil ; il a réveillé la cons-
cience endormie de saint Pierre : c'est
l'image du Souverain Juge, devant lequel
tous comparaîtront au sortir du sommeil de
la mort. € L'oiseau messager du jour chante
1. Martigny, Die/., art. Agneau, p. 26-29.
2. Martigny, art. Colombe, p. 187.
iLc %)pmtJOli.smc cbrctien au iw siècle. D'après les poèmes Oe PruDence. 1 1
« la lumière prochaine ; déjà le Christ qui
« réveille les âmes nous rappelle à la vie...
« Cette voix que font entendre les oiseaux,
« debout sur le toit de la maison, un peu
« avant le lever du soleil, est une figure de
« notre Juge ('). » Le coq est souvent
oravé sur les marbres chrétiens, soit à côté
de Pierre, soit seul (-). « Le chant du coq,
« dit encore Prudence, est le signe de
« l'espérance promise, par laquelle, délivrés
« du sommeil, nous attendons la venue
« de Dieu {'^). » Résurrection, envisagée
comme un sujet de crainte, car nous
serons jugés, — d'espoir, car notre Juge
est en même temps notre Sauveur, —
tel est le sens de ce symbole. Mais la
résurrection se fera par la puissance du
Christ; c'est lui, « premier né d'entre les
morts, » qui nous tirera du tombeau, et
voilà pourquoi le coq, emblème de la résur-
rection, est en même temps l'emblème de
celui qui nous ressuscitera. Sur une gemme
publiée par Perret, au-dessus du coq posé
sur un rameau est gravé le monogramme
du Christ (■•).
Un dernier symbole du Christ est
donné par Prudence. « Je suis A et Û, le
« premier et le dernier, le commencement
I. Aies diei nuntius
Lucem propinquam prajcinit :
Nos excitator mentium
Jam Christus ad vitam vocat.
Vo\ ista qua strepunt aves,
Stantes sub ipso culmine,
Paulo antequam lux emicet,
Nostri figura est Judicis.
Cathejuerinon, I, 1-4, 13-16.
2. Aringhi, Roma siib/erranca, t. I, pp. 297, 319, 613 ;
t. II, p. 399; Martigny, Die/., art. Coq, p. 205 ; art. Renie-
ment de S. Pierre, p. 696 ; RoUer, Catacombes de Rome,
pi. VIII, LXXXI, 2, 3; LXXXII, 1,2; LXXXVII, 4.
3. Hoc esse signum prœscii
Norunt repromissit spei,
Qua nos soporis liberi
Speramus adventum Uei.
Calheinerinon I, 45-48.
4. Perret, Catacombes de Rome, t. IV, pi. XVI, 29.
« et la fin, » dit Jésus à saint Jean dans la
vision finale de l'Apocalypse ('). Les Pères
de l'Église ont commenté ce mystérieux
symbole du Verbe fait homme ("). L'art
chrétien l'a reproduit sur toute espèce de
monuments, pierres tombales, peintures,
mosaïques, monnaies {^). Prudence à son
tour l'a chanté dans cette belle prière au
Christ qu'il \n'(\X.\A(t Hynnims omiiis /ions :
« Né du cœur du Père, avant le commen-
« cernent du monde, appelé A et O, il est la
« source et le terme de tout ce qui est, fut
« et sera (*). » Prudence a peut-être pris un
plaisir particulier à célébrer dans ses vers
ce symbole sacré. En efiet, bien qu'on en
puisse trouver des exemples antérieurs au
I Ve siècle, il semble avoir été choisi comme
un signe de ralliement pour les orthodoxes
dans les pays infestés par l'hérésie arienne.
Prudence était Espagnol, et l'Espagne est
un des pays où l'arianisme s'est maintenu le
plus longtemps. Kraus fait remarquer que
sur 288 inscriptions chrétiennes d'Espao-ne
recueillies par Hubner, 43 sont accom-
pagnées de l'A et de l'û, tandis qu'en Angle-
terre, pays qui ne connut pas l'arianisme,
sur 229 inscriptions 5 seulement présentent
ce symbole (=). Prudence, ardent champion
1. Apoc, XXII, 13. Cf. XXI, 6.
2. Voir les te.xtes dans Kraus, Real Encyckl. de>
Christl. Alterth., art. Au, p. 60, 61.
3. Martigny, Dict., art, Aii, p- 50, 51; Smith, Dictio-
nary of Christian antiguities, p. i ; Kraus, Real En-
cyckl., p. 60-62.
4. Corde natus ex Parentis, ante mundi exordium,
Alplia et <2 cognoniinatus, ipse fons et clausula
Omnium quas sunt, fuerunt, quaeque post futura sunt.
Cathemerinon, ix, 10-12.
5. Kraus, p. 6r. — Je dois dire cependant que M. Edm.
Le Blant refuse de voir dans la présence de l'A et
de \W sur les marbres d'Espagne un signe d'orthodoxie :
il rappelle que les monnaies de Constance, l'un des fauteurs
de l'arianisme, portent ce symbole. Journal des savants,
juin 1S73, p. 360. — Contra : Ramurez, dans Burchard,
Epis/. a<l Ciampin. ; Flores, Espagna Sajp-ada, t. XI 11,
p. 169 ; Millin, Voyage dans le midi de la France, t. 111,
p. 167.
12
IRctJue De part cïjtctien.
de la divinité du Christ, à la défense de
laquelle il a consacré tout son poème de
XApotheosis, dut inscrire avec enthousiasme
dans ses vers ces lettres sacrées, que beau-
coup de ses compatriotes ordonnaient de
graver sur leurs tombes en témoignage de
la pureté de leur foi.
Paul Allard. •
(A suivre.)
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îit ; ^ :■ it.' :^^t;î^j;^_î^ ^^ :,;^i^^
fTTi -fTr '♦Tr' '♦tT' 'tTr 'TTr -rrr 'tTt' -TTr 'fT*' '♦T*' 'TTT' '•T*' '♦IT' '*ÎT' ''Ï*' 'TEt' ■'T^ 'TTr ''T^'iTr '•T*' 'TT^ 'Wr 'TT'
Jlc triptyque f)p?antin De la collection
BarfaauiUe, à Hrras.
I.
A spécialité de monuments, ob-
jectif de ce travail, est, selon
toute probabilité, une invention
byzantine. Les plus anciens
exemplaires d'icônes triples à
volets mobiles, triptyques, ou mieux (a'^'7'f//^j'-
l'ides (qui a l'aspect des portes saintes
= it'/coç, Sûpa, ûdo;,) sculptées en ivoire, appar-
tiennent à l'art grec médiéval. Les Latins,
qui connurent d'abord les diptyques, puis
les tableaux à compartiments juxtaposés,
adoptèrent assez tard une innovation due au
génie oriental. On rencontre fréquemment
des portions de triptyques byzantins, soit
isolées, soit employées à la reliure des
manuscrits ; d'habiles truqueurs — il y en
a toujours eu, et il y en aura jusqu'à la
consommation des siècles — ont même
reconstruit des agiothyrides au moyen de
débris hétérogènes ; mais il est rare de
trouver un échantillon intact, tel qu'il sortit
de l'atelier : ces pièces-là, on les cite.
J'avais eu depuis longtemps l'heureuse
chance de pouvoir étudier à mon aise le
splendide et très authentique morceau dont
la reproduction phototypée est ci-jointe.
Acquis, vers les premières années du siècle
courant, par un amateur éclairé d'Arras,
M. de Beugny de Pommeras, notre ivoire,
à la mort de celui-ci, passa dans le cabinet
de M. Harbaville ('), l'un de ses gendres :
1. M. Harbaville, décédé en 1866, fut l'un des membres
les plus érudits de l'Académie d'Arras et le président à
vie de la Commission des monuments du Pas-de-Calais.
les héritiers de M. Harbaville possèdent
aujourd'hui l'objet, et, insensibles aux offres
les plus brillantes, ils ne se montrent nulle-
ment disposés à l'aliéner.
Peu de connaisseurs, disons-le en passant,
ont joui du privilège dont on m'a si géné-
reusement gratifié. Hormis Didron aîné et
M. Victor Gay, aucun savant étranger à la
ville d'Arras n'a, que je sache, obtenu l'accès
d'un trésor caché sous le boisseau, et n'a été
mis à même d'en apprécier la haute valeur ;
en conséquence, la présente notice, texte et
planches, peut-elle,sans trop d'amour-propre,
réclamer de justes droits à la nouveauté.
Dès 1867, un habile praticien d'Arras,
M. Charles Desavary, avait photographié
le triptyque à mon intention. Les clichés
ayant souffert d'un accident, la famille Har-
baville a bien voulu m'autoriser à recom-
mencer l'opération, avec les procédés actuels
qui donnent une image plus nette et facilitent
la besogne mécanique du phototypeur (').
Confiés au talent éprouve de M. E. Aubry,
de Bruxelles, les nouveaux clichés ont
produit un résultat, sinon parfait, du moins
très satisfaisant.
Parmi les ouvrages qu'il a publiés, citons en première
ligne le Mémorial historique et archéologique. Aujourd'hui,
malgré les progrès de la science et la continuelle décou-
verte de monuments nouveaux, aucun auteur ne saurait
aborder l'Artois sans recourir au modeste savant, dont
l'œuvre, imprimée en 1S42, étonne par le nombre de re-
cherches qu'elle a nécessitées. Ces recherches, alors assez
difficiles, exigèrent beaucoup de temps et de patience.
I. Je dois des remerciments particuliers à MM. Henri
et Rémi Trannin, petits-fils de M. Harbaville ; tous deux
m'ont prêté un concours des plus efficaces. Le second a
mis à ma disposition son expérience de photographe ;
l'aîné, docteur ès-scienccs et mon collègue à l'Académie
d'Arras, m'a fait remarquer certains menus détails très
importants au fond, et qui, sans lui, m'auraient peut-être
échappé.
1SS5. — 1"^ Livraison.
14
iRetiuc De rart cbrcticn.
Dans quelles circonstances un précieux
monument byzantin prit-il la route del'ouest;
comment vint-il échouer obscurément en
Artois ? A de telles questions on ne saurait
guère répondre que par des hypothèses ;
il eût été préférable de s'en abstenir, mais
je suis obligé d'émettre ici les miennes, car
elles aideraient au besoin à la solution d'un
intéressant problème.
Trois causes motiveraient le transfert de
notre ivoire en Occident : le commerce ; le
pillage de Constantinople, en 1204, par les
Croisés ; l'émigration grecque, à la suite de
la conquête turque, en 1453.
De ces causes, il faudra d'abord éliminer
la dernière qui ne me semble pas même
discutable. Les émigrés du XV*^ siècle
abordèrent tous en Italie, et les menus
objets emportés dans leur fuite, manuscrits,
bijoux, œuvres d'art, ne sont guère sortis
de ce pays que pour enrichir des collections
princières. Alors une pièce aussi remar-
quable que le triptyque Harbaville n'aurait
pu échapper aux investigations de Gori, le
plus ardent dénicheur d'ivoires sculptés qui
fût jamais. Le savant florentin a bien su
trouver, chez un particulier de Todi, une
réplique, très postérieure en date et très
inférieure en style, de la merveille qu'Arras
abrite aujourd'hui ('); il s'est passionné pour
une copie, et il n'aurait pas découvert le
type original au cas où cette pièce eût
reposé dans les régions comprises entre les
Alpes et la Mer Ionienne ? Une telle né-
gligence serait trop invraisemblable pour
que l'on crût à sa possibilité.
La provenance commerciale est au con-
traire parfaitement admissible. Depuis le
VI 11"= siècle jusqu'à la catastrophe inaugu-
ratrice du XI II'^, Constantinople, trait
d'union qui reliait l'Europe à l'Asie, alimenta
I. Voy. Thésaurus vet. diptych., t. III, pi. xxiv et xxv.
Aujourd'hui au Musée chrétien du Vatican.
l'Occident de toutes les superfluités du luxe.
Dans les magasins du Bosphore, à côté des
importations hindoues, persanes, égyptien-
nes, s'entassaient les produits des fabriques
de la ville impériale ; la vogue de ces der-
niers était si grande, qu'alors l'article By-
zance jouait le rôle actuel de l'article Paris.
Les tissus historiés ou brodés, l'orfèvrerie,
la joaillerie, la glyptique, les émaux, les
ivoires, étaient les spécialités attractives de
l'industrie byzantine. A l'instar de Dieppe,
Constantinople avait ses ateliers de tailleurs
d'images en ivoire (èXî^ayrojpyô;), où des
élèves plus ou moins habiles reproduisaient
à nombreux exemplaires, soit une copie
exacte, soit une variante des compositions
du maître. L'ofticine de l'ivoirier byzantin
étalait aux yeux du client des diptyques,
des agiothyrides, des cassettes, et aussi des
panneaux isolés à sujets religieux, que l'on
faisait monter à sa fantaisie, et que l'on
appliqua souvent à la couverture des manus-
crits. Nous savons qu'Halitgaire, évêque
de Cambrai, ambassadeur, en 828, de Louis
le Débonnaire auprès de Michel le Bègue,
rapporta de sa mission des panneaux en
ivoire destinés à servir de reliure (').
Les épisodes du sac de 1 204 doivent
également se prendre en sérieuse considé-
ration. Au milieu de féroces sauvages, dont
l'ineptie et la brutalité dépassaient de fort
loin tout ce que nos guerres modernes —
en Chine et ailleurs — offrent de plus
odieux, émergèrent çà et là des hommes
intelligents, qui parvinrent à soustraire aux
rapaces conquérants beaucoup de reliques
importantes et divers objets de haute valeur
artistique. L'histoire a enregistré les noms
I. Le Glay, Caincraciiin christ., p. 14. Unde ipse multa
et preciosa sanctorum pignora, sancti videlicet protomar-
tyris Stcpliani, CosiTi;c, Anthimi Niconiediensis episcopi
et Theodori martyris, qu;»; in ecclesia B. Mariiu continen-
tur adhuc asportavit, necnon et tabulas eburneas, quibus
libri cooperti ibidem esse spectantur. Baldéric, Chron.
Camer. et Atreb. 1. I, c. 40.
anciens iijoircs sculptes.
15
de quelques sauveteurs et dressé la liste
d'une certaine quantité d'épaves (') ; plu-
sieurs existent encore qui ont été signalées,
mais il en reste assurément d'autres non
déterminées jusqu'à présent : pourquoi le
triptyque Harbaville ne serait-il pas rangé
parmi ces dernières ?
En définitive, la sonmie intégrale des
objets de piété byzantins, que les acquisi-
tions pacifiques ou les violences belliqueuses
amenèrent dans nos régions occidentales,
échut aux églises et aux établissements
monastiques; on ne saurait ailleurs en suivre
la piste.
Ce fait essentiel admis, le sort ultérieur
de notre ivoire devient facile à établir.
Lorsque, à la fin du XVII I^ siècle, la
France et la Belgique virent décréter la
confiscation des propriétés ecclésiastiques,
maintes œuvres d'art, de faibles dimensions,,
ou que leur matière ne condamnait pas trop
directement au creuset, furent adjugées à
vil prix, sinon emportées comme souvenirs
par leurs légitimes propriétaires, chanoines
ou religieux expulsés. Les adjudicataires
étaient pour la plupart des spéculateurs;
quant aux membres du clergé, le butin, que
la nécessité ne les obligea pas d'aliéner eux-
mêmes, se vendit généralement ensuite
après leur décès ('').
J'ai intentionnellement groupé une série
de détails, oiseux en apparence, utiles en
1. Voy. Ernst aus'm Weerth, Das Sieges/c; le comte
Riant, Exiiviœ Const.; l'abbd Lalore, Le trésor de Clair-
vaux j Origines de Vorfevr. cloisonnée, t. I, p. 342; Ex-
posa, rétrosp. en iSSo, p. 88 ; etc. etc.
2. Les exemples sont trop nombreux pour que je m'ar-
rête à en signaler. La grande majorité des objets d'art
médiéval, que possèdent les collections publiques ou pri-
vées, n'a pas d'autre origine que les diverses formes de
spoliation révolutionnaire. — Conjointement avec les bro-
canteurs et les religieux, quelques personnes pieuses con-
coururent au sauvetage; quand le culte catholique fut ofli-
ciellcment rétabli, elles remirent leurs picces, soustraites
ou acquises, soit aux curés, soit à l'évêque diocésain. Ces
restitutions ne touchent aucunement à notre triptyque.
réalité parce qu'ils amènent une conclusion.
N'importe la position sociale de la personne
qui céda le triptyque à M. de Pommeras, il
me semble hors de doute que ce morceau,
avant de tomber au.x mains du dernier
vendeur, séjourna longuement dans un
trésor d'église. Or, il serait contraire à tous
les usages du temps jadis qu'un pareil chef-
d'œuvre eût été omis sur les anciens inven-
taires, documents d'intérêt capital, dont une
partie est publiée, mais dont beaucoup
attendent encore leur mise en lumière : le
cas actuel renvoie au.x textes inédits.
Suivant une probabilité bien voisine de
la certitude, notre monument n'a jamais vu
l'Italie. A l'aube du XIX^ siècle, les bro-
canteurs parisiens avaient trop à faire chez
eux pour exploiter la province. L'Angleterre
et l'Allemagne sont essentiellement conser-
vatrices. Où donc trouver ailleurs qu'en
Belgique et dans la France septentrionale,
si riches et si effrontément dépouillées,
l'asile, peut-être obscur ('), qui abrita le
triptyque jusqu'à la Révolution ? La localité
où M. de Pommeras rencontra son ivoire,
localité sans doute peu éloignée d'Arras, à
supposer qu'elle ne fût pas Arras même,
plaiderait déjà en faveur d'une réponse
affirmative.
D'après mon sentiment personnel, émis
avec toutes les réserves qu'exige une simple
hypothèse, le cercle des recherches pro-
posées à la science s'étendrait, dans sa plus
large expansion, de l'Authie à la Meuse.
Je crois néanmoins qu'on pourrait le res-
treindre davantage et ne pas pousser l'ex-
ploration au delà de la Flandre française,
du Hainaut, de l'Artois et du Ponthieu.
Maintenant qu'une fidèle image de l'objet
I. Il est parfaitement certain que cet asile a échappé
aux investigations des Jésuites, des Bénédictins et aussi
de Gori, qui pourtant s'était mis en relations avec toute
l'Europe savante.
i6
iRctiuc oc rart cbrcticn
est soumise aux érudits, il sera facile à
reconnaître derrière la plus laconique men-
tion (').
II.
DU terrain conjectural, si attrayant à
cultiver mais si fréquemment stérile,
passons au domaine positif; il est vaste,
curieux et assez intelligible pour que nous
y obtenions quelques succès.
Rectangle formé de trois panneaux dis-
tincts, historiés au droit et au revers, notre
triptyque ouvert offre un développement de
of"282. Le panneau central, accru de deux
plinthes rapportées, mesure o'"242 de haut
sur 0^142 de large. Dimensions des volets :
H. o'"2i7 ; L. o™07o. Au Hanc externe du
volet gauche est ménagé un étroit batte-
ment destiné à recouvrir la solution de con-
tinuité lorsqu'on ferme le meuble. Ce batte-
ment est alors maintenu par un taquet
(biguet, tourniquet) d'argent ciselé, pro-
tomes de lion et de chien adossés, fixé à la
plinthe inférieure. Quatre charnières, aussi
d argent, encastrées, sans rivets appréciables,
dans la tranche des panneaux, réunissent
les éléments du système et permettent de
les replier à volonté. Deux petits pitons du
même métal, à têtes polyédriques que tra-
verse un cordon de suspension, sont fichés
aux extrémités de la plinthe supérieure. La
contemporanéité du travail de sculpture et
des accessoires métalliques étant certaine,
il en résulte que l'objet fut, dès son origine,
accroché contre une muraille et qu'il n'eut
jamais d'autre destination.
Un bandeau horizontal divise en deux
registres la face du panneau central. En
haut apparaît le Christ assis, barbu, che-
I. Dans sapins simple expression, l'article del'inven-
taire pourrait être formulé ainsi: « Un petit tableau d'ivoire
avec les images du Sauveur et des saints et des inscrip-
tions grecques. — Tabula eburiicaparTa eu m imaginibiis
Salvatoris et sanetoruin et littcris grœcis. »
velure retombant sur les épaules; sa tête est
ceinte d'un nimbe crucifère orlé de perles;
il a pour vêtements une longue robe et le
palliiDit : des solece à courroies chaussent
ses pieds. De la main droite le Sauveur
bénit à la manière grecque; la gauche sou-
tient un codex richement relié et muni de
fermoirs. La figure repose sur une cathedra
magnifique: dossier arrondi; montants droits,
cylindriques, annelés, ornés de rais de
cœur disposés en étages, avec des bouquets
pour amortissement; coussin brodé; élégant
scabellîiiu (ûttotto'Iiov) décoré d'une arcature à
colonnettes géminées. Au-dessus des épau-
les, les sigles IC XC; à là hauteur de la tête,
deux bustes d'anges, tenant des disques,
émergent de médaillons circulaires, encadrés
d'un bourrelet chargé d'étoiles gravées.
Deux personnages debout, légèrement
inclinés, mains ouvertes et tendues dans
l'attitude de la prière, accostent le Christ.
A droite,saint Jean- Baptiste, 0 A 1(1) O 11P(5)
APOMOC; vestis talai'is ; amictus à limbe
rayé, couvrant le dos ; soleœ. A gauche, la
Sainte Vierge, MP 0V. Elle porte la .y/^/rt; une
sorte de châle frangé voile sa tête, enve-
loppe sa poitrine et ses bras pour descendre
ensuite presque jusqu'à terre ('); aux pieds,
des calceoli. Les seabella consistent en ta-
blettes carrées, tranche garnie d'un filet de
perles.
L'attribution de la gauche à la Vierge
est si fréquente sur les monuments byzan-
tins, quand la Mère de Dieu y figure à côté
du Christ, en face du Précurseur, que le
moine Denys, rédacteur, au XV'= siècle, du
Guide de la peinture, crut devoir prescrire
comme règle absolue cette disposition ico-
I. Il y a là une réminiscence de l'antique. A Rome, les
deux sexes avaient l'habitude de se draper ainsi, particu-
lièrement dans les cdrémonies religieuses ou funèbres, et
lorsqu'ils étaient en deuil. \'oy. Ricli. Dict des untiq.,
p. 604 et 697, fig. : Duru)-, liist. des Romains, nouv. dd.,
t. VI, p. 106, statue de Julia Donina, musée du Louvre.
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anciens iuoircs sculptes.
17
nographique. «Au centre, le Pantocrator
au milieu des anges; du côté de l'orient (à
gauche), la Sainte Vierge les mains éten-
dues: vis-à-vis d'elle, du côté de l'ouest (à
droite), le Précurseur ('). » Mais les règles
subissent toujours des infractions; de nom-
breux exemples, antérieurs à Denys ou
même ses contemporains, prouvent qu'une
grande latitude était laissée aux artistes
sur le chapitre des préséances célestes.
Les œuvres byzantines, dont suit une liste
dressée au courant de la plume, montrent
la Vierge à droite et le Précurseur à gauche:
Mosaïque du porche, à l'église de Grotta
Ferrata ; Evangéliaire grec de l'abbaye de
Fiorenzuola ; hiérothèque de Cortone : pan-
neau d'ivoire au musée chrétien du V^atican;
autre panneau d'ivoire, collection de M. Du-
rillon, à Lyon; ivoire très ancien publié par
Paciaudi; sculpture en marbre, à Saint-Marc
de Venise ; dalmatique impériale.au trésor de
Saint-Pierre du Vatican ; tableau du XII !«
siècle, jadis à l'abbaye de Sainte-Gene-
viève de Paris ; peinture athonienne, XIV^
ou XVe siècle, musée chrétien, à Rome ;
triptyque et tableau russes d'époques assez
récentes (^). En voilà plus qu'il ne faut
pour s'assurer que la règle formulée par le
Gîiide de la pemture n'était pas de rigueur
avant la rédaction de ce livre, et que, depuis
lors, on s'est au besoin permis de l'en-
freindre.
Le registre inférieur comporte cinq per-
sonnages debout; tous sont barbus, nimbés,
1. Didron, Manuel d'iconographie chrét., p. 424.
2. Gaaelle archéoL, 18S3, pi. Lvni, p. 350; Gori, ouv.
cit<^,t. III, pi. XII, n" 2, XVIII et XI ; J. B. Giraud, L'expos.
r^lrosp. de Lyon en iSyy, pi. lll-iv, fig. 4 ; Paciaudi, De
ci/l/u S. Joannis Bapt. antiqnit. christ., p. 181 et l ;
Annales arclu'ol., 1. 1, pi. à la p. 152; Bayet, L'art byzant.,
fifî. 72, p. 218; Bock, Kieinod. des heil. rihn. Reiches,
pi. XVIII et p. 107 ; Acta SS. Mail, t. I, pi. à la p. LXI;
D'Agincourt, Hist. de Fart, t. V, pi. XCI ; Ch. Lenormant,
Très, de mimism. etdeglypt.. Bas-reliefs et ornem. 2'' part,
pi. III, fig. 4; Rez'. atchéol. 1857; Cahier, Caractéris-
tiques des saints, t. I, p. 33, pi.
chaussés de soleœ, uniformément vêtus, à
l'antique mode grecque, de la robe talaire
(/l'rw TToà'/io/;;) et du pallium {y.-jxzo/.r) drapé
d'une manière différente pour chaque figure.
Au milieu, saint Pierre, O A nGTPOC;
chevelure fournie, barbe taillée en rond. A
la droite du Prince des Apôtres, qui est im-
médiatement placé sous le Christ, saint
Jean l'Évangéliste, O A lûU 0 f-)GOAoruC,
front dégarni, barbe épaisse et pointue. Puis
vient saint Jacques le Majeur, 0 A L\KÛDs
frère du précédent, front couvert, longue
barbe. A gauche de saint Pierre apparaît
saint Paul, O A IIAVAUC, chauve, longue
barbe bifide. Enfin saint André, O A
AAAPGAC, chevelure et barbe élégamment
bouclées ('). Saint Pierre, saint Jacques
et saint André tiennent le volumen ; un
riche codex est l'attribut de saint Jean et
de saint Paul, fondateurs de la théologie
chrétienne. Un chapelet (astragale) court
sur la tranche des scabella ; saint Pierre
a un marche-pied spécial, les autres n'en
ont qu'un pour deux.
Un cordon de trèfles, alternativement
disposés en sens inverse, prolonge le ban-
deau médian; un motif analogue, mais en
feuilles de vigne, terminé et interrompu par
trois médaillons circulaires, décore les plin-
thes extrêmes. En bas, ces médaillons en-
cadrent une rose quadrilobée; en haut, des
bustes barbus dont les noms sont inscrits
sur la tranche : Jérémie, iGpGmIn Elie O A
HAIAC, Isaïe, ICAIAC. Saint Élie (') cor-
1. Les prescriptions du Guide de la peinture ne sont
pas exactement conformes à l'iconographie du triptyque:
« Saint Pierre, vieillard, barbe arrondie : saint Jean, vieil-
lard chauve, grande barbe peu épaisse ; saint Jacques,
jeune, barbe naissante ; saint Paul, chauve, barbe jonci-
forme ; saint André, vieillard, cheveux frisés, barbe bifide.»
Manuel, etc., p. 299 et 300. Tous nos personnages offrent
les caractères de l'âge mûr; aucun n'a le type véritable-
ment sénile, encore moins celui de la jeunesse.
2. L'Eglise grecque place au 20 juillet la fête de saint
Élie ; on devait ce jour-1^ s'abstenir d'œuvres serviles.
Saint Grégoire de Nazianze mentionne une église dédiée
i8
îReuiic De lart chrétien.
respond au Christ; Jérémie, au Précurseur;
Isaïe, à la Vierge.
Les faces des volets sont partagées en
trois registres d'inégales hauteurs; celui du
milieu n'est en réalité qu'un bandeau.
Volet droit, registre supérieur. Deux
saints guerriers debout, nimbés, longue barbe,
cuirasse imbriquée (^-?>io^!«o'-'), jaquette mili-
taire (campestre, iT£,oii;«aa),chlamyde rehaus-
sée d'un lattis clavus orlé de perles(ï"a°^'<'î')('),
bottes molles {zaïicha, z'^x-ffiy). Ces per-
sonnages tiennent la hasta d'une main ;
de l'autre, ils saisissent le fourreau d'une
spatJia, av:y.%, dont la curieuse garde est
recourbée en demi-cercle, les terminaisons
abaissées; un écusson fleuronné descend
entre les quillons. La figure la plus voisine
du Précurseur représente saint Théodore le
Général, 0 A 0EOA(JDP' O CTPATHAAT (y;) C,
martyrisé sous Licinius. Ses restes furent
transportés à Euchaïs, ville du Pont où il
était né, aussi le nomme-t-on encore Eti-
chaïti. Les Grecs l'honorent le 8 février et
le 8 juin; les Latins, le 7 février {^). Le
au prophète de Thesbé ; une autre fut construite par Ba-
sile I^"'. Les Latins honorent saint Elie à la même date
que les Orientaux. Baronius, Sacr. martyrol. Rom., p. 439,
in-4'', Cologne, 1610; Menai, grœc, t. III, p. 175, in-fol.,
Urbin, 1737.
1. Grand carré d'étoffe, cousu sur le manteau des per-
sonnages de rang élevé, à la hauteur de la poitrine. Son
usage paraît fort ancien : WÙy.nyliV tpopo-Jvrcov;i^XaaJ-
(îa; i/vj-ct.;, zy.ôlix poù^jxix. (Chron. Alexandr., Niima.)
Au IV'= siècle, le missorinm d'Almendralejo nous montre
Théodose, Honorius et Arcadius avec un racÀiov qui leur
couvre les genoux comme le grémial des évoques. (Nou-
veaux inél. d'archéoL, t. I, pi. VU.) Les anciens diptyques
offrent de fréquents exemples du talus clavus, mais il faut
recourir aux mosaïques et aux mkiiatures pour se rendre
un compte exact de cet ornement. A Ravenne, chez Jus-
tinien, il est brodé en métal, et appliqué sur une chlamyde
pourpre ; dans le costume de la suite impériale, au con-
traire, il se détache en pourpre unie sur un fond blanc.
Voy. encore Willemin, Monuin. ftanq. inéd., pi. XL,
Nicéphore Botaniate ; Labarte, Hisl. des arls ind., Album,
pi. LXXXII.
2. Afarlyr., cit., p. 1 i6..1/f?ïo/.,cit.,t.ll,p.i72,t.H l,p.i27;
Gori, loc. cit., p. 222;Panciroli, I lesorinascosti nell aima
citta di Roma, p. 906, (in-8°, Rome, 1600) dit que l'église
e Saint-Onuphre possède une relique du Stratélatès,dont
second guerrier, homonyme du précédent,
est saint Théodore Tyron,0 A GEOAÛQps 0
THPs. Soldat de la légion Tyronienne à
l'époque où Maximien, Galère et Maximin
Daza persécutaient les chrétiens, Théodore,
ayant incendié un temple d'idoles à Amasée,
fut jeté dans une fournaise ardente par
ordre du préfet Kringas. Selon la légende,
notre saint avait auparavant débarrassé le
territoire d' Euchaïs d'un énorme dragon.
Ce martyr est en grande vénération chez
les Grecs, qui célèbrent son anniversaire le
1 7 février; à l'aube du V^ siècle, le patri-
cien Sphoracios lui dédia une église à Cons-
tantinople : Justinien et Maurice la restau-
rèrent successivement. Les Latins fêtent
.saint Théodore Tyron le 9 novembre; il
a, à Rome, une église diaconale; on garde
de ses reliques à Saint-Onuphre. Le corps
serait en Asie, soit à Amasée, soit à Eu-
chaïs, ville dont Jean Zimiscès changea le
nom en Théodoropolis, après y avoir érigé
une vaste basilique sous le vocable du bien-
heureux, à l'intercession duquel ce prince
devait une éclatante victoire. Suivant Con-
stantin Porphyrogénète, la cité asiatique de
Dalisand possédait le bouclier de saint
Théodore (-).
le corps était à Héraclée du Pont. Le monastère de Saint-
Denys, au Mont Athos garderait la tête de saint Théo-
dore, d'après le médecin Jean Comnène. (Descript. du
Monl Athos, ap. Montfaucon, Palaogr. Crœca, p. 481.)
I. Martyr., p. 764; Menai, t. II, p. 196; Panciroli, ouv.
cit., p. 792 et go6; Procope, De œdificiis, I, 4; Codin, Ex-
cerpta de aiittq. C. P., p. 82, éd. de 15onn; Constantin
Porphyr., De tlieiiiat., 1. I. — L'image de Théodore Tyron
figurait avec celles des S.S. Démétrius et Procope sur
l'une des six bannières (sXâao'jy'.a) portées par paires
autour de l'empereur dans les grandes cérémonies (Codin,
De flffic. palatii C. P., c. vi) ; Ughelli (Italia sacra, t. 1 1,
p. 1025) relate, d'après une autorité contemporaine, que
le chef de saint Théodore fut apporté à Gacte en 12 10. —
Un grand émail byzantin sur cuivre, passé du cabinet
Pourtalès dans la collection liasilcwsky, représente saint
Théodore combattant le dragon. Cet émail a été figuré
par Labarte ( Rech. sur la peint, en ('mail et Hisl . des
arts indust.), mais la planche en couleurs du Catal. de la
coll. B'jsileii'sky est infiniment supérieure. — Un poids
anciens itjoires sculptés.
19
La zone médiane, limitée par des chan-
freins doubles, offre deux entrelacs circu-
laires inscrivant des bustes nimbés. D'abord
saint Thomas apôtre, O A (:)(D.VI», imberbe et
tenant un voiinnen; ensuite saint Mercure,
0 A MEPKî5Ps, légèrement barbu, armé de la
haste et vêtu de la chlamyde laticlave.
Officier dans l'armée romaine. Mercure, au
temps de Dèce et de Valérien, eut la tête
tranchée pour la Foi, à Césarée de Cappa-
doce; Grecs et Latins célèbrent sa fête le 25
novembre (').
Registre inférieur. Deux saints debout,
nimbés, chevelure épaisse, barbe pointue.
Leur costume identique se compose d'une
robe à larges manches et allant à mi-jam-
bes; d'une ample chlamyde laticlave, agra-
fée sur l'épaule droite par une fibule ronde;
de chaussures closes. La main gauche est
cachée sous le manteau ; ils tiennent dans
l'autre une croix pommetée à longue hampe,
appuyée contre la poitrine. Le premier,
saint Aréthas, O A APgHs, était un noble
éthiopien, massacré par les Arabes Home
rites sous le règne de Justin I^'' (=). Le
second, saint Eustrate,0 A gVClPAT% fut
brûlé en Arménie pendant la persécution
byzantin, de forme carrée, cuivre incruste d'argent
(a'Àt'rpa, i livre), au British Miisciim, représente deux
saints imberbes, en costume militaire ; d'un geste iden-
tique, ils dirigent la pointe de leur lance vers un monstre,
hybride de lîanthère et de dragon. (Revtte numism. nouv.
série, t. VI 11, pi. Il, fig. 4). Sabatier attribue le monument
au VI'' siècle ; peut-être serait-il moins ancien? Malgré
l'absence de barbe, je crois y reconnaître l'association des
deux Théodore, Stratélatès et Tyron. En effet, une pein-
ture grecciue du Xlll'- siècle, au Musée Chrétien du
Vatican, montre les mêmes saints, parfaitement désignés,
mais à cheval et se tenant embrassés.(D'Agincourt, Hisi.
de l'art, PEINTURE, pi. xc, fig i). Les types du GuiJe de
lapeinture diffèrent un peu des nôtres: « Stratélatès, jeune,
cheveux frisés, barbe jonciforme ; Théron, barbe, cheveux
descendant sur les oreilles » : Manuel, p. 321 et 322.
1. Martyr., p. 800 et Soi ; Menol., t. I, p. 212. «Saint
Thomas, jeune, barbe naissante ; Saint Mercure, id. »
Manuel, p. 300 et 322.
2. Saint Aréthas est fêté le 24 octobre en Orient et en
Occident. Martyr., p. 729. Meiiol., t. I, p. 139.
de Dioclétien et de Maximien; son corps
repose à Saint- Apollinaire de Rome; Orien-
taux et Occidentaux placent sa mémoire
au 13 décembre (').
Volei gauche, registre supérieur. Deux
guerriers vêtus et armés absolument comme
leurs symétriques du volet droit. Saint
Georges, 0 A J'H(DPn^ est imberbe ; une
courte barbe orne le menton de saint
Eustathe, 0 A evCTAGR Saint Georges, né
en Cappadoce, 011 il reçut la palme du
martyre en 284, avait le titre de contes ;
Grecs et Latins lui ont de longue date
voué un culte tout spécial, dont la manifes-
tation tombe le 23 avril. Le corps du
glorieux athlète de Jé.su.s-Christ fut trans-
porté à Constantinople ; saint Germain de
Paris, revenant de Jérusalem, traversa la
capitale de l'empire d'Orient et obtint de
Justinien un bras qui échut ensuite à
l'église de Saint-Vincent. A Rome, le
sanctuaire diaconal de Saint-Georses in
vclabro possède le chef de son patron,
retrouvé au Ville siècle par le pape
Zacharie (-), et diverses reliques : d'autres
églises de Rome en conservent éo-ale-
ment ('). Grégoire de Tours mentionne
les miracles opérés en Limousin et dans le
Maine par des reliques de saint Georges (-•).
Les actes de saint Annon, archevêque de
Cologne (1056- 1073), signalent un bras
1. Martyr., p. 837 ; Menol., t. Il, p. 26. Panciroli, ouv.
cit., p. 846. « Saint Eustratius, vieillard, barbe en pointe.»
Manuel, p. 325.
2. In venerabili itaque patriarchio sacratissimum beat!
Georgii martyris isdem sanctissimus papa in capsa recon-
ditum reperit caput, in quo et pictatium invenit pariter
litteris exaratum Grœcis, ipsum esse significantes. Oui
sanctissimus papa in venerabili diaconia ejus nomi-
nis, sita in hac Romana civitate, regione secunda, ad Vé-
lum Aureum, illud dcduci fecit; ubi immensa miracula et
bénéficia omnipotens Dcus ad laudem nominis sui per
eumdem sacratissimum martyrem operari ilignatur. Liber
pont if., 224.
3. Panciroli, ouv. cit., p. 874.
4. MiracuL, 1 I, c. loi.
20
lacune De l'art cljtcticn,
apporté dans cette ville ('). Dresser la liste
des édifices religieux placés sous le vocable
du guerrier cappadocien serait abusif, car
leur nombre est immense ; bornons-nous à
l'église construite à Mayence par l'archevê-
que Sidoine II (vers 546), monument qui
excita la verve poétique de Fortunat.
Mariyris egrcgiis pollens Diicat aula Georgi,
Cujus in hune imitidum spargitur altus honor;
Carcere, cœde,siti, vinclis,fame,frigore,flammis.
Confessas Chris tu m iluxit ad astra caput.
Qui virtute potens Oric7itis axe sepulius,
Ecce sub occiduo cardine prœbct opcni.
Ergo mémento preces et redderc votaviator,
Obtinet hic mentis guod petit aima fides.
Condidit Antistes Sidonius ista decenter,
Proficiant animœ quœ nova templa suœ (•).
Des Etats, des princes, d'insignes ordres
équestres, ont adopté saint Georges pour
protecteur. Le type légendaire, où il figure
en chevalier combattant le dragon devant
une jeune fille suppliante, n'est pas byzan-
tin: Jacques de Voragine l'aurait inventé
sans preuves historiques. Le compilateur
de la Légende dorée a-t-il voulu symboliser
une idée générale, la victoire des martyrs
sur le démon ? A-t-il confondu saint Geor-
ges avec saint Théodore Tyron.'* Les deux
opinions restent en présence (3).
1. Bock, Les trésors sacrés de Colog?!e, ne signale aucune
relique de saint Georges à l'église qui portait son nom avant
de devenir Saint-Jacques. Les dépouilles de cette église
ayant enrichi d'autres paroisses de Cologne, il se pourrait
que l'un des deu.x/>Vrtj anonymes deSaint-Cunibert (p.66ct
pl.xiv, 53)eût, auXIII'-'sièc!e,abritél'ossement en question.
2. Lib. II, Poemat., XI.
3. Martyr., p. 274 à 277; MenoL, t. III, p. 68 ; Du
Cange, Constant, christ., 1. IV, p. 162 et 124 : Hugues de
Campdavesne, comte de Saint- Pol, fut inhumé dans le mo-
nastère de Saint-Georges fondé par Monomaque; plus tard
on transporta le corps à l'abbaye de Cercamps, en Artois.
Procope, De ^Edif., II, 4. — Dès une époque reculée, le
combat du guerrier contre le serpent symbolisa la victoire
du christianisme; Eusèbe, Constantini vita, III, 3, men-
tionne une effigie de son héros perçant le dragon à coups
de lance et le jetant à la mer. Nicéphore Grégoras {Hist.,
V'III, 5), postérieur d'un siècle environ à Jacques de
Voragine, signale une effigie équestre de saint Georges
peinte jadis, "à/ai, par un excellent artiste nommé Paul ;
mais rien du reptile ni de la jeune vierge éplorée. — Le
type de saint Georges est fixé par le Guide tel que nous
l'avons ici : «Jeune imberbe. » Manuel, p. 321.
La popularité de saint Eustathe est
beaucoup moindre. Martyrisé à Ancyre
(Galatie), ses restes y furent déposés; il
avait un sanctuaire à Constantinople. Fêtes
grecque et latine le 28 juillet (').
Zone médiane. Bustes imberbes et nim-
bés, épaules couvertes du pallmin. L'apô-
tre saint Philippe, 0 A 'WAIIUIOC. tient un
volumen ; saint Pantélémon, ou Pantaléon,
0 A nAI\T g A (eyjfXMv), a pour attributs une
lancette et une trousse de chirurgien ; peut
être un scalpel, ou bien une spatule avec
un coffret à médicaments (-). Saint Panté-
lémon, à!\\.\& Ménologe, né à Nicomédie d'un
père païen et d'une mère chrétienne, em-
brassa la profession de médecin. Son maître
en l'art de guérir fut le savant Euphrosinos;
le prêtre Hermolaos lui enseigna la doctrine
du Christ et l'admit au baptême. Dénoncé
à l'empereur Maximien, Pantélémon eut la
tête tranchée après avoir subi la torture (').
Le médecin de Nicomédie compte au
nombre des saints que l'Église orientale
appelle anargyres, sans doute parce que le
mépris des richesse les portait à se mettre
au service de l'humanité avec un désinté-
ressement absolu (^).
1. Martyr., p. 507; Menai., t. III, p. 184; Constant.
christ., I. IV, p. 123.
2. Le cas est douteux ici, vu l'exiguité de l'image. Sur
un diptyque d'argent, au Baptistère de Florence, la spatule
est bien caractérisée ; le saint tient une boite cubique
ouverte, dont l'intérieur offie six compartiments ronds
(Gori, ouv. cité, t. III, Suppl., pl. IV; X'' ou X^' siècle). Une
peinture assez récente du couvent de Rûssicon(Mont Athos)
me montre un scalpel — Didron dit une spatule — et un
coffret à médicaments. Ann.archéol., t. \', pl. à la p. 148.
3. T. III, p. 183.
4. Didron, Manuel, p. 330. — L'initiateur de Pantélé.
mon aux dogmes chrétiens, saint Hermolaos, figure aussi
parmi les .'\nargyres (Jean Comnène, loc. cit., p. 481).
Les Allemands, qui nomment ces personnages Nothhelfer
(auxiliatorcs, libérateurs, sauveurs), en admettent 14, grou-
pés deux h deux sur les gravures de Joseph et Jean Klauber,
d'Augsbourg : SS. Georges et Eustache, SS. \'it et Chris-
tophe, SS. (jilles et Cyriaque, SS. Érasme et Biaise, SS.
Pantélémon et Acace, S. Denys (de Paris) et sainte
Marguerite, sainte Catherine et sainte Barbe. Leurs fêtes
spéciales sont indiquées dans plusieurs bréviaires et
missels du XVI" s\hQ\^.Q3!i\\^x,Caractérisliques des Saints,
t. i, p. 102.
anciens itioircs sculptés
21
Bien que le nom contracté de Pantélémon
ait reçu en Occident des applications singu-
lièrement profanes, notre saint, dont Grecs
et Latins célèbrent l'anniversaire !e 27 juil-
let, n'en jouit pas moins d'une grande
réputation. Son corps reposa dans l'ora-
toire de la Concorde (Ouôvcua) à Constanti-
nople. Vers les premières années du
IX" siècle, Lyon vit arriver d'Afrique quel-
ques ossements du martyr ; l'archevêque
Agobard chanta cet événement dans une
pièce de vers adressée à Charlemagne (').
Rome possède de nombreuses reliques
de saint Pantélémon. A Constantinople,
Justinien lui avait érigé deux sanctuaires ;
on en trouve également deux dans la Ville
éternelle. Une abbaye de Bénédictins à
Cologne, un monastère d'Augustines à
Toulouse, une église de Troyes, portent ou
ont porté le vocable de Saint-Pantaléon (-).
L'iconographie byzantine s'est fréquemment
complue à reproduire l'image de ce bien-
heureux (3).
Les personnages en pied du registre
inférieur, saint Démétrius,0 A AHMHTPIOC, et
saint Procope, 0 A IIPOKOIIIOC, sont imber-
bes, nimbés, et ils portent le même costume
que leurs correspondants du volet droit,
1. Sperati quoque martyris beati,
Necnon Pantaleonis ossa raptim
ToUunt ciincta simul.
Bibl. vet. Patrum, t. XIV, p. 328 et 329.
2. Martyr., p. 505 ; Procope, De /Edif., I, 9, V, 9 ;
Du Cange, Constant, christ., 1. IV, p. 157; Panciroli, ouv.
cité, p. 644, 646, 893; Gallia christ. — Il y a, au Mont
Athos, plusieurs reliques de saint Pantélémon; le couvent
de Docheiaréion garde sa tête. Jean Comnène, loc. cit.,
p. 481 et 491.
3. Le sceau du protonotaire Constantin (X'= siècle)
donne pour attribut à saint Pantélémon un objet carré,
vraisemblablement les tablettes sur lesquelles il inscrivait
ses ordonnances. G. Schlumberger, Sceaux de plomb iné-
dits des fonctio}i. provinc, ap. Rev. archéol ., ]vivci 1883,
pi. X, fig. 2. — Les prescriptions du Guide concordent
avec nos types, du moins en ce qui regarde saint Pantélé-
mon : « jeime, imberbe, cheveux frisés. » Pour saint
Philijjpe, bien qu'il doive être représenté jeune, Denys lui
attribue une barbe naissante dont l'ivoire n'oftrc aucune
trace. Manuel, p. 330 et 300.
seulement la robe est talaire et les chlamydes
offrent des variantes de drapé; saint Démé-
trius lève sa main gauche découverte : iden-
tité complète entre les croix et la façon de
les tenir.
Deux Démétrius martyrs sont invoqués
chez les Grecs; le premier, décapité à Dabu-
dène, figure au Ménologe à la date du 1 5 no-
vembre ; il y est représenté barbu ('). Le
second, proconsul à Thessalonique, fut mis
à mort sous Maximien. La miniature du
Ménologe, au 26 octobre, montrant cet autre
Démétrius imberbe et vêtu absolument
comme l'effigie du triptyque, aucun doute
n'est permis ; nous avons ici le magistrat de
Thessalonique (=). Son corps y reposait ;
une église qui lui était dédiée à Constanti-
nople fut restaurée par Basile I^"" ; un mo-
nastère de la môme ville portait aussi le
vocable de saint Démétrius. Les Latins
honorent ce martyr le 8 octobre, mais il ne
semble pas que ses reliques aient pénétré en
Occident {^).
Saint Procope, fêté le 8 juillet chez les
Grecs et les Latins, est encore une victime
des persécutions qui ensanglantèrent la fin
du 1 1 1" siècle; le Ménologe le qualifie de Aoj^
(dux) et lui attribue des succès militaires.
Une croix d'or commandée à un orfèvre de
Scythopolis, puis arborée ostensiblement,
causa la perte de saint Procope ; il fut dé-
capité à Césarée. Deux anciennes églises de
Constantinople lui étaient consacrées, mais
son culte, très en faveur parmi les Grecs,
n'occupe en Occident qu'un rang tout à f lit
secondaire (■•).
Comme disposition, le revers des volets
1. T. I, p. 190.
2. Ibid., p. 143.
3. Martyr., p. 687; Cedrenus, p. 588 ; Constant, christ.,
1. IV, p. 122.
4. Martyr., p. 459. McnoL, t. III, p. 158. Le Guide
attribue des moustaches à saint Démétrius ; saint Procope
y est désigné comme imberbe : tous deux sont qualifiés
de militaires. Manuel, p. 321.
1885. — 1 '^ Livraison
22
iRctiuc De r3rt cbtéticn.
ne diffère en rien de la face : deux grands
registres et une zone intermédiaire.
Volet droit, registre supérieur. Deux
figures debout, nimbées et barbues. Leur
costume est épiscopal : robe talaire, pcenula
((paivsÀ/;;); étole (^tm-^v.yfX^vj) chargée de
croix; sandales. Ces personnages bénis-
sent de la main droite à la manière grecque ;
la main gauche tient un codex. Dans le plus
voisin du panneau central, on reconnaît saint
Basile le Grand, 0 A BACIAG lOC, métropoli-
tain de Cappadoce ; il a une chevelure épaisse
et les apparences de l'âge mûr. L'autre, vieil-
lard au front chauve, est saint Grégoire de
Nazianze, l'illustre écrivain, 0 A TPHrOPIOC
0 ©EOAOrOC. Basile et Grégoire occupent un
rang élevé entre les Pères de l'Église grec-
que. Le premier fut inhumé à Césarée ; sa
tête et plusieurs reliques notables sont à
Rome, où une église lui est consacrée. Fête
au i" janvier chez les Grecs et les Latins (').
Le corps du second est à Saint-Pierre du
Vatican : dans Rome encore, un bras, quel-
ques ossements, un morceau de tunique (-).
Bandeau intermédiaire. Bustes nimbés,
même costume, mêmes attributs, même atti-
tude que les figures précédentes: saint Pho-
cas, 0 A «|)ÛDtAC; saint Biaise, 0 A BAACIOC.
Saint Phocas, évêque de Sinope, fut déca-
pité sous Trajan, après quoi on livra son
corps aux flammes ; une église de Constan-
tinople lui était dédiée. Les Grecs célèbrent
trois commémorations du martyr : les 6 et
23 juillet, le 22 septembre ; les Latins, une
seule, le 14 juillet (^). Saint Biaise, évêque
1. Martyr., p. lo. McnoL, t. II, p. 75. Panciroli, ouv.
cité, p. 238 et 848.
2. Martyr., p. 319. MenoL, t. II, p. 136. Panciroli, ouv.
citd, p. 878. La fête de saint Grégoire tombe le 25 janvier
cBez les Orecs ; le 9 mai, chez les Latins. — Manuel,
p. 316 : «Saint Basile, jurande barbe, %ieux ; saint Grégoire
de Nazianze, vieillard chauve, large barbe. )>
3. Menot., t. I, p. 60; t. III, p. 156 et 177. Const.
christ., 1. IV, p. 133. Martyr., p. 475. Grégoire de
Tours {Mirac., 1. I, c. 99) mentionne un saint Focas
de Sébaste, mourut pour le Christ au
temps de Licinius; il n'eut qu'une église
à Constantinople, mais Rome lui en consacra
huit, dont San-Biagio deir Anello, pourvue
par Sixte Quint d'un titre cardinalice. Le
corps de saint Biaise serait en Arménie, mais
la capitale du monde chrétien possède
un grand nombre de ses reliques. Fête
grecque, le 1 1 février ; fête latine, le 3 (').
Registre inférieur. Personnages debout,
barbus, nimbés, différemment vêtus. Saint
Nicolas, OAINIKOAs, porte le costume épis-
copal décrit plus haut ; il tient un codex à
deux mains ; son front est dégarni. L'un des
.saints populaires du monde chrétien, Ni-
colas, évêque de Myre (Lycie), est devenu
le patron des jeunes garçons, et, conjointe-
ment avec saint André, le protecteur attitré
de l'Empire russe. Trois sanctuaires de
Constantinople furent dédiés à saint Nicolas;
deux remontaient à Justinien et à Basile I^r;
à Rome, sept églises, dont une diaconale,
San Nicolo in Carcere, témoignent de l'im-
mense dévotion dont il est l'objet. Le corps
du vénérable confesseur a été transporté à
Bari (Pouille) en 1087 ; une insigne Collé-
giale le garde précieusement, et il y attire la
foule des pèlerins. La Ville éternelle pos-
sède plusieurs reliques majeures et mineures
de saint Nicolas ; sa fête tombe le 6 dé-
cembre chez les Grecs et les Latins ; en
martyr, dont le corps reposait en Syrie. — Le triptyque
donne une longue barbe pointue à saint Phocas, dont le
Guide ne parle pas.
I. Menol., t. II, p. 179 ; Martyr., p. 107; Const. christ.
1. IV, p. 120. Panciroli, ouv. cité, p. 245 à 250, 849. —
Le culte de saint Biaise s'étendit au Nord, où deux
abbayes portaient son nom ; l'une, in Silva Nigra
(Constance), l'autre, à Northeim (Maycnce). Le trésor
de la cathédrale de Namur possède une très belle
statuette de saint Biaise, en argent ; il est revêtu du
costume épiscopal, et il a pour attribut un rasicllus ou
liarpago, instrument de son supplice. — Sur le triptyque,
saint Biaise est d'un âge mur, chevelure épaisse, barbe
arrondie ; je trouve dans le Guide : « Saint Biaise
de .Sébaste, vieillard, barbe en pointe, cheveux frisés. »
Matiuel, p. 319.
anciens iijoircs sculptés.
23
outre, ces derniers célèbrent le 9 mai l'anni-
versaire de la translation à Bari. Notre
sculpture est une reproduction serrée du
type suivi au X^-XI"" siècle par les illustra-
teurs du Ménologe, manuscrit auquel je
renvoie si fréquemment, et dont l'exécution
date du règne de Basile 1 1. Le saint Nicolas
byzantin, figuré sur la couverture en ivoire
du Missel de saint Burchard, à la biblio-
thèque de l'université de Wurtzbourg
(Bavière), donne une note différente, mais
on y remarque aussi la barbe ronde et le
front chauve, également indiqués par le
Guide de la peinhire ; une grande plaque
d'émail champlevé, fond bleu, annexée au
ciboriuin de la collégiale de Bari, montre
saint Nicolas couronnant le roi Roger. Les
personnages sont byzantins d'attitude et de
costume, néanmoins l'œuvre dénonce la
main d'un artiste septentrional, peut-être
limousin, sans doute plutôt allemand, qui
travailla, au XI IL siècle, dans le sud de
l'Italie : à Bari, quoique le menton soit im-
berbe, la calvitie du crâne s'accentue vigou-
reusement. L'émailleur limousin qui, vers la
fin du XI I^ siècle, exécuta la châsse de saint
Etienne de Muret pour l'abbaye de Grand-
mont, a représenté saint Nicolas dans des
conditions analogues à celles de Wurtz-
bourg : main droite libre, codex dans la
gauche, antique costume épiscopal modifié
selon les usages latins. La tête barbue est
garnie de cheveux épais recouvrant le front ;
au sommet du crâne, une large tonsure (').
Saint Sévérien, 0 A CGVHPIANOC. Robe
talaire à largesmanches, serrée à la taille par
une ceinture ; chlamyde rejetée en arrière ;
I. Martyr., p. 321 et 821. Menai., t. II, p. 12. Cottst.
christ., 1. IV, p. 130. Panciroli, ouv. cité, p. 629 et sq. 89,
Rev. de Part chrét.. Juillet 1S83, p. 284. Le Moyen Age et
la Renaissance, Diptyques, etc., pi. i. Becker et Hcfner,
Kunst-werke des Miltclalters, pi. I. Schulz, Detikmaeler
der Kunst des Mittelalters in tinter Italien, Atlas, pi. v.
Les arts sontptiiaires, t. I, pi. LXIX. Manuel, p. 316.
croix dans la main droite ; chevelure abon-
dante ; longue barbe bifide. Le Ménologe
enregistre trois Severianus; le Martyrologe
roniaiJi, cinq. Ici nous avons très vraisem-
blablement un compagnon de saint Agatho-
nicos, décapité à Sélymbrie, sous Maximien.
En effet, sur la réplique, citée plus haut, de
l'ivoire Harbaville au Vatican, un saint Seve-
rianus, absolument vêtu comme le nôtre,
correspond à saint Agathonicos. Mémoire
au 22 août chez les Grecs et les Latins (').
Volet gauc/ie, registre supérieur. Deux
saints nimbés, barbus ; costume épiscopal ;
codex. Saint Jean Chrysostome, O A ICQ O XP,
bénit.Sa notoriété est trop considérable pour
qu'il soit besoin d'esquisser les principaux
traits d'une biographie répandue ; mais cette
tête au front large et dégarni, cette physio-
nomie d'une grave maturité sous un accent
d'ineffable douceur, cette barbe taillée en
rond, pourraient bien nous offrir, sinon le
portrait authentique du célèbre patriarche
de Constantinople, du moins son image ap-
proximative avant que des générations de
copistes ne l'eussent entièrement dénaturée.
Une grande peinture du manuscrit 79, fonds
Coislin, de la Bibliothèque nationale, à
Paris, donne à saint Jean Chrysostome un
aspect tout à fait ascétique ; les cheveux et
la barbe sont bien à peu près tels que sur le
triptyque, mais l'air de jeunesse, le nez
busqué, la face amaigrie de la miniature,
s'écartent beaucoup du type plus mûr et
plus substantiel de l'ivoire. Le manuscrit de
Paris date de la seconde moitié duXIf^siècle;
avançons encore. L'effigie de la réplique du
Vatican est chevelue, la barbe s'y aiguise
légèrement en pointe, et, si les planches de
Gori ne m'inspiraient pas une confiance
très limitée, je soupçonnerais que le carac-
I. Menol., t. III, p. 211. Martyr., If. 576. Gori, Thés,
vet. diptych., t. 111, pi. xxv. — Le Guide ne mentionne
que saint Agathonicos dont le signalement ditlcre beau-
coup de celui de notre Severianus. Manuel, p. 324.
24
ïRciJUC Dc rsrt cï)rcticn.
tère général du personnage incline médio-
crement vers la mansuétude. Enfin le saint
Jean Chrysostome du Guide est ainsi défini:
« jeune, peu de barbe » ('). Désaccord
complet.
Saint Clément, évêque d'Ancyre, O A
KAHMEIC Al'KVPAC, fut décapité dans sa
ville épiscopale, sous le règne de Maximien,
après avoir été successivement traîné à
Rome, Nicomédie, Amisus et Tarse; d'où
le surnom de TroX-JaGXo; qu'on lui attribue.
Fête le 23 janvier chez les Grecs comme
chez les Latins (^).
Zone intermédiaire. Bustes nimbés de
deux saints anai'gyres par excellence :Cosme,
0 A ROCMs; Damien, 0 A AAMIAANs (sic).
Drapés dans un palliinn, ils ont les mêmes
caractéristiques que saint Pantélémon ; leur
physionomie accuse l'âge mûr, leur che-
velure est crépue, leur barbe est courte
et arrondie. A trois reprises différentes
(17 octobre, i" novembre, i" juillet), le
Ménologe enregistre une o-jvuyîa de Cosme et
Damien, asiatiques de naissance, ayant à
peu près la même filiation, et toujours prati-
quant l'art de guérir : la date de leur martyre
est placée à la fin du 111*= siècle. Les Latins
réduisent cette triple association à une
seule, dont l'anniversaire tombe le 27 sep-
tembre. La grande coupole en mosaïque de
Saint-Georges, à Thessalonique (V'' ou
VI'' siècle), comporte entre autres les figures
pédestres des saints Cosme et Damien
qualifiés de médecins, KOCMOV lATPOV,
1. Gori, loc. cit., pi. XXV. Manuel,^, ■^là. Une peinture
grecque du XI 11'= siccle, jadis à l'abbaye de Sainte-
Génevicve de Paris, donne à saint Jean Chrysostome les
mêmes traits, mais non le même costume que le triptyque
Harbavillc : un rjx/.y.o;, en stauracin au lieu de la pénule.
Acta SS., Sept., t. IV, p. 693; Mai, t. I, p. LXI. Cons^.
christ. 1. IV, p. 120, fig. 9. — Au Mont Athos, les reliques
suivantes du saint : Grande Laure et Saint- Denys, une
main dans chaque; Vatopédi, la tête. Jean Comnène, loc.
cit., pp. 456, 478, 464.
2. Mcnol., t II, p. 133. ytartyr., p. 73.
AAMIANOV lATPOV. Cosme a la barbe et les
cheveux blancs ; Damien est jeune et im-
berbe. Le Gidde admet naturellement les
trois couples du Ménologe et il les distingue
ainsi : « Cosme et Damien de Rome,jeunes,
barbe en pointe; — d'Asie Mineure, jeunes
et imberbes ; — Arabes, peu de barbe, tête
voilée. » Selon toute vraisemblance, notre
sculpteur a visé les personnages qualifiés
de Romains par l'écrivain du XV" siècle.
Malgré l'obscurité qui semble couvrir
l'origine des deux associés, leur culte re-
monte très haut et parait établi sur des tra-
ditions solides. Ils eurent deux sanctuaires
à Constantinople, le plus ancien élevé par
Théodose 1 1 ; à Rome, outre le vieux titre
diaconal du Campa Vaccino, les saints
Cosme et Damien ont encore imposé leur
nom à deux églises. Les corps et de nom-
breuses reliques à.ç.?,Ajiargyrcs sont vénérés
dans la cité pontificale ; \ç.ux?, sacra pignora
avaient même pénétré à Tours dès le
VP siècle. (■)
Registre inférieur. D'abord un pontife
nimbé, vieillard chauve à barbe courte et
arrondie. Saint Grégoire le Thaumaturge,
O A rPerOPI 0 ©AVMATs, évêque de Néocé-
sarée (Pont), célèbre par ses éclatants mi-
racles, vécut au milieu du 1 1 V siècle ; il
échappa aux bourreaux et, tant chez les
Orientaux que chez les Occidentaux, on
l'honore le 17 novembre en qualité de con-
I. MettoL, t. I, p. 124 et 157 ; III, 147. Martyr., p.664.
Texier, L'architecture byzantine, pi. xxxni. Manuel,
p. 330. Procope, De .^£dif., I, 6. Constant, christ., IV,
p. 121 et 122. Panciroli, ouv. cité, p. 278 à 292 et 855.
Grégoire de Tours, Hist. Franc., X, i et 19 ; Mirac, \,
98. — Une bague byzantine en or, de l'ancienne collection
B. Fillon, porte sur son chaton à facettes la légende :
ArU)(0 ROCMA kAl AAMIIANg 130llfc)(o)I,
entourant un monogramme où M. G. Schlumberger a
déchiffré TPV'l'CDNOC.Le savant byzantiniste croit pou-
voir attribuer au VI" siècle ce monument de la piété de
Tryphon envers les saintsAnargyres. Btilkt. de la Soc.dcs
Aniit]. de France, 1SS2, p. 135, fig. Catal. delà coll. Fillon,
p. 34, n" 39.
O
>
anciens itioitcs sculptés
25
fesseur: ses restes furent inhumés à Néocé-
sarée. Lors du tremblement de terre qui
ravagea cette ville en 503, l'église {•■/m;), où
se trouvait la châsse (Sr/.y,) du bienheureux,
échappa au désastre (').
En dernière ligne vient saint Jacques le
Persan, 0 A IAKÛDBOC O nePCHC. Symé-
trique à saint Sévérien, il a le même costume
et la même attitude que ce dernier: comme
lui, il tient une croix serrée contre la poitrine,
et samaingauche s'ouvre la paumeendehors.
he/ac/es du personnage est étranger, il n'a
rien de commun avecles types gréco-romains
figurés sur le reste du triptyque. Que l'on
examine cette physionomie mélancolique, ce
regard terne, ces cheveux bouclés, enca-
drant le visage et partagés sur un front bas,
ces longues moustaches, cette barbe claire
et bifide . tout caractérise la race slave. Le
saint Jacques de Perse, O A IAKOBAi
nEP:i;n,copiéparDominiquePapety sur une
fresque peu ancienne du couvent à' Ag/im
Lavra (Mont Athos), est également em-
preint du cachet slave qu'accentuent encore
certains détails du costume, tels que la coif-
fure et les bottes molles. Le laconisme
ordinaire du Guide se borne aux termes
vagues « jeune, barbe bifide », mais les mo-
nunlents viennent affirmer que, n'importe
l'habillement, les artistes byzantins em-
pruntèrent toujours à un modèle slave les
traits du grand seigneur perse, qui, après
avoir apostasie, retourna au christianisme
et fut coupé en morceaux par ordre d'Iez-
degherd I", au commencement du V^*" siècle.
Fête le 27 novembre dans les deux rites (").
1. Martyr., p. 7S0. MenoL, t. I, p. 194. Cedrenus, t. I,
p. 358. — Signalement du Guide : « Vieillard, cheveux
frisés, barbe courte. » Manuel, p. 318.
2. Les arts sompt., t. I, pi. Lvni ; t. II, p. 76 : cette
copie est au Louvre. N icépliore Calliste, Hist. eccles., XIV,
20. Meno/., t. I, p. 215. Martyr., p. 803. Manne/, p. 322.
— La reproduction du Ménologe me semble trop fantai-
siste pour que j'invoque son témoignage au sujet du type
de saint Jacques le Persan.
Au centre du revers du panneau central,
surgit une croix à longue hampe, légère-
ment pattée, perlée aux angles saillants et
rehaussée tant aux extrémités qu'au cœur,de
cinq fleurs polypétales qui diffèrent essen-
tiellement de la rose vulgaire. La renoncule
double .s'y montre d'autant plus reconnais-
sable qu'un ornement du même genre est
signalé, dans une église de Rome, sous le
pontificat de Léon IV (847-855) ('). Deux
cyprès accostent l'Instrument du Salut ; la
pointe recourbée de leurs cimes s'incline
vers la renoncule médiane. Un cep de vigne
chargé de raisins enveloppe l'arbre de
droite ; un lierre, caractérisé par son feuil-
lage et ses baies, grimpe autour de celui de
rauche. Au bas, on distinç^ue des arbustes
où nichent des oiseaux, des plantes, des
fruits, des fleurs, une touffe de roseaux ; un
lion repose dans le creux d'un tronc ; un
autre lion guette un lièvre tapi sous les buis-
sons. L'inscription en saillie, IC XC MK.A,
flanque la tête de lacroi.x; au-dessus, un
quinconce de cinq lignes d'asters à six pé-
tales amygdaliformes (oie/les).
L'idée fondamentale du tableau s'expli-
querait au besoin par l'inscription seule : le
triomphe de la croix ; mais la manière dont
cette idée est ici rendue, le galbe du motif
principal et les accessoires qui l'accompa-
gnent, exigent un commentaire développé.
Nos asters sont de véritables étoiles, non
des fleurettes. L'art païen de la décadence
couronne l'image du soleil de rayons amyg-
daliformes, et, au IV" siècle, les verriers
chrétiens cerclent la tête du Christ d'un
I. Et in pergula quje est ante altare suspendit
lilium de argento habens mala de crystallo, et ranuncu-
lum. Liber pontif. n" 527. La virgule, rétablie après cry-
stallo, n'existe pas dans l'édition M igné, mais, le lis étant
mentionné seul au n" 5 28, il me semble qu'on doit con-
clure à la mention de deux fleurs distinctes. J'ignore sur
ce point le sentiment de mon très crudit confrère, M.
l'abbé Duchesne, et je me permets de lui signaler la diffi-
culté.
26
Eeuuc ne l'3rt cïjrcticn.
pareil insigne encore mieux accusé ('). Le
type de notre croix remonte pour le moins
au IV"" siècle; elle est empreinte sur les
monnaies impériales depuis Arcadius jus-
qu'à Justinien II (^). On la rencontre, au V*^
siècle sur l'autel du tombeau de Galla
Placidia, à Ravenne; au VI", sur les
mosaïques byzantines de la même ville
et sur la croix de Justin, au trésor du
Vatican (') : \ eruolpium de la collec-
tion Dzyalinska, à Paris, le reliquaire ç.
dé la Vraie Croix, à Tournai, sont |
établis sur un modèle analogue (*). [^
Toutefois l'un des anciens exemples du
genre, que les proportions relatives
de sa membrure assimilent davantage
à notre objectif, est fourni par une
patène d'argent de la collection Gré-
goire Stroganov, en Russie. La croix,
accostée de deux anges debout dans
l'attitude de l'adoration, repose sur un
disque semé d'étoiles; au bas, quatre
fleuves coulant à travers une prairie
1. Duruy, Hist. des Romains, nouv. éd., t. VII, p. 49,
52, 53. lîg. Garrucci, Pitture veteri, pi. MDCCXIII. Gaz.
archéoL, 1877, p. 83, pi. vill.
2. Voy. Sabatier, Monnaies hyzant.,X. I,pl. iv, 10 ; pi. v
àviii, XXVI et xxix, pass. ; t. II, pi. xxxv et xxxvui.
3. Rohault de Fleury, La Messe, Autels, pi. xxxi.
Ciampini, Vetera vionimenta, t. I, pi. LXV. Bock, Kleino-
dien, pi. XX, fig. 27. Annales archéol., t. XXV et XXVI, pi.
4. Voy. Les Expositions rctrosp. en 18S0, p. 17g et sq.,
pi. VIII, fig. 2. Quant au reliquaire de Tournai, un clichd,
enraciné chez les Belges et un peu aussi en France, lui
attribue une origine mérovingienne. A deu.x reprises, j'ai
fait le voyage de Tournai pour étudier la pièce, on l'a
dessinée et photographiée à mon intention,aussi me crois-
je le droit de rectifier des appréciations passablement
hasardeuses. L'objet, boîte en épaisses lames d'or, a la
forme d'une croix pattée, haute de o'"i4, large de o'"ii5,
non compris le chapelet de grosses perles qui prolonge
l'intégralité du contour ; des perles plus grosses encore,
surgissent à tous les angles saillants ou rentrants. La tête
mesure o"'047 ; les bras, o'"o4i ; la tige, o"'o67. Les deux
faces sont pavées de pierres précieuses multicolores, car-
rées ou arrondies. A lacroisée,d'uncpart un disque d'émail
cloisonné, addition postérieure ; de l'autre, une relique que
garantit un cristal. Le couvercle, emboîté à frottement,
est maintenu par deux goupilles horizontales. A l'intérieur
de la caisse, une cloison étanche suit les parois h la dis-
tance de o'"oo7 ; en outre, à chaque extrémité des bras,
d'autres cloisons déterminent une croisette. Il serait pos-
sible que cette caisse, en dehors de morceaux du Bois
indiquent que la scène se passe dans le Para-
dis Terrestre. Notre illustre maître, M. G. B.
de' Rossi, attribue la patène Stroganov à
l'orfèvrerie byzantine du \TI'' siècle : per-
sonne ne le démentira ('). Deux camées.
Gr~P
G
i?
1 2
I. Croix de l'autel du tombeau de Galla Placidia (d'après Roliault de Fleury).
z. Croix de la patène Stroganov (d'après de 'Rossi).
Sacré motivés par les croisettes, ait renfermé une seconde
croix métallique à l'instar de \cncolpiiim Dzyalinska,
mais je n'oserais le garantir. Assez récemment, une douille
a été introduite dans la tige ; un anneau de suspension
muni de chaînettes a couronné la tête : donc, en dernier
lieu, l'objet se fichait sur un pied quand on ne le portait
pas au cou. Néanmoins je ne serais pas éloigné de penser
que la douille moderne en a remplacé une plus ancienne,
qui s'emmanchait dans une courte hampe. Quoi qu'on ait
dit, le reliquaire de Tournai ne saurait être autre chose
qu'un antique spécimen des croix de bénédiction toujours
usitées chez les Orientaux. Sans manche, nous en trouvons
un original dans la croix dejustin ; une copie, sur les mo-
saïques de Saint- Vital, à Ravenne (fig. de l'évêque Maxi-
mianus).Avec manche, nous aurions les croix de bénédic-
tion du triptyque de la Minerve (Gori, ouv. cité, t. III,
pi. xxvi), prototypes des insignes en bois sculpté garni
de métal, qui proviennent du Mont Athos (Gori, ouv. cité
t. III, suppl., pi. IV ; Bayet, L'art byzantin, p. 273, fig. 8g;
Mitthcilungen der /•. k. central-Comin., t. VI, p. 149, fig. 2).
Rien ici de mérovingien ; forme générale, décor de perles
et de pierreries, sertissure, tout est byzantin sur le reli-
quaire de Tournai.Aux monuments déjà cités en faveur de
ma thèse j'ajouterai les hiérothèques de Constantin, au
\'atican, et de Limbourg-sur-Ia-Lahn (Bock, Kleinodien,
pi. XX, fig. 28 ; aus' m Weerth, Dos Sie^eskretiz). A mon
avis, le reliquaire de Tournai doit être une épave, restée
inconnue, du sac de Constantinople en 1204.
I. Btillet. ifarchéot. chrét., 1871, p. 162, pi. IX, fig. i;
Orig. de Porfcvr. cloisonnée, t. II, p. 364, fig.
anciens itioircs isculptég.
27
aussi byzantins, reproduisent le même sujet;
seulement, le disque n'est pas placé sous la
croix, il la surmonte et il encadre un buste du
Christ. L'une de ces pierres est au Cabinet
des médailles de Paris (') ; l'autre a été dé-
couverte par M. G. Filimonov sur un calice
de la cathédrale, dite de l'Assomption, à
Moscou : on y lit distinctement : CKÇnH
APONTIOV (protection de Léonce) {').
Evidemment l'auteur du triptyque a
exécuté une variante du thème ci-dessus.
En haut, le firmament semé d'étoiles ; en
bas, des animaux, des végétaux, des plantes
aquatiques qui sous-entendent la présence
des fleuves sacrés : un tel ensemble carac-
térise assez convenablement l'Éden pour
qu'il n'y ait pas à s'y méprendre. Mais
pourquoi deux cyprès inclinés remplacent-
ils sur l'ivoire les anges de la patène et des
camées ? Que signifie une pareille substi-
tution ? Quel symbolisme l'inspira ?
Le cyprès et le cèdre furent toujours en
vénération chez les Orientaux ; le premier
ombrage encore aujourd'hui leurs cimetières.
La Bible offre plusieurs comparaisons tirées
du cyprès et du cèdre (^). Les anciens
Perses ont sculpté le cyprès associé au
àaofna sacré sur la rampe du grand escalier
de Persépolis ; ils plantaient un de ces coni-
fères pyramidaux au centre des paradis
ou jardins des résidences royales (■'). Au
point de vue chrétien, la Préface delà Pas-
sion du missel romain s'exprime ainsi :
1 . Chabouillet, Catalogue, n" 261 . Ce camée est ané-
pigraphe.
2. Moniteur de la Soc. de Part antique russe, 1874,
p. 60. Bull, darch. chrét., 1875, pi. X, fig. 2 ; 1876, p. 76.
3. Cant. catitic, V, 15. Ecclesiastic, XXIV, 17 ; L, 11.
4. Flandin et Costa, Voy. en Perse, pi. .\cvni. —
Les paradis orientaux sont mentionnés clans plusieurs
ouvrages de Xénophon, dans le livre d'Esther, I, 5, et par
Ndliifmie, II, 8. Relativement au cyprès, voy. Al. de
Humbold, Cosmos, trad. franc., t. II, p. 113; Lajard,
Méin. de VAcad. des Inscr., nouv. sdrie, t. XX, part. 2,
p. 129 et sq. ; Tuch, Comment, uehcr die Genesis, 2' édit.,
p. 53 et sq.
Detis qui salutem humani generis in ligno
crucis constitîiisti, tit nnde mors oriebatur,
inde vita resurgeret, et qtci in ligno vincebat
in ligno qtwqtie vincerettir. Cette allusion à
la faute de nos premiers parents, commise
au sujet d'un arbre, effacée par un autre
arbre, se trouve déjà dans le Sacramentaire
de saint Grégoire le Grand : Qui per pas-
siotiem criicis fnundttm redeviit, et antiquœ
arboris aniarissimum gtistu^n crticis medica-
viine indulcavit, viorteinqzie quœ per lignum
vetitmn venerat, per ligni trophcsum devi-
cit ('). Saint Jean Chrysostome avait dit
auparavant : « Le premier bois a introduit la
mort, car la mort est venue après la faute,
mais le second nous a donné l'immortalité ;
l'un nous chasse du paradis, l'autre nous
ramène au ciel ('). » La même antithèse
reparaît encore ailleurs dans les écrits des
Pères grecs ou latins (-').
L'opinion, généralement acceptée par les
exégètes modernes, distingue deux arbres
plantés au milieu du ParadisTerrestre. Cette
distinction, que saint Jean Chrysostome et
saint Augustin avaient admise (^), est as-
surément conforme au texte sacré: Lignum
etiavi vita in viedio paradisi. lignuiiique
scicntiœ boni et mali {^). Dans son tableau
1. Préface de l'Invention de la Sainte Croix, Opéra
t. III, p. 86, in fol., Paris, 1705.
2. ^yjS-j') zi lùlo-j OzyxToy EKiL'7-r,yxyî • jUîrà yxp
T7]iJ TZxpy.cxfTLV 6 Ox'jxzoi ïminf^-vj , xû.x to-jto r/jy
àSavâffiav ïyjxplcoiTo • ïy.tlvo -xpxèû'joii ïikoxlXz.
roGro si; ouox^j'j-jz, r,:j.xç, xvr,yxyi. Homil. XVI, in capit.
III Genesis ; Opéra, t. IV, p. 132, in-fol., Paris, 1721.
3. -Saint Cyrille de Jérusalem, Catechesis XII, p. 198,
in fol., Paris, 1720; saint Jean Chrys. Homil. de cœmet. et
cruce, t. II, p. 400, éd. cit.; saint Grégoire le Grand,
Expos, super cant. cantic, c. vu et viii, t. III, p. 452 et 458,
éd. cit.; saint Augustin, Tract. I, in Johanneni Evang., c. i.
4. Kai zh îùloy r/;; '^or,i ïv lAn'.i zvj uxpx^îi'jvj,
y.x\zol;J'kov zo-j îidlvxi yyr.-xjzbv xx/.o-j /.xi -.o-jr,(,o-j.
Homil. XI II, in capit. II (îenes. C'est le texte même des
Septante. Lignum autem vit;ie plantatum in medio para-
disi... signiticat... Ligno autem scientiae boni et mali...
significatur. De Genesi, contra Manich. !. II, c. 9.
5. Gènes., II, 9.
28
IRcuue De l'art chrétien.
de la croix triomphante au centre de l'Éden,
notre sculpteur a-t-il exactement suivi la
Genèse telle que les Pères, dont j'invoque
le témoignage, l'ont comprise ? Au cas affir-
matif, le cyprès de droite, entouré de la
vigne féconde ('), serait le lignum vitœ ;
celui de gauche, avec ses baies impropres à
la nourriture de l'homme, le ligmim scientiœ
bojii et malt. Use pourrait néanmoins que
l'artiste, fidèle à la symétrie, eût dédoublé
le second arbre et placé le bien à droite, le
mal à gauche (^).
L'exemple qu'offre l'ivoire Harbaville
n'est pas unique; d'autres, à Constantinople,
ont traité le même sujet, et chacun l'a rendu
à sa manière. Au revers de la célèbre
hiérothèque de Limbourg-sur-la-Lahn, œu-
vre capitale du X*" siècle, exécutée par
l'ordre de Constantin Porphyrogénète, l'or-
fèvre a ciselé une croix pommetée, perlée
aux angles saillants, et reposant sur un gra-
din de quatre marches en retrait. Deux
étoiles identiques à celles de notre monu-
ment flanquent la tête; deux longues feuilles
d'acanthe, élégamment recourbées, s'é-
chappent en accolades de la marche supé-
rieure; au dos d'une autre hiérothèque by-
zantine en métal (XI^ siècle, église de
Jaucourt, Aube), une croix analogue à celle
de la patène de Stroganov est comprise
entre deux touffes d'acanthe, et les sigles
IC XC accostent la tête (-'): l'intention des
1. Ego quasi vitis fructificavi suavitatem honoris, et
flores mei fructus honoris et honestatis. Kcclesiastic,
XXIV, 23. Uxor tua sicut vitis abundans in latcribus do-
mus tuœ. Ps. CXXVII, 3.
2. D'autres explications pourraient être fournies. Le
bon larron et le mauvais (saint Cyrille, loc. cit.) ; Eve,
puisque la Sainte Vierge forme sur le triptyque la contre-
partie du cyprès vitifère (saint Jean Chrys., Hom. de cœin.,
loc. cit.) : mais alors, l'arbre entoure de lierre symbolise-
rait Adam, dont je ne saisis pas les rapports avec saint
Jean- Baptiste. A cette note, bien entendu, je n'attache
aucune importance ; elle ne vient ici que poui mémoire.
3. Gaussen, PorlefcuilU an/u'ol. de la Champa_^ne,
ORFÈVRERIE, pi. III. E. aus' m Weerth, Das Siegeskreu:,
pi. III.
arbres paradisiaques perce ici sous un motif
emprunté à la flore hellénique. En fait de
types végétaux, les Byzantins poussèrent
très loin la fantaisie; leurs monnaies et leurs
sceaux, tant au X" siècle qu'au XI*", varient
le thème de l'hiérothèque de Limbourg, tout
Revers de 1 hiérothèque de Limbourg-sur-la-Lahn.
(D après aus'm Weerth.)
en demeurant fidèles à une donnée primor-
diale ('). Sur une mosaïque de Sainte-
Sophie, à Thessalonique (VP' siècle), la
I. Sur une monnaie de Justinien II (685-711), la
croix à trois degrés est accostée de deux branches de
laurier issant d'un porte-bouquet. .A.u X" siècle, des pal-
mettes ou des feuilles en crochets remplacent le laurier
auprès de semblables croix ; au XI% les volutes se fleu-
ronnent; au XIII% sous les empereurs latins, les degrés
sont omis, mais l'accolade végétale persiste,plus ou moins
grossièrement rendue : l'idée symbolique était sans doute
alors oubliée. 11 est toutefois certain que, dans l'iconogra-
phie de la période romaine, les plantes à volutes fleuron-
nées représentaient de véritables arbres. Voy. Sabatier,
Monn. byzanl., t. II, pi. xxxvu, 12, LVlll, 15 à 17 ;
G. Schlumbergcr, Sc-eaiix c'/t -plomb des chefs iiianglavites
à Bycance , ap. Antt. de la Soc. franc, de nnmism., 1882,
pi. II, I ; Sceau.v de ploiidi inéd. des fouet, pro-'., ap. Rev.
arcliéol., juin 1883, pi. xi, 26 ; Méiii. de la Soc. des Ant.
de France., t. XLIV, Le Christ., la Vierge et les Saints,
etc., tirage à part, p. 8, fig. ; Clarac, Musée de sculpt., t. II,
pi. cxxvill, n° 172, sarcophagî du Louvre, n" 421. La
croix pattée, fichée sur un disque et coinprise entre deux
branches de feuillages, caractérise encore le revers des
monnaies du négous Armah (644-658) roi d'Ethiopie.
Revue nnmism., nouv. série, t. xiii, pi. ii, 7, et ni, 8.
anciens itioircs sculptes
29
Vierge est accostée de hautes plantes, imi-
tations altérées du haoma perse; des oliviers
ou des cyprès (?) surgissent entre les anges
et les Apôtres qui se développent autour de
la coupole, à la suite de Marie. Le sujet du
tableau est l'Ascension ; les personnages de
l'étage inférieur sont donc absolument ter-
restres, et les haoma de la nouvelle Eve font
allusion à l'Eden, opposé au paradis céleste
dont le Christ vient de rouvrir l'entrée à
l'humanité déchue (').
Au XI'^ siècle, la croix figurée sur les
triptyques et les tablettes d'ivoire conserve
la silhouette des époques antérieures; le
pommetage persiste, mais l'accessoire édé-
nique et les étoiles disparaissent. Tantôt le
champ reste complètement vide (''), tantôt
il offre une simple rosace en bas et, aux côtés,
l'acclamation significative ICTX^C NHCA. (^).
Je ne puis passer sous silence une autre
variante de notre sujet, peinte au X'-
Xl'sièclesur le y//6'/Wi9^<?de Basile II. Saint
Timon, l'un des sept diacres delà primitive
Église, est représenté debout sous une triple
arcature ; chaque baie latérale encadre un
cierge allumé, accosté de deux cyprès incli-
nant vers lui leurs cimes aiguës [*). Il n'y
a pas d'erreur possible : le cierge, remplaçant
la croix, symbolise comme elle le Christ
qui est la véritable lumière. Le cierge rap-
pelle les fonctions du diacre chargé d'an-
noncer l'Évangile, où le Sauveur est qualifié
1. Texier, L'arch. bys., pi. XL.
2. Gori, ouv.cité. t. III, pi. ,\xvii, triptyque de la Mi-
nerve ; pi. XXI, panneau de Lucques.
3. Triptyque du Cabinet des mddailles à Paris (Cha-
bouillet, Cillai., n° 3269). La face a été publiée par Ch.
Lenormant, Didron et M. Bayet ; le revers est inédit :
j'en dois un dessin très exact au talent de M. de Latour,
Altaclié au Département des médailles. Je saisis cette oc-
casion pour remercier mon vieil ami A. Chabouillct,
M. de Latour et M. Omont, Attaché ;\ la section des
manuscrits, .^ la Hibliotlicque nationale, de l'obligeance
toute particulière qu'ils ont mise ^ me communiquer les
trésors confiés à leur garde.
4. T. 11, p. 69.
de lumière (') ; le cierge rend palpable la
comparaison de saint Augustin : Cj'îix
Christi est inagjiiini candelabriim. Qui vult
hicei'e non erubescat ligneo candcUibro ('').
Tout cela est si rigoureusement juste, que
le Christ lui-même
trône, entre deux cyprès
inclinés, sur un émail
byzantin de la couronne
royale de Hongrie (^\
Ce dernier exemple
n'est pas isolé. Deux
assez médiocres pan-
neaux byzantins en
ivoire, à St-Ambroise
de Milan (Xle — XII^
siècle), offrent une série
de tableaux évangélis-
tiques, parmi lesquels
on distingue le Christ
debout entre deux cy-
près, la cime abaissée
vers sa personne divine.
fiamDeau allume entre deux \ * j j o
cyprèsinciinés.cDaprèsieMé- Aux pieds du Sauveur,
noioge de Basile II.) -^ drolte et à gauchc, un
homme et une femme (les donateurs?)
prosternés; légende : TO XgPGTG (pour
■/yXrji ou iyatpî-io-aô;, la salutation). D'après
mon érudit correspondant de Rome, M. le
commandeur Ch. Descemet, un émail li-
mousin du XlVe siècle, au Musée chrétien
du Vatican, représente le Crucifix accosté
de deux hauts arbres tortillés. Une autre
modification du thème ci-dessus se voit au
trésor de la cathédrale de Ravenne. Le
médaillon central de la croix d'argent, dite
de saint Agnellus (Vie siècle), figure, au
1. Lumen ad revelationem gentium. S. Luc. II, 32.
Lux vcra qu;v; illuminât omnem hominem. S. Jean, I, 8.
2. Scrmo CCLX.XI.X, m, in natali Joh. Bapt.
3. Bock, KUin.Miicit, pi. X\I. Ûrig. de Porfivr. dois.,
t. I, p. 328, pi.; Essenwein, KuUurhist. BildcratUis, pi.
XXXIV, fig. 6; Mittluil. t. II, p. 202, tig.; Labarte, Hist.
des arts imiustr., t. II, p. 92, l''-' éd., etc., etc.
Flambeau allumé entre deux
1885. — 1^*^ Livraison
30
îactjuc De rart chrétien.
revers , la \"ierge en Orante , debout,
flanquée de deux cyprès ('). Je pense
que les arbres paradisiaques ont bien été
visés sur le monument de Ravenne, mais
comme j'ai lu ailleurs que l'if, le cyprès
et tous les conifères à verdure persis-
tante, symbolisaient la vie future, mon
opinion est émise à un état purement
hypothétique.
Le triptyque, au revers de son panneau
central, nous a montré, sous une forme
symbolique, le triomphe du Christ sur la
terre. Le Sauveur glorifié dans le ciel et son
cortège de bienheureux, tous en personne
naturelle, occupent les autres parties du mo-
nument : Précurseur, Mère, Apôtres, mar-
tyrs, docteurs, confesseurs, s'y groupent
autour de la majesté du Divin Maître. Ce
thème, varié suivant les exigences du cadre,
apparaît sur les mosaïques de Thessalonique
et de Ravenne, mais il est bien antérieur
au Vl" siècle, car on le rencontre, à la fin du
IV^ sur un grand tableau d'ivoire en cinq
pièces, jadis à l'abbaye de Saint-Michel de
Murano, aujourd'hui au musée de Ravenne.
Au sommet, plane la croix encadrée d'une
couronne que soutiennent deux anges, sui-
vis par les archanges Gabriel et Michel,
l'un à droite, l'autre à gauche. Le panneau
latéral, correspondant à Gabriel, offre la
Guérison de l'avensfle et la Délivrance du
possédé ; l'autre panneau symétrique, la
Résurrection de Lazare et le Paralytique
emportant son lit. Au bas, Jonas sous le
figuier, puis jeté à la mer. Au centre, le
Christ imberbe, sans nimbe, assis sur un
trône, accosté de saint Paul et de saint
Pierre barbus ; derrière le Christ, deux
assesseurs imberbes : le dais à colonnes,
I. Gori, ouv. cité, t. III, pi. xxxil, 4= compartiment
du 2" punudau. C'\a.mp\n'i, Vt'/era monù/i., t. II, pi. Xiv, 1. B.
Cette gravure est très mauvaise ; j'aime mieux renvoyer le
lecteur aux photographies de Ricci, qui sont bonnes et
d'un prix relativement minime.
qui abrite la composition, est flanqué de
croix pattées à longue tige. Au-dessus, la
scène des Trois jeunes hommes dans la four-
naise, secourus par un ange (').
En comparant l'ivoire de Ravenne au
triptyque d'Arras, on reconnaît immédiate-
ment que l'ordonnance générale du second
a été inspirée par une œuvre analogue au
premier. Ce premier lui-même ramène droit
à d'anciens diptyques, où un magistrat, soit
consul, soit fonctionnaire, se présente ac-
costé de personnages allégoriques, ou réels.
Parmi les monuments de la dernière caté-
gorie, un, entre autres, rappelle si bien le
panneau central de notre agiothyride que
leur affinité n'est guère discutable. Le dip-
tyque en question appartient à la biblio-
thèque royale de Berlin, et il remonte
assurément à l'aube du IV"" siècle. Sur cha-
cun des feuillets, divisés en deux registres,
on voit un vicarms tirbis Ronia, Rufius
Probianus, assis, flanqué de deux notarii
debout ; le registre inférieur comporte deux
avocats, également debout et plaidant avec
chaleur. Les sièges, à dossier arrondi et
double gradin, sont exactement pareils. Les
personnages correspondants diffèrent d'atti-
tudes; ils ont, les avocats en particulier, un
mouvement qui eût été peu compatible avec
le style religieux du triptyque : mais il en
est autrement du magistrat. Probianus,
drapé dans sa toge, va prononcer une sen-
tence; sa main droite levée semble bénir à la
manière latine ; sa main gauche tient un
volnnien appuyé sur le genou. Serrez davan-
tage les plis des vêtements, modifiez légè-
rement la position de la main gauche, ajoutez
un nimbe et une barbe, vous aurez une figure
encore plus proche parente du Christ d'Ar-
ras que celui de Murano. L'assimilation ne
va pas au delà du premier feuillet; le second
I. Gori, loc. cit., pi. wiU;\We%i\\ood, Catal. o/the fictile
ivorics in tlic Soutli Keiisim^ton Muscuiii, p. 50 et 360.
anciens itjoires sculptés.
31
montre Probianus déroulant un volumen où
on lit des félicitations à son adresse. Quant
aux avocats, le triptyque leur substitue les
plus hauts dignitaires de la cour céleste
Premier feuillet du diptyque de Rufius Probianus.
(D'après W. Meyer.)
eux-mêmes,secrétaires infaillibles et avocats
sans partie adverse (').
Jusqu'à ce qu'on fasse quelque découverte
contradictoire, Il me semblera démontré
que les Byzantins empruntèrent à Rome,
et non à leur propre fonds, la conception
I. W. Meyer, Zwei antike Elfcnbeintafehi der lUhlio-
t/tek in Miinchen, pi. il (les deux feuillets). IVestwooii,
ouv. citd, p. 13, n" 39-40 : une petite gravure reproduit le
second feuillet.
originelle de l'agiothyride Harbaville et de
ses répliques (').
L'hiérothèque de Limbourg-sur-la-Lahn
offre le thème de notre ivoire, modifié selon
les exigences du cadre et de la destination
du meuble. Au couvercle, un échiqueté de
neuf cases : case centrale, le Christ trô-
nant ; cases latérales, à droite le Précurseur
et l'ange Gabriel, à gauche la Vierge et saint
Michel. Les noms des personnages étant
inscrits à côté d'eux, nous connaissons
maintenant la qualité et la position respec-
tive des bustes anépigraphes d'esprits cé-
lestes qui flanquent la tête du Christ sur le
triptyque Harbaville. Cases supérieure et
inférieure, douze figures appariées: en haut,
saint Jacques et saint Jean l'Evangéliste,
saint Paul et saint Pierre, saint André et
saint Marc ; en bas, saint Matthieu, saint
Philippe et saint Simon (=). A l'intérieur,
d'insignes morceaux du Bois Sacré, disposés
en croix cantonnée des neuf chœurs d'an-
ges ('). Tout ce décor est émaillé : le re-
vers, complètement métallique, a été décrit
plus haut. Supprimez l'encadrement de la
relique, il restera la variante du panneau
majeur, face et revers, de l'ivoire Harba-
ville.
L'agiothyride de la bibliothèque du
couvent de la Minerve, à Rome, déjà men-
tionnée incidemment, constitue une autre
1. Deux peintures des Catacombes offrent une cer-
taine analogie avec le diptyque de Probianus. D'abord,
dans un arcosolium^ le Christ assis et enseignant le
codex en main ; il est flanqué de deux apôtres debout, et
de capsœ pleines de volumina. Un autre arcosolium montre
un magistrat, vohtmen déployé en main, et dans l'action
de prononcer une sentence. Ce personnage a pour siège
une espèce de sella posée sur un sugi^estiim. De chaque
côté, un notarius, ''oliiinen déroulé; en avant un jeune
homme, les bras étendus, probablement un chrétien con-
damné à mort. Bosio, Ronia soltcrranea, p. 565 ; Cahier,
Caract. des Saints, p. 782 ; .\ringhi, Roiiia subterr. noviss.
t. II, p. 213, fig. 2, p. 329,tîg. 2.
2. Das Siegeskreus, pl. I. Ann. archéol., t. XV'II, pi. à
la p. 337; Bayet, ouv. cité, p. 215, fig. 71.
3. Das Siegeskrein, pl. il.
32
Clctjue te rsrt chrétien
variante de notre objectif. Mêmes volets,
sauf de notables changements introduits
dans le costume des figures, et la substitu-
tion de légendes grecques aux bustes des
zones intermédiaires. Le registre inférieurdu
tableau central reproduit les cinq Apôtres,
tels que nous les voyons à Arras ; le supé-
rieur montre le Christ debout entre le Pré-
curseur et la Vierge : aucune trace d'ansfes.
Sur le bandeau de séparation, on lit une
inscription métrique où un personnage
nommé Constantin demande au Christ
et aux bienheureux d'être délivré de toutes
maladies. Si le donateur de cet ex-voto est
un empereur, on aurait le choix entre Cons-
tantin X, le célèbre Porphyrogénète {913-
959), Constantin XI (976-1028), Constantin
Monomaque( 1042-1055), Constantin Ducas
(1059-1067). Malgré la défectuosité des
planches de Gori, on sent que l'ivoire de la
Minerve ne donne pas la note caractéris-
tique du grand style encore dominant au
X" siècle. L'ex-voto pourrait s'attribuer à
Monomaque, dont il existe une couronne
émaillée au musée de Budapest, bien que
les proportions des figures ne s'accordent
guère sur les deux monuments. Néanmoins,
qu'il émane d'un souverain ou d'un simple
citoyen, je crois que le triptyque de la
Minerve date du milieu du XI"" siècle ; les
paragaudce et les calliculœ des tuniques, le
costume civil, hormis l'épée, des saints de
la classe militaire, me dictent une appré-
ciation dont je n'oserais toutefois garantir
l'exactitude (').
I. Thés. vet. dipt., t. III, p. 233 et sq., pi. xxvi et
XXVII ; Mamachi, Orig. et antiq. christ., t. V, part, i,
1. IV, c. 2, § 5; Westwood, ouv. cité, p. 351 à 353 : une
note rectifie la lecture fautive des inscriptions données
dans l'ouvrage de Gori. Toutefois, ce dernier auteur, que
M. Westwood oublie de citer, a publié un monument
complet dont le tableau central, face et revers, est exacte-
ment décrit par le savant anglais sous le n° i des ivoires
de la Minerve. Le n° 2 reprend les volets comme feuillets
d'un diptyque {sic), « apparemment du même artiste que
III.
Revenons, pour ne plus l'abandonner,
à l'ivoire Harbaville. Son battement est
orné d'une guirlande de feuillages imbriqués,
issant, aux extrémités comme au centre, de
bouquets d'acanthe : ce motif relève de l'art
classique. Les nimbes sont bordés d'un filet
de perles que cercle un trait au vermillon
(sac}'u>ii incmtstiun); la même couleur rem-
plit le creux des légendes gravées. Des
traces notables de dorure permettent d'avan-
cer que tous les reliefs, hormis les carna-
tions, ont été recouverts d'une couche
métallique disparue sous les effortscombinés
de la potasse et du chiffon ('). Une fente à
l'angle supérieur droit du panneau central,
la perte des baguettes rapportées sur la
face des volets, d'insignifiantes éraflures,
sont, avec l'enlèvement de la dorure, les
seules avaries que l'objet ait eu à subir.
L'affinité des bandeaux avec la bordure
de l'hiérothèque de Limbourg est palpable.
Deux importants détails nous arrêteront en-
core : le trône du Christ et la garde des
épées.
Un trône à dossier évasé en forme de
lyre semble débuter au V^ siècle ; on l'a
figuré alors sur les mosaïques de Sainte-
Agathe Majeure, à Ravenne. Nous retrou-
vons ce genre de cathedra sur une mo.saïque
de Sainte-Sophie de Constantinople, attri-
buée à Basile I"; sur les monnaies du même
empereur et de ses successeurs, jusqu'à Jean
Zimiscès (969 à 976) : alors un nouveau
siège à dossier rectangulaire surgit à côté
le n'' précédent. » Ces volets, je les reconnais parfaitement
sur les planches de Gori ; le triptyque, je l'ai récemment
appris, aurait été démembré depuis le siècle dernier.
I. Cette destruction de la dorure serait un nouvel ar-
gument h produire en faveur de la circonscription où j'ai
voulu cantonner le triptyque depuis son arrivée d'Orient.
En Artois et en Flandre, on récurait les œuvres d'art,
tableaux et autres, absolument comme des casseroles.
ancicn0 itioircs sculptés.
33
du dossier à montants courbes, qui s'éclipse
après Nicéphore Botaniate ('). Le type du
trône, à dossier arrondi par le haut et à
montants rigides, doit être plus ancien ; on
l'a déjà vu, au IV'^ siècle, sur le diptyque de
Probianus ; le siège épiscopal de Maxi-
mianus, à Ravenne, en fournit un exemple
au VI'' (^). Quant au trône de modèle
analogue, mais à colonnes cylindriques ou
carrées, sommées d'un appendice, il se
montre à Byzance vers la fin du IX^ siè-
cle (5) ; je le rencontre, au milieu du
X^, presque absolument pareil à celui du
triptyque Harbaville, sur le couvercle de
l'hiérothèque de Limbourg. Au X'^-XP, la
mode en semble abandonnée ; on ne le voit
plus ensuite qu'en répliques modifiées au
goût du jour (■•). L'ivoire des XL Martyrs,
au musée de Berlin (=), l'émail de la cou-
ronne de Hongrie, n'attribuent au Christ
qu'un simple tabouret, sella.
La garde des épées mérite toute notre
attention. Le I.iy-'^ g'^'^c et le gladms romain
manquent de garde saillante ; un simple
arrêt transversal limite le bas de la poignée.
Ce type persiste au V" siècle (*) ; à partir
du X'-XP, il devient très rare chez les
Byzantins qui, alors et aux temps posté-
rieurs, n'usent plus que des gardes recti-
lignes, unies ou pommetées, déjà connues
1. Voy. Ciampini, Vct. monùn. t. I, pi. XLVI ; Labarte,
Hisi. des arts induslr., Album, pi. CXVIII ; Sabatiei-, Mann,
byz., t. II, pi. XLIV et sq.; Willemin , Mon. fraiii;. iiu'd.,
pi. XL; Bayet, ouv. cit., p. 169, fig. 53.
2. Agnelli, Li/>. pontif., t. 11, App. pi. à la p. 138; H.
\i!eKs,k'ostiîmhiiide, Mitlclalter, p. 152, fig. 73; A. Essen-
wein, KuUurhist. Bi/d., pi. xii, fig. 10; Du Sommerard,
Les arls au Moyen-âge.
3. Willemin, ouv. cité,pl. xu et xiv.
4. Voy. d'Agincourt, ouv. cit., PEINTURE, pi. LXXXV,
I, et cvi, 12; Triptyque du Vatican, ap. Gori, loc. cit.
5. Gori, Thés. vet. dipt., t. III, Supp!., pi. xi. ; W'est-
wood, ouv. cité, p. 74, n" 166.
6. Diptyque d'.\oste, AVî'. archéoL, nouv. série, t. V,
p. 161, pi.; Dipt. de Monza, ap. Gori, t. II, pi. vu ; Anii.
archéoL, t. X.XI, p. 225, pi.; Labarte, ouw cité, .-Mbum,
pi. n.
longtemps auparavant ('). La garde à an-
tennes recourbées en croissant dont les
pointes, amorties par des sphérules, s'abais-
sent et adhèrent presque au fourreau ;
l'écusson qui surgit au milieu et maintient
strictement la lame dans sagaîne: tout cela
est essentiellement oriental. Pour trouver
un modèle semblable aux poignées du trip-
tyque Harbaville, j'ai dû recourir à l'Inde
plus ou moins moderne (") ; mais, n'im-
porte son lieu d'origine, la garde en question
exista chez les Arabes, où des armes du
XV'' siècle nous la révèlent sous quelques
altérations nécessitées par la richesse du
décor (').
1 2 3
Poignées d'épées.
I, Triptyque Harbaville; z, Inde; 3, Boabdil.
Les remarques ci-dessus induisent à pen-
ser que la garde lunaire à quillons abaissés
ne fut à Byzance qu'un caprice de mode, et
que cette mode, importée de l'Orient vers le
X" siècle, n'eut qu'une très courte durée;
1. Menai., pass. ; Labarte, ouv. cité. Album, pi. LXXXV
et LXXXVI ; Gori, t. III, pi. xxiv; Les ar/s. sompt., t. I,
pi. LVII à LX. Je néglige l'épée de Childéric, jusqu'ici
fautivement restituée ; les éléments de cette arme seront
remis à leur place véritable dans un prochain fascicule du
Glossaire A^ M. Gay.
2. Voy. Wilbraham Egerton. An illustrated handbpok
of indian arms, pi. III, fig. 7 ; Coll. de Tzarkoé Sélo.
Antiq. de la Russie.
3. L'épée, dite de Boabdil, h V Artneria real de Madrid,
Mag. pittor., t. -X.Wl 1 1, p. 376, fig.; l'épée donnée par le
duc de Luynes au Cabinet des médailles de Paris. Cette
dernière est inédite, mais, pour aider mes souvenirs, M.
Ch. Cournault a bien voulu m'otTrir un calque de son ex-
cellent dessin.
34
iRcDue De rart cbtétien.
essayons de fixer l'époque de son introduc-
tion épisodique.
L'empire grec, toujours en rapports quel-
conques avec les Perses, dut suivre la môme
ligne de conduite à l'égard des Arabes leurs
successeurs. Les chances de la guerre ont
certainement amené des armes arabes à
Constantinople, mais, si léger que soit un
peuple, le prix du sang versé ne s'infiltre
guère dans ses usages, surtout quand ce
prix ne résulte pas d'une suite ininterrom-
pue de victoires. La paix, mère de l'industrie
et de la prospérité, favorise au contraire
une réciprocité d'échanges entre voisins,
aussi demanderai-je le mot de l'énigme aux
événements pacifiques qui mirent en contact
la Grèce et l'Islam aux alentours du X"
siècle.
Théophile (829-842), au milieu de grands
revers et de moindres succès, envoyait à
Bagdad son précepteur, Jean le Syncelle :
dans ce voyage, Jean récolta sur l'art mu-
sulman des idées qu'il tâcha d'inculquer à
ses compatriotes ('). Constantin X, en 936,
conclut aussi, à Bagdad, la paix avec le calife
abasside Kaher-Billah ; en 946, le même
empereur recevait, à Constantinople, une
ambassade arabe, à qui l'on fit le plus
brillant accueil, et qui dut laisser une trace
profonde dans les esprits. Les minutieux
détails qu'enregistre l'historiographe de
la réception, les termes caressants, flloi
ly.rjy.y.iyoi, qu'il affecte d'employer, la pompe
du cortège, le luxe étalé dans les apparte-
ments impériaux, les jeu.x du cirque célébrés
en l'honneur des étrangers, prouvent l'im-
portance capitale attachée par la cour de
Byzance à la visite de ces fils de Mahomet.
La princesse russe, Olga, qui vint ensuite,
ne fut pas aussi magnifiquement traitée ('').
1. Vie de Théophile, c. 9.
2. Sabatier, Monn. byz., t. II, p. 121 ; Constantin Por-
phyr., De cœrem. auiœ byz., I. H, c. xv, p. 329 et sq., éd.
Reiske.
Les oisifs et les industriels de la Corne
d'Or n'avaient guère l'habitude des nobles
arabes, dont la tenue et les armes excitèrent
assurément leur curiosité; l'art, mis en éveil,
s'empara de ces dernières dans un but sans
doute plus spéculatif que pratique, autre-
ment il serait resté davantage qu'un échan-
tillon isolé. Quoi qu'il en soit, je pense que
notre poignée à garde exotique est un
souvenir éphémère de l'ambassade de 946.
Les vêtements fournissent moins d'induc-
tions certaines ; ne les négligeons pas ce-
pendant. Du Christ et des Apôtres, il n'y a
rien à dire; ils sont empreints de la tradition
classique admise de tout temps. Le Précur-
seur est un moine oriental ; la Vierge a
\ indumetttum tanagrien : l'art byzantin les
fiofure ainsi dès son origine, et il ne les figfu-
rera jamais autrement. La chlamyde lati-
clave, ample et majestueuse, se montre dès
le VI" siècle à Saint-Vital de Ravenne; au
commencement du X*", elle est telle que nous
la voyons sur le triptyque; vers la fin de la
même période, elle étriqué déjà ses plis (').
L'équipement de nos guerriers diffère peu
des types du X' et du XP siècle, mais, autant
les premiers se distinguent par leur élégante
désinvolture, autant les seconds sont lourds
ou mal bâtis (-). La coupe des pontijïcalia
est bien établie à Saint-Vital; Maximianus
y offre, sous un aspect très large, la forme
qu'une miniature de la dernière moitié du
IX' siècle (Bibliothèque nationale de Paris)
attribue au cidtus episcopalis des saints doc-
1. Labarte, ouv. cité, Album, pi. Lxxxii et Lxxxill. —
La chlamyde courte, drapée sur les épaules, appartenait
au costume militaire; la longue, au costuine civil. Deux
figurines de Tanagra (collection G. Bellon, à Rouen),
montrent, au IV*" siècle avant notre ère, des exemples de
chlamyde longue, mais sans tablion. D'abord un jeune
guerrier debout, cuirassé, la tlwlia pendant sur le dos; sa
chlamyde blanche descend presque jusqu'à la cheville. En
second lieu, un éphèbe assis, coiffé de la tholiu; sa chla-
myde rouge, très ample, l'enveloppe de la tête aux pieds.
2. Labarte, ibid., pi. LXXXV et LXXXVI ; Menol., t. II,
p. 172.
anciens itioircs sculptés.
35
leurs grecs. L'auteur du triptyque interprète
cette forme avec moins de raideur, notamment
dans Xépitrachélion; la peinture le fait tom-
ber droit, la plastique le retrousse sur le
bras en le confondant avec les plis de la
chasuble. Du reste, le Métiologe fourmille
de fantaisies en matière d'épitrachélion,
aussi je soupçonne les artistes postérieurs
à Basile I'-''' d'avoir négligé l'étude d'un in-
signe épiscopal, simple accessoire à leur
point de vue (').
La normale classique de la longueur du
corps humain varie entre 7 et 8 têtes; le
VIII'' siècle monte jusqu'à g; le IX' donne
7 et 8; au X" on trouve 6)^ et 7: ensuite
l'effilement tend à s'accentuer de plus en
plus. La moyenne du triptyque, étant de 6 i^,
s'accorde parfaitement avec les proportions
du X" siècle.
Le système paléographique de notre
monument conclut encore au X" siècle.
Mélanofe d'horizontal et de vertical, la
disposition des légendes est conforme aux
usages épigraphiques de cette période.
L'UJ très ouvert apparaît déjà, au 1 1" siècle,
sur les monnaies impériales d'Égype. Ce
même caractère et le U que l'on rencontre
dès la fin du III"" siècle sur les inscriptions
de Salone ("), le ^ à base prolongée,
l'ancienne abréviation terminale en S,
appartiennent aussi à l'alphabet de l'hiéro-
thèque de Limbourg. Les mêmes types se
montrent certainement aux temps ultérieurs,
mais alors les formes sont en général plus
maniérées, l'orthographe est moins correcte.
En outre, XoDu'ga, sous les deux aspects
ii et LU mélangés, ne se trouve que sur les
bulles de plomb byzantines des \'I1'' et
VI II" siècles, et sur les disques d'or de
même nationalité, découverts à Koniah
1. Bayet, ouv. cité, p. 157, fig. 46. Les arts sompi.,
pi. XXIX ; MenoL, t. I, p. 8 à 116, pass.; t. II, pass.
2. Feurirdent, Niimis. de P Egypte anc. ; Domin. rom.
Miti/ieiL, 1878, p. LXXXI, n" 21"; LXXXIl.
(Iconium de Lycaonie) ("). Les lettres
conjointes M et E de Mépouoioç exhalent
aussi un parfum d'antiquité.
Tous les saints figurés sur le triptyque
sont reconnus par l'Église latine ; plusieurs y
sont en haute vénération ; on peut donc le
regarder comme entièrertient orthodoxe au
point de vue catholique. Bien que l'argu-
ment ne soit guère décisif, il faut pourtant
tenir compte d'un fait. De la fin du IX^
siècle au milieu du XI^^, l'union religieuse de
Rome et de Constantinople ne subit que des
atteintes momentanées ; la rupture défini-
tive ne se consomma qu'en 1053. Photius,
provocateur du schisme en 862, est déposé
en 867. Rétabli en 880, il perd à jamais sa
dignité en 886; bien mieux, en 932, Théo-
phylacte, nommé patriarche, se voit confirmé
par le Saint-Siège, et il reçoit des légats du
pape la consécration épiscopale (-); le milieu
du X" siècle était donc une époque favorable
à la production d'images catholiques.
IV.
Nous avons étudié l'iconographie et le
symbolisme de l'agiothyride Harba-
ville, nous avons minutieusement passé en
revue ses moindres accessoires, et les ca-
ractéristiques du X"^ siècle ont souvent
répondu à nos interrogations. Le style et
l'exécution de l'œuvre, examinés à leur tour,
nous conduiront-ils à la même époque ?
Dominante au VI IL' siècle, encore sou
tenue au IX"= par quelques empereurs, la
secte des iconoclastes entrava le développe-
ment des arts figuratifs sans parvenir à les
supprimer. Le zèle fanatique des briseurs
d'images ne proscrivit pas d'une manière
absolue la représentation humaine, il atta-
1. Sorlin-Dorigny, Plaques byzant. trouvées à Koniah,
ap. Bull, lie la Soc. des Aiiliq. de Fratuc, 1883, p. 126, pi.
2. Sabatier, .l/o««. byz., t. II, p. 105, 106, m, 121.
\'oy. aussi De cœrem. aulœ by::., 1. II, c. 38, p. 167, édit.
Reiske.
36
la cuuc De r 3r t chrétien.
qua surtout les effigies peintes ou sculptées
du Christ et des saints qui lui semblaient
fournir quelque prétexte à un culte idolâtri-
que. Nombre d'artistes, étrangers au do-
maine religieux, furent donc alors tolérés
par le pouvoir, que d'autres, en général des
moines, osèrent braver ouvertement; aussi
connaissons-nous des œuvres figurées con-
temporaines de la persécution. Bien qu'il se
fût montré novateur à son début, l'art byzan-
tin, issu de la décadence romaine, n'en
répudia pas immédiatement toutes les tra-
ditions; chez lui, sous un dessin plus correct,
persistèrent longtemps les formes lourdes
et bouffies du V*" siècle gréco-latin. Le célè-
bre ange d'ivoire du British Mitscînn, sous
les hautes qualités qui le distinguent, reste
néanmoins un peu massif ('). Cet ange date
environ du VI" siècle; au commencement
du X% on retrouve encore les mêmes dé-
fauts sur les figures symboliques de la Sa-
gesse, CO<I>IA, et de la Prophétie, nPO'I)HTIA,
qu'une miniature associe au roi David. Des
draperies largement traitées n'y compen-
sent pas assez la négligence des raccourcis
et la vulgarité des têtes; celles-ci ramènent
aux commères banales, allégorisant Rome
et Byzance sur les diptyques consulaires [^).
Mais déjà la fin du IX^ siècle avait donné
une note sensiblement différente, qu'il est
aisé d'expliquer. La violence, physique ou
intellectuelle, aboutit toujours à une réac-
tion ; l'art endormi par les iconoclastes se
réveilla sous Basile I^"" avec des aspirations
nouvelles. Au lieu de renouer le fil d'une
tradition usée, l'école macédonienne s'éprit
amoureusement du véritable antique dont
les chefs-d'œuvre peuplèrentConstantinople
jusqu'à la catastrophe de 1204. Deux pages
1. Labarte, Hist. des arts iiid., Album, pi. IV; An7i.
archcoL, t. XVIII, p. t,},, pi.; Bayet, ouv. cité, p. 90, fig. 31;
Westvvood, ouv. cité, p. 63.
2. Labarte, loc. cit., pi. Lxxxil ; Gori, ouv. cit., t. I et
II, pass.
du manuscrit 510 G, à la Bibliothèque na-
tionale de Paris, exécuté entre S67 et 886,
témoignent de ce retour vers un passé glo-
rieux. Noblesse des physionomies, attitudes
variées, mouvements naturels, tout est ad-
mirable sur des peintures auxquelles on n'a
guère à reprocher que le maniéré et la sé-
cheresse des plis (').
Peu d'années s'écoulent entre la mort de
Basile et l'avènement de son petit-fils, Con-
stantin X. Sous le long règne du Porphyro-
génète, zélé protecteur des arts et artiste
lui-même, la peinture et la sculpture opèrent
une légère évolution qui les rapproche en-
core davantage de l'antique. Le dessin de-
vient plus correct, les draperies sont plus
sobres et plus savantes, mais les figures
perdent en énergie ce qu'elles gagnent en
élégance. La finesse, la douceur, la sérénité,
l'harmonie, caractérisent les œuvres écloses
au milieu du X" siècle ; au XL, la dureté, la
sécheresse du IX*" reparaissent en s'accen-
tuant plus fort ; l'effilement s'achemine peu à
peu vers une émaciation complète ; les
scènes atroces des Alénologes sont désormais
en faveur (''). Dans les arts décoratifs,
1. Le Moyen Age et la Renaiss., Miniat., pi. vn ;
Labarte, loc. cit., pi. LXXXI ; Bayet, ouv. cité, p. 161,
fig. 48. A la p. 159 (fig. 47) de son excellent petit volume,
M. Bayet reproduit une autre miniature extraite d'un
Psautier contemporain du manuscrit 510 G. Je n'ai point
invoqué une page, argument victorieux en faveur de mon
assertion.parce qu'elle ne me semble pas œuvre originale,
mais bien copie servile d'une fresque antique. Dans cette
idylle on reconnaît un Tityre virgilien chantant ses amours.
Autour de lui, troupeau, chien, maîtresse, rival ; rien n'y
manque, pas même \sfugit ad salices et se cupit ante videri.
Ici le lot du pasticheur se borne à un changement de
noms : Tityre s'appelle David ; Amaryllis, la Mélodie ;
Ménalque personnifie la montagne de Bethléem ; Gala-
thée seule est exemptée du baptême.
2. En signalant comme une dépravation de goût les
sanglantes atrocités dont les Ménologes fourmillent, je ne
prétends pas dire que les Byzantins du -XI" siccle aient été
les créateurs du genre : loin de là. Dans sa remarquable
étude, intitulée Rome au IV" siicle d'après les pohiies de
Prudence (Re7'ue des quest. histor., t. XXXV'I, p. 40, 41,
54) 55). ^^- Paul Allard, armé de textes et de monuments,
cite plusieurs exemples de scènes de martyre figurées, tant
chez les Grecs que chez les Latins, dès le IV' siècle et
anciens idoires sculptes
3/
l'effet se produit en raison directe de la
simplicité d'exécution ; or, aux époques de
décadence, c'est le contraire qui arrive, le
détail absorbe l'ensemble.
Que l'on compare maintenant à notre
triptyque, et l'hiérothèque à date certaine de
Limbourg, et les admirables Évangélistes,
peints en 964, cinq ans après la mort de
Constantin X, sur le manuscrit 70 G de la
Bibliothèque nationale de Paris ('), on res-
tera convaincu que tous ces monuments sont
du même temps et qu'une même école lésa
peut-être même auparavant. J'ai sous les yeux trois de ces
exemples dus à l'art occidental : le supplice bien connu de
saint Laurent ; un chrétien jeté dans un puits et secouru
par un ange ; la flagellation de saint Achillée (voy. de'
Rossi, Bull. cTarchcol. chrét., 1869, pi. m, 8; 1S72, II, i ;
1875, IV). Tout y est empreint de la simplicité et de la
gravité romaines; ni exagération d'attitudes, ni raffine-
ments cruels. Mettons en regard les sujets analogues du
Aléiiolûge de Basile II : saint Oreste couché sur un gril
(t. Il, p. 26), diverses fustigations (t. I, p. 2g, 38, 83, etc.),
saint Chrysante et sainte Daria, plongés vivants dans une
fosse remplie d'ordures, oîi des bourreaux les enfoncent à
coups de pilon (t. 1, p. 122); l'on appréciera la différence.
Encore je me borne aux comparaisons ; il faudrait aller
jusqu'en Chine pour trouver le dépècement de saint Jacques
le Perse (t. I, p. 215), et le réalisme féroce de Ribera se
serait effarouché devant la crudité de certains tableaux
que le lecteur cherchera lui-même s'il en éprouve le besoin.
Mon docte ami Paul AUard produit en original, accom-
pagné d'une élégante traduction, de fort beaux vers où
Prudence décrit, d'après des peintures qu'il aurait person-
nellement examinées, les supplices du maître d'école saint
Cassien, torturé à coups de style par ses jeunes élèves et
de saint Hippolyte que des chevaux sauvages entraînent
au milieu des rochers et des broussailles {Péristépli., IX,
9 à 16; XI, 123 à 152). Une lecture attentive, jointe à
quelque teinture des procédés de l'art chrétien occidental,
suffit pour faire comprendre que Prudence a singulièrement
assombri les choses. L'écrivain espagnol ne rappelle pas
mathématiquement ce qui était tracé sur la muraille des
églises ; son imagination poétique lui a dicté les circonstan-
ces des deux martyres, telles qu'elles durent se passer en
réalité. Hors les Byzantins, aucun peintre n'accepterait les
programmes textuels du récit de Théramène et de la mort
de Jézabel, si admirablement formulés par Racine ; je
n'hésite pas à ranger ici Prudence dans la même catégorie
que notre grand tragique. En figurant un supplice pareil à.
celui de saint Hippolyte, l'illustrateur du Ménologe (t. I,
page 179) a reculé devant la multiplicité des atroces
détails qu'affectionne Prudence : il s'est montré relative-
ment simple, mais il a inventé un raffinement échappé au
Latin. La longe du cheval est arrêtée par d'énormes che-
villes qui traversent les pieds du patient : ailleurs on se
serait contenté du nœud coulant.
I. Labarte, loc. cit., pi. lxxxiv. Les arts soiiipl., t. I,
pi. XXXVI à xxxix.
enfantés. A l'art macédonien revient encore
assurément un délicieux camée en aiguë
marine de la collection Victor Gay; le
Christ debout qui y figure est le cousin ger
main du saint Pierre de l'ivoire Harbaville:
un antique modèle grec inspira les deux (").
Camée byzantin de la collection V. Gay.
(Extrait du Glossaire archéologique).
Le cachet de l'école macédonienne lui est
essentiellement propre ; quand elle disparaît
entièrement vers le milieu du XI" siècle,
ses ivoiriers laissent leur héritage à des
praticiens encore assez habiles, mais pauvres
d'invention, guindés, émaciés, raides, ma
niérés ou vulgaires. Après 1 204, il n'y a
plus absolument que la routine du pasti
cheur maladroit. Didron avança que, du
XI 11^ siècle à nos jours, l'art byzantin est
resté stationnaire; cinquante ans plus tôt,
d'Agincourt entrevoyait, au XIV^, une
lueur de renaissance. Didron ne se trompait
pas ; les variantes, ou même les copies ser
viles, de chefs-d'œuvre perdus induisirent
d'Agincourt en erreur.
Une dernière question se présente à élu-
cider; notre monument est-il un original ou
une simple réplique ? Ici, rapportons-nous
à l'exécution spéciale du sujet, aux procédés
mécaniques employés pour le faire jaillir de
la matière brute.
Nous avons montré le thème primitif où
l'artiste a puisé l'ordonnance générale de sa
conception ; nous savons où il a trouvé l'at
I. Gloss. arcliéol. du moyen âge, p. 258, fig. A. Le
camée de M. Gay me paraît bien supérieur à celui du Ca-
binet de France, qui représente aussi le Christ dans la
même attitude : leurs styles sont très diflférents. Voy,
Chabouillet, Calai., n" 258 ; Duruy, Hisl. des Romains,
nouv. édit., t. \TI, p. 92, fig.
Livraison.
38
Eeuue De l'art chrétien.
titude de son Christ; ses Apôtres debout
dérivent aussi d'un modèle antique. Des
statues analogues au SopJiocle du musée de
Latran, à \ Aristide de la galerie Farnèse,
à un marbre de la bibliothèque de Saint-
Marc, à Venise, ont évidemment inspiré le
saint Pierre et ses quatre assesseurs (') ; la
ronde-bosse a été traduite en bas-relief. La
ressemblance avec \e. Sophocle, et surtoutavec
le marbre gréco-romain de Venise, est frap-
pante; ramenez le bras gauche en avant,
mettez les talons sur la même ligne, vous
aurez à peu près nos images de saint Pierre
et de saint André. Quant aux types d'âge
plus récent, le sculpteur ne les a certaine-
ment pas inventés, mais il a dû y mettre
davantage du sien. J'insisterai peu sur l'ap-
plication des rais de cœur et des bagues
perlées — motif emprunté à l'ancien chapi-
teau ionique — ■ aux montants du trône ;
encore moins sur la transformation, médio-
crement heureuse, de la palmette grecque
en feuilles de vigne et en trèfles. Le lot per-
sonnel de l'artiste ne réside ni dans ces dé-
tails, ni tout à fait dans la correction du des-
sin ou la sobre élégance des draperies; l'ex-
pression variée des têtes qui, sous une petite
échelle, parviennent à égaler la nature, enfin
le coup de ciseau, révèlent plus manifeste-
ment un talent hors ligne, une individualité
primesautière.
Chaque atelier byzantin à'cborai'ii était
dirigé par un maître; celui-ci, après avoir
exécuté sa maquette (pj'otoplasma) en cire
plastique, la livrait à des élèves ou à de
simples ouvriers. Les uns interprétaient le
modèle à leur guise, les autres le copiaient
servilement et pour ainsi dire mécanique-
ment: l'inexpérience, la maladresse, le dé-
faut de compréhension, trahissent les ou-
vrages de seconde et de troisième main. Le
I. Duruy, Hist. des Romains, t. IV, p. 559, fig., éd.
citée; Rich, Dict. des antiq., p. 452 et 650, fig.
travail du triptyque Harbaville est au con-
traire irréprochable; ni faiblesse ni tâtonne-
ment: le maître s'y accuse partout. L'unique
outil des tailleurs d'ivoire consiste en un
ciseau triangulaire, à pointe aiguë et à
lames tranchantes; il y en a de plusieurs
dimensions. Deux des lames sont rectilignes,
la troisième est courbe. La pointe esquisse
les contours et refouille les détails ; les lames
droites creusent; la lame courbe racle les
copeaux et, par une série de grattages,
détermine les divers plans du relief. Les
apprentis ou les copistes abusent en général
de la pointe et de la lame rectiligne ; pourvu
que le pli soit nettement tracé, ils ne se
préoccupent guère du reste, et la savante
dégradation des méplats leur semble in-
connue.Ces méplats sont ici rendus avec une
incomparable souplesse; la transition des
plans est habilement ménagée ; les arêtes
n'affectent pas une vivacité brutale ; le mo-
delé des têtes est ferme, vigoureux, sans
e.xagération musculaire; une incomparable
suavité caractérise la Vierge, on croirait voir
une terre cuite de Tanagra idéalisée; aucune
des répliques qu'on en a faites n'approche
de ce sentiment exquis. Les barbes et les
chevelures sont remarquablement soignées.
Si les costumes militaires offrent des dé-
tails trop minutieux ou trop sèchement trai-
tés, la faute incombe, non à l'artiste, mais à
l'époque où il vécut. Tant de qualités d'ail-
leurs compensent une légère erreur de goût !
Oui donc, le triptyque Harbaville est
vraiment une œuvre originale ; la main y est
inséparable de la pensée. Le maître, auteur
de la maquette, n'a pas voulu laisser à un
praticien vulgaire le soin de la reproduire
sur l'ivoire; il a immortalisé lui-même son
esquisse fugitive en la confiant aune matière
assez résistante pour braver les outrages du
temps. Objet de piété destiné au foyer do-
mestique, notre agiothyride, à mon avis, ne
anciens iijoires sculptés.
39
rentrait pas dans la classe des articles cou-
rants; commandée par quelque riche patri-
cien pour meubler son oratoire ou son cubi-
culiini {y.oizm), elle y demeura suspendue
jusqu'à ce que la violence l'en arrachât. A
une perfection artistique ignorée de l'in-
dustrie routinière, s'ajoute le luxe de la
dorure, souvenir de l'ancienne Grèce, luxe
indifférent à nos yeux, mais qui, au moyen
âee, aug-mentait singulièrement la valeur
vénale des sculptures. Il est fâcheux qu'à
l'exemple de l'hiérothèque de Limbourg,
du triptyque de la Minerve, des deux volets,
l'un passé de Florence au musée de Vienne,
l'autre jadis dans la collection Verdura,
à Padoue ('), une dédicace ne nous ait pas
transmis le nom du possesseur primitif.
Quant à notre magister eborarius, il était
moine sans doute; un aussi profond savoir
en symbolisme pouvait difficilement incom-
ber à des laïques.
V.
DÈS l'exorde de ma notice, le triptyque
Harbaville est résolument proclamé
chef-d'œuvre; la suite tend à justifier cette
opinion et à l'inculquer au lecteur. Depuis
que j'ai abordé l'étude des ivoires byzantins,
beaucoup ont passé devant moi, soit en ori-
ginal, soit en photographie — la gravure est
impuissante à rendre la technique — et nul
d'entre eux n'a pu faire baisser le niveau
d'un enthousiasme toujours croissant pour
mon objectif Je ne veux certes pas l'exalter
aux dépens de morceaux très remarquables,
très appréciés des savants et des artistes ;
mais, si ces morceaux offrent séparément une
I. Goii, ouv. cité, t. III, pi. xxvui et xxix ; West-
wood, ouv. cité, p. 78, n° 178. Le volet de Vienne repré-
sente saint Pierre et saint André ; relui de Padoue, saint
Paul et saint Jean : on ne sait pas où il est actuellement.
Les dessins grandeur naturelle de Gori, tout insuffisants
qu'ils soient, donnent bien la note du yA" siècle, style de
l'ivoire de Romain IV^ et Eudocia ; l'empereur, (îîo-Trdr/]^
}^<>yjirci.vT'vjoz,, mentionné sur l'inscription doit être
Constantin XIII (1059-1067).
ou plusieurs des qualités distinctives de
notre triptyque, lui seul, que je sache, les
réunit toutes en bloc. Ordonnance magis-
trale du sujet, profonde intelligence du sym-
bolisme, correction du dessin, sage modé-
ration du relief ('), supériorité de main,
élégance et attitude naturelle des personna-
ges, rendu moelleux des draperies, exquise
délicatesse des têtes et des extrémités, enfin
conservation intégrale ; où trouver ailleurs
un pareil ensemble ? Ch. de Lixas.
.^^^.^ ;^ppenîiice. -— -^.
ITcs arbres paraDisiaqucs en Hitcmarme.
LA mise en pages de mon travail était
déjà faite, lorsque j'ai reçu le second
volume de l'ouvrage du D'' Heinrich Otte
( Handbuch der KircJilichen Kunst-archdo-
logie des deutschen Mittelalter, 5^ éd., i SS4).
On y trouve, p. 575, une fort curieuse
variante du sujet sculpté au revers de
notre ivoire. Sur les lambris de bois peint,
laqicearia depicta, qui décorent l'église de
Saint-Michel, à Hildesheim, un habile
artiste du XIIc-XIII^ siècle a figuré la
généalogie de Notre-Seigneur dans une
série de 1 1 1 caissons grands et petits. Le
fragment placé sous mes yeux montre,
disposés en double bordure : des bustes de
patriarches antédiluviens reliés entre eux
par des rinceaux ; les quatre fleuves édéni-
ques ; les évangélistes saint Marc et saint
Luc ; les symboles de ces écrivains sacrés.
La composition centrale offre nos premiers
parents aux côtés de XArbi'e de la science du
I. Cette modération est encore un emprunt fait à la
technique des anciens grecs, qui donnaient à leurs bas-
reliefs une très faible saillie : le bas-relief romain, au
contraire, vise presque toujours à la ronde-bosse. Notre
sculpteur ayant pu, avec facilité, obtenir des plaques plus
épaisses de quelques millimètres — nous en avons des
exemples — il faut bien croire .^ un parti pris.
40
îReiJut De rart chrétien.
bien et du mal. Il est chargé de nombreux
fruits ; Adam en tient un, Kve, deux ;
d'autres parsèment le champ du tableau :
nulle trace de serpent tentateur. A droite,
un cep de vigne à haute tige, dont les
sarments encadrent le buste du Christ
bénissant ; à gauche, un végétal de même
espèce, abritant, sous ses larges feuilles,
cinq têtes humaines, jeunes et souriantes.
Doit-on admettre ici l'Auteur de tout bien
mis en opposition avec les esprits du mal .''
Je ne le crois pas. La Genèse mentionne un
seul serpent, non plusieurs, et rien, sur
notre peinture, n'accuse l'intention d'un
reptile polycéphale. J'y reconnaîtrais plutôt
un dédoublement symétrique de \ Arbre de
la vie. D'une part, Jésus-Christ venant
rendre au monde l'existence spirituelle que
le péché d'Adam lui avait ravie ; de l'autre,
la rénovation de l'homme exprimée par les
figures symboliques d'âmes naissant à la
lumière sous l'ombre protectrice de la vigne,
emblème consacré du Sauveur.
Je livre mon interprétation pour ce qu'elle
vaut, et son rejet ne me formaliserait guère;
néanmoins on ne saurait méconnaître les
liens étroits qui rattachent le tableau
d'Hildesheim aux représentations spéciales
d'arbres paradisiaques dont j'ai groupé plus
haut un certain nombre d'exemples. (Voy.
J. Michel Kratz, Ktirze histor.Andeuhtngen,
iiber die St Michaeliskirche îind deren
Deckengem'àlde in Hildesheiin, 1856 ; A.
Woltmann et K. W'ormann, Geschichte der
Malerei, t. I, p. 304, fig. 90, 1879 ; les écrits
de Forster, Kugler, A. Reichensperger, etc.)
ïl'antiquité Du (â\\\\sz De la Bcinture.
EN citant le Guide de laPeinture, manus-
crit trouvé au Mont Athos par Didron,
j'ai adopté la date attribuée jusqu'ici à la
composition de ce livre : le XV^ siècle. Un
mémoire très érudit de M. l'abbé J. Schulz
(Die ôyzanfinisclien Zellen-eniails der
Sammhmg Sivcnigorodskoi, 1884) assigne
au traité du moine Denys un âge bien plus
reculé. En effet, je lis à la p. 44 du volume
indiqué: « Le G^«?'rtfe a, depuis le XI^ siècle,
notoirement (ist notorisch) servi de règle
aux Grecs et aussi aux Russes ; il n'y a
pas fort longtemps qu'on a découvert en
Russie une copie de cet ouvrage, exécutée
au XI Ile siècle et intitulée Podlinnick
(original). On y voit, de la main du trans
cripteur, une série de gloses que le manus
crit du Mont Athos ne renferme pas, mais
le reste est textuellement reproduit sur les
deux exemplaires. »
Les relations de l'auteur avec les savants
russes le mettant à même d'être bien
informé, je m'incline devant sa parole ; lui
faisant néanmoins observer qu'il est un
peu téméraire de conclure d'une copie du
XI 11^ siècle à la rédaction primitive de
l'original au XI'^. Quoi qu'il en soit, l'anti
quité, récemment attribuée au Guide, ne
détruirait aucune de mes assertions, con
cernant l'âge du triptyque Harbaville et
les écarts de l'iconographie byzantine que
j'ai signalés. Ces écarts remonteraient plus
loin, voilà tout ; les thèmes hiératiques,
proposés de meilleure heure aux artistes
grecs ou russes, auraient dès lors, quant
aux détails, été rendus avec une certaine
liberté d'allures qui ne disparut jamais
entièrement. J'ai rapporté ici le fait avancé
par M. Schulz, simplement pour instruire
mes lecteurs d'une circonstance que j'igno-
rais hier, et qui, sans ce nieinorandutn,
échapperait vraisemblablement à beaucoup
d'autres.
C. L.
fkj!^:^L^^. ■^. '^ '^ ^ ^ ^^&j0^ ^ ^ ^ ^ ^ '^. ^^kÉk'^ '^ ^ ^ ^
7.^y.\y<\•/^^y.^c/\•/^y\•/^c/\•Ay\•/AcAyxy^V■^^^.•/^•/\•/^•/\•Ay.\^•/^•y^^ ^
ectuDes ti'arcï)éologîe et îi'l)i6toirc sur XHWtmvCnvXty^
^lîignon. Deuxième article. {W. livraison d'octobre 1884, p. 439.)
^^^^Z^S^S^^^S^S^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^S
iwwwwwwwmww^^^m^m^wwwwmwmwwmwm'
iL'cglisc et le monastère De ^ainte^a^acie
De JFOUrS. (Suite et fin). .^.-...-^.-..,-w.x.^-.v^
II.
'ŒUVREdeMabilia lui survécut
et .se développa rapidement. La
seconde prieure s'appelait Esqui-
va (').C'està ces premières années
du monastère qu'il faut faire remonter la
construction de l'enceinte où l'on utilisa
quelques pans de murailles romaines en
grand appareil, encore debout, la répara-
tion des voûtes de l'église, l'adjonction
de la chapelle du côté de l'évangile et
l'ouverture d'une grande fenêtre sur la
façade occidentale. Esquiva eut la joie de
voir le pape Innocent IV prendre le prieuré
de Fours sous sa protection par une bulle
donnée à Lyon le VII des Ides de septem-
bre 1245. Alzacia remplaça Esquiva dans
le gouvernement du monastère qui fut élevé
par Urbain IV au rang d'Abbaye. Aussi
Alzacia porte le titre d'abbesse dans le
Nécrologe de St-André : « KaL Hlarfis,
depos. Doniinœ Alasaciœ abbatiss<e de Fiir-
7iis ('). » Bertrand Raymbaud, abbé de
St-André, confirma en 1 303, l'élection de Ber-
trande Robert, comme abbesse de Fours(3).
1. Gallia chris/iana, t. I.
2. Gallia christiana, t. I. MM. Bibl. Nat. latins,
N" 12762. Le marquis de Cambis et avec lui M. Blanc
se trompent en disant « que la première abbesse connue
se nommait Faure»et qu'Urbain IV érigea le prieure en
abljaye en 1266. A cette date Urbain IV était mort. On
a bien voulu chercher à la Bibliothèque du Vatican les
bulles d'Innocent IV et d'Urbain IV. Mais on ne les
a pas trouvées. Il n'est pas fait non plus mention de
celle d'Innocent IV dans la partie des Rt-^is/irs de ce
pape, publiée par M. Élie Berger.
3. Gallia christiana, t. I.
Le Nécrologe de .St-André fait mention
de sa mort au mois de janvier. <i VIII I. Kal.
febr. dcposit. Dominœ Bertrandœ abbatissœ
de Fiiniis {'). » Douce de Vedène lui suc-
céda. Nous trouvons son élection confirmée
en 13 10 par Bertrand Raymbaud ("). Elle
appartenait à une famille noble et c'est
sans doute d'un membre de cette famille
qu'il s'agit dans ce passage du Nécrologe :
« IV Kal. februarii obiit Guillclimts de
Vedena Miles (^). » Le même Nécrologe
mentionne au VI Kal. Januarii, la mort
d'une abbesse de Fours appelée Severa:
« VI Kal. /. De p. Dominez Severœ abbatissœ
de Furnis (•*). » Nous ne savons à quelle
époque elle a vécu. Jeanne était abbesse de
Fours en 1322 ; nous la retrouvons encore
en 1344. La présence de la papauté à Avi-
gnon où elle s'était définitivement fixée
avec Jean XXII, jetait un grand éclat sur
toute la contrée. La vie religieuse s'y
épanouit avec une force nouvelle. Mais
cet accroissement de prospérité amena des
difficultés, des tracas et des périls que le
premier âge du monastère de Fours n'avait
pas connus. Heureusement Jeanne était une
femme énergique et quelques documents
nous la font entrevoir parant à tout avec
une sollicitude infatigable. Dès 1323, elle
réclame contre les usurpations des gens
de Ptjjaut, communauté dont le territoire
touchait à celui de l'abbaye (^). L'abbesse
1. MM. Bibl. Nat. latins, N" 12762. '
2. Gallia christiana, t. I.
3. MM. Bibl. Nat. latins, N° 12762.
4. Ibid.
5. Anno ab incarnationc Doniini millosimo trecenle-
simo vigesimo tertio et die decimo tertio mensis maii,
1885.
i'*-" Livraison.
IRctiuc De l'3rt cîncticn
les accusait d'être entrés sans façon « inci-
vilité}' » dans le bois de son monastère,
situé au couchant du chemin allant de Fours
à Avignon, et de s'y être approvisionnés
largement, sans égard aux bornes et termes
fort apparents qui séparaient les biens de la
communauté de Pujaut de ceux de l'ab-
baye. La communauté niait avoir pris du
bois dans la partie appartenant au couvent,
et soutenait que ses biens s'étendaient
illustrissimo Domino Carolo Dei gratia Francorum et Na-
vanas rege régnante. Cum quoestio, lis, controversia et
rancuna multiplex diu est agitata et exorta fuisset et ti-
meretur in posterum tam in judicio quam extra judicium
multo fortius exoriri et ctiam agitari inter Venerabilem
Dominam Dominam Johannam Dei gratia abbatissam
monasterii Sanctre; Maria; de Furnis, Avenionensis diœce-
sis et e|us conventum ex una parte, et imiversitatem homi-
num et personarum dePodio-Alto seu procuratoris dicta;
universitatis ex altéra parte, super eo et pro eo quod dicta
domina abbatissa et ejus conventus, seu earum procurator
nomine ipsarum asseruerat et asserebat prœdictam univer-
sitatem et homines dictce universitatis inciviliter venisse
et intrasse deffensium seu nemus monasterii pra;dicti
juxta iter seu rialum par quod itur de Avenione versus
dictum monasterium a parte occidentis et ibidem magnas
quantitates lignorum coUegisse, emisisse et secum ad-
portasse quamquam devesum et nemus prîedictum cum
patuis dictae universitatis de Podio-Alto terminis lapideis
et bolis magnis et apparentibus plantatis acthenus ad di-
visionem dicti nemoris sui et patui pnïdicit, ut dicebat,
esset terminatum et divisum ; dicta universitate seu procu-
ratore ipsius negante proposita et asserta ex adverse, nec
non dictam universitatem seu personas ipsius universitatis
aliqua ligivi collegisse in deffenso seu nemore dicti mo-
nasterii sed duntaxat in patuis et habedimentis dictte uni-
versitatis de Podio-Alto, cum patuis dicta; universitatis se
extendant, ul decebat, usque ad rialum quo protenditur de
Avenione versus dictum monasterium prout de predictis
constare dicebat per publicum instrumentinii et licet ali-
qui lapides crecti fuerint in dicto patuo de Podio-Alto, illi
non fucrunt plantati seu erecti de conscientia seu voluntate
diclK universitatis seu alterius qui potestatem haberetur a
dicta universitate terminandi dictum patuum cum nemore
seu deffenso monasterii predicti,ot si reperiretur quod non
cred't quod dicti lapides erecti fuerint et plantati pntsen-
tibus aiiquibus hominibusseu personis de Podio-Alto, non
fuerunt erecti seu plantati in dicto patuo ad divisionem
patui dicti loci et devesii seu monasterii pnedicti, sed
dunitaxat quod dictum monasterium seu animalia ipsius
ultra dictos lapides versus dictum patuum se non possunt
extendere neque debcnl, licet ipsa universitas usque ad
dictum rialum jus habeat et habereconsueveritab antique
et tanto temporc, quod de contrario memoria hominum
non habetur, animalia sua immitendi et immissa tenendi
causa depascendi, lignayrandi, ligna colligendi et alia ha-
bedinienta faciendi sicut in alia parte territorii et patui de
jusqu'au chemin d'Avignon. Mais les termes
plantés ? objectait l'abbesse. Les termes,
répondait la communauté, ont été plantés
sans autorisation, et ensuite ils n'ont été
plantés que pour indiquer que les bestiaux
du monastère ne pouvaient paître au-
delà, et non pour marquer une division de
propriété. De tout temps la communauté
avait eu la jouissance de la partie du bois
que l'abbesse et les religieuses lui con-
Podio-Alto, palam et publiée sine impedimento quocum-
que usque ad presens quod dictum monasterium et con-
ventus ejusdem de novo in juribus praîdictis minus juste
impeditet perturbât, quare petebat silentium imponi pro-
curatori dicti monasterii de Furnis et conventus ejusdem ;
tandem partes prœdictx, post multas altercationes etliti-
gia habites et habita inter eos, volontés, ut dicebant, sum-
ptus judiciariosevitare considerantesque quod dubius est
eventus litis, attendentes, ut dicebant, quod per transa-
ctiones et amiabilcs compositiones a lite diceditur et inter
partes pax et concordia refformatur de dicta quaestione et
de pendentibus ex ea, videlicet Guillemus Botini, Domi-
cellus, et Pontius Chaberti de Podio-Alto procuratores et
nomine procuratoris universitatis hominum et personaruin
vilUe de Podio-Alto, prout de dicta procuratione constat
per quodam publicum instrunientum scriptum et signalum
ut in eo legitur manu magistri Johannis de Roverio notai ii
factum subannis Domini millesimo trecentesimo vigcsimo
secundo et vigesimo quarto mensis februarii quod incipit
in secunda linea siimo et linit in cadem arboribns ex una
parte, et Petrus Riperti de Montiliis procurator et nomi-
ne procuratorio venerabilis domins- domina; Johannœ Dei
gratia abbatissœ monasterii Beatas Mariœ de Furnis pra;-
dicti et conventus ejusdem monasterii prout de dicta pro-
curatione constat per quodam publicum instrunientum
scriptumetsignatumutcoUegitur manu magistri Raynnindi
Gervasii notarii quod incipit in secunda \\x\c.-». abbatissa çX.
finit in eadem dicti, lîx altéra, promittentes sibi ad invicem
et vicissim partes ips;e prcL'dictœ omnia et infra scriptaad
requisitionem alterius ipsarum facere,laudari et confirmari,
videlicet dictus Petrus Riperti dominse abbatiss;c et con-
ventus ejusdem et dicti Guillemus et Pontius universitati
et personis ipsius de Podio-Alto gratis et spontanca vo-
luntate et in nullo,ut dicebant, errantes, nominibus quibus
supra et successorum suorum compromiserunt et compro-
missum fecerunt in sapientes et discrètes magistrum Rcy-
mundum Pontii notarium de Rupemaura et magistrum
Johannem Bartholemoi notarium de Sancto Laurentio de
Arboribus, tanquam in arbitres arbitratores et amiabiles
com|)ositorcs seu pacis reformatores quos partes ipsas
communi consensu et concordia ad dictam quiustionem et
dependentia ex ea terminancam elegerunt. Dantes et
concedentes partes ipsœ nominibus quibus supra,pra;diclis
arbitriis arbitratoribus et amiabilibus compesitoribus,
plenam et libcram potestatem et auctoritatem dictam
qu>estioneni ex dependentia ex eadem audicndi, exanii-
nandi, deffiniendi et etiam terminandi, hinc ad quindenam
Ctuoes D'avcficologic et D'bistoirc sur 5iillcncuuc4c?=auignon.
43
testaient injustement. Jeanne continua ses
revendications. Après force altercations et
litiges, les gens de Pujaut et les religieuses
de Fours, voulant, disaient-ils, éviter les
frais d'un jugement, considérant d'ailleurs
que l'issue du procès éiait douteuse, et
qu'il n'y avait pas de meilleur moyen pour
ramener entre les parties la paix et la con-
corde que les transactions amiables, réso-
lurent de nommer des arbitres. On choisit
instantis festi Pentecostes venturi proxime, hoc acto et
expresse convento inter partes, quod dicti arbitrii earum
voluntate et potestate dictum compromissuin prorrogare
possint prout eis videbitur... Actum apud Rupismauram
in curia dicti loci. Testes présentes fuerunt Betrandus
Motœ, Guillemus Gavini, Armandus de Yacono, Bertran-
dus Imberti, Alplionsus Castelli de Rupismaura et plures
alii et ego Reymundus Hugonis Domiiii régis Franciaî N.
publicus qui pricdictis omnibus presens fui et praedicta
omnia scripsi in protocoUo meo reddegi de voluntate et
consensupartium pra-dictorumet permagistrumjoliannem
de Roveria ejusdem domini régis notarium substitutum
meum idoneum et juratum grossari feci et facta coUatione
diligenti cum nota et substituto prœdictis omnibus sub-
scripsi manu propria et signo meo consueto signavi.
Anno ab incarnatione Domini millesimo trecentesimo
vigesimn tertio et die vigesimo Mail, illustrissimo Domino
Carolo Dei gratia Francorum et Navarœ rege régnante
noverint univers! prcesentes pariter ei futuri quod discreti
viri magister Reymundus Pontii de Rupemaura et ma-
gister Johannes Bartholomei de Sancto Laurentio de
arboribus notarii arbitri arbitratores et amicabiles
compositores per partes infra scriptas et prout eodem
fatebant electi et asserebant constare per notam sum-
ptam manu magistri Reymundi Hugonis notarii publici
de Rupemaura super qua'stione scu controversia ver-
tente inter religiosam dominam dominam Joliannamab-
batissam Beatœ Maria; de Furnis Avcnionensis diœcesis
et ejus conventum ex una parte et liomines seu universi-
tatem loci de Podio-Alto ex altéra, prajsentibus ibidem
Petro Riperti procuratore et nominc procuratoris dominas
abbatissiE et conventus praîdictorum, faciente fidem de
mandatoper quodam publicum instrumentum scriptuni et
signatum manu magistri Reymundi Gervasii notarii pu-
blici ut in eo legitur cujus ténor talis est: — Anno Do-
mini millesimo trecentesimo vigesimo tertio et duodecimo
die mensis aprilis, Domino Carolo, Dei gratia Francorum
et Navarre rege régnante, noverint universi quod religiosa
Domina Johanna Dei gratia abbatissa .Monasterii Beatœ
MariiL- de Furnis Avenionensis diœcesis existens in dicto
monasterio in ecclesia cum suo conventu specialiter ad
infra inscripta vocato et congregato more solito, de con-
sensu dicti conventus quarum nomina monialiuni inferius
sunt inserla, ipsa domina abbatissa una cum dicto con-
ventu et conventus cum ipsa simul et concorditer sponte
fecerunt, creaverunt et constituerunt suos ccrtos viros
légitimes et indubitatos procuratores yconomos, scilicct
et on délégua d'abord, des deux côtés, quel-
ques hommes à qui on confia le mandat
d'élire ces arbitres. Les délégués de Pujaut
furent nommés le 24 février 1322. Sur
l'ordre de maître Raymond H ugon, notaire
et clavaire de Roquemaure et sur la réquisi-
tion du bayle Salvator Blaqueri, les habi-
tants furent convoqués aux sons de la
trompette sur la place publique. Ils choisi-
rent pour délégués Raymond Ortolan,
DominumGuillemum de Rupemaura militem de Bellicardo,
Magistrum Reymundum Pontii notarium de Rupemaura,
fratrem Guillemum Vmberti donatum dicti monasterii,
absentes tanquam présentes, et Petrum Riperti de Montiliis
presentem et onus praisentis procurationis gratis in se re-
cipicntem et quemlibet ipsarum in solidum, ita quod non
sit melior conditiooccupantis seu occupantium, sed quod
per unum ex dictis procuratoribus suis incoactum fuerit
per alium seu alios possit et debeat explici mediari finiri
vel etiam terminari, générales ad omnes causas lites et
controversias motas et movendas contra dictum monaste-
riuni et personnas et bona ejusdem movit seu movere in-
tendit contra personnas quascumque ecclesiasticas vel
seculares seu universitatem quamcumque in omni curia
ecclesiastica vel seculari vel judice quocumque ordinario
vel extraordinario, etc.. Nomina vero monialium dicti
monasterii conventum facientium sunt hase ; Domina
Guillema Mascarona priorissa dicti monasterii, Domina
Alezaycia de Novis, DominaConstantia Albarona, Domina
Belinde Gaufride, Domina Sibynda de Meyna, Domina
Beatrix de Sorgia, Domina Belinde de Ponte, Domina
Ermessendis Mascarona, Domina Cecilia Pontiœ, Domina
Alezaycia Garina, Domina Alezaycia Audemare, Domina
Constantia Gisberta, Domina Garcendis de Merindol,
Domina Saura Roberta, Domina Stephana Audemara et
Domina Reynumda Alphanta, de quibus dicta Domina
abbatissaet dictus conventus voluerunt et petierunt dictis
procuratoribus et eorum cuilibet si necesse fuerit unum
vel plura tieri instrumenta. .-Vcta fuerunt anno et die qui-
bus supra in ecclesia Beat;e ^lariœ de Furnis, testibus
presentibus et vocatis Dominis Stephano Pineti et Rey-
mundi Grilhoni priesbyteris, fratre Johanne de Carumbo
donato dicti monasterii et me Reymundo Gervasii publiée
dicti Domini régis notario qui iis omnibus praisens fui et
ad requisitionem dictie dominœ abbatissre et conventus et
ipsarum mandato et consensu hoc presens instrumentum
inscripsi et in forum publicum reddegi et signo meo se-
quenti signavi, et Reymundo Ûrtolani et Bertrando Roca
de Podio-.Alto procuratoribus hominum de Padio Alto
et universitaiis ejusdem facientibus tidem de man-
dato per quodam publicum instrumentum cujus té-
nor talis est : — Anno ab incarnatione Domini millesi-
mo trecentesimo vigesimo secundo et die vigesima quarta
mensis februarii, Domino Carolo Dei gratia FranciiC et
Navar;e illustrissimo rege régnante, noverint universi
présentes et futuri quod liomines infra scripti de Podio-
Alto, scilicct Guillemus Cîarini, Petrus de Arboribus,
44
iRcuuc De rart cïjrcticn.
Guillaume de Toro, damoiseau, Pons Cha-
bert, Pons Roque, Bertrand Roque et
Guillaume Botin.On leur détailla le mandat
qu'on leur confiait pour arriver à terminer
le différend survenu ; on les fit jurer, et
Jean de Roverié, de Sarnachs, du diocèse
de Nîmes, notaire public du seigneur roi
de France, dressa une procuration en bonne
et due forme qui leur fut remise, en pré-
sence des témoins Pierre de Dyons, prieur
Guillemus Botini domicelli, Guillemus Bessoni, bajulus
Domini Rostagni de Podio Alto, Guillelmus Ores, Berin-
garius Arteri, Johannes Baysserii, Reymundus Chaberti,
Petrus Marcelli, Bei trandus Romaria% Reymundus Barjac,
Reymundus Gavigas, Guillelmus Filhortre, Reymundus
Amblardi, Reymundus Romana, Vitalis Borini, Durantus
Audoardi, Guillelmus Meynardi, Guillelmus Tibcrii de
infra villam, Guillelmus Mosselhan, Guillelmus Abrilas,
Johannes Tiberii,Petms de Deo.Bertrandus Sancti Vere-
demii, Guillelmus Tiberii de extra villam, Petrus Cabasse,
Pontius Renidius, Reymundus Tiberii, Poncius Ricardi,
Bertrandus Chaberti, Guillelmus Castellana, Stephanus
de Parvis, Guillelmus Guizo, Pontius Tiberii de infra
villam, Reymundus de Dec, Reymundus Albaretti, Pon-
tius Raybondi, Reymundus P.enedicti, Durantiusde Par-
vis, Guillelmus sancti Veredemii, Pontius Gilii, Vitalis
Rostagni, Guillelmus Mansa junior, Guillelmus Alegre,
Reymundus Salvaterrse, Guillelmus Mansa senior, Guil-
lelmus Belforii, Reymundus Ausilhassii, Johannes Verini,
Petrus Hugonis, Pontius Guillaberti, Jacobus Alegre,
Petrus Barjacii, Reymundus Sancti Veredemii, Reymun-
dus Loncrit, Pontius Barjacii, Johannes Garini, Stephanus
Jacobi, Petrus Salvaterra;, Petrus Davini, Pontius dé-
mentis, Jacobus Salvaterrœ, Imbertus Tiberii, Reymun-
dus Nadal, Reymundus Corcona, Durantius Alegre, Pon-
tius Rostagni, Guillelmus Dalmassii, Bertrandus Baudilii,
Pontius Chaberti, Bertrandus Cabassa, Petrus Gilii, Guil-
lelmus Aimeras, Guillelmus Jacobi, Petrus Bremundi,
Pontius Baudilii, Guillelmus Davini, Guillelmus Barjac,
Pontius Tiberii, Bertrandus Chaberti, Guillelmus Sancti
Martini, Pontius Reymundi, Guillelmus Varini, Reymun-
dus Rocel)', Petrus Barjacii, Pontius Rostagni junior,
Rostagnus Malacary, Petrus Sancti Veredimii, Reymundus
Robert", ad voccm tub;c in platea dicti loci more solito
congregati de mandato discret! viri magistri Hugonis no-
tarii clavarii Rupismaura;, regcntis jurisdiciionem Podii
Alti, ad requisitionem Salvatoris Blagucrii bajuli dicti
loci, nec non Bertrand! Roque et plurium aliarum perso-
narum dicta; universitatis ad infra scripta facienda pro
urgenti necessitate et utilitate dictœ universitatis pr;cno-
minati vencrunt et coniposuerunt coram dicto clavario
et ipso i)resente volente et consenticntc authoritatem et
consensum suum ad infra scripta pr;cstante ubi erant plus
quam du;u partes hominum dicti loci, prout pnudicti asse-
rebant universitatem loci prœdicti facientcs omnes simul
supra scripti homines dicta; universitatis congregati et
convocati ut supra nec non et singuli eoruni per se in so-
du lieu, Pierre Brice de Sauveterre, Ray-
mond Rascassius d'Uzès, Bertrand Barbe
d'Istre, Nicolas Robaud de Tavels, Guil-
laume Crosa de Saint-Sauveur, Jean Ro-
delli de Saint-Geniès.
Le 12 avril les religieuses de Fours,
convoquées au son de la cloche, se réu-
nirent en chapitre dans leur église pour
choisir leurs délégués. Il y avait là Dame
Guillema Mascarona, prieure, Dame Ale-
lidum ex pro toto universitatem Podii Alti représen-
tantes seu majorem partem ipsius pro se ipsis et
nomine dictœ universitatis et communis ejusdem gratis
et scienter et ipsorum nemine discrepante prout melius
et sanius de jure et de facto dici, intelligi, seu excogitari
potest, fecerunt, convenerunt, constituerunt et ordinave-
runt unanimiter et concorditer, suos et dictœ universitatis
certos indubitatos et spéciales procuratores syndicos nun-
tios et actores videliscet discrètes viros Reymundum Or-
tolan!, Guillelmum de Turre domicellos, absentes tanquam
présentes Pontium Chaberti, Pontium Roca, Bertrandum
Roca et Guillelmum Botini prccsentes et quamlibct eorum
in solidum et pro toto, ita quod non sit melior conditio prius
negotium occupantis sed quod unus eorum incieperit per
alium seu alios valeat et possit ad finem perdue! in causa
seu causis qua;st!onis seu quiestionibus quam seu quas
dominfe abbatissœ monasteri! Beatœ Mariic de Furnis seu
ejus conventus movit movet seu movere intendit de mon-
tanea seu patuo dicti loci contra dictam universitatem seu
aliquem de dicta universitate et quam seu quas dicta uni-
versitas movit, movet seu movere intendit contra dictum
monasterium pro patuis seu montaneis prasdictis, dantes,
concedentes omnes universaliter et singulariter singuli
constitucntes dictis procuratoribus suis nuntiis, actoribus
et syndicis et ipsorum cuilibet plenam et liberam potesta-
tem et authoritatem et licentiam componendi, agendi,
defîTendendi, pro ipsis et ipsorum cujuslibet ipsorum no-
mine in omni loco et curia et coram quocumque judice
ecclesiastico et scculari, ordinario vel extraordinario, etc.
Acta fuerunt in platea dicti loci de Podio Alto testes prie-
sentes fuerunt dominus Petrus de Dyons prior dicti loci,
Petrus Bricii de Salvaterra, Reymundus Rascassii de
Utecia, Bertrandus Barbe de Istre, Nicolaus Robaudi de
Tavellis, Guillelmus Crosa de Sancto Salvatore, Johannes
Rodelhi de Sancto Genesio et ego Johannes de Roveria
de Sainachiis diœcesis Nemonsensis publicus dicti domini
nostri régis Francise notarius qui priedictis omnibus et
singulis prasscns fui et hoc instrumentuni ad requisitionem
supra nominatorum manu mea scripsi et signo meo con-
sucto signavi volentibus et patentibus cognitionem suam
ficri nominibus quibus supra dicti in quam arbitri arbitra-
tores et amicabilcs compositores volentilnis et requirenti-
bus partibus supra dictis et scntentiam postulantibus pr.;
bono pacis et coiicordi;i; et suinptibus partis cujuslibet evi-
tandis ad eorum sententiam dictam seu dictiC qu;estionis
et controversiaî declarationem processcrunt in moduin
qui sequitur infra scriptum. Ad hœc nos Reymundus
OBtuDes D'arcbcologic et n'himitt sur 2îiUeneutîe=Ie5=9tiignon.
45
zaycia de Noves, Dame Constance Alba-
rona, Dame Belinde Gaufride, Dame Si-
bynda de Meines, Dame Béatrix de Sor-
gues, Dame Belindede Ponte, Dame Ermes-
sende Mascarona, Dame Cécile Ponti,
Dame Alezaycia Garina, Dame Alezaycia
Audemora, Dame Constance Gisberta,
Dame Garcende de Merindol, Dame Saura
Roberta, Dame Stephana Audemora et
Dame Raymonde Alephante. Elles choisi-
rent pour leurs délé^més, Guillaume de Ro-
quemaure, chevalier de Beaucaire, maître
Raymond Pons, notaire de Roquemaure,
Frère Guillaume Hubert, donatde l'abbaye
Pontii et Johannes Bartholomei arbitri arbitratores seu
amicabiles compositores supra infra scripti electi per testes
praadictos et etiam infra scriptos, auditis quœstionibus et
controversiis pr;edictis, testibusque examinatis et auditis
ab utraque parte productis, loco quœstionis prsdictae nos-
tris et dictorum testium occulis subjecto ; dicimus in et
sub pœna et sacramento in dicto compromisse contentis
cognoscimus, pronuntiamus et declaramus quod in loco
quicstionis prêedictée in cadariera juxta nemus Guillelmus
Cavallerii juxta pedem rocassii quod est subtus furnum
calcis, juxta rialum quo itur de sancto Andréa ad monaste-
rium prœdictum Beatie Maria; de Furnis, ponatur et poni
seu plantari débet unus terminus qui terminet recta linea
a dicto rialo versus occidentem usque id bolas seu ter-
mines veteres, ita quod illud quod est a parte venti se-
quendo dictum rialum versus vcntum subtus dictum rocas-
sium et terminum plantalum ibidem, sit et esse debeat et
pertinere perpétue ad hemines et universitatem loci de
Podio Alto, et a dicto recassie et termine pesite ibidem
usque ad bolas seu termines veteres et a dicto loco seu
termine plantando ibidem, sequendo dictas bêlas seu ter-
mines veteres, ascendendo versus circium usque ad exi-
tum et intreitum dict;u vallis vecata; Fu/ de vase a parte
orientis, sit et esse debeat et pertinere perpétue ad dictam
dominam abbatissam et ejus conventum ; ita quod si
dictae dominre abbatissœ vel ejus conventus habeat ali-
quod jus usus vel preprietatis in parte dictis hominibus de
Pedie Alto et universitati ejusdem adjudicata et e contra
quod illud jus actienem et rationem una pars alteri et e
contra cedat, finidt, remittat penitus et desemparet, ita
quod neutri partium aliquodjus competat contra altcram
in agendo, sed ex nunc in antea sit inter ees perpetuus
pax et finis. Item dicimus, pronuntiamus declaramus et
pra-'cipimus in pœna et sacramento in dicto compromisso
contentis dictis procuratoribus et eorum cuilibet ibidem
pnesentibus quod prsdicta omnia et singula incontincnti
nomine sue proprio et procurateriis nominibus ratificent,
emologent et confirment, item dicimus, pronunciamus et
precipimus in pœna et sacramento pnBdictis et declara-
mus quod dicti procuratores tam dominœ abbatissx et
conventus pra;dictorum quam etiam hominum et univer-
de Fours, comme présents quoique absents,
et Pierre Ripert de Monteils, présent et
acceptant de se charger de la procuration des
religieuses qui fut dressée dans l'église
même par le notaire Reymond Gervais,
en présence des témoins Etienne Pinet et
Raymond Grillions, prêtres, Frère Jean de
Carumbo, donat de l'abbaye. La procura-
tion contenait une longue énumération de
tous les pouvoirs donnés aux délégués.
Pierre Ripert jura de remplir fidèlement
son mandat sur l'âm.e de l'abbesse et des
religieuses de tout le couvent.
Munis de leurs pouvoirs les délégués de
sitatis de Pedio Alto prasdicta omnia et singula emolegari
confirmari et ratificari faciant per dominam abbatissam et
ejus conventum et universitatem de Podio Alto, si et
quandocumque per nos fuerunt requisiti quœ omnia et
singula supra dicta Petrus Riperti praîdictus precurator et
procuratorie nomine Deminœ abbatiss;e et ejus conventus
nec non Keymundus Ortolani et Bertrandus Roca nomi-
nibus eorum propriis et nomine procuratorio hominum et
universitatis de Podio Alto, ut de eorum voluntate facta
laudaverunt, approbaverunt pariter et ratificaverunt pr;c-
dicta omnia et singula ratificari, approbari et confirmari
facere peripsos constituentes promiserunt ad voluntatem
dictorum dominerum arbitrorum arbitraterum et amicabi-
lium compesitorum et requestam. De quibus omnibus
quœlibet pars petiit sibi fieri publicum instrumentum.
Acta fuerunt hiec in loco ipsius quœstionis testibus pr.c-
sentibus Domino Guillelme de Rupemaura milite de Belli-
cadro, Johanneejus filio. Domino Petro de Dyons priera
Sancti V'eredimii, Petro de Montrauri, Guillelme Bempar,
Guillelme Imberti alias candelarii de Rupemaura, Petro
Chienze ferarie, Saturnini de Salvaterra et me Johanne de
Roveria de Sarnachiis diœcesis Nemensensis publiée dicti
demini nostri régis Francorum notarioqui pr;cdictis omni-
bus et singulis praîsens fui et ea ad requisitionem partium
in duabus peciis pargamenis conglutinatis cum in une
commode interesse non possent quorum prima incipit in
ultima Wnccih-gi/ima et fuit in eodem cum principie prinue
lineœ secunda^ pecias rati/icaïuii, scripsi manu mea pro-
pria et ad majorem omnium et singulorum preniissarum
firmitatem et robur signe meo propri- et censueto sequenti
signavi.
(Collationné sur son original escrit ainsi qu'il y est
énonce sur deux peaux de parchemin collées ensemble
déposé dans les archives de la vénérable Chartreuse de
cette ville de \'iIleneuve-lez-.Avignon, sous la cote <ie
Furnis /, à nous exhibé et dessuite retiré par V"'" et re-
ligieuse personne Dem Raphaël Paris, coadjuteur de
ladite Chartreuse, par moi, Pierre-Joseph-François Gui-
raud, notaire royal de ladite ville soussigné, le 29 avril
1780. — Signé: Guiraud, notaire.
(Archives municipales de Ville/u-uvc-les-Avignon,FF.y.)
46
iReioue ne rstt cfjtétien.
Pujaut et de l'abbaye de Fours se réunirent
le 23 mai à Roquemaure in ciiria.
Étaient présents, comme témoins, Ber-
trand Mora, Guillaume Garin, Arnaud de
Yacono, Bertrand Imbert, Alphant Castelli
de Roquemaure et plusieurs autres. Les
délégués nommèrent pour arbitres sages et
discrètes personnes maîtres Reymond Pons,
notaire de Roquemaure et Jean Bartho-
lomée, notaire de St-Laurent-des-Arbres,
auxquels les parties adverses remirent tout
pouvoir pour juger irrévocablement leur
différend. Le jugement devait être rendu
avant la fête de la Pentecôte, qui était
proche, et les parties s'engagèrent à s'y
soumettre entièrement sous peine de 25
livres tournois d'amende. Elles le jurèrent
sur les Saints Évangiles qu'elles touchèrent
de leurs mains. Les deux notaires Rey-
mond Ugon et Jean de Rovérié prirent acte
du tout.
Quatre jours après leur nomination, les
deux arbitres Raymond Pons et Jean
Bartholomée, accompagnés des délégués
Guillaume Botin, damoiseau, et Pons Cha-
bert, pour Pujaut, et de Ripert de Monteils
pour l'abbaye, se transportèrent à Fours.
Après avoir entendu la lecture de la procu-
ration en vertu de laquelle les délégués les
avaient nommés, ils écoutèrent les plaintes
des deux parties, les témoins qu'elles pro-
duisirent, visitèrent les lieux objets de la
contestation et prononcèrent leur jugement
qui délimita d'une manière précise ce qui
appartenait à la communauté de Pujaut et
ce qui appartenait à l'abbaye de Fours. Les
notaires instrumentèrent en présence du
seigneur Guillaume de Roquemaure che-
valier de Beaucaire, de Jean son fils, du
seigneur Pierre de Dyons, prieur de St-Vé-
rédime, de Pierre de Montaux,de Guillaume
Bompar, de Guillaume Imbert chandelier
de Roquemaure, de Pierre Chicnze, forge-
ron, de Saturnin de Sauveterre, et dudit
Jean de Rovérié.
Quelques années après, nous trouvons
l'abbesse de Fours en rapports avec le
chapitre de Sainte-Marie de Villeneuve-
lez-Avignon, récemment fondé par le car-
dinal Arnaud de Via. Le 13 avril 1344, les
chanoines réunis dans leur chœur, en pré-
sence de Bernard de Sancto-Flora, prêtre
bénéficier de ladite collégiale, de Pierre
de Rivis, prêtre du diocèse de Clermont, de
Frère Remond Rocheta, donat du monas-
tère de Fours, donnèrent procuration au
chanoine Jean de Besaco pour traiter avec
l'abbesse de Fours. Jean de Besaco lui
abandonna une maison située à Pujaut
franche de tous droits, moyennant unecen-
sive consistant en une éminée de bon et
beau blé, selon la mesure de Pujaut, à rece-
voir chaque année en septembre, pour la fête
de Saint-Michel. Cette éminée devait être
apportée à Pujaut par Remond Almarici
autrement dit Delsplas, qui la devait aux
religieuses pour une pièce de vigne qu'elles
avaient dans le tenement de Sauveterre, au
quartier appelé Al Bosc de Bosa. La cen-
sive exigée par le chapitre consistait encore
en une éminée et demie de bon et bel orge,
selon la mesure du fort Saint-André, que
servaient chaque année les héritiers de Ber-
trand Goy du dit Saint-André pour une
viene située dans le tenement de Saint-
André au quartier appelé Acabirès.
La vénérable abbesse n'avait point traité
sans avoir consulté son chapitre, et la charte
où cette censive est consignée nous fait
connaître les noms des Religieuses compo-
sant alors le monastère de P"ours. C'étaient
Dame Malavicina Malavicina;, Saura Gui-
berta, Seceilia Pontia, Stephana Audemora,
pitancière, Dulcia Vidalia, Emengana de
Roquemaure, Rixende Corpa, Bertrande
de Merindol, Berengaria Peira, Katherina
(JBmnts D'arcbéologie et D'ôistoire sur 93incncutie4e?=3r)ignon. 47
Garneria, Bermona Grega, infirmière, Ber-
trande Daudela, Bertrande Plasseria,
Jeanne Gilberta, Argentina, jardinière,
Saura de Montolivet, Alassia Augera, Dra-
gonta de Laudun, Pauleta Peyriera et Ala-
seia de Merindolio. Toutes ces religieuses
avaient autorisé leur abbesse à conclure
l'échange proposé, par acte passé en leur
église même par Arnald Stephani, clerc du
diocèse de Mirepoix, notaire public, en pré-
sence des témoins : Pierre Maura prêtre du
diocèse d'Agde, Stéphane Eustachii de
Suse, diocèse de Die, Jean Fromenti de
Saint-Victor-de-Gravière, diocèse d'Uzès,
Matthieu Jossandi de Velorge diocèse de
Cavaillon, et frère Guillaume Imbert, donat
dudit monastère.
La même année, le 26 avril, noble Jean
Durand, Doyen, Ugo Ro, sacristain, Jean de
Besaco, Pierre de Viridario, Bernard Sabate-
rii et Jacques Merterii, chanoines de Sainte-
Marie de Villeneuve, réunis en chapitre,
approuvent la convention du 14 avril (').
Cependant la situation isolée du mo-
nastère de Fours l'exposait à de continuel-
les déprédations. Jeanne réclama et obtint
la protection royale. Philippe de Valois lui
donna des lettres de sauvegarde qui furent
adressées par le Sénéchal de Nîmes au
Viguierde Villeneuve pour les faire exécu-
ter. L'abbesse se transporta en personne à
l'audience du Viguier et le requit de se
rendre à son monastère, d'y faire planter des
pannonceaux royaux, de veiller à l'exécution
de ladite sauvegarde, et de prononcer des
amendes contre les délinquants. Le 2 août
1344, le Viguier se rendit à F"ours avec deux
huissiers. Il fit planter des pannonceaux
aux armes du roi autour des propriétés du
monastère et sur la porte d'entrée où la
plaque de fer existait encore en 1 780 ('').
I. Archives du Gard, G. 1241.
T.. Archives de Villeneuve- lez- Avignon, FF. 17, nié-
Ces déprédations de vulgaires malfaiteurs
n'étaient que le prélude de périls plus
graves, qui allaient menacer l'existence mê-
me du monastère de Fours. — Dès 1357, la
Provence avait été ravagéepar la compagnie
d'aventuriers ou routiers conduits par
Arnaud Cervole dit l'archiprêtre. Inno-
cent VI traita avec ce terrible chef et l'é-
loigna de nos contrées. Mais en 1360, une
autre bande de routiers commandée par
Guiot du Pin, Lamit et le Petit Méchin,
et qu'on appela les Tard- Vernis envahit la
rive droite du Rhône. « Batilier, Guiot du
Pin, Lamit et le Petit Méchin chevauchè-
rent, eux et leurs routes, sur une nuit, bien
quinze lieues, et vinrent sur le point du
jour, à la ville de Pont St-Esprit et la
prirent, et tous ceux et toutes celles qui
dedans étaient ; dont ce fut pitié, car y
occirent maints prud'hommes et violèrent
maintes damoiselles, et y conquirent si
grand avoir que sans nombre, et grandes
pourveances pour vivre un an tout en-
tier('). » De Pont St-Esprit, les Tard-Venus
faisaient des excursions jusqu'aux portes
d'Avignon. Le Pape les menaça des foudres
de l'Église; ils s'en moquèrent, et il dut
faire publier contre eux une croisade dont
la direction fut confiée au cardinal Pierre
Bertrand. Sur la rive gauche du Rhône les
croisés se réunirent àCarpentras, sur la rive
droite à Bagnols : intimidés par ces pré-
paratifs, les routiers firent des propositions
d'accommodement. Le souverain pontife
leur donna 60000 florins et ils consentirent
à suivre en Italie le marquis de Montferrat
« moult gentil chevalier et bon guerroyeur,
qui avoit grand temps tenu guerre contre
les seigneurs de Milan et encore faisoit ('). »
Aux ravages des routiers s'ajoutèrent en
moire pour les consuls et commun.iutc de \'illeneuve-lez-
Avignon contre les consuls de Rotiucniaure, les consuls
de Pujout, et le syndic des Chartreux de Villeneuve, p. 16.
1. Froissart, L. I, part. II, c. 147,
48
ïRetiue De l'att chrétien.
ces années malheureuses les ravages de la
peste : elle décima Avignon et les environs.
Nul doute qu'il faut attribuer à ces circon-
stances le déclin du monastère de Fours. Les
religieuses réduites à un petit nombre, ne
trouvant plus de sûreté dans cette abbaye so-
litaire, au milieu d'une campagne dépeuplée,
songèrent à se transférer dans Avignon
même. Un heureux événement les aida à
réaliser leur projet. Urbain V venait de
remplacer Innocent VI sur la chaire pon-
tificale (1362). Or ce pape avait deux sœurs
religieuses de l'ordre de Saint-Benoît, l'une
au monastère de Saint- Laurent et l'autre au
monastère de Fours. Il avait aussi un frère,
Anglic de Grimoard, chanoine régulier de
Saint-Ruf de Valence, prieur de Digne, qu'il
nomma évêque d'Avignon dont le siège
vaquait depuis longtemps. Il le créa cardi-
nal en 1366. Un historien d'Urbain V fait
ce bel éloge du digne frère de ce saint pon-
tife : <iFuit devotissimus et maximus pattpe-
rum et clericorîtiii relevator ('). » Anglic de
Grimoard construisit ou répara, orna et dota
un grand nombre d'églises et de monastères
dans les diocèses d'Avignon, de Nîmes,
d'Uzès, de Mende et de Montpellier. Nous
avons trouvé (-) un portrait de ce pieux et
charitable Cardinal dans une miniature du
temps dont nous comptons donner la repro-
1. Baluze, Vita paparum avejiionensium, quarta vit a
Urbatti V, attctore Aymerico de Peyraco abbate Mayssia-
censi, t. I, p. 417.
2. Archives de Vauchise. G. Fonds de l'évêché d'Avi-
gnon, G. 10. Terrariiini Avinionense, 1362, fol" 12.
On lit à gauche de la miniature :
« Suscipe dona pia librorum
Virgo Maria,
Presulis Anglici famulari
Quein volinsti
Onis basilicae tune {?) Avini
Virginis Aime
Ipse salutem serves.
Tiitamque perennem.^
Onis est la dernière syllabe <S! Avinionis. Cette bizarrerie
se retrouve identiquement la même dans l'inscription
contemporaine de celle-ci gravée autrefois sur la tour de
Barbantane et reproduite dans les comptes relatifs à cet
édifice. G. Fonds de rÈvéché d' Avignon.
duction dans son riche coloris et au milieu
d'un joli encadrement. Il est représenté à ge-
noux offrant le terrier de l'église d'Avignon
à la sainte Vierge patronne de sa cathé-
drale.
Ce fut Anglic de Grimoard qui opéra en
1363 la translation des religieuses de Fours
dans Avignon. Nous connaissons le motif
particulier de l'intérêt qu'il leur portait. Il
leur fit bâtir une église et un couvent auquel
on conserva le nom de l'abbaye abandonnée.
Le Pape approuva cette translation par une
bulle donnée le XVI des Kal. d'avril la
5™e année de son pontificat ('). Le nouveau
monastère, contigu à celui de Ste-Catherine
des Dames de Cîteaux ('), était situé dans
la Carreria Massarum (aujourd'hui rue du
Collège d'Annecy), presque en face de la
maison qu'habitait Agnès de Beaufort,
veuve de Pierre Obreri, architecte du Palais
des papes (^). L'emplacement avait été vendu
au Cardinal par le chevalier Jean d'Au-
ron (''). L'église fut dédiée à Ste Lucie {^),
car l'évêque d'Avignon y avait placé,
avec plusieurs autres précieuses reliques,
un bras de cette illustre Vierge martyre (^).
Il ne reste plus de ces constructions que
1. Dom Chantelou, Historia Monasterii Sancti An-
dréa, ad an. 1239.
2. MM. de la Bibl. d'Avignon, Cambis-Vellcran, .Iniia.
les d'Avignon , t. II.
3. Testament d'Agnes de Bea/(/ort,Arch\ves de Vaucluse
G. fonds de Saint-l5idier, n" 46. Cette pièce a été retrou-
vée et reproduite par M. Duhamel dans une très intéres-
sante étude sur V/iabitation, la famille et la sépulture de
Pierre Obreri architecte du Palais des papes d' Avignon,
publiée dans les Mémoires de t Académie de Vaucluse,
année 1884, première livraison (Avignon, Seguin, frères).
4. Archives de \^aucluse, Terrier de l'évêché, an. 1362,
N" 7.
5. Archives de Vaucluse, D. 308.
6. «... inAvinione asolo ;Bdificavit('.'\nglicus Grimoardi)
monasterium cum ofificinis et habitationibus necessariis
pro monialibus de Furnis ordinis sancti Benedicti, qua;
prias erant ab extra collocatas in loco campestri etaperto;
deditque eis multa bona et reliquias aliquorum sanctorum,
et specialiter brachium sanct^e Luci;e munitum et in cas-
satum in argento. » (Prima vita Urbani V. Baluze, Vitct
paparum aven. t. I, p. 366.)
CtiiDcs D'arcbcologie et Q'bistoirc sur amcncutic=lC5=atiignon. 49
l'éfiflise transformée en ma<jasin avec ses
murs, ses fenêtres, ses contreforts portant les
signes d'appareil du XIV*^ siècle (la façade
a été refaite à la Renaissance), la porte
d'entrée du couvent et quelques portions du
cloître comprises maintenant dans plusieurs
maisons attenantes. Une chapelle de l'église
porte encore à la clé des nervures de sa voûte
les armoiries des Grimoards : de zueules ati
chef d'or emmenché de quatre pointes.
Le cardinal Anglic ne cessa de protéger
le nouveau monastère qu'il avait fondé.
Son testament nous offre un suprême
témoignasse de sa sollicitude. En même
temps qu'il donne à sa sœur Delphine deGri-
moard, religieuse bénédictine au monastère
de St- Laurent une pension viagère de 1 5 flo-
rins d'or, il lègue dix florins d'or de pension
à une autre sœur Isabelle de Sinzelles reli-
gieuse à Sainte-Marie de Fours. Il lègue en
outre â ce monastère la moitié des livres de
sa grande chapelle où il a l'habitude d'enten-
dre les messes chantées ; l'autre moitié était
attribuée aux religieuses deSte-Croix d'Apt.
Ses exécuteurs testamentaires, Guillaume
Vilate abbé de St-André, Audibert de Sade,
prévôt de Toulouse et Pierre Olivier son
camérier, étaient chargés de faire ce partage.
Eniîn il lui lègue trois cents florins d'or afin
d'acheter des vignes pour fournir aux reli-
gieuses leur provision de vin, sans qu'on
puisse, sous aucun prétexte, appliquer cette
somme à une autre destination (').
I. « Supia qua domo (une maison que le cardinal venait
d'acheter à Raymond Malisanguinis damoiseau de Pa-
ternes du diocèse de Carpintras, située à .'Avignon dans
sa livrée, confrontant à la maison de Jean Cavalier, au
monastère de St-Laurent, à la tour dudit monastère
et à deux rues) lego dilecta; mihi in X" sorori Dalpliinaî
Grimoardi dicti monasterii Sancti Laurentii avinionensis
moniali quindecim tlorenos auri currentes de viginti qua-
tuor solidis monetic avinionensis pensionales et pro annua
pensione eidem Dalphina singulis annis solvendos quam-
diu fuerit in humanis. Item lego super eadem domo
Dilectœ mihi in Christo sorori Isabelli de Sinzellis moniali
beata; Maria; de Furnis avinionensis ejusdem ordinis
decem florenos auri valoris supradicti, videlicet de viginti
quatuor solidis, pensionales et pro annua pensione eidem
Le cardinal Guillaume de Chanac té-
moigna aussi par un legs testamentaire de
son intérêt pour le nouveau monastère de
Fours auquel il légua quatre florins d'or (').
Si la protection du frère du pape et de
quelques autres princes de l'Eglise, valut au
monastère de Fours, transporté à Avignon,
quelque prospérité, elle ne fut pas de lon-
gue durée. Le nombre des religieuses fut
toujours en diminuant, et aussi le revenu
du monastère. En 1423, il n'en restait
plus que quatre, et lorsqu'elles avaient
payé les charges qui grevaient leur bien,
elles n'avaient pour vivre chaque année, que
vingt-quatre livres petits tournois. Ces
quatre dernières religieuses étaient Juaneta
de Sobyreto, prieure, Aiguesia de Scutella,
Clementia de Sancto-Romano et Aluvisia
Urtice (-). C'est avec un respect attendri
que nous recueillons ces noms. Celles qui
les portaient avaient voulu s'ensevelir dans
l'ombre sainteducloitre : leur malheurd'avoir
été les témoins de la ruine totale de leur
maison les a fait passer à la postérité. Cette
maison désolée fut du moins le berceau
d'une institution dont l'histoire forme une
Isabelli singulis annis solvendos quamdiu fuerit in hu-
manis. Obligans et expresse hypothecans ac obligatam et
hypothecatam esse volens eisdem sororibus Dalphina; et
Isabelli perpetuo dictam domuni et loquerium ejusdem
pro dicta pensione eis et cuilibet earum solvenda annis
singulis... — Item lego monasterio B. Mari;i; de Furnis
avinionensis et Sanctœ Crucis de Apta supradicto libres
quos habeo deputatos ad usum et servitium capelke nieœ
magnie, in qua solitus sum Missas audire cum nota, et
volo, jubeo atcjue mando libros hujusmodi ipsis duobus
monasteriis a;qualiter dividi perdictosdominosGuillelmum
abbatem monasterii S. .Andre;e, .-Xudibertum de Sado,
Pra;positum Tolosanum et Petrum Olivarii camerarium
meum superius nominatos. Item lego dicto monasterio
B. M. oe Furnis trecentos tlorenos auri currentes semel
tantum solvendos pro emendis vincis ipsi monasterio ex
quibus suam habeat vini provisionem,et volo, jubeo atque
mando quod hujusmodi pecunia, quacumque necessitate
seu occasione contingente, nullis aliis usibus applicetur. '»
(Testamentum R. in Christo Patris et Domini D. Anglici
episcopi Albanensis cardinalis, anno 13S8, ex archivis
S. AndrecC prope Avenionem. Baluze, Vila Paparum
Aveniensium, t. II, p. 102 1 et sq.)
1. Baluze, Vitce Paparum etc, t. II, p. 956.
2. Archives de V'aucluse, D. 30S.
50
iRcuuc De l'art cîjcéticn.
belle et intéressante page clés annales
d'Avignon. Le cardinal fean de Brogny,
évêque d'Ostie, avait eu la pensée de fon-
der un collège où vingt enfants de la Savoie,
sa patrie, seraient reçus gratuitement : ces
écoliers devaient suivre les cours de l'univer-
sité avignonaise ; il avait déjà préparé cette
fondation, mais la mort le surprit avant
qu'il l'eût menée abonne fin. Il chargea ses
exécuteurs testamentaires d'achever ce qu'il
avait commencé. H ugon, évêque de Vaison,
Gérald, évêque de Coserans, François, évê-
que élu de Mende, Anthoine Virronis,
docteur es lois, Alain Brientii, archidiacre
de Bologne, Chrétien Fabri, prévôt de
Riez, Jean de Nemoribus, archidiacre de
Gap,- Thomas de Burgundia, sacristain de
Glandève, jetèrent les yeux sur les bâtiments
qui constituaient le monastère de Fours.
Ils demandèrent au souverain Pontife,
Martin V, d'affecter cet immeuble à la
fondation projetée du cardinal de Brognac.
Le pape se rendit à leur désir. Il chargea
Jean Dupuy, prévôt de Carpentras et tré-
sorier général de l'Église romaine dans le
Comtat, de supprimer la dignité abbatiale
dans le monastère de Fours et de trans-
porter dans un autre monastère de béné-
dictines les quatre dernières religieuses
avecleursbiens et leurs droits; il le charg-eait
en même temps d'unir au collège du car-
dinal, afin d'en assurer l'existence, le prieuré
bénédictin de Bolène qui dépendait de
l'abbaye de l'île Barbe de Lyon. Le motif
qui détermina Martin V à accepter la pro-
position (jui lui avait été faite, mérite d'être
connu ; il est exposé dans ce beau début de
la bulle adressée à Jean Uujjuy où le Pape
dit qu'il met un soin particulier à ce que les
fidèles puissent chercher la perle de la
science : C'est une gloire de la posséder ;
elle chasse la nuit de l'ignorance, elle fait
resplendir au loin le nom de Dieu et la foi
catholique, elle accroît le culte de la justice
publique et privée, elle enseigne le gouver-
nement si utile de la raison, et elle augmente
heureusement tout ce que les hommes
espèrent de bien. Le Saint-Siège ne sau-
rait donc trop favoriser les fondations
qui assurent la diffusion de la science (').
Jean Dupuy accomplit le mandat Pon-
tifical ; il ordonna aux relisfieuses de F'ours
de se transporter dans l'abbaye bénédictine
deSaint-Véran aux portes d'Avignon, affecta
leur monastère au collège qui porta le nom
de Saint- Nicolas d'Annecy, et auquel il an-
nexa le même jour le prieuré de Bolène.
Le 24 JLiillet [428,1e prévôt adressait l'acte
d'exécution de la bulle de Martin V, aux
évêques d'Avignon et de Saint-Paul-trois
Châteaux, ainsi qu'aux abbés de St-André
de Villeneuve et de l'île Barbe de Lyon (-).
1. Martinus episcopus servus servorum Dei, Dilecto
filio Johanni de Putheo pnçposito ecclesise Carpentora-
ctensis in comitatu Venayssini,thesaurario nostro, salutem
et apostolicam benedictionem. In apostolica: sedis spé-
cule superni dispositione Rectoris, licet immei'ito consti-
tutus, ad universas fidelium regiones nostnu vigilantia;
créditas, eorumque profecta et commoda tanquam univer-
salis giegis dominici pastor, commiss.c nobis specula-
tionis aciem extendentes, fidelibus ipsis ad querendum
litterarum studia et scientiit maigaiitam cujus, dum in-
venitur, gloriosa est possessio, per qiiam ])elluntur igno-
rantiae nubila et divini nominis fideique catholicaî cultus
protenditur, justitia colitiir tam publies quam privata,
ratio geritur utiliter, omnisque spes humanae conditionis
féliciter adaugetur, pastoralem curam studiosius impen-
dimus et ne de hujus modi fonte irrigue tam precelsum
commendabileque exercitium haurire anhelantes reruni
defectus retrahat apostolicœ liberalitatis manus apponi-
mus illaque pia testantiuni vota qu;e pro multiplicandis
hujusmodi doctrin;e fructibus salutaribus prodiisse com-
periraus ut ad debitum producantur efîfcctuni libenter
gratiis et favoribus prosequiniur opportunis (Archives
de \'aucluse. D. 301S, fol. 29.)
2. Keverendis in Chrislo patribus et Dominis Domi-
nis miserationc divina .'\venioncnsi et Trirastrincnsi epi-
scopis ac nionasterii Sancti Andrc;e ordinis sancti Henc-
dicti avenionensis et nionasterii Insiikt Barbar.v ejusdcm
ordinis Lugduncnsis diœcesum abbatibus ac omnibus aliis
universis et singulis pricsentes litteras inspecturis, Jo-
hannes de Puteo prx-positus ecclesi;u Carpentoractensis et
in Comitatu Venaissini pro Domino nostro papaetSancla
Romana Ecclesia Tliesaurarius generalis, judex et coni-
missarius ac executor unicus ad infra scripta a sancla
sede apostolica specialiter dcputatus salutem in Domino
et presentibus fidem in dubium adhibcre Idcirco
Ctuoes D'arcbéologie et D'bistoirc sur îîiUencut)C=Ie5=at)ignon. 51
Quelques jours après, les délégués du
prévôt, munis de l'acte d'exécution de la
bulle de Martin V, se présentèrent au
monastère d'Avignon, pour en prendre
possession au nom des exécuteurs testamen-
taires du cardinal de Brogny. Les religieu-
ses, à genoux, jurèrent obéissance à l'ab-
besse de St-Véran, puis dame Juaneta de
Sobyreto accomplit (avec quels sentiments
tristes et résignés, on l'imagine) son dernier
acte de prieure. Elle conduisit les délégués
à l'église, elle leur en remit les clés, et ils
ouvrirent et fermèrent la porte. Elle leur
présenta la corde de la cloche, qu'ils firent
tinter. Arrivés à l'autel, ils le touchèrent de
la main droite, y déposèrent le missel qu'on
leur donna, l'ouvrirent et le fermèrent. De
la chapelle, le cortège se rendit au réfectoire,
au cellier, à la chambre abbatiale, et aux
autres chambres où eut lieu la même céré-
monie de la tradition des clés, de l'ouver-
ture et de la fermeture des portes. Enfin
auctoritate apostolica nobis commissa et qua fungimur in
hac parte prefatis dominis Hugoni, Geraldo Vasionensi
et Conseranensi episcopis et Francisco olim electo nunc
vero episcopo Gebenensi ac Anthonio Virronis, Alano
Brientii, Cristino Fabri, Johanni de Nemoribus et Thoma;
de Burgundia ac aliis executoiibus dicti bon;E memoriœ
Domini Johannis episcopi ostiensis sacrosantii; Roman;e
EcclesiiçCardinalis et Vicecancellarii memorati collegium
in dicta civitate Avenionensi et apuddictum monasterium
de Furnis pro usu et liabitatione dictorum viginti quatuor
scolarium sive studentium in ipsa civitate pro tempore
vacatLirorum fundandi et erigendi plenam et liberam
largiti fuimus et largimur per prcesentes licentiam et aiic-
toritalem necnon moniales pr;efatas dicti monasterii de
Furnis quatuor in numéro existentes cum facultatibus
aliisque suis et ipsius monasterii de Furnis redditibus
bonis rébus, ad aliud monasterium videlicet ad monaste-
rium Sancti Verani prope Avinionem quod dicti ordinis
Sancti Benedicti existit cum in ipso monasterio Sancti
Verani ipsx- moniales congruentius degere et susten-
tare valeant quam in dicto monasterio de Furnis, eadem
auctoritate apostolica transtulimus et transferimus ac
dignitatcm abbatissalem et ordinem .Sancti Benedicti hu-
jusmodi in eodeni monasterio de Furnis suppressimus et
supprimimus, illiusque monasterii de Furnis donios et
edil'ficia eidem coUegio per ipsos dominos executores fuu-'
dando in perpetuum applicavimus et appropriavimus et
applicamus et appropriamus per présentes Monuimus
insuper auctoritate apostolica predicta qua fungimur in
hac parte et tenore presentium monemus primo secundo
tertio et perhenniter communiter et divisim prefatas olim
on arriva à la salle des archives : la prieure
ouvrit aux délégués les deux cofïres renfer-
mant les titres du monastère ('). Il ne res-
tait plus à dame Juaneta de Sobyreto et à
ses trois religieuses que de dire adieu à ces
murs oi^i elles avaient espéré finir leurs
jours, et à se retirer dans la résidence qui
leur était assignée : le monastère de Fours
était devenu le collège Saint- Nicolas d'An-
necy.
Le vieux monastère de Fours abandon-
né au fond de la V'alergue et les autres
possessions qui restaient aux quatre reli-
gieuses reçues à St-V'éran, devaient être
une charge onéreuse pour leurs nouvelles
sœurs. D'un autre côté les supérieurs du
collège Saint- Nicolas d'Annecy devaient
désirer posséder non loin d'Avignon une
maison de campagne. Quatre ans après
leur translation, les quatre religieuses ven-
daient au collège leur ancien couvent avec
son église et leurs autres terres. « L'acte de
dicti monasterii de Furnis moniales quatuor in numéro
existentes, videlicet religiosas dominas Jaonetam de
Sobyreto olim dicti monasterii priorissam, Aiguesiam de
Scutella, Clementina de Sancto Romano et Aluvisiam
Urtice a dicto olim monasterio de Furnis ejusque
domibus et habitationibus cum bonis et rébus ac fructibus
et redditibus earumdem exeant et recédant et ad dictum
monasterium Sancti Verani se tra.^sferant, possessionem
liberam et vacuam ac expeditam dicti olim monasterii de
Furnis ac domorum et habitationum ejusdem dictis domi-
nis executoribus dicti quondam Domini Cardinalis Ostien-
sis fundatoris prefatis seu eorum procuratoribus ad opus
et utilitatem dicti collegii et scolarium ejusdem, dimittcnt
tradantque et délibèrent, cum efteclu et ipsa: dominLC ab-
batissaj et moniales Sancti Verani predictie easdem qua-
tuor moniales dicti olim monasterii de Furnis prenominatas
in dicto ipsarum monasterio Sancti Veiani cum dictis ea-
rum bonis et rébus ac fructibus et redditibus recipiant
et admittant ac caritative eas tractent... Datum et actum
Carpentoracti, in domo habitationis nostra;, videlicet in
domo dict;c nostric Thesaurari;e officii et in viridario ejus-
dem nobis inibi super quoddam sedile lapideum pro tribu-
nali more majorum, sedentibus, quem locum ad predicta
peragenda nobis elegimus anno a Nativitate Domini mil-
lesimo quadragentesimo vigesimo octavo et die vigesima
tertiamensis Julii indictione sexta, pontificatus dicti Do-
mini nostri Martini divina Proxidcntia papa' C|uinti anno
undccimo...
(.■\rchives de \'aucluse, D. 30S, fol. 92-102.)
I. Archives de Vauclusc, D. 308.
52
iRetiue De l'9rt cïj rétien.
vente en date du 19 août 1428, exprime en
détail tous les biens meubles et immeubles
des religieuses; il fait mention non seule-
ment des biens fonds de ce monastère, mais
encore des lieux où ils étaient situés. Il y est
dit que les religieuses de Fours possédaient
des biens à Villeneuve, Avignon, Pujaut,
Sorgue, à Saumane et à Baume dans le
Comtat... Voici comment le domaine de
Fours y est désigné : et premièrement une
grange ou domaine vulgairement appelé de
Fours, dans lequel était anciennement le
dit monastère de Fours situé dans les appar-
tenances et le district, c'est-à-dire, du terri-
toire de la juridiction du village de Saint-
André-lez-Avignon, avec tout son terroir
culte et inculte formant environ 200 salmées
de terre. Qiioddam viansiini sive grangmm
aiit doiiiuiii, zndgariter de Furiiis iiîuiciipa-
tum in quo antiq2ut»i erat diciuin nionaste-
riuni de Furnis, siiîcainin in pertinentiis ac
districtu seu territorii jurisdictionis castri
sajicti Andrcce prope-Avinioiiem,cum toto ejus
territorio tam ciUto qicam iiicuKo, inieroiimia
circa ducentos smunatas terres ("). » Martin V
confirma, par une bulle du 2g décembre
1430, cette vente. L'an 1435 le concile de
Bâle confirma aussi, à l'instance du duc de
Savoie.protecteur du collège Saint-Nicolas,
l'union du prieuré de Bolène et l'affectation
du monastère avignonais de Fours [^). Enfin
Calixte III, en 1458, ratifia tout ce que ses
prédécesseurs avaient concédé en faveur de
ce collège, soit l'union du prieuré soit l'af-
fectation du monastère (3).
Le collège Saint-Nicolas d'Annecy ne
garda que quelques années la grange et le
domaine de Fours; il les céda, contre une
rente de 50 Horins d'or, à la chartreuse de
Villeneuve. Pie II par une première bulle
1. Archives de ViUeneuve-Iez-Avignon. I-'F. y.
moire pour les consuls, etc., pp. i6, 17.
2. Archives de Vaucluse, I). 308.
3. Archives de Vaucluse, D. 308.
Mé-
chargea en 1459 le cardinal de Foix de pro-
céder à cet arrangement, qu'il confirma par
une seconde bulle en 1460. Entre les mains
des Chartreux, Fours devint une ferme pro-
ductive; ils y créèrent un moulin à huile, un
moulin à blé, une tuilerie. En 1690 cette
ferme leur rapportait 34 salmées de blé (").
En 1732 elle leur fournissait 300 œufs (^);
en 1747 ils affermaient le moulin à blé à
Jean Bouchet au prix de 15 salmées de
blé. Cependant l'antique église de Fours
avait traversé intacte toutes ces vicissitudes.
Le samedi soir un père chartreux arrivait
à la ferme et le dimanche, dès l'aube, il célé-
brait les saints mystères pour les cultiva-
teurs d'alentour. La prière liturgique s'éle-
vait ainsi de loin en loin dans ce vénérable
sanctuaire, qu'avaient rempli jadis les chants
de la psalmodie monastique, et la cendre de
la pieuse fille de Pierre d'Albaron pouvait
tressaillir au contact de la robe blanche du
fils de saint Bruno, qui frôlait sa tombe en
franchissant le seuil sacré. Mais à la Révolu-
tion ce dernier accent de la prière s'éteignit:
la ferme fut vendue et la tombe fut violée.
Du moins la belle église de l'ancien monas-
tère est encore debout, pleurant .sa gloire
passée. Le visiteur peut encore admirer sous
le porche dégradé l'épitaphe de la généreuse
Mabilia. Ce monument rappelle la meilleure
époque de l'architecture romane, ce nom
évoque le souvenir de quelques âmes saintes
qui trouvèrent dans cette pauvre solitude
les joies du divin amour. En faut-il davan-
tage pour que l'humble histoire de Fours
attire sur ces ruines un regard ému de qui-
conque est sensible, au milieu des vaines
agitations de la vie, aux beautés de l'art et
aux parfums de la vertu ?
F". FUZET.
Doyen de Villeneuve-lez-Avignon.
1. Archives du Gard, H. 344.
2. Archives du Gard, H. 352.
■Mk ^Xb flSft ^Xa ^Xa ^Xft ^^M flXft flXft flSft aZa aXb ^Xa ^^m dXft ^B^ ^^w ^^w ^^w ^^m ^^m ^^w ^^m ^^u ^^m ^B^
Des bases et ïies ustensiles eucftartstiques.
(troisième article.) ^^^^^^
§ I. Allemagne et Autriche.
OLOGNE. — A l'église des
Saints-Apôtres, calice en argent
doré, richement orné(XIIIe s.).
Les médaillons en bas-relief du
pied représententrAnnonciation, la Nativité,
le Crucifiement et la Résurrection du Sau-
veur. Il y a d'autres calices remarquables à la
cathédrale, à Saint-André, à l'Assomption,
à Sainte-Catherine, à Saint-Géréon, etc. (").
Gran (Hongrie). — A la cathédrale,
calice en argent doré, du XV^ siècle. Le
pied est disposé en forme de rose à six
feuilles, décorées de filigranes rétiformes ;
l'une d'elles porte dans un écu une double
aigle couronnée.
HiLDESHEiM (Cathédrale d'). — Calice
en or, attribué parla tradition à Bernwald,
treizième évêque d'Hildesheim (►!< 1079),
mais d'un travail qui accuse le XI 1 1<^ siècle.
Au-dessus de la représentation de la Cène,
on lit ces deux vers :
Rex sedet in cœna turba cinctus duodena
Se tenet in manibus se cibat ipse cibus.
La topaze qui en orne le nœud est une
des plus grandes pierres de ce genre qui
soit connue en Europe.
Autre calice attribué à saint Bernwald,
évêque d'Hildesheim {>i> 1146). Toute la
coupe est entourée de filigranes, sauf un
espace en demi-cercle, réservé pour les
lèvres du célébrant.
Francfort-sur-le-Mein. -- A la cathé-
drale, calice d'argent doré du XV^ siècle ;
sur les lobes du pied, fines gravures repré-
I. Cf. Bock, Très, sacr.de Cologne.
sentant le Christ, la Vierge- M ère, saint
Georges, sainte Catherine, sainte Barbe et
la Crucifixion.
Kremsmunster (Autriche). — On con-
serve, à cette abbaye, un grand calice en
cuivre doré, exécuté par ordre de Tassilo,
duc de Bavière, et de sa femme Liutperge,
fille de Didier, roi des Lombards (XTII^ s.),
comme l'indique l'inscription du pied :
Tassilo dvx fortis livperg virgo regalis.
Cinq plaques d'argent niellé, adaptées à la
coupe, représentent le Christ et les quatre
symboles évangélistiques.
Munich. — A la Riche-Chapelle du roi
de Bavière, magnifique calice d'or, aux
armes de Maximilien I^'", duc de Bavière.
Des émaux incrustés à fleur de métal for-
ment une ornementation d'un goût très pur.
OsNABRucK. — Calice en argent doré et
émaillé du XIV^ siècle. Les émaux repré-
sentent la trahison de Judas, la comparution
devant Caiphe, la Flagellation, le portement
de Croix, le Crucifiement, les prophètes, les
apôtres, des anges, le phénix, le pélican,
et les quatre symboles évangélistiques (').
Il y a encore des calices remarquables du
m.oyen âge aux cathédrales d'Aix-la-Cha-
pelle (XV' s.), de Dantzig (XV'= s.), de
Francfort-sur-le-Mein (XV'" s.), de Lubeck,
de Mayence (XL' et XA'^ s.), de Monza
(XV'' s.), d'Osnabrlick (XI IP etXV= s.), de
Paderborn (XI H" s.), de Ratisbonne
(XI I F s.); aux abbayes d'Admont (XIV" s.),
de Klosterneubourg (XIV° s.), de Saint-
I. De Linas, Expos, de DusseUorf, dans la Rev. de
FArt chrét., janv. iSSi, p. 55. Nous avons emprunté quel-
ques autres indications à cet excellent travail.
1885. ^- i'"= Livraison.
54
Eetjue te l'art c&réticn.
Pierre de Salzbourg (XII^ s.), de Wilten,
près d'Inspruck (XII' s.) ; à Saint-Gervais
de Trêves (XI' s.) ; aux églises d'Emmerich
(XP s.), de Fritzlar, de Gladbach, de Wesel,
etc ; à la chapelle du château de Mamberg, en
Bavière (XVI' s.); au musée de Berlin, etc.
§ 2. Belgique.
Namur. — Au couvent des Sœurs de
Notre-Dame, calice du XI 11= siècle, dont
le pied est décoré de dix plaques niellées.
Une inscription fait connaître sa destination
originelle et le nom de l'artiste : >i* Hvgo me
fecit : oraie pro ea : calix ecclesiœ bcati
A^ickolai de Ognies.
Autres calices à Saint-Jacques de Liège
(XV' s.), à Saint-Servais de Maestricht
(XI IP s.), à la chapelle de l'archevêché de
Malines (XV' s.), au musée diocésain de
Bruges, etc.
§ 3- Espagne et Portugal.
AjuDA. — L'exposition universelle de 1867
a fait connaître le calice en vermeil de la cha-
pelle du palais d'Ajuda (Portugal). C'est une
œuvre du XVI' siècle, dont le ciseleur est
resté inconnu. Les douze apôtres sont
groupés, deux par deux, dans les six niches
qui décorent la coupe et d'où pendent des
clochettes. De nombreuses scènes de la
Passion sont figurées dans de petits cadres
qui garnissent la tige (').
BuRGOs. — Calice en or du XV' siècle,
richement décoré de perles et de pierres
précieuses. Le custode m'a affirmé qu'il
valait un million !
Madrid. — Au musée naval, calice fait
du bois du ceiba, à l'ombre duquel fut
célébrée la première messe à la Havane,
le 19 mars 15 19. Au musée archéologique,
on voit un calice décoré d'ivoire et de corail.
Saint-Dominique de Silos. — A cette
abbaye, occupée aujourd'hui par des Béné-
I. Magas. pu/., 1873, p. 169.
dictins de la Congrégation de France, se
trouve un calice du XI' siècle, dont Inscrip-
tion nous apprend qu'il a été fait en l'hon-
neur de saint Sébastien, par un abbé nommé
Domenico. Des arcatures en plein-cintre
sont figurées en filigranes autour de la coupe.
Sarragosse. — A Notre-Dame del
Pilar, calice orné de 1999 pierreries.
Autres calices à la cathédrale de Coïmbre
(XII' s.), à l'Académie royale des Beaux-
Arts de Lisbonne (du XII' au XV' siècle),
au cabinet de don Luis, roi de Portugal, à
la cathédrale de Séville (fausse attribution
au papeClément F"^), etc;calices à clochettes
aux cathédrales de Braga, de Caminha, de
Lamego, de Guimaras, etc.
§ 4. France.
Notre ancienne orfèvrerie sacrée a perdu
la plupart de ses chefs-d'œuvre ; ils ont été
détruits au XV 1 1' siècle par les H uguenots ;
sous Louis XIV, pour battre monnaie au
profit des expéditions guerrières : sous
Louis XV, par mépris de tout ce qui était
gothique, et enfin surtout, pendant la tour-
mente révolutionnaire, où tant d'œuvres
d'art religieuses ont été jetées au creuset.
Depuis, le vandalisme a parfois été en-
couragé par ceux qui auraient dû se montrer
les respectueu.K conservateurs des monu-
ments antiques. C'est ainsi que Mgr Affre,
dans son Traité des /v?(^;7^«<?^-, n'a point hé-
sité à écrire ces lignes stupéfiantes : « Si les
vases sacrés sont d'un goût gothique, le
curé peut exiger du conseil de Fabrique
qu'ils soient remplacés par d'autresd'un goût
plus moderne.»
Amiens. — On conserve à l'Evêché un
calice provenant de Saint-Martin-au-Bourg,
lequel, d'après l'ancienne tradition de cette
paroisse, aurait servi à saint Thomas de
Cantorbéry, alors qu'il y dit la messe en
I 1 70. Le style de ce calice nous semble
Des tiases et Des ustensiles eucbaristiques.
55
démontrer qu'il ne remonte pas plus haut
que le XI II" siècle.
Bar-sur-Aube. — A Saint-Maclou, calice
en vermeil, dont la coupe est frappée au
marteau. Les douze apôtres y figurent avec
Jésus-Christ, ainsi que les animaux évan-
gélistiques et diverses scènes du Nouveau-
Testament.
Bellaing (Nord). — -Calice duXV^I'siècle,
provenant de l'abbaye de Saint-Martin de
Tournai. Sur le pied, douze médaillons circu-
laires représentant des scènes hagiographi-
ques, relatives à sainte Catherine, sainte Mar-
the, saint Vaast, saint Amand, saint Eloi, etc.
BiviLLE (Manche). — On y conserve le
calice du bienheureux Thomas Hélie
(XI II" s.). Il est en argent doré et non pas
en or massif, comme on l'a souvent prétendu.
Sur le pied on lit cette inscription trois fois
répétée : ►$< par amour sui (sic) donné. La
tradition veut que ces paroles fassent allu-
sion au don que saint Louis aurait fait de ce
calice au bienheureux Hélie, par affection
pour lui. On a récemment supposé que ces
paroles doivent être mises dans la bouche de
Jésus-Christ qui se donne par amour dans
l'Eucharistie. Mais cette interprétation paraît
invraisemblable ('). Remarquons d'ailleurs
que cette inscription est très postérieure au
calice; elle aura probablement été regravée
au XV" siècle, alors qu'on fit quelques ré-
parations à ce précieux objet.
Chelles. — Le calice, exécuté par saint
Eloi et donné à l'abbaye de Chelles par
sainte Bathilde, fut envoyé à la Monnaie,
en 1792 ; il n'est donc connu que par
des eravures. On a lonijuement discuté
si certaines décorations de ce précieux
monument étaient en verroteries incrus-
tées à froid ou en émail cloisonné (').
1. Cf. Rev. lie VArt chrét., 2""= série, t. IV, p. 120.
2. Cf. Méiii. des ant. de France, y série, t. VU, p. 203;
BuUet., p. 176; Rev. de C-irt chrét., t. VIII, p. 113,
etc ; t. XXVIII, p. 320.
Cette dernière opinion a fini par prévaloir.
La Rochelle. — Au Grand Séminaire,
on conserve un calice en vermeil, que l'on
dit avoir servi à Richelieu, célébrant une
messe d'actions de o^râces,
dans l'église
Sainte-Marguerite, le jour de l'entrée de
Louis XIII à La Rochelle.
Nancv. — Calice de saint Gozlin (X" s.).
Sa coupe hémisphérique, pourvue de deux
anses, est soutenue par un pied de forme
élégante. Le tout est orné de filigranes, de
pierres précieuses non taillées et de perles
enchâssées.
Paris. — On conserve, au Cabinet des
Antiques, un petit vase d'or, trouvé à Gour-
don, en 1845; ce parait être un calice du
V" ou VI" siècle et non pas une burette,
commel'ont supposé quelques archéologues ;
c'est une coupe, cannelée par le bas, décorée
dans la partie supérieure de six cœurs en
pierres fines, et supportée par un pied coni-
que, sillonné de cannelures à arêtes vives.
Reims. — Calice d'or, dit de saint Rémi,
apporté à Paris en 1 792 et restitué à la cathé-
drale par Napoléon 1 1 1, en 1 861. Sa décora-
tion principale consiste dans une bande d'or,
sur laquelle alternent des pierres fines en-
tourées de perles et de cabochons d'émail.
On y compte 7 émeraudes, 6 grenats, 3
saphirs et 9 agates. Ce magnifique vase a
toujours été désigné sous le nom de calice de
saint Renii,i>2SiS, doute parce qu'il fut exécuté
pour remplacer un vase que saint Rémi avait
légué à son église métropolitaine. On lit sur
le pied l'inscription suivante, qui a dû con-
tribuer, après une absence de soixante-dix
ans, à faire rentrer ce précieux objet dans son
vénérable asile. Quiciinique. hiinc.calicem. in-
vadiave7'it. vel. ab. ecclesia. Rcmensialiquo via
do alianaverit. anatliema. si t. fiai. Amen. — Ce
calice a été attribué par plusieurs archéolo-
gues au XI" ou auXlI"siècle. M.J. Labarte(')
I. Hist. des arts industr., 2° édit., t . I, p. 344.
56
iRetîue De V art chrétien.
croit que c'est l'œuvre d'un des artistes grecs
qui ont suivi en Allemagne l'impératrice
Théophanie, mariée en 972 à Othon II.
Saint-Jean-du-Doigt (Finistère). —
Calice donné, dit-on, par Anne de Bretagne,
en 1506. Il est décoré de rinceaux, d'enroule-
ments, de dauphins et de huit statuettes
d'apôtres.
Saint-Servant (Morbihan). — On y
conserve un calice sur lequel est inscrit, en
lettres gothiques, le nom de sanci Gobrian.
On sait que saint Gobrien, évêque de Van-
nes, se fit ermite dans ces parages.
Sens. — A la cathédrale, calice en ver-
meil du XV'^ siècle. La coupe n'a pour
ornements que des fiammes; le nœud est
décoré de treize médaillons, représentant la
Vierge et les douze apôtres.
Autres calices aux cathédrales de Lyon,
de Pamiers, de Paris (XV L s.), de Troyes
(XII I'^ s.) ; aux églises de Bellignies (Nord),
de Chitry (Yonne), de Genolhac (Gard), de
Gordes (Vaucluse), de Malabat (Gers),
d'Obies (Nord), de Rocamadour (Lot),
de Saillant (Corrèze), de Saint-Marc-sur-
Couesnon (Ille-et-Vilaine), de Saint-Omer,
de Sainte-Radegonde (Gers), de Tintury
(Nièvre); au musée de Cluny, etc.
On voit des calices, plus ou moins re-
marquables, dans des collections particuliè-
res, telles que celles de M. Basilewski, de
M. Odiot, du prince Soltikoff, etc. M. P. du
Chatellier possède une coupe en argent,
trouvée à Plomelin (Finistère), dont le fond
représente la sainte Face de Notre Sei-
gneur, avec cette inscription: Ecce. aiig.
vul. sanctus, c'est-à-dire Ecce augustus vul-
tus sanctus. Cet antiquaire croit que c'était
un vase du XIV"^ siècle, destiné à la distri-
bution du vin consacré, à l'époque où les
fidèles communiaient encore sous les deux
espèces. (< L'image du saint Suaire, dit-il ('),
I. BiilUt. inoHum., t. .KLI, p. 723.
aurait été disposée dans le fond de la
coupe, dans le but de placer, au moment de
la communion, grâce à l'inclinaison du vase,
la Face même du Christ sous les yeux de
celui qui recevait sa chair et son sang. »
M. Poussielgue-Rusand, M. Armand
Cailliat et d'autres orfèvres ont exécuté,
dans le style du moyen âge, de remarqua-
bles calices. Bornons-nous à citer ceux des
cathédrales d'Auch, de Saint- Martin de
Laon, de Notre-Dame de la Délivrande et
de Saint-Didier-sur-Riveric (Rhône).
§ 5. Grande-Bretagne.
Ardagii (Irlande). — - Le calice d'Ardagh,
ainsi nommé du lieu où il a été découvert,
est en argent, pourvu de deux anses, et dé-
coré d'ornements en filigrane d'or et en
émail. On y lit les noms des douze apôtres.
Ce calice, croit-on, est celui dont il est
question dans les annales irlandaises, en
1129, comme étant l'œuvre de la fille de
Roderic O'Conor (').
Autres calices du moyen âge, à l'église
Saint-Chad de Birmingham (XIV^ s.), au
collège Sainte-Marie d'Oscott (XV" s.),
au collège du Corpus Christi à Oxford
(XV^s.).Un certain nombre d'anciens calices
d'Angleterre ont été publiés par Bough
(Sepulclirale Monuments in Grcat Britain,
5 vol. in-f").
i^ 6. Italie.
Assise. — Calice d'argent donné en 1 290,
par le pape Nicolas IV, et exécuté par
Guccio de Sienne. Sur la coupe, des figures
de saints, gravées, se détachent sur un fond
d'émail bleu.
Milan. — - Calice en argent et en ivoire
(XIV'= .s.). Calice d'or, avec figurines, assi-
ses, d'apôtres.
P1STOIA. — A la cathédrale, calice d'ar-
gent exécuté, en 1384, par Andréa Braccini.
I. IhilUt. de la Soc. des antiq. de France, 1879, p. 189.
Des tiascs et Des ustensiles eucharistiques.
57
Rome. — Seroux d'Agincourt a publié
deux calices des Catacombes, dont la coupe
est très allongée (').
Au palais du Vatican, nombreux calices de
diverses époques. L'un des plus curieux est
un vase de verre à anses, d'une forme très
gracieuse, trouvé au cimetière Ostrien (-).
Le calice d'étain qu'on montre à la sacris-
tie de l'église des Saints-Côme et Damien
comme étant celui de saint ¥é\\x II, retiré
dans ces lieux en 360, pendant les persécu-
tions ariennes, ne paraît pas authentique à
Mgr Barbier de Montault (^). — A l'église
Saint-Marc, calice à émaux translucides
(XV" s.). — Au couvent des Oratoriens,
calice dont se servait saint Philippe de Néri.
Venise. — Au Trésor de Saint- Marc,
beaucoup de calices et de patènes de diver-
ses époques, la plupart en matières précieu-
ses. Il y a huit calices à deux anses. On
attribue au X"" siècle un vase de sardoine
monté en argent doré, où 15 médaillons
d'émail cloisonné représentent le Christ,
la Vierge et divers saints, en buste.
Zamon (Tyrol italien). — En 1875, on
y a découvert un calice d'argent du VI^ siè-
cle, pesant 320 grammes. Il est aujourd'hui
conservé dans l'église paroissiale de cette
localité. On y lit cette inscription: ^ De
donis Dei Wrsvs diaconvs satuto petro et
saneto pavlo optvlit. La coupe peut conte-
nir un litre et demi de liquide (^).
§ 7. Pologne et Russie.
Percieslav (Russie). — A la cathé-
drale, calice du XI IP siècle.
Plock (Pologne). — Outre le calice de
Conrad; dont nous avons cité l'inscription,
on voit, à la cathédrale, un calice en or,
donné par le prince Charles-Ferdinand, au
1. Hist. de Part, peint., pi. Xll, n" 28.
2. De Rossi, BtiUeiino, 1879, tav. IV.
3. Les enlises lie Rome, dans la Rev. de PArt chrt't., sept.
1875.
4. Uc Rossi, lUttlct., 1S7S, tav. XU.
milieu du XVIL siècle. Des médaillons en
émail, encadrés, représentent la Cène, l'ap-
parition d'Emmatiset le Jardin des Oliviers.
SouzDAL (Russie). — Au monastère de
Spasso-Effimiev, plusieurs calices d'argent
gravé et ciselé (XVL s.).
Trzemeszno (Pologne). — Sans parler
des calices relativement modernes, nous
devons mentionner trois calices du X^ siè-
cle. L'un est travaillé au marteau ; l'autre
offre un sujet symbolique fort curieux : la
crèche où naquit l'Enfant-jÉsus ; elle est
couronnée de clochers byzantins, en sorte
que l'étable de Bethléem est la figure de la
future Eglise. Le troisième calice, dit de
saint Adalbert, est une coupe en agate dou-
blée en or à l'intérieur et dont la bordure
inférieure est travaillée en forme de Heurs
de lis ('). L'espace ne nous permet pas de
nous occuper des calices des autres pays.
Notons seulement qu'en 1879, on a trouvé,
sur l'emplacement de Kobt, ancienne Cop-
tos, jadis centre du Christianisme dans la
Haute-Egypte, une très belle coupe en
verre, ornée de poissons dorés, et que l'on
croit avoir servi au sacrifice eucharistique.
Cl)eip(tr0 tif. — • Des accessoires
du calice, s^-v-.-^---^-------^-^-^---.-----
article I. — Des pales.
^M^^ — I A pale, qu'on ferait mieux d'écrire
f I (^yjr^ pallc, pour se conformer à l'éty-
vaoXogxQ pal/imii, sert à couvrir le
'calice pendant une grande partie
du Saint-Sacrifice. En France, on lui donnait
souvent le nom de carri',a cause de sa forme.
Primitivement, le corporal s'étendait sur
toute 11 longueur de l'autel et pouvait, à
I. Przezdziecki, Monum. du moyen âge et de la Renais-
sance dans Pancienne Pologne, t. I, pi. iv, v, vi, vu ;
t. II, pi. .\.
l^"' LUKAISON.
58
iRctiiic De r^rt chrétien.
certains moments, se replier sur le calice
pour le protéger. Mais quand le corporal
fut raccourci, on usa d'un second corporal
nommé pale, et qu'aujourd'hui, en France,
nous assujettissons à un carton.
L'abbé Pascal a invoqué à tort un texte
du pape Innocent III ('), pour démontrer
l'antiquité de la pale. Le cardinal Bona
s'est également mépris sur la signification
de ce même passage : Duplex est palla qiiœ
dicitiir corporale, 7ina qjuDn diacomis super
altare totutn extendit, altéra quavi sjiper cali-
ce)uplicatam imponit. Il s'agit ici, non pas de
deux linges séparés, mais des deux parties
du corporal, dont l'une couvre la table de
l'autel, et dont l'autre sert à couvrir le ca-
lice. La preuve, c'est qu'Innocent 1 1 1 ajoute
aussitôt : « La partie qui est étendue (pars
exteiisa) représente la Foi ; celle qui est re-
pliée (pars plicata) figure l'Intelligence.»
Il faut, de plus, remarquer le titre même
du chapitre : « Des corporaux : Pourquoi
une partie est étendue, et l'autre repliée au-
dessus du calice {''). »
Ce qu'il y a de certain, c'est que l'usage
des pales existait au XIV'^ siècle, en divers
pays, car Raoul de Tongres {') nous dit
que dans toute l'Italie et l'Allemagne on
suivait l'usage de Rome en se servant de
la pale pour recouvrir le calice, mais qu'en
F"rance, on persévérait à n'employer pour
cet usage qu'une partie du corporal.
La pale ne s'introduisit en France qu'au
XVII' siècle et ne fut à peu près univer-
sellement admise qu'au XVI 1 1*=. Avant la
Révolution, les diocèses d'Orléans et de
Rouen, les Dominicains et les Chartreux
continuèrent à replier sur le calice le cor-
poral auquel ils avaient conservé les grandes
dimensions d'autrefois. C'est ce qui se fait
1. De sacrn inysterio altaris, lib. II, c. 55.
2. Du sacre' mysÛre de Pautel, opuscule du pape Inno-
cent III, trad. et annoté par l'abbé Couren, p. 154.
3. In canon, obsetv.
encore aujourd'hui dans le diocèse de Lyon.
A Rome, la pale, ayant environ 15 centi-
mètres carrés, ne couvre la patène qu'en
débordant très peu par ses angles. C'est
une double toile de lin, bordée par une
étroite dentelle. Il en est de même en
Espagne. Dans quelques diocèses d'Italie,
on voit des pales dont la partie supérieure
est en drap d'or. En France, la toile est
fixée à un carton, recouvert d'une étoffe de
soie, de la couleur liturgique du jour, sou-
vent brodée en or, en argent, et même en
perles. On raconte, dit l'abbé Pascal ('),
que pendant le séjour de Pie VII à Paris,
une dame lui offrit une riche pale ornée de
rubis et d'une exquise broderie d'or. Le
pontife, après avoir admiré la beauté du
présent, pria la dame de le reprendre, en
lui faisant observer que l'Eglise romaine ne
se servait que de pales de lin.
Le 10 janvier 1852, la Congrégation des
Rites, vivement sollicitée, a fini, contraire-
ment à ses décrets antérieurs, par tolérer les
palesdont lapartie supérieure serait couverte
de soie, pourvu que la partie inférieure fût en
lin et que la partie supérieure ne fût jr.mais
noire ni marquée d'aucun signe de deuil.
Aucune règle n'exige qu'il y ait une croix
brodée sur la pale, soit au-dessus, soit au-
dessous.
Saint Cajétan introduisit, dans les églises
des Clercs Réo-uliers, l'usage d'une seconde
petite pale, sur laquelle est placée l'hostie
avant et après la consécration, afin de don-
ner plus de facilité pour recueillir les par-
celles détachées et les mettre dans le calice.
Cette coutume ne paraît avoir été approu-
véepar Paul IVque pourcet Ordre religieux.
Cependant nous l'avons vu pratiquer dans
un certain nombre d'églises d'Espagne.
Dans quelques autres, jusqu'au moment de
l'Offertoire, on place sur l'hostie qui doit
I. Orig. de la titur<^. cath., p. 91 5.
Des tjases et Des ustensiles eucharistiques.
59
être consacrée un petit rond en lin fin,
qu'on prend au milieu par une espèce de
houppe ou bouton.
3CtlClC II. — Des voiles de calice.
LE voile du calice (vélum, pep la, suda-
riiun, couverture, volet) a son origine
dans le grand voile (paiinum oblongîi.in),
dont le calice restait enveloppé jusqu'à ce
que le diacre le remît au prêtre. On dut
surtout s'en servir lorsque le corporal, deve-
nant moins ample, ne pouvait plus servir à
couvrir tout à la fois et le pain et le calice.
Dans l'ancien rite gallican, les dons
offerts sur l'autel étaient recouverts d'un
voile de soie, orné d'or et de pierreries. Il
devait être assez épais pour dérober les
choses saintes au.x yeu.x des assistants.
Grégoire de Tours (") dit qu'un homme
ayant donné à une église un voile précieux,
il fut défendu de s'en servir, parce que sa
transparence laissait apercevoir le mystère
du corps et du sang de Jésus-Christ.
Le concile de Clermont-Ferrand (535)
défend de couvrir le corps d'un prêtre, que
l'on porte en terre, du voile qui sert à couvrir
le corps de Jésus-Christ, de peur qu'en
voulant honorer les corps des défunts, on
ne souille les autels.
En France, on iait retomber le voile sur
le devant du calice, parce qu'il n'est pas
assez ample pour le recouvrir tout entier.
En Italie et en Espagne, le voile, très
souple, plus grand, ordinairement sans bro-
deries et sans doublure, tombe également
des quatre côtés.
En Italie, au XIV'' siècle, les voiles
étaient généralement faits d'un tissu tiré de
l'ortie. Un inventaire de la cathédrale de
Sienne (1467) mentionne dix-huit voiles de
calices en ortichaccioi^). D'après les prescrip-
1. Vita Patruin. c. vni, n" 1 1.
2. An/inl. an/u'oL, t. XXV', p. 270.
tions du Missel, considérées seulement
comme directives, le voile doit être en soie;
mais l'usage a prévalu qu'il soit de la même
étoffe que l'ornement dont se sert le célé-
brant. Il y en a en velours, en moire d'or ou
d'argent, etc.
Le voile est garni d'un étroit galon ou
d'une petite dentelle de soie ou d'or. En
France, on marque d'une croix la partie qui
doit retomber devant le prêtre.
Plusieurs rubricistes pensent que le voile
doit toujours être de la couleur du jour ;
quelques-uns prétendent qu'il devrait tou-
jours être en soie blanche. La rubrique se
tait à cet égard (').
En France, on substitue quelquefois,
abusivement, le voile du calice à la nappe,
pour la communion des laïques.
Les Orientaux se servent de trois sortes
de voiles (zy./jy.7.;t), l'un pour couvrir le ca-
lice, l'autre pour couvrir le disque où est le
pain, le troisième, beaucoup plus grand, en-
veloppe le tout. On le désigne sous le nom
d'a/;'p, parce qu'il entoure les espèces comme
l'air environne la terre. Les Syriens le dé-
signent par un mot qui signifie nm'e. Cette
sorte de voile parait avoir été employée
d'abord à Jérusalem.
On connaît un certain nombre d'anciens
voiles de calice, remarquables par la richesse
de leurs broderies et de leurs médaillons.
Citons en particulier ceux de Saint-André
de Lille, de Zermezcelle (Nord), de Nédon-
chel (Pas-de-Calais), des Carmélites d'A-
miens. A l'Exposition des broderies, qui eut
lieu à Londres, en 1S74, on admirait un voile
de calice du XV II" siècle, en dentelle de
Valenciennes, où étaient brodés divers su-
jets religieux, tels que l'Agneau divin, le
Pélican, la sainte Hostie, des Anges adora-
teurs, des cœurs enllammés {^).
1. Rev. théolog., t. III, p. 479.
2. Journ. gi!iu'r. des beaux-arts, n" du 22 août i S74.
6o
IRcDue ne l'art chtttitn.
HctlClC lil. — Des purificatoires.
LE purificatoire est une bande de toile
blanche, repliée plusieurs fois sur elle-
même ; il sert à essuyer le calice, d'abord
avant d'y verser le vin et l'eau, puis après
la communion, à la suite des deux ablutions.
Le purificatoire tire son origine, assez
moderne, du linge que le prêtre portait au
bras gauche, comme aujourd'hui le manipule,
et avec lequel il purifiait les vases du Sacri-
fice et s'essuyait les doigts. Quand ce linge
fut remplacé par le manipule, on employa
de petites serviettes pour purifier le calice.
D'après les écrivains mystiques du moyen
âge, le purificatoire représente l'éponge
pleine de vinaigre et de fiel que les Juifs
approchèrent des lèvres de Jésus mourant.
Dans un certain nombre d'églises, sur-
tout dans les monastères, le même linge,
fixé près de la piscine ou attaché au coin de
l'autel, du côté de l'épître, servait tout à la
fois de purificatoire et de manuterge.
Nous voyons dans le XIV" Ordre ro-
main, qu'à la première messe de la nuit de
Noël, le pape essuyait le calice, non pas
avec un purificatoire, mais avec ses doigts (').
Les Clercs Réguliers ne purifient point le
calice aussitôt après les ablutions, mais
seulement quand ils sont rentrés à la sa-
cristie. Clément VIII ayant approuvé les
usages liturgiques de ces religieux, ils ne
croient pas que la constitution de saint
Pie V çuo pi'innun tempoj'e puisse porter
atteinte à leurs antiques coutumes (').
En Italie, on attache des dentelles aux
deux extrémités du purificatoire, quelque-
fois même tout autour.
Le troisième concile provincial de Milan re-
commande de marquer le purificatoire d'une
croix, pour indiquer sa sainte destination.
1. Cumdigitis bene tergat calicem. (Mabillon, Iter Ha-
lte, i. Il, p. 325.)
2. Pasqualigo, De sacrif. nova Legis,\.. II, quaest. 785.
La Congrégation des Rites, par un décret
du 7 septembre 1816, a approuvé l'usage
d'essuyer avec le purificatoire les gouttes
de vin ou d'eau qui se sont attachées aux
parois du calice, usage que le P. Judde avait
vivement combattu comme étant contraire
aux rubriques.
A Lyon, du moins dans les grandes
églises, le purificatoire dont on s'est servi
pour essuyer le calice n'est point replié
pour resservir d'autres fois. Il est introduit
comme un tampon dans le calice, et ne doit
plus être employéqu'après avoir été blanchi.
Dans la plupart des Églises orientales,
c'est avec une éponge que le diacre purifie
la patène et le calice, en souvenir de celle
de la Passion de Notre-Seigneur. Cet
usage est très ancien, puisqu'il en est ques-
tion dans une homélie de saint Jean Chry-
sostome ('). Hors le temps de la messe,
cette éponge {iy'« TnoyyU'j est conservée
dans un corporal.
Hcticlc iD.
Des couloires.
LA couloire ou passoire était un vase en
argent de forme concave, dont le fond
était percé de petits trous. On la plaçait au-
dessus du calice pour y verser le vin qu'on
épurait ainsi de toute matière étrangère.
Cet ustensile est désigné dans les inven-
taires sous les noms de cωus, cola, colato-
riuin, cohim. colus; conloiiere, stoupi.
On lit dans un ancien rituel de saint
y\.-à.x\!\nàç.ToMï's,:Vimim perSiofi in calicevt
mittatiir. D. Martène (') dit avoir demandé
aux chanoines de cette église ce qu'il fallait
entendre par Sion, et qu'ils l'ignoraient.
C'était probablement un vase analogue à
la couloire.
Les Égyptiens, les Grecs et les Romains
se servaient de couloires en métal pour pas-
1. Hoinil. in épis t. ad E plus.
2. De aniiq. eccles. ritib., lib. I. c. m, art. 9, § 12.
Des ioa0C0 et des ustensiles eucharistiques.
6i
ser le vin qu'ils prenaient à leurs repas, sur-
tout quand il sortait du pressoir. La liturgie
adopta cet ustensile, du moins dans les con-
trées qui produisaient des vins épais. Il est
douteux qu'il ait été employé dans les Gaules,
avant l'introduction de la liturgie romaine.
Mabillon (') n'en a trouvé aucune trace
dans les textes antérieurs à Charlemaorne.
Le moine Théophile nous donne des
détails précis sur ce genre de cuiller perforée.
« Vous ferez, dit-il, la passoire, en or ou en
argent, de cette manière: battez un petit
vase en forme de petit bassin, un peu plus
large que la paume de la main; vous y adap-
terez une queue de la longueur d'un doigt,
de la largeur d'un pouce. Cette queue aura, à
l'extrémité, une tête de lion fondue, conve-
nablement ciselée, qui tiendra la coupe dans
sa gueule. Elle aura aussi, à l'autre bout,
une tête ciselée de même; dans sa gueule,
sera suspendu un anneau, à l'aide duquel, en
y introduisant le doigt, on pourra porter
l'instrument. Le reste de la queue, entre les
deux têtes, doit être orné de nielles partout,
et çà et là sillonné d'un travail de fonte, de
points, de lettres et de versets où il convient.
La coupe sera, au milieu du fond, sur une
largeur circulaire de deux doigts, perforée
de trous très fins, pour couler le vin et l'eau
qu'on met dans le calice. » C'était le sous-
diacre qui, à la messe pontificale, tenait cet
instrument avec le doigt auriculaire de la
main gauche, passé dans l'anneau {'').
Dans certains monastères, l'usage de la
passoire a persévéré jusqu'à la Révolution.
« On voit, au musée Barberini, dit le car-
dinal Bona ('), une petite couloirc, de la
forme d'une cuiller ayant un long manche,
et une autre, également en argent, en forme
de soucoupe, et dont les petits trous for-
ment un dessin admirablement tracé. »
I . De Uturg. gallic.
1. Diiicrs. art. scltediila, lib. III, c. LXi, de cola/oric.
3. De reb. lit. C. XXV.
Kcticlc 13.
Des chalumeaux.
LE chalumeau liturgique est un tube
en métal, qui sert à humer le précieux
sang dans le calice. Pour expliquer son ori-
gine, on a prétendu que cet usage avait été
introduit en faveur des Souverains-Pontifes
âgés; mais pourquoi alors ne s'en servent-ils
que dans les messes solennelles et non
dans les messes privées .? Ange Roca (') dit
qu'on a voulu rappeler par là le roseau qui
portait l'éponge imbibée de fiel, présentée
au divin Crucifié. C'est là une explication
mystique, faite après coup. Évidemment, le
chalumeau fut inventé pour qu'on fût moins
exposé à répandre le précieux sang. Comme
plusieurs antiques usages, ce rite s'est con-
servé, à titre de souvenir traditionnel, dans
les solennités pontificales.
Le sous-diacre, après avoir reçu le baiser
de paix, tirait cet instrument du sac ou du
fourreau qui le renfermait. Après la com-
munion du prêtre, du diacre et du sous-
diacre, le diacre suçait le chalumeau parles
deux bouts et le remettait au sous-diacre ;
celui-ci le lavait avec du vin, en dedans et
en dehors, et le replaçait dans le fourreau
qui devait être déposé avec le calice dans
Xaniiariiiui.
Outre les chalumeaux conservés à l'église
et mis à la disposition des fidèles, il v en
avait qui étaient apportés par ceux qui ne
voulaient pas se servir d'un instrument à
l'usage de tous.
Le bout qui trempait dans le calice était
évasé ou fait en forme de bouton ; l'autre,
qui se mettait dans la bouche, était plus
petit et tout uni. Quelquefois, une rondelle
l'cntouniit du côté de la poignée, pour limi-
ter la longueur de la tige que le communiant
devait mettre dans sa bouche.
Le chalumeau a été désigné sous les noms
1. Opéra, t. I, p. 27.
62
îReUiic De r^rt cî)réticn.
à'aj'imdo, calamus, caitalis, cajina, canncla,
cannula, canola, canuhcm,Jistnla, pipa, pugil-
laris ('), pugillarium, sipho, siphon, sucto-
rium, sugillaris (suçoir), sumptorium, Hibu-
lus, tiielliis, tutellus, tuymc (').
D'après Daillé (^), les chalumeaux n'au-
raient été mis en usage par les moines que
vers la fin du XI" siècle, après que le pape
Urbain II eut interdit l'intinction.
D'autres écrivains (•*) ne les font remon-
ter qu'au XII' siècle. Dom Chardon {^)
croit qu'on s'en servait à Rome dès le VI^
siècle. Il est du moins certain qu'ils étaient
connus au IX^ puisque Paschase Radbert
en parle, ei que Charlemagne offrit à la
basilique Saint-Pierre de Rome un calice et
un chalumeau, après la messe où il fut sacré
par le pape Léon III.
Une inscription de l'église Sainte- Marie in
Cosincdin, à Rome, mentionne queThéobald,
en 902, donna à l'église de Sainte- Valentine
un calice en vermeil avec sa patène et son
chalumeau. Vers cette même époque, le VI*^
Ordreromain prescrit l'emploi duchalumeau.
En 1040, Suppo, abbé du Mont-Saint
Michel, lésafLia à son monastère un chalumeau
d'argent, sur lequel était gravée cette ins-
cription:
Hic Doniini sangiiis nobis sit vita pcreii-
nis {%
Léon d'Ostie (') compte, parmi les
cadeaux que Victor III fit au monastère
du Mont-Cassin, une fistule d'or, à crosse.
Les Statuts de Saint-Benigne de Dijon
(XP s.) nous apprennent que les religieux
de ce monastère aspiraient ie précieux sang
dans le calice avec un chalumeau d'argent.
1. Parce qu'on le tenait à la main
2. En italien, sangiiisuclielloj en allemand, kelch-
r'ohrgen.
3. De Cullii lui. relig., lib. III, c. XXXVni.
4. Quenstedius, Buddœus, etc.
5. Hist. des Sacr., t. II, p. 128.
6. .Mabillon, Annal, hened., t. IV, p. 496.
7. Chion. Cassiti., lib. III, ad calcem.
Chez les Chartreux, au XI P siècle, le
chalumeau était en or.
Un règlement d'Albéric, abbé de Cluny,
mort en 1109, ordonne que les chalumeaux
soient en argent doré et non en or.
Les Us de Citeaux disent qu'on peut se
passer de chalumeau quand il n'y a que le
prêtre et ses ministres qui communient,
mais qu'on doit s'en servir chaque fois qu'il
y a d'autres communions.
L'usage du chalumeau devait disparaître
à peu près en même temps que la commu-
nion sous les deu.x espèces. Il persévéra
jusqu'en 1437 dans l'Ordre de Citeaux, et,
jusqu'à la Révolution, dans les abbayes de
Cluny et de Saint-Denis.
Cette ancienne coutume a survécu pour
la messe papale solennelle. Le Souverain-
Pontife puise le précieu.x sang, avec un cha-
lumeau d'or, dans le calice que le diacre lui
présente. Le diacre et le sous-diacre com-
munient ensuite de la même manière.
Le 20 novembre 1846, Pie IX accorda à
un chanoine du Chapitre de Saint-Jérôme
des lUyriens, qui ne pouvait mouvoir la
tête, la permission de se servir du chalu-
meau pour l'absorption du précieux Sang.
Du Cange a cru que les Grecs se ser-
vaient du chalumeau et lui donnaient le nom
de J.aSi;, mais il s'est trompé à cet égard. Le
'k-j.Qiz, comme on peut le voir dans l'Eucologe
de Goar ('), n'est autre chose que la cuiller
eucharistique. J. Gretzer (^) et V^ogt (3)
disent que l'usage du chalumeau, quoique
rare chez les Grecs, n'y est pas inconnu.
Nous ne croyons pas qu'il en soit fait men-
tion dans les écrits des Orientau.x (^).
L'emploi du chalumeau fut adopté par
les Luthériens et même prescrit, en 1564.
On s'en servait encore au XVI 11° siècle à
1. P. 125.
2. Annot. ad J. Cantacuseni Hist., p. 913.
3. Hist. fistulœ euchar., p. 23.
4. Lamy, De Syror. Jide, p. 188.
Des tiases et Des ustensiles eufîjanstiques.
63
Hambourg et dans quelques autres églises
évangéliques luthériennes (').
Des chalumeaux du moyen âge sont
conservés à l'abbaye de Saint-Pierre de
Salzbourg, à celle de Wilten (Tyrol), etc.
3ttiClC Ui. — Des cuillers eucharistiques.
LES cuillers liturgiques (cochlcar,
cochleare) ont eudiverses destinations
eucharistiques. Les deux principales sont,
en Occident, de puiser dans la burette l'eau
qu'on doit mettre dans le calice, ce qui évite
l'inconvénient d'en mettre une trop grande
quantité ; et, en Orient, de communier les
fidèles avec une petite portion du pain
trempé dans le précieux Sang.
La cuiller à puiser l'eau, en or ou en
argent, est encore usitée aujourd'hui en
Italie, en Espagne, en Belgique et en Alsace;
elle l'était jadis dans les Pays-Bas, en
Flandre, dans un certain nombre de diocèses
de France, à Cluny, à la Chaise-Dieu, chez
les Minimes, etc.; les Chartreux sont restés
fidèles à cette coutume.
La Congrégation des Rites a répondu, le
6 février 1858, que l'emploi de cette petite
cuiller n'est pas défendu.
A la messe pontificale, le sacriste met
quelques gouttes d'eau dans la cuiller d'or,
pour que le sous-diacre en verse le contenu
dans le calice du pape.
Les Orientaux se servent aussi d'une
cuiller eucharistique, mais dans un tout
autre but que les Latins. Avec cette cuiller,
ils prennent dans le calice les particules de
pain consacré, pour les distribuer aux com-
muniants. Ils préviennent ainsi l'effusion du
précieux Sang.
Les Grecs prétendent que saint Jean
Chrysostome invental'usage de cette cuiller,
mais ils ne sauraient en fournir aucune
I. Vogt, op. cit.
preuve certaine. Il n'en est pas moins
démontré que cette coutume est antérieure
au concile d'Éphèse, puisque les Nestoriens,
qui se séparèrent de l'Eglise à cette époque,
donnent la communion de cette manière,
ainsi que les Jacobites-Syriens, les Cophtes,
les Ethiopiens, et presque tous les Chrétiens
du rite oriental.
Un très ancien diptyque grec, publié par
Paciaudi ('), nous montre le saint abbé
Zozime communiant sainte Marie l'Égyp-
tienne à l'aide d'une cuiller.
Les Grecs modernes donnent à cette cuil-
ler le nom de /aci;, par allusion au forceps
avec lequel l'ange, dans la vision d'Ezéchiel.
saisit le charbon ardent sur l'autel, pour
en purifier les lèvres du prophète.
Les Arabes appellent cette cuiller labidan
ou mulaubet ; les Cophtes, cochlear criicis,
parce que cet ustensile est ordinairement
terminé en forme de croix.
La cuiller eucharistique des Orientaux
est consacrée avec un grand apparat. Voici
la bénédiction qu'on trouve dans la liturgie
cophtede saint Cyrille: « Dieu, qui as rendu
ton serviteur Isaïe digne devoir le chérubin
dans la main duquel était la pincette avec la-
quelle il enleva un charbon de l'autel et l'ap-
procha de la bouche du prophète, maintenant
encore, ô Dieu, Père tout-puissant, étends la
main sur cette cuiller, dans laquelle doivent
être reçus les membres du corps saint qui
est le corps de ton Fils unique, .Seigneur,
Dieu, et Notre Sauveur Jésus-Christ.
Bénis-la et sanctifie-la, donne-lui la vertu et
la gloire de la pincette qui est dans la main
du chérubin, parce que à toi appartient la
puissance, la gloire et l'honneur, avec ton
Fils unique Jésus-Christ, Notre Seigneur,
et l'Esprit-Saint, maintenant et toujours. >>
Renaudot ('') se trompe quand il croit
1. Antit]. christ., p. 389.
2. Perpét. de la Foi, t. VIII.
64
Hetiuc ïje l'art chrétien.
que les Arméniens se servent de la cuiller,
pour distribuer le pain eucharistique. Il est
certain que le prêtre prend ce pain dans le
calice, avec le pouce et l'index, pour le dé-
poser dans la bouche des communiants (").
En dehors des deux usages principaux
que nous venons de signaler, il en était
quelques autres qui ont disparu.
Il y avait des cuillers qui servaient au
prêtre pour prendre les oblations du pain
et les poser sur la patène. C'est pourquoi,
dans divers inventaires, nous voyons des
mentions de cuillers accompagnant celles
des patènes.
D'après M. de Rossi, certaines cuillers
auraient servi pour puiser dans le scyphns
la quantité de liquide nécessaire pour le
calice. Elles ont pu être employées égale-
ment pour verser dans le scyp/ms, déjà
presque rempli de vin, une petite quantité
du précieux Sang, mélange qui devait servir
à la communion des fidèles (').
Peut-être aussi, quand on ne faisait pas
usage du chalumeau, se servait-on de la
cuiller pour donner au communiant une
petite portion du précieux sang.
1. Lebrun, Explic. des céréni., t. V, diss. X, p. 339.
2. Bulle/., nov. 1S68, p. 82. k
En Italie, au sacre des évêques, l'élu
communiait sous l'espèce du vin dans une
grande cuiller d'or.
Un certain nombre d'antiques cuillers,
conservées dans les églises, dans les musées
et dans les collections particulières, sont
décorées de sujets religieux. Quelques-unes
ont été publiées par M. de Rossi (') et par
le P. Garucci (') ; mais il est bien difficile de
reconnaître celles qui ont eu certainement
une destination eucharistique, attendu que
les cuillers de table étaient fréquemment
ornées de sujets chrétiens.
Nous aurions pu ranger parmi les acces-
soires du calice le flabcllnm, puisque son
principal emploi était de chasser les mouches
qui auraient pu s'approcher des calices et
des scyphi. Mais le travail si complet et si
approfondi que M. Ch. de Linas vient de
publier sur ce sujet dans la Revue de l Art
chrétien nous dispense de parler de cet
instrument liturgique, encore usité aujour-
d'hui dans l'Orient, surtout chez les Armé-
niens et les Maronites.
L'abbé J. Corblet.
(A suivre.)
1. Ibid.
2. Storia delCarte cristiana, pi. CCCCLXII.
-rfy^ .gAl /A^ ^-{, jA;^ ^cAy ^'Av jyVy ,rftv j-f^^ jVH -^^^^ -'A-. .rAg .gAj. /Ai. jftx
SL-X-
■>:^>S2Sï5
CCorre0pont)ance*
w^'i^^e.^-.
< ^x y> »^x /^
NOUS donnons, dans l'ordre où elles
nous sont parvenues, les communi-
cations et rectifications suivantes:
Më"" Barbier de Montault, nous prie d'in-
sérer l'extrait suivant d'une lettre de M.
Ernest Rupin, président de la société ar-
chéologique de la Corrèze, au sujet de son
ouvrage sur l'église royale de Saint-Nicolas
à Bari :
C'est là un livre d'une profonde érudition, dont la
lecture apprend bien des choses.
Je ne vois pas, à la page 82, sur quoi peut se fonder
la Revue religieuse de Rodez et de Mende, pour affirmer
que le reliquaire de la Circoncision, à Conques, ren-
fermait « des cheveux de la Très Sainte Vierge ».
Un inventaire du X\'II'^^ou du XVIIIisièclequi re-
late les reliques conservées dans la célèbre abbaye, men-
tionne bien à l'article 9:« de capillis beata; Dei genitricis
Marise à, mais il ne fait pas connaître dans quel reli-
quaire l'on conservait cette précieuse relique. D'un
autre côté le Liber mirabilis (ouvrage concernant Con-
ques) décrit ainsi les reliques conservées dans le reli-
quaire dit de la Circoncision : « Quod dictum locum
(Conchas) adamarat (Pippinus),quem visitavit,reliquiis
auro et argento et ornamentis infinitis prœdictum mo-
nasterium ditavit et Christi umbilicum in eo posuit...
et, ut in dicto monasterio dicitur,circumcisionem,quam
sibi avunculus portavit, Conchas misit et in quodam
vasculo, cum umbilico vocato, capsa magna réser-
va tu r.
Je vous adresserai une photographie de ce reli-
quaire, qui est en or. J'ajouterai que le père Thomas
d'Aquin, prieur de Conques, m'a assuré que ce reli-
quaire n'avait jjas été ouvert depuis très longtemps et
qu'on ne pouvait affirmer que son contenu y fût encore;
c'est aussi ce qui me fait suspecter l'assertion de la
Revue relii^ieuse de Rodez.
(lîrive, 12 juillet 1884.)
Notre collaborateur ajoute :
Le Chapitre de Saint-Nicolas de liari me demande
de vouloir bien rectifier un passage de mon étude sur
son insigne basilique. Je le fais d'autant plus volontiers,
que, me tenant dans une stricte impartialité, je n'ai |
point à discuter les documents invoqués ni à prendre
un parti quelconque, là où la question est si ardem-
ment controversée. J'ai cité les leçons du Propre de
l'archidiocèse de Bari, approuvé par la S. C. des Rites,
relativement à la translation du corps de saint Nicolas,
de Myre à Bari. Il parait que la « prétention de la
cathédrale est sans fondement, ne s'appuyant pas sur
des documents certains et indiscutables. » Le Chapitre
de Saint-Nicolas a fait reproduire dans son Ordo une
version différente, qu'il a empruntée au « chroniqueur
Nicéphore, moine dont l'autorité ne peut être suspec-
tée, car il ne faisait pas partie du clergé ni de la ca-
thédrale ni de Saint-Nicolas. » La bulle d'exemption
donnée parle pape Pascal II, en 1106, vient en con-
firmation de ce dernier document, car elle établit pé-
remptoirement que « la basilique de Saint-Nicolas fut
élevée dans un lieu public, non privé, concédé par le
duc Roger : in locojuris publia per ducis Rogerii chiro-
graphuvi. » D'où suit que « le clergé attaché à la basili-
que étant placé sub tutela Apostolicœ sedis, est exempt
de la juridiction de l'ordinaire diocésain. Léon XIII,
par rescrit du 22 décembre 18S2, a reconnu et confir-
mé le droit du grand Prieur de la basilique royale de
Saint-Nicolas en qualité d'ordinaire du lieu, en confor-
mité de la bulle de Pascal II et du diplôme de Char-
les II d'Anjou (20 juillet 1304). » '^
La querelle, ancienne déjà, porte sur un seul point,
à savoir que la leçon du Propre contient ces mots :
consensu archiepiscopi. « Ici l'archidiacre de Bari est
dans l'erreur, car l'église ne fut pas bâtie sur un terrain
appartenant à l'archevêque, mais bien sur le domaine
du duc Roger, qui en fit donation à cet effet. On ne
voulut pas précisément, lora du débarquement du
corps, qu'il fût déposé à la cathédrale, mais dans iine
église bâtie exprès et digne d'un si précieux trésor. Le
tumulte que ce débat occasionna, obligea de le mettre
en sûreté dans le palais du Catapan, qui fut ultérieu-
rement donné aux marins pour l'église projetée.
Tout autre document est apocryphe. »
X. B. DE M.
— D'autre part, I\I. le chanoine Chabau
d'Aurillac, l'auteur d'une intéressante étude:
L'église d' Ydes cl son sy»ibolis)iu\ nous
adresse la correspondance qui suit :
Dans la Revue de l'Art Chrétien., 3" livraison, M^
Barbier de Montault a donné un travail sur les cheveux
de la Sainte Vierge et les reliques des Saints Innocents.
Voici quelques nouvelles indications sur des reliques
de ce genre vénérées autrefois à i\Liuriac (Cantal), et
dont l'existence n'a pas été signalée jusqu'ici.
Le monastère de Mauriac a été fondé, dans la pre-
mière moitié du VI= siècle, par sainte l'héode-
■ i^*-' Livraison.
66
iRetJue De l'art cîiréticn.
childe, vierge, fille de Clovis (voir Sainle Théodeclnlde,
etc., librairie Saint-Paul) et a duré jusqu'à laRévolution.
Il fut enrichi dès le principe de reliques précieuses ap-
portées de Rome. Voici ce que dit un chroniqueur du
XVIe siècle.
« Le roi Clovis étant à Rome (?) et sur le point du
retour, demanda des reliques pour la chapelle d'Au-
vergne (N.-D. des Miracles de Mauriac), au pape Sym-
maque, successeur d'Anastase. Le saint pontife le con-
duisit à Saint-Pierre in Vaticano et, ayant ouvert le
tabernacle de Saint-Pierre, il prit le petit doigt de
Monseigneur saint Pierre, du bois de la croix de N.-S.,
descMtv/.vet du/(7/Vde la B'^' Vierge Marie, des cheveux
de sainte Catherine, des os de Monsieur saint Antoine,
saint Barthélémy et plusieurs autres. Puis, ils s'en al-
lèrent à l'église de Saint-Vital ad MarceUos, et le pape
lui donna des reliques de trois iniiocenis martyrs et puis
le congé pour revenir en Auvergne. »...
... « l\ (Clovis) fit construire la croix de Monsieur
saint Pierre (pour le monastère de Mauriac) telle
qu'elle est à présent, et le reliquaire du même saint,
ainsi que plusieurs calices et reliquaires d'or et d'ar-
gent... Il plaça le bois de la croix de N.-S., les cheveux
et le lait de N.-D. et autres reliques dans la même
croix. Pour les trois innocents, ils furent placés à part
en leur ordre et sainteté, comme elles sont à présent
honorablement tenues au du Monastère. » (Chronique
de Montfort, 1564.)
Sauf le voyage de Clovis à Rome, tous les autres
détails ont un caractère d'authenticité, puisijue on
trouve les inèmes reliques mentionnées dans d'autres
documents.
Dans une lettre de Dom Placide de Vaulx, béné-
dictin de Mauriac, à Dom Grégoire Terrine, supérieur
général de la congrégation de Saint-Maur, 2 décembre
1631, il est dit (jue dans l'église du monastère de
Mauriac, il y a quatre chapelles dont l'une est dédiée
aux Saints Innocents.
Il y avait dans le même monastère une vicairie ou
chapellenie des Saints-Innocents.
Les huguenots s'étant emparés de Mauriac, le 16
avril 1574, « ils enlevèrent une croix d'argent surdorée
et enrichie de beaucoup de reliques et de pierres pré-
cieuses d'une insigne grandeur qu'on appelait la croix
de Saint-Pierre, qui étoit une des plus précieuses et
des plus riches croix ciui soient es monastères de
France, la châsse du même saint qui étoit de la gran-
deur quasi d'un homme et vindrent à disperser
icelles (reliques) par cy par là s'en jouans entre eux et
finalement tous les meubles et trésors... Les susdites
reliciues furent recueillies et cachées par des gens de
bien et remises par après dans le monastère entre les
mains des religieux lorsque cette vermine et racaille
eut quitté la ville. » (Chronique de Louis Mourguyos,
1630.)
« Ensuite avons visite les saintes reliques et première-
ment avons visité un reliquaire d'argent fait en ovale
ayant un cercle dans lequel sont des reliques de plusieurs
saints avec les inscriptions apposées dessus... Les autres
inscriptions sont S" Fulgentii ep. conf. SS. Innocen-
tium etc..
((.Ensuite avons visité un autre reliquaire d' argent au-
quel les reliques sont portées par deux figures d'anges
dans un cristal défigure oblongue enchâssé d'argent. Le
paquet des reliques porte cette inscription : de vestimen-
tis beatœ Marix Virginis et aliorum sanctorum. » (Procès
verbal de visite de Louis d'Estaing, évéque de Clermont,
du ij Juillet 16 j 2.)
Dans le piédestal d'un buste de saint dans l'église de
Mauriac, existent encore quelques parcelles d'osse-
ments des saints Innocents.
Les c/ieveux de la sainte Vierge durent disparaître à
l'époque des guerres de religion,
B. CH.\B.-iU,
Chanoine honoraire,
Aumônier de la Visitation d'Aurillac.
— - Nous avons reçu successivement les
deux lettres que voici :
Chambly, 15 novembre 1884.
Monsieur,
Dans le dernier fascicule de la Revuf de l'Art chré-
tien, vous annonciez sur la foi du Bulletin monumental,
que l'on a découvert à Beauvais la dalmatique de
Thibault de Nanteuil. Permettez-moi de vous dire, dans
l'intérêt de la vérité, que c'est là une seconde décou"
verte. Le vêtement en question parait avoir été oublié
même, je pourrais dire surtout, de la l'abrique de la ca-
thédrale, mais il est connu depuis longtemps. Il appar-
tenait à un respectable chanoine, savant archéologue,
M. l'abbé Barraud. C'est sans doute après sa mort que
ce précieux vêlement a été transporté à la cathédrale
pour y rester dans l'oubli jusqu'à ce qu'il en fut tiré
par mon savant ami M. l'abbé Pihan, secrétaire de
l'évêché.
La Revue de I Art chrétien a déjà décrit ce vêtement.
Je lis en effet dans le numéro de décembre 1S60 un
article fort intéressant de votre dévoué collaborateur
M. de Linas, où ce précieux vêtement est décrit et
représenté dans une planche dessinée par M. de Linas
Corresponoancc
67
lui-même. Permettez-moi de remettre l'anicle sous vos
yeux.
« Mon savant collègue, M. le chanoine Barraud,
avec la complaisance qui le caractérise et dont je veux
le remercier ici, a bien voulu me confier une autre
dalmatique provenant de Thibault de Nanteuil, évêque
de Beauvais (1283-1300). Ce vêtement, qui porte l'in-
scription : « Theobaldus de Nantolio quondam Belva-
censis episcopus, » tracée sur un morceau de velin,
cousu à la doublure du pan antérieur de la jupe (voir
la planche ci jointe C), mesure une longueur de i'"44"=
(A). Large à la taille de o'"89'=, au pied de i^ig^, ses
manches carrées ont o™35'^ sur o'"34= et ses flancs
s'ouvrent jusqu'à 0,09' de l'aisselle. Le passage de la
tête, échancré en rond par devant, est légèrement fendu
de chaque côté. Un galon d'environ o'",o3'^, dont les
traces sont parfaitement visibles, garnissait les manches
et le col, en même temps qu'il retombait en angusti-
clave sur les deux faces. L'élément principal de la dal-
matique de Beauvais, est une étoffe de soie gommée,
couleur safran, à laquelle je crois pouvoir donner le
nom de bougran; un mince cendal rouge la double et
un effilé polychrome à crête rouge en borde le flanc
et la manche gauche (o'"4o'-' et 0^25"^). »
J'ai pensé que ces détails pouvaient vous intéresser.
Je vous les transmets et vous prie d'agréer l'assurance
de mes sentiments dévoués,
L. Marseaux,
Curé-doyen de Chambly,
Membre du comité archéologique de Senlis.
Chambly, i décembre 1S84.
Monsieur le Secrétaire,
Puisque vous voulez bien faire les honneurs de l'in-
sertion à ma communication relative à la tunique de
Thibault de Nanteuil évêque de Beauvais, vous pouviez
ajouter que Monsieur l'abbé Pihan, qui vient de l'e.'c-
humer de l'oubli, doit la placer dans le musée diosésain
récemment fondé à l'évèché de Beauvais. Elle sera
ainsi soustraite à l'incurie de la fabrique et plus facile
à voir pour l'archéologue.
Monsieur l'abbé Pihan, conservateur du musée et
secrétaire de l'évèché, est à la disposition des visiteurs.
Recevez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments
dévoués en N. S.
L. Marseaux,
Curé-doyen de Chamiily
M. de Linas lui-même nous fournit la
note suivante :
Ir'cmail De coiticrs et la Dalmatique De
Bcautiais. -.^-^-..— .-=v.— -^---— -..-^
LA Revîie de r Art chrétien, 1884,
p. 493, col. 2, mentionne incidemment
un petit émail cloisonné du musée de Poi-
tiers. La pièce en question m'a été montrée,
en octobre 1880, parle R. P. Camille de La
Croi.x; elle se trouvait alors dans une caisse
ouverte, mêlée à d'autres débris, et il est
très vraisemblable qu'elle n'a pas bougé de
place. L'abbé Texier, qui, le premier, si-
gnala ce curieux monument, l'avait cru de
l'époque gallo-romaine (Mémoires de la Soc.
des Antiq. de f Ouest, t. VII, p. 126; Ai'gen-
tiers et émailleurs de Limoges, ap. Id., 1 842,
p. 87); l'erreur était alors permise au savant
archéologue, faute de termes de comparai-
son. Un excipient de cuivre rouge, des ma-
tières parfondues, ternes et grumeleuses,
un travail grossier, s'écartent infiniment des
jolis bijoux de bronze, exhumés en Angle-
terre, sur le Rhin, en Belgique, dans le
Nord et l'Est de la France. Quant aux
écussons byzantins, importés en Occident
pour y être sertis à l'instar des gemmes, ils
n'ont absolument rien de commun qu'une
analogie d'emploi avec l'émail limousin de
Poitiers et sa sœur germaine, l'applique de
Moissat-Bas : les moyens de s'en assurer
ne manquent pas, même dans la ville de
sainte Radegonde.
La Revive, p. 531, col. 2, annonce encore
d'après le Btillctin vionuviental, la décou-
verte, à Beauvais, de la dalmatique de
l'évêque Thibault de Nanteuil (►{< 1300) ;
retrouver, passe, découvrir est un peu fort.
Ce précieux vêtement, que l'érudit abbé
Barraud avait signalé de longue date, a été
publié par moi dans l'ancienne Revue de
68
ïRetiue De l'art chrétien.
rArt clu-diai, 1860, t. IV, p. 653-654, et
dans les y^«r. vêteuients saccrd. etc., conservés
en Finance, série II, p. 106-107: la descrip-
tion est accompagnée d'une planche offrant
l'ensemble et les détails de l'objet, plus un
fac-similé du parchemin qui garantit son
authenticité. Seulement, l'inventaire de 1464
n'étant pas arrivé à ma connaissance,
j'ai pu être alors induit en erreur sur la
couleur primitive du tissu extérieur, altéré
par l'âge.
Charles uf. Linas.
t
00
>7tM-tvi"CT -tCrf-Vf'"'^ V^^"5/^
'ïïf'ïïf^âf^^^'ÏÏf^
M. de Farcy nous avait adressd pour notre livraison
d'octobre l'intéressante correspondance qui suit, au sujet
de l'exposition rétrospective de Rouen ; malheureusement,
le retard apporté dans l'envoi des clichés qui devaient
accompagner cette lettre nous a obligés d'en retarder la
publication.
Une beurc à l'crposition rétrospcctiuc
De Rouen.
Monsieur,
'AI pris quelques notes à l'ex-
position rétrospective de Rouen
et les ai complétées à mon
retour : les voici à tout hasard.
Si vous recevez sur le même
sujet un travail plus étendu, je vous
autorise de grand cœur à mettre celui-ci
au panier.
A d'autres je laisserai le soin de décrire
les portraits, meubles, tapisseries, pendules,
etc., enfin tous les objets d'ameublement
des siècles derniers, si bien aménagés par
M. G. le Breton (') ; je m'attacherai seule-
ment à l'art religieux du moyen âge, repré-
senté avec honneur à l'exposition rétros-
pective.
L'attention est tout d'abord sollicitée dans
la grande galerie par une pompe à incendie,
prête à fonctionner en cas de sinistre. Cet
éloge payé à la prudence de l'administration,
I. M. le Breton a donné, dans la Gazette des beaux-arts
(2"^ période, t. XXVII, octobre et novembre 1883), deux
excellents articles sur les étoffes et broderies de la collec-
tion Spitzer, auxquels j'ai fait quelques emprunts et qui
renferment des gravures fidèles représentant l'.-Xrbre de
Jcssé, un orfroi de chasuble, le parement du lutrin et la
mitre, dont je donne la description ; j'y renvoie les lecteurs
de la Revue.
il faut s'arrêter longtemps devant l'armoire
vitrée de M. Spitzer ('), dont les merveil-
leuses broderies vont surtout m'occuper.
A part deux ostensoirs pyramidaux de
la dernière époque gothique, cette vitrine
d'environ six mètres de long ne renferme
que des ornements sacerdotaux du plus
grand prix et d'une étonnante conser-
vation.
A gauche, c'est une chasuble du XVI^ siè-
cle : fond de damas rouge, broché de gre-
nades d'or ; orfrois brodés au passé repré-
sentant la Résurrection du Christ, son
apparition aux apôtres et aux saintes
femmes, enfin sa descente aux Enfers. Les
bras de la croix sont disposés en Y, usage
presque général autrefois. Tout près, voici
une dalmatique de même époque, au.x orfrois
brodés de saints sous des tabernacles (^) ; le
fond est en velours de Gênes, bouclé d'or.
La magnifique chasuble suspendue un peu
plus loin date de la fin du XV^ siècle ; ses
orfrois sont aussi en forme d'Y. M. le Breton
l'attribue à l'école de Bruges. On y voit sur
le devant l'Annonciation, la Visitation, puis
la Nativité au centre ; sur le dos au milieu
l'Adoration des Mages et, en descendant,
la Circoncision et la Présentation au Tem-
ple. La vie du Christ commencée ici se
poursuivait sans doute sur la chape corres-
pondant autrefois à cette chasuble.
1, La collection de M. Spitzer, en grande partie exposée
au Trocadéro au moment de la grande exposition, est
d'une richesse inouïe. Outre ses belles broderies, cet ama-
teur a exposé à Rouen une curieuse vitrine de gaines et
coffrets en cuir gaufré et enluminé du moyen âge et des
spécimens de céramique persane.
2. On appelait tabernacles dans les inventaires, les
niches d'architecture brodées sur les orfrois ;\ personnages.
i''*^ Livraison.
70
IReti uc tjc rat t chrétien
Le fond de l'armoire est ensuite garni par
une chape de velours rouge, au manteau
tout semé à^ florions (') de broderie, d'anges
portant les instruments de la Passion. Le
Musée de Cluny, la cathédrale de Bruges
et plusieurs collections particulières en pos-
sèdent des spécimens analogues (^). On
rencontre presque toujours au centre de ces
manteaux, sous le chaperon, l'Assomption
de la Vierge entre quatre grandes fleurs de
lis, des séraphins à six ailes montés sur des
roues avec des phylactères portant ces mots :
Gloria in Excelsis Deo, ou bien Da gloria))i
Dca, ou encore Alléluia, le tout entremêlé
des fleurons les plus élégants, brodés en
couchure et au passé. Entre tous ces motifs
rayonnant du centre aux bords extérieurs
de la chape, on a semé des vrilles de fil d'or,
des paillettes annulaires qui flamboient de
tous côtés et relient de la façon la plus
heureuse ano-elots et fleurons. Parfois ces
broderies étaient un peu négligées ; ici
il n'en est rien. Ce parti, excellent au
point de vue décoratif fut imaginé pour
remédier à la pauvreté relative du velours
uni, quand on n'avait pas à sa disposition
les brocards et velours ciselés d'or ou
bien quand on n'avait pas les ressources
suffisantes pour broder en pleine la chape
tout entière (^).
Devant cette belle pièce, se trouve l'objet
1. Ce mot de Jîorions désigne dans les descriptions
d'ornements anciens les fleurs semées de distance en
distance ; j'en pourrais citer bien des exemples.
2. M. Vermersch possède une chape de velours bleu
ainsi disposée. (Voy. L'art ancien à l'exposition de
Bruxelles, 18S2, p. 318.) J'ai moi-même une chape identi-
que sur fond bleu et une belle chasuble sur velours grenat,
toute semée de chérubins, de fleurons, etc..
3. Les anciens trésors de nos cathédrales possédaient
presque tous de magnifiques chapes brodées en entier
(avec la bible en ymages, à l'histoire de la passion sur
fond battu à or etc..) 11 en existe encore quelques-unes
en France ; celle de Saint-Louis de Toulouse à St-j\la.xi-
min (Var) et celles de Saint-Bernard de Comminges, dont
M. de Linas donne la description dans son Rapport sur
les anciens vêlements sacerdotaux.
le plus important de la collection, à mon
avis. C'est une bande de i'" 70 de long
sur 0,55 de large environ représentant Jessé
étendu sur un lit : de sa poitrine s'élance un
tronc vigfoureux, dont les branches forment
quatre médaillons superposés. David, Salo-
mon et la Vierge Marie occupent les trois
premiers en forme de Vesica piscis ; le
quatrième, plus large, entouré des extrémités
des branches chargées de feuilles de vigne
et de raisins, est consacré au Crucifiement.
Des rinceaux délicats entourent quatre pro-
phètes entre les grands médaillons. Six
grosses tiges, coupées sur les bords de la
toile, couverte de fil d'or, qui sert de fond
à ce beau travail, font voir que la composition
de l'artiste a été mutilée. C'était, à mon sens,
la partie centrale d'une chape, complétée à
droite et à gauche par trois bandes de toile,
semblablement historiées de rameaux, en-
tourant des rois et des prophètes. Dans
mon hypothèse, le brodeur a reculé devant
la difficulté de broder toute la chape d'un
seul morceau ; mais pour coudre les diverses
parties ensemble plus facilement après que
chacune a été brodée séparément, il a évité
les raccords le plus possible. Chaque rinceau
secondaire entourant les prophètes sur les
côtés est complet, si bien que la couture, se
faisant sur le fond d'or, était imj^erceptible :
il n'y avait d'embarras que pour les grandes
tiges, qui enjambaient d'une largeur de toile
sur l'autre.
Ce fragment de chape me paraît dater de
la fin du XIII«= siècle : le fond est en cou-
chure d'or chevronné ; les feuillages, exé-
cutés au point de crochet, sont réappliqué.s,
et les figures brodées au point de peinture.
J'emprunte ces détails à M. le Breton ; je
n'ai pu examiner les choses d'assez près (').
Voici un dessin de cette riche broderie : il
I. Collection Spitzer. Les étoffes cl les broderies, par
M. Gaston le Breton, p. 14.
Planche III.
Rc^ue ÎJC THrt t\}vttitn.
I. Fragment de chape à l'exposition de Rouen.
II. Mitre du XIV'^ siècle à l'exposition de Rouen.
Bouticllcs zt ^clangc0.
71
en dira davantage aux lecteurs de la Revtie
que de longues descriptions. Ce sur quoi il
faut surtout insister ici, c'est le rapport
extraordinaire qui existe entre le tracé de
cette belle pièce et les peintures des bibles
et missels de la même époque. Miniatures
et broderies étaient souvent exécutées
par les mêmes artistes. On ferait bien
de nos jours, quand on prétend broder
des ornements en style moyen âge, de
s'inspirer en toute confiance, à défaut de
modèles anciens, des miniatures des ma-
nuscrits des XlJe, XIIIi^ et XIV'-' siècles.
On serait certain ainsi de ne pas faire
fausse route.
Revenons à notre vitrine. Voici d'admira-
bles broderies espagnoles du XV I^ siècle :
que de talent et de soins, prodigués dans
ces applications rehaussées d'or et de soie !
Malgré cela, ces chefs-d'œuvre me laissent
un peu froid. Aucun caractère religieux :
rinceaux et arabesques sont aussi bien à leur
place sur une couverture de lit que sur une
chape. On me pardonnera de réserver mon
enthousiasme pour une mitre, dont je vais
parler tout à l'heure. Toutefois je serais
accusé de parti pris contre la Renaissance
si je ne disais rien d'un parement de lutrin(?)
en drap d'or frisé et bouclé d'un travail fort
précieux. Le sujet du grand médaillon
quadrangulaire m'a tout particulièrement
intrigué. Sur un brancard, orné d'un beau
parement, quatre prêtres en chasuble por-
tent un joyau en forme de ciborium, qui
abrite un reliquaire ou un ciboire. David,
la harpe en mains, les précède comme autre-
fois l'arche d'alliance.
La procession sort d'une ville et passe
devant une reine, placée à la fenêtre de son
palais. S'agit-il d'une procession du Saint-
Sacrement .'' J'en doute, il n'y a ni luminaire
ni dais. Faut-il voir là une simple relique,
peut-être celle du Saint-Sang de Bruges,
dont le réceptacle, bien que plus récent, a
quelque ressemblance avec celui-ci ? Je
n'oserais trancher la question ; quoiqu'il en
soit la broderie est superbe : sur l'autre
pan on remarque la Résurrection de Notre
Seigneur.
Venons enfin à la mitre du XIV^ siècle,
dont les bordures ont été semées de grosses
perles et les rampants garnis de feuillages
de vermeil, amortis par une charmante
croix à jour, ornée d'un saphir, de quatre
perles et de quatre rubis. Six apôtres, un
évêque au milieu et le Christ bénissant
au sommet, tous brodés à mi-corps, occu-
pent les huit médaillons des orfrois (titre et
cercle), dont le fond est en couchure d'or.
Les reliefs formant bordure, feuillages et
encadrements de figures sont obtenus par
une corde, placée sous les fils d'or. Les
côtés triangulaires sont brodés en couchure
d'argent figurant un treillis : au milieu
deux anges en adoration, dans des médail-
lons fond d'or. L'ensemble est riche sans
confusion et très satisfaisant. On dirait les
personnages brodés à un point de chaînette
très fin.
La Sainte Vierge remplace le Christ au
sommet de l'orfroi de l'autre face de la
mitre, disposée, quant au reste, comme
la première. Les fanons ont disparu. Les
feuilles rampantes en vermeil de la partie
antérieure entrent les unes dans les
autres, de façon que la mitre puisse
prendre une forme convexe sans difficulté.
Une riche étoffe du XIV^ siècle garnit les
souftiets ; c'est un damas blanc, broché
d'aigles aux têtes et pieds d'or. La reproduc-
tion, d'après la Gazette des Beatix-Arts,
peut en donner une idée. (v. pi. III.) 11 faut
cependant dire que le dessinateur a oublié
les belles perles semées sur les bordures
d'or verticales et horizontales de chaque
côté des médaillons et de écoincons.
72
IRcuuc De rart chrétien
Deux belles paires de gants, l'une tri-
cotée en soie violette et en fil d'or, l'autre
brodée, une ancienne étole et quelques
autres broderies moins importantes com-
plètent cette incomparable collection; il m'a
fallu, à mon grand regret, passer outre.
Mentionnons, pour en finir avec les bro-
deries , les deux belles aumônières du
XlVe siècle de M. Delaherche, reproduites
dans plusieurs ouvrages.
Parmi les émaux de Limoges, il faut citer
ceux de la vitrine de M. Piet-Lataudrie; une
jolie croix du XI I^ siècle, de M. Beaucousin,
éearée au milieu des tabatières, montres
et miniatures ; deux superbes châsses re-
présentant l'une le meurtre de saint Tho-
mas Becket et l'autre l'Adoration des
Mao-es et le massacre des Innocents, à
M. de Glanville. Peut-on voir sans admi-
ration le superbe triptyque du XV^ siècle
de M. Stein et tant d'autres pièces, que je
n'ai même pas le temps de noter ?
L'orfèvrerie brillait aussi dans certaines
vitrines : ici les magnifiques monstrancesde
M. Spitzer, de l'abbé Couillard et de M.
Stein ; là deux calices du XI I^ siècle, l'un de
ce même amateur (') ; plus loin une grande
croix processionnelle du XIV" siècle, d'ori-
gine espagnole, appartenant à M. Maillet
du Boulay.
La Viersre en ivoire du milieu du XI 11^
siècle, exposée par M. Bligny, est une de
ces pièces, dont on ne peut détacher ses
regards qu'à regret. La gravure jointe à
ces notes en donnera une idée. (v. pi. IV).
Et les manuscrits enluminés ! M. Gau-
dechon possède une Bible du XI 11^ siècle,
je dirais presque de la fin du XI I^ si je m'en
rapporte au style des ornements, de la plus
grande beauté. En admirant l'I de Yiu
prmcipio de la Genèse, sur lequel est
I. Un de ces deux calices a été gravé dans la Gazette
des beaux-arts, 1878, p. 225.
peinte la création en six jours, on ne re-
grette qu'une chose, c'est de ne pouvoir
contempler des heures entières les autres
miniatures, qui, à en juger par celle-ci,
doivent être splendides.
Je signalerai aux amateurs de ferronne-
rie une grande porte du XV^ siècle (i"' 20
sur 0,50), qui parait avoir appartenu à quel-
que tabernacle. C'est une merveille ; avec
quelle grâce surtout serpentent tout autour
certainsfeuillagesen fer découpéet repoussé!
Collection de M. Essonville Bligny.
Un catalogue bien autrement complet
que ces notes prises à la hâte s'imprime
en ce moment et j'y renvoie les lecteurs
de la Revue désireux de plus amples dé-
tails ; puisse ce petit compte-rendu leur être
agréable !
On me permettra, j'espère, d'exprimer
un vœu relatif à la classification des objets
admis à toutes les expositions rétrospecti-
ves. Au lieu de placer dans une même
vitrine toutes les richesses (souvent de style,
d'origine et de destination bien différents)
d'un même collectionneur, et de mettre un
peu de tout dans chaque partie de l'exposi-
tion, je souhaiterais voir ranger tous les
objets suivant leur destination par ordre
chronologique: toutes les pendules à la suite,
tous les flambeaux, tous les chenets, etc..
de même. On saisirait ainsi facilement, en
allant des plus anciens spécimens au.x
plus récents, tous les changements de forme
imposés par la mode et les styles successifs:
ce serait, je crois, fort instructif. Ceci n'em-
pêcherait pas de meubler des appartements
en entier en tel ou tel style, pour donner
des idées d'ensemble. Le coup d'oeil géné-
ral d'une exposition organisée suivant mes
désirs serait moins pittoresque.moins varié,
mais le résultat pratique serait plus consi-
dérable, j'imagine.
L. DE Earcv.
i>L..r/.
Vlr
j^ouucllcs et a^élanges.
73
ecrposition romaine à Turin.
'EXPOSITION romaine qui a eu
lieu cette année à Turin, est un
événement considérable pour l'his-
toire de l'art et ne saurait passer
inaperçue des lecteurs de la Revtie. Nous
croyons donc bien faire en leur en offrant
un rapide compte rendu.
M. le Duc Torlonia, chargé de l'organiser,
réunit les hommes les plus capables de la
mener à bonne fin. Ces savants comprirent
qu'elle devait être historique, qu'elle devait
nous montrer les monuments comme témoins
des longues et dramatiques annales de
Rome. Dans cette pensée ils la divisèrent
en trois parties: r antiquité, le moyen âge,
les temps modernes.
A Rome, l'antiquité occupe une place si
considérable, qu'on fut obligé de la limiter
aux dernières découvertes. Ses monuments
ont été rapportés dans un pavillon circu-
laire qui reproduit les fermes élégantes du
temple de Vesta, et dans des portiques
disposés alentour.
Si remarquable que soit cette première
partie, elle nous parait d'un intérêt inférieur
à la seconde. Il y a peu d'années que l'on
commence à apprécier la grandeur monu-
mentale du moyen âge en Italie; les artistes
que leurs études ou leurs goûts y attiraient
autrefois, s'appliquaient à l'antiquité, à la
Renaissance où ils croyaient la retrouver, et
fermaient dédaigneusement les yeux devant
les monuments que de grands siècles et de
ofrands hommes ont élevés dans l'intervalle.
A Rome, ces préjugés étaient pires qu'ail-
leurs et, chose remarquable, ils avaient cours
dans l'esprit même des artistes et des héros
du moyen âge. Rienzi se croyait, de bonne
foi, le survivant des vieux tribuns, il faisait
de la politique archéologique et rattachait
tous ses actes aux traditions de la Républi-
que ; les architectes, surtout les prédéces-
seurs des Cosmati, s'applaudissaient lors-
qu'ils avaient relevé de terre quelque
colonne des temps classiques et croyaient
être de moitié dans le chef-d'œuvre quand
ils dérobaient quelque beau fragment à
l'antiquité pour l'encastrer dans des briques
grossières. Il faut convenir qu'il y avait là,
sans qu'ils s'en doutassent, une sorte d'abdi-
cation qui justifie le peu d'estime que la pos-
térité a fait jusqu'ici de leurs édifices, mais
il faut ajouter que cette mise en œuvre des
marbres antiques par des mains naïves
constitue une des phases les plus curieuses,
même des plus importantes de l'histoire
de l'art. Lorsqu'on parcourt les rues du
Transtévère encore épargnées par les dé-
molisseurs modernes, on subit le charme de
cette singulière architecture. Ces hautes
tours de briques, ces murailles grandioses
percées de rares fenêtres et au pied des-
quelles s'ouvre inopinément un portique, qui
tout à coup décèle un chapiteau, un bas
relief, une inscription antique, ce singulier
mélange, cet ensemble parait majestueux, il
surprend, intéresse, captive singulièrement.
M. le professeur Stevenson, qui a passé
sa studieuse jeunesse au milieu des anti-
quités chrétiennes, et qui promet à RI. de
Rossi un héritier digne de ce prince de la
science, a compris ce grand spectacle. Il est
descendu des sommets des premiers siècles
vers ces âges plus négligés jusqu'ici ; il a su
appliquer à ces nouvelles études la forte mé-
thode de son maître et s'est montré un des
plus habiles organisateurs de l'exposition.
C'est à lui que nous devons d'abord le
recueil des plans de Rome, collection toute
nouvelle et précieuse ; depuis la Roma t]iia-
drata du Palatin, depuis le célèbre plan du
Capitole exécuté sous Septime Sévère jus-
qu'à celui de Bufalini, le premier, je crois,
(jui lut imprimé, nous y saisissons les longs
1^*^ Ll\ UAFSON
74
IRctiuc De rart chrétien
anneaux de l'histoire monumentale; on y
voitsuccessivement les monuments antiques
transformés en forteresses.la ville se hérisser
de tours guerrières, sortes de plantes para-
sites parmi ses ruines, puis des portiques
s'ouvrir, des palais s'élever et enfin, sous
Sixte V, une cité nouvelle surgir tout à
coup. M. de Rossi avait commencé ce re-
cueil, il y a quelques années, M. Stevenson
y ajoute des pages curieuses, que grossiront
certainement des découvertes.
A ces plans sont jointes diverses vues
choisies parmi les gravures antérieures aux
transformations modernes et qui en forment
comme les détails. Elles nous transportent
dans cette Rome des XI V^ etXV^ siècles oii
les bases des édifices antiques étaient ense-
velies sous le sol. Dans ce temps on arrivait
de plain-pied au portique du tabularium qui
servait d'entrée au palais du Capitole.
Ce palais du Capitole qui renferme des
souvenirs de l'histoire de Rome pendant
deux mille ans, depuis les douze tables,
jusqu'au balcon où haranguait Rienzi le
jour de sa mort, et aux tours de Boniface IX,
ce palais méritait une attention spéciale.
Les auteurs de l'exposition l'ont compris,
ils ont rapporté une suite de gravures et
de documents qui permettent d'en faire et
d'en justifier la restauration.
On y a joint des études sur l'Ara-Cœli,
sur son cloître et, pour compléter le tableau
de l'histoire civile de Rome, qu'on nomme-
rait mieux l'histoire militaire, on a reproduit
les plus fameuses tours seigneuriales, celles
de'Conti, délie Milizie, celle deU'Anguillara
qui domine une cour pittoresque toute pleine
encore de la vie du moyen âge. Viennent
aussi les simples maisons, celle de Rienzi
au Vélabre, l'élégante demeure avec por-
tique qui fait face à Ste-Cécile et divers
édifices que relèvent de rares mais fines
sculptures ou des fragments antiques.
L'architecture religieuse, pour Rome>
devait tenir la première place.aussi voyons-
nous paraître dans cette chronologie, un
plan des catacombes, St- Laurent hors les
murs, l'ancienne basilique de St-Clément,
SSts-Jean et Paul, St-Georges au Vélabre.
Les campaniles, ces monuments de /'f/e
sonnante de Montaigne, devaient figurer
aussi, et nous y voyons ceux de Ste-lNIarie
au Transtévère, de Ste-Marie Majeure, de
Ste-Marie in Cosmedin, etc. etc.
L'architecture dite Lombarde, dont les
spécimens les plus connus sont les églises de
Toscanella, intervient ensuite; elle précède
les travaux des Cosmati qui fournirent une
branche particulière et comme un dernier
jet de sève de l'art romain au moyen âge.
M. Stevenson a étudié soigneusement
l'histoire de ces Cosmati dans une série de
savants articles insérés au Catalogue et
qui nous montrent cette famille d'artistes
couvrant pendant plus d'un siècle de leurs
œuvres Rome et les environs. Nous les
voyons abandonner les emprunts antiques,
peut-être à cause de la rareté croissante des
marbres; nous les voyons agir, sculpter eux-
mêmeset mériter mieux que leurs devanciers
de signer des œuvres qui deviennent origi-
nales ; les cloîtres du Latran, de St-Paul, de
Subiaco, la clôture de chœur de St-Alexis,
quelques ambons sont leurs principaux ou-
vrages. S'ils laissent à désirer comme sculp-
ture, si la touche est empâtée, terne, sans
effet, ces défauts sont rachetés par l'éclat des
mosaïques, or, pourpre, azur qu'ils enroulent
sur leurs colonnes, qu'ils suspendent aux
frises, dont ils encadrent les vastes disques
de porphyre ou de serpentine. Ce style gai,
fleuri, s'épanouit au milieu des sévères édi-
fices antiques ou des sombres murailles du
XI 11*= siècle comme des fleurs au milieu
des ruines, et il justifie la vogue dont
jouirent si longtemps ses auteurs.
Bouticllcs et a^clangcs
75
Les mosaïques romaines sont presque,
du IX^ au XlIIesiècle, les seuls éléments
qu'on possède pour l'histoire de ce genre
de peinture ; elles avaient donc une place
essentielle marquée à l'exposition. Nous y
retrouvons en effet dans l'ordre chronolo-
gique.les deux médaillons de la bibliothèque
Chigi, l'abside des Stes-Rufine et Seconde
au baptistère de Constantin, Ste-Sabine,
SSts-Côme et Damien, St- Laurent, Ste-A-
gnès, Ste-Praxède, St-Clément, Ste-Marie
au Transtévère, Ste-Marie la Neuve.
M. Stevenson, qui s'occupe d'une histoire
de la peinture, ne pouvait oublier les fres-
ques qui couvraient à Rome les murs de
beaucoup d'églises. L'exposition nous en
retrace plusieurs, à partir du cimetière de
Pontien, des fresques de St-Clément,
jusqu'aux peintures voisines de la Renais-
sance.
Quelques pages de la fin du catalogue
sont réservées à l'exposé des travaux mo-
dernes exécutés à Rome, mais le but vérita-
blement atteint est l'exposition du moyen
âge monumental. Nous envoyons nos plus
vifs remerciments aux savants qui ont
conçu cette belle pensée et qui l'ont si bien
réalisée, surtout nous nous associons à leurs
vœux pour que cette exposition ne soit pas
éphémère, mais qu'elle devienne la base
d'un musée d'histoire du moyen âge. L'his-
toire, la vérité, la justice y gagneront ; en
suivant sur les pierres ces annales nouvelles
de la Rome pontificale, si peu connue, en-
trevue jusqu'ici derrière des préjugés et des
calomnies, on y apprendra que les progrès
et les déclins de l'art y ont suivi pas à pas
lesdestinées des papes selon qu'elles étaient
triomphantes ou tourmentées.
Georges Rohault de Fleurv.
ficinrurcs mucaics D'HnDrcsscin. (Hncee).
N l'automne de l'année 1869, je
visitais l'église d'Andressein ,
village situé à l'entrée de la pit-
toresque vallée de la Bellongne,
au contluent de la Boulgane et du Lez, non
loin de Castillon en Couserans ; sous le
porche de l'église je crus apercevoir quel-
ques traces de peinture recouvertes d'un
badigeon à la chaux; je grattai et frottai, aidé
par j\L l'abbé Cau-Durban, alors vicaire à
Castillon et mon compagnon de route, et
je pus ainsi rendre à la lumière quelques
peintures qui ne sont pas dépourvues d'in-
térêt. C'est du moins ainsi que les jugeait
mon savant et regretté maître, M. Quiche-
rat, à qui j'avais communiqué mes croquis.
L'église d'Andressein comprend : une nef
de la fin du XIIP siècle formée de trois
travées, la plus voisine du chœur couverte
d'une voûte d'og ives, les deux autres voûtées
de berceaux en tiers-point appuyés sur des
arcs doubleaux ; un chœur terminé en pans
coupés de l'époque de la nef ou remanié au
XIV"" siècle ; deux bas-côtés ajoutés vers la
fin du XV^ siècle ou les premières années de
la Renaissance ; un campanile placé au-des-
sus de la porte de la nef, composé de deux
rangs d'arcades géminées en plein cintre,
surmontés d'un pinacle en forme de cré-
neaux ; un porche couvert d'une voûte
d'arêtes correspondant à la nef et probable-
ment de la même époque ; deux autres
porches correspondant aux bas-côtés et abri-
tant leurs portes, dont l'une, richement ornée
en style de la Renaissance, porte, dans un
écusson,la date de 1564 ; ces deux porches
latéraux ne sont pas voûtés, mais simple-
ment surmontés de charpentes. L'église est
orientée (").
:. Ces détails sont empruntes à mes notes et à la des-
cription publiée par M. de Lahondès dans la Semaine
catholique de Parniers. (Ann. 1S83, n" 6, p. 125.)
76
Ectjuc De rart chrétien.
C'est sous le porche central que sont
placées les peintures. Sur les voussures des
arcades qui supportent au nord et au midi,
c'est-à-dire du côté de l'évangile et du côté
de l'épître, les retombées de la voûte, et
sur cette voûte même, on peut voir encore
quatre anges et quelques saints ; de ceux-ci,
il ne m'a été possible de reconnaître que les
images de S. Jean-Baptiste et de S.Jacques,
caractérisés le premier par son vêtement de
peau et par l'agneau nimbé et accompagné
d'une croix qu'il porte couché sur un livre,
le second par ses pieds nus, par son bourdon
et sa coiffure de pèlerin. Les quatre anges
mieux conservés sont nimbés, vêtus de
longues robes et de dalmatiques à collets
rabattus et à manches, ils jouent de divers
instruments : guitare, doucine, viole et
harpe.
Sur les faces principales des quatre piliers
qui soutiennent les deux arcades du nord et
du midi — donnant accès aux deux porches
latéraux — sont peints quatre tableaux
larges d'environ un mètre, hauts d'un mètre,
dix centim., entourés d'une bordure de
douze à treize centimètres de couleur som-
bre semée de quatre-feuilles. En voici la
description.
(A). Câ/(f de révangile (nord) : i" Pilier
adossé à l'église. Dans une ouverture pra-
tiquée dans un mur crénelé, on voit un
homme assis les pieds attachés par deux
anneaux de fer, les mains jointes dans l'at-
titude de la prière ; puis cet homme sort
d'une toLu- crénelée emportant ses chaînes ;
dans la partie inférieure du tableau il est
représenté agenouillé ses fers à la main
devant un édicule où l'on peut reconnaître
le campanile d'Andressein et un autel sur
lequel, malgré l'état de dégradation de ces
JI3o II tieUcs et sgélanges.
77
peintures, on peut distinguer les contours
d'une Notre-Dame de Pitié.
(B). 2° Pilier opposé au précédent. Une
femme tombe d'un arbre la tête en bas, les
bras étendus, les vêtements dans un désor-
dre assez naïf; on la revoit dans la partie
inférieure du panneau, agenouillée un cierge
à la main devant l'autel de Notre-Dame de
Pitié sous le campanile d'Andressein. Elle
porte une robe longue, assez collante, à
manches étroites, ouverte en carré sur la
poitrine, sur la tête un voile, costume sou-
vent représenté dans les miniatures du
XV" siècle, surtout sur les vitraux et les
tableaux funéraires.
(C). Côté de répître. (midi) : 1° Pilier
adossé à l'église. Un homme dont les vête-
ments paraissent en partie recouverts par
quelques pièces d'armure de fer, brassières,
oenouillères, etc., tenant à la main un cou-
trf i^=
teau dégainé paraît attendre à la porte
d'un château fort ; un homme identique au
premier — le même sans doute — frappe
d'un coup de couteau à l'épaule un homme
désarmé ; le même homme toujours, à le
juger par son costume et la gaîne de son
couteau, est à genoux un ciergfe à la main
devant l'édifice déjà décrit (').
I. ("e tableau assez énigmatique peut être interprété au
moins d'une autre fat;on ; un homme armé arrête, en
lui mettant contre ro|)aulc sa main année d'un grand cou-
(D). 2" Pilier opposé au précédent. Deux
hommes se battent, vêtus de chausses
étroites, souliers à la poulaine, chapeaux à
la mode de Charles YII (forme de nos
chapeau.x bas modernes), jaquettes à collet
droit, bien échancré par devant, aux épaules
rembourrées, aux larges manches (manches
teau, un liomnie désarmé ; puis se rend en un château
fort où sans doute il vient d'enfermer cet homme qui avait
contre lui de mauvais desseins ; puis il vient en actions
de grâces <\ Notre-Dame d'Andressein.
78
EcDue Dc rart cîjréticn.
à eieot), entrouverte sur le devant, plissée
a la ceinture ; l'un des combattants tient
une épée dégainée, son adversaire le frappe
d'une sorte de lance et le sang coule à Hots
de sa blessure. Au bas du tableau, le blessé
ayant encore dans son côté un tronçon
d'arme brisé est à genoux, un cierge à la
main, devant la statue et le campanile
d'Andressein.
Quelle est l'époque, quel est le sens de
ces peintures ?
L'époque indiquée par les costumes est
la seconde moitié du XV' siècle.
Quant au sens de ces peintures, elles sont
la représentation de faits miraculeux ou
notables advenus au pèlerinage de Notre-
Dame de Pitié en l'église d'Andressein. Or
on peut voir aujourd'hui, reléguée dans la
sacristie, une statue en bois peint de Notre-
Dame de Pitié qui présente tous les carac-
tères du XV'= siècle, et correspond sans
doute à l'image figurée dans les peintures.
En 13 15, une confrérie avait été fondée en
l'honneur de la Ste Vierge dans la chapelle
d'Andressein — devenue l'église paroissiale
actuelle — alors dédiée à la Mère de
Dieu (') ; et peut être dans les archives
de cette confrérie, s'il en existe quelques
débris, trouverait-on des renseignements
précis sur ceu.x qui firent exécuter ces
peintures murales, sur les faits qui y sont
représentés {-).
A défaut de données précises, on peut
1. L'dglise paroissiale fut démolie à la Révolution, et la
chapelle érigée en église paroissiale sous le vocable de
Saint-Martin, ancien patron de la paroisse, lors du réta-
blissement du culte.
2. Les statuts de cette confrérie viennent d'être publiés
par MM. l'abbé Cau-Durban et F. Pasquier : Stu/i/ts
d'une ancienne confrérie rurale dans le Conserans, Foix,
V*'= Pouriès ; 1884. — Les peintures d'Andressein sont
sommairement décrites dans cette notice et dans l'Inven-
taire des richesses d'art de la France : nomenclature de
VAri^ge (par F. Pasquier archiviste de l'Ariègc ; Foix ;
V"" Pouriès ; 1883), d'après ces notes que j'avais fournies
à mon excellent collègue M. Félix Pasquier.
chercher si les traditions locales fourniraient
quelques indications sur l'origine de ces
tableaux. En 1878, j'écrivis à ce sujet à
M. le curé d'Andressein ; M. Berdal, curé
de cette paroisse et chanoine honoraire, me
fit l'honneur de m'adresser la réponse sui-
vante: « Pas le moindre vestige de tradition
écrite ; seulement une tradition orale très
constante. Il n'est pas aujourd'hui un
vieillard dans les environs d'Andressein qui
ne se souvienne d'avoir dans son enfance
été conduit sous notre porche pour y voir
fixée par la peinture l' histoire des voleurs
qui après avoir pillé l'église ne purent
sortir, retenus par une force surnaturelle :
l'église a trois portes qui tour à tour
s'ouvraient et se refermaient présentant aux
malfaiteurs l'espoir de fuir et les retenant
ensuite. »
De ce que les vieillards ont pu contem-
pler dans leur enfance les antiques peintures
de leur église, il faut conclure que la couche
de chau.x qui les recouvrait en 1869 était
d'une date assez récente et ne remontait
qu'à une cinquantaine d'années.
Mais il me paraît assez difficile de con-
cilier la légende avec les sujets peints sous
le porche d'Andressein. Ces trois portes qui
s'ouvrent et se referment ne peuvent être
les trois portes ouvertes sur la façade occi-
dentale de l'église, deux d'entre elles, celles
des bas-côtés, étant de date postérieure aux
peintures du porche principal.
Le panneau B est l'ex-voto d'une femme
tombée d'un arbre, préservée de la mort ou
de graves blessures par un appel à la Vierge
d'Andressein, et venant acquitter en pèle-
rinage sa dette de reconnaissance.
Une interprétation analogue s'applique
au panneau D placé comme le panneau B,
auquel il fait vis-à-vis, sur le pilier qui fait
face à l'église : un homme blessé dans un
duel ou quelque fâcheuse rencontre vient
jKoutjeïIes et a^éUngcs.
79
aussi un cierge à la main remercier Notre-
Dame de Pitié de sa guérison (').
Au tableau A, le prisonnier implore
évidemment le secours de la sainte Vierge ;
exaucé, il sort ses fers à la main, et va les
porter aux pieds de l'image de sa protec-
trice. C'est sans doute ce prisonnier qui,
dans l'imagination populaire, a passé pour
le voleur du sanctuaire d'Andressein. Est-ce
un coupable, est-ce un innocent? La seconde
hypothèse me paraît plus probable ; il est
plus naturel d'admettre que ce prisonnier,
objet de la protection divine, était détenu
contre toute justice et que Notre-Dame
d'Andressein, en le délivrant, voulut pro-
clamer son innocence.
Peut-être celui qui l'avait incarcéré est-il
précisément l'homme au couteau du pan-
neau C : cet homme armé qui en arrête un
autre désarmé, qui se tient à la porte d'un
château fort, qui enfin vient un cierge à la
main se prosterner devant l'image vénérée
n'est point un pèlerin rendant grâces d'une
faveur obtenue, mais plutôt un coupable
faisant amende honorable pour son méfait.
Mais je ne prétends faire qu'une simple
hypothèse et laisser à de plus habiles et
plus érudits le dernier mot de ces énigmes.
Ces peintures ont sans doute été exécu-
tées par les ordres et aux frais de la Con-
frérie, très puissante et très nombreuse à
cette époque. Ce ne sont pas des fresques,
mais des peintures à l'huile ou à la détrempe
exécutées sur un enduit sec et par un artiste
d'un certain talent. Elles méritent à coup
sûr d'être conservées avec soin ; elles sont
dignes de fixer l'attention des artistes et
des archéologues.
Jules Marie Richard.
I. Peut-être ces deux tableaux 15 et D sont-ils d'un
autre peintre que A et C.
ecrcursion De (a 0ilDc De Sainr=Tèomas
et De Sainte Jluc. >-^— ^-^-.-.-^-^-.-.-.-^
lt3^>>Sy] KTTE société a fait, du !«■■ au 6 sep-
tembre, son excursion annuelle. Le
château de Vianden, la basilique de
Saint-Willibrord à Echtenach, enfin
les monuments de la ville de Trêves, devaient
faire successivement l'objet des études de la
Gilde. Une soixantaine de membres s'étaient
réunis à cet effet à Dickirch, petite ville du
grand duché de Lu.xembourg.
Le 2 septembre, de grand matin, éclairée par
un beau soleil, la nombreuse caravane distribuée
dans une série de véhicules de toutes déno-
minations et de toutes formes, prenait le chemin
pittoresque, généralement bordé d'une riche
végétation, qui conduit de Dickirch aux imposan-
tes ruines de Vianden. On y arriva après une
course de deux heures.
Le château de Vianden est majestueusement
établi sur un rocher très escarpé de plusieurs
côtés, et dont les hauteurs dominent la ville du
même nom, divisée en deux parties par la lim-
pide et gracieuse rivière de l'Our. On connaît
la destinée lamentable de ce château, aujourd'liui
l'une des ruines les plus considérables d'ancien
castel féodal, habitable encore et dans un remar-
quable état de conservation en 1821. Intacte
alors, non seulement dans son système de
défense, mais dans les magnifiques bâtiments
d'habitation des seigneurs, le château fut vendu
à cette date fatale par le roi Guillaume de Nas-
sau, sur la proposition d'une administration
inepte qui trouvait trop coûteux l'entretien
de ce château aussi important par son architec-
ture qu'intéressant par son passé. — Au seul titre
de monument historique, il eût dû être conservé
avec un soin jalou.x par la famille roj-ale des
Pays-Bas, dont il fut le berceau.
Celle-ci se contenta d'en redevenir propriétaire
de nouveau peu d'années plus tard, lorsque les
acquéreurs eurent accompli leur œuvre de des-
truction, et que l'antique manoir des Nassau,
mis dans l'état de ruine oti on le voit maintenant,
n'exigeait plus d'autres frais d'entretien que celui
des ancrages devenus nécessaires pour empêcher
les masses des murs disloqués et battus par les
8o
IRctiuc Oe r3rt c&réticn.
vents, de s'écrouler sur la ville qu'ils dominent
et à laquelle le château a servi autrefois d'abri
et de défense.
On examina dans tous leurs détails ces ruines,
les plus complètes d'une construction militaire,
non seulement dans le Luxembourg qui compte
un certain nombre d'anciens châteaux, mais
encore des pays qui l'entourent. Plusieurs des
salles présentent une longueur de 30 mètres, sur
une largeur de 10 mètres. D'énormes cheminées
sont encore debout, et dans quelques salles les
voussures des portes et les archivoltes des fenêtres
présentent une décoration sculpturale du plus
grand caractère et que l'on rencontre bien rare-
ment dans une construction de cette nature. La
chapelle castrale fut étudiée avec un soin parti-
culier. C'est la partie du monument la mieux
connue, M. Aug. Reichensperger en ayant fait
l'objet d'une excellente notice accompagnée de
quelques planches et qui a été publiée en 1856.
Cet oratoire offre un bel exemple des chapelles
à deu.x étages, Oratoria duplicata, dont on trouve
en Allemagne particulièrement et en Hongrie
quelques exemples très intéressants. Démantelée
en bonne partie afin d'en retirer les matériaux,
après la vente que nous venons de rappeler, la
chapelle était dans un état de conservation qui
permit d'y célébrer le saint sacrifice encore
en 1821. Ce petit sanctuaire a été depuis l'objet
de deux restaurations successives. Ces restaura-
tions ont eu le bon résultat d'empêcher une destruc-
tion plus complète par l'infiltration des eaux, et
d'offrir au visiteur un ensemble plus complet de
la disposition générale. Mais, dans les détails,
le ciment, le plâtre et d'autres matériaux de
contrebande sont intervenus dans une large
mesure, et il faut ajouter qu'en général l'intel-
ligence des formes est à la hauteur de la sincérité
des mo>^ens de construction employés. — En
réalité cette restauration, de même que le rachat
des ruines, apparaît comme le tardif regret des
démolisseurs qui n'ont peut-être pas encore
compris toute l'énormité de cet acte de vanda-
lisme, qui sera jugé plus sévèrement, à mesure
que le château de Vianden sera mieux connu
et plus souvent visité par des hommes compé-
tents.
Après un examen ijui se prolongea jusque vers
midi, la caravane archéologique se remit en
marche pour regagner le chemin de fer au vil-
lage de Wallendorf en suivant le cours sinueux
et accidenté de l'Our, particulièrement pittores-
que à son confluent avec la Sûre. — La station
de Wallendorf fut atteinte au moment où un
formidable orage éclatait, répandant des torrents
de pluie et des nuées de grêle sur les montagnes,
et faisant jaillir de toutes parts des cascades
dont les eau.x boueuses, après avoir inondé la
route, allaient en serpentant se déverser dans
rOur. Bientôt survint le train de Dickirch, et en
peu de temps la société se trouva transportée
dans la ville de saint Willibrord à Echternach.Là,
après qu'une réfection confortable, prise â l'hôtel
du Cerf, eut restauré les forces et ranimé les
esprits des voyageurs, on alla voir l'antique
basilique, consacrée au saint tutélaire de ces
contrées.
La basilique de Saint-Willibrord est un monu-
ment considérable, d'une austère grandeur dans
sa simplicité et dont la construction principale
remonte à la première moitié du onzième siècle. —
Jusqu'à la Révolution française on y conservait
les .reliques du grand Apôtre de la Hollande et
d'une partie de l'Allemagne, dont le souvenir
est encore si vivant dans ces régions également
évangélisées par lui. Depuis la supression de son
antique abbaye, le culte n'était plus célébré dans
la basilique, et depuis une trentaine d'années, ce
monument abandonné semblait condamné à une
ruine complète. Une fabrique de porcelaine avait
été établie dans l'une des nefs ; le chœur s'écrou-
lait et les administrations agitaient la question
de savoir s'il ne conviendrait pas de procéder
à la démolition du monument, afin d'éviter les
dangers qui pouvaient résulter des effondrements
que son état de ruine faisait redouter.Alors l'esprit
de piété pt)ur le saint tutélaire de ces contrées
et le patriotisme domièrent naissance à une
société qui, fondée dans la petite ville d'Echter-
nach, sous le nom de Willebrordus Bau-Verein,
se donna la mission, non seulement d'empêcher
la démolition de la basilique, mais encore de la
rétablir par une restauration conforme aux prin-
cipes de l'archéologie, et aux données que four-
nissait le monument lui-même. L'esprit de sacri-
fice des habitants de la ville, l'appui du gouver-
BouDelUs et Mélanges.
8i
nement et le dévouement de l'association aidant,
on parvint à réunir les ressources nécessaires au
but que l'on avait en vue. Dans ses grandes
lignes la restauration s'accomplit d'après les
dessins et suivant les inspirations de M. Essen-
wein, directeur de musée Germanique à Nurem-
berg, et aujourd'hui la restauration intérieure se
poursuit et des peintures murales s'y exécutent
par les soins de M. Jules Helbig. Après avoir
examiné la basilique et sa crypte, la Gilde fit
une rapide visite à l'église paroissiale qui domine
la ville, et oi;i se trouvent actuellement les reliques
de Saint-Willibrord, et notamment le cilice
porté par ce grand Apôtre. C'est après avoir
monté les nombreux degrés qui conduisent à
cette église, et après avoir tourné autour de
l'autel contenant, dans sa partie inférieure, le
sarcophage et les ossements du Saint, que se
dissout la célèbre procession dansante qui
attire chaque année plus de douze mille pèlerins,
le mardi de la Pentecôte, à Echtcrnach.
L'heure du train pour Trêves était survenue ;
les excursionnistes jetèrent, du haut de la colline,
un dernier regard sur la ville et ses poétiques
environs, et se rendirent à la gare, où l'on s'in-
stalla, tant bien que mal, dans les wagons
du chemin de fer Prince Henri. En moins d'une
heure et demie toute la troupe était à Trêves, oîi
la Gilde fut accueillie avec la plus gracieuse
cordialité par M. Pateiger, ancien membre de
la fraction du centre au parlement allemand.
Grâce à ses soins, les confrères furent bientôt
repartis dans les différents hôtels de la ville où
un gîte réparateur les attendait après une
fatiguante et longue journée. Bon nombre
d'entre eux furent installés dans l'hôtel de la
Maison Ronge, qui est déjà un monument, con-
struit au milieu du XV'- siècle, mais où le
voyageur est assuré d'une hospitalité toute mo-
derne.
.Le lendemain tous les membres de la Gilde se
trouvaient réunis à l'église Saint-Gangolphe, où
conformément aux usages de la société, ils
assistèrent ensemble à la messe dite à l'intention
de tous les confrères décèdes et vivants.
Les membres de la Gilde avaient trois jours à
consacrer à l'étude des monuments de Trêves, à
l'examen de ses collections et musées. Nous ne
les suivrons pas dans toutes leurs pérégrinations.
La ville de Trêves est assez connue par tous les
archéologues, comme l'une des plus anciennes et
plus intéressantes villes de ce côté des Alpes,
pour qu'il y ait lieu de refaire l'inventaire de ses
richesses. On sait combien celles-ci sont nombreu-
ses dans le domaine classique, celui qui embrasse
les derniers siècles de la période romaine. Elles
deviennent plus considérables d'année en année,
grâce à des fouilles nouvelles, grâce à des explo-
rations faites avec autant d'intelligence que de
succès.
Depuis longtemps on connaissait les palais des
empereurs, quoique les érudits ne fussent pas
toujours d'accord sur la destination première de
ces ruines imposantes et qu'ils y aient voulu voir
tour à tour, un théâtre, le capitole des Trévires,
le palais du sénat, etc.; on connaissait l'amphi-
théâtre, dont malheureusement on a emporté,
comme matériaux à bâtir, presque tout ce qui
restait de ces constructions; on connaissait la ba-
silique,/(Z/^r/rtA^?^;-rt et d'autres restes romains.
Depuis deux ans, on a découvert les bains ro-
mains, dont les fouilles dirigées avec beaucoup de
science par le docteur Hettner, conservateur du
Musée provincial, ont fait connaître les substruc-
ctions d'un établissement thermal de premier
ordre, dont la façade nord n'a pas moins de 125
mètres de longueur.
Si aucun des monuments de l'antiquité romaine
ne fut négligé par les confrères de la Gilde, on
comprend cependant que c'est surtout sur les édi-
fices chrétiens et leur mobilier que se concentra
particulièrement leur étude. A l'aide des recher-
ches entreprises avec autant de persévérance que
de science par le baron Roisin et surtout par le
chanoine Wilmevsky, on chercha à débrouiller les
différentes époques et les styles divers qui ont
participé à la construction de la cathédrale, pro-
bablement dans son premier noyau l'église chré-
tienne la plus ancienne de ces régions, et dans son
ensemble, ses cloîtres, son petit musée et son ma-
gnifique trésor, l'un des monuments les plus inté-
ressants et les plus instructifs que l'archéologue
puisse visiter. — Peu de villes lui offriront, dans
un espace aussi restreint, autant d'objets d'étude,
que l'agglomération du dôme, des bâtiments qui
l'entourent et des cloîtres qui le relient à l'incom-
1-35. — ^^*^ Livraison.
82
iRctJUC De r^tt chrétien.
parable église de Notre-Dame, l'un des plus beaux
monuments de la période ogivale de l'Allemagne
et qui, par certaines dispositions, par sa statuaire
et sa remarquable sculpture ornementale rappelle
sous bien des rapports l'art ogival français.
Aussi les membres de la Gilde y revinrent-ils à
plusieurs reprises, et toujours avec un sentiment
plus vif des beautés de cet édifice.
On visita successivement tous les monuments
figurant au programme de l'excursion.
L'une des matinées dont le souvenir restera le
plus vivace dans la mémoire des confrères de la
Gilde, fut celle consacrée à l'étude du trésor de la
cathédrale. On sait que ce trésor, bien qu'une
partie de ses richesses aient été dispersées à la
suite du transport entrepris pour le soustraire aux
armées françaises, en 1792, est encore l'un des
plus considérables qu'il y ait en Allemagne.
L'accès n'en est pas toujours facile, mais grâce à
l'autorisation du dignitaire du chapitre préposé
à la conservation de ce trésor, les plus grandes
facilités furent accordées à la Gilde pour en exa-
miner les différentes pièces aussi remarquables
que nombreuses. L'intérêt de cette étude était
considérablement rehaussé par les explications et
les observations faites tour à tour par M. le baron
Béthune, président de la Gilde, M. le chanoine
Reusens, M. l'abbé Czobor, conservateur du musée
de Buda-Pesth. M. l'abbé Schnutgen, de Cologne,
avait aussi voulu se joindre dans cette circonstance
à la société, et ajouter ses savantes remarques
à celles des érudits de la Gilde. Les confrères
eurent ainsi la bonne fortune de voir successive-
ment passer sous leurs yeux l'autel portatif de
Saint-André et le reliquaire du saint Clou. Deux
pièces du X'= siècle appartenant aux premières
œuvres de l'émaillerie romaine en Occident, —
le reliquaire renfermant les chefs de saint Mathias
et de sainte Hélène, un reliquaire de la vraie
Croix, les couvertures d'évangéliaires des X^ et
XII*^ siècles, les magnifiques encensoirs du XIP
siècle, publiés à différentes reprises, — entre autres
dans les Annales archéologiques de DiJron ; — les
cros.ses en cuivre doré trouvées dans les tombes
des archevêques Egilbert et Bruno, appartenant
à la fin du XI<= et au commencement du XII<^
siècle ; des chandeliers d'autel de la même période,
des ivoires et manuscrits de premier ordre, etc.
Tout cela put être examiné avec le jjIus grand
soin, et, comme nous venons de le dire, exhibé
avec des éclaircissements historiques et des ensei-
gnements pratiques donnés par des hommes de
première compétence, qui doublèrent le charme
et l'utilité de cette séance. Au surplus. Trêves est
au point de vue de l'orfèvrerie religieuse du
moyen âge, une ville de premier ordre. Au.x mo.
numents du trésor du dôme, — dont un certain
nombre ont été publiés — il faut ajouter le ma-
gnifique reliquaire de la vraie Croi.x, dont la reli-
que apportée de Constantinople, en 1207, par le
chevalier Henri de Ulmen, fut donnée à l'impor-
tante abbaye dcSaint-Mathias, prèsdeTrèves. Son
église a conservé heureusement la relique insigne
et le chef-d'œuvre qui lui sert d'ostensoir. Il faut
ajouter encore différentes pièces très remarqua-
bles de l'église Saint-Gangulphe, dont le trésor
est pour ainsi dire inconnu, et que les fureteurs
de la Gilde eurent le bonheur de découvrir, et
l'autel portatif de Saint-Willibrord conservé dans
la sacristie de l'église Notre-Dame.
Le musée provincial, très considérable, surtout
au point de vue lapidaire, et continuellement en-
richi par les fouilles et les découvertes quotidien-
nes qui se font dans le sol historique des environs
de Trêves, reçut aussi une visite aussi détaillée
que le permettait le temps dont on pouvait dispo-
ser. — La riche bibliothèque de la ville eut
son tour; malheureusement on était en vacances,
et l'absence du bibliothécaire empêcha cette visite
d'être aussi fructueuse et aussi intéressante qu'elle
aurait pu l'être. Ajoutons encore que l'examen
qui se fait par des corporations aussi nombreuses,
de monuments qu'il faut pour ainsi dire tenir à la
main pour les apprécier, a rarement pour le tra-
vailleur l'utilité qu'il désirerait retirer des trésors
vus d'une manière fugitive. Mais au moins il sait
où ils se trouvent, et le désir ou la nécessité d'une
étude plus approfondie survenant, il se rappellera
où il doit les rechercher.
Les trois journées se passèrent ainsi trop rapi-
dement au gré des excursionnistes, à explorer les
richesses de cette ville si éminemment historique,
située sur les rives de la Moselle et où les beautés
de la nature rehaussent encore le prestige des
monuments et les souvenirs de l'histoire. Au mi-
lieu du jour, un joyeux repas pris en commun
dans les vastes salles du Katkolisckc Bitrger veirin,
restaurait les forces des archéologues, après les
j^outicUcs et Mélanges,
83
courses de la matinée et les préparait aux fati-
gues du reste de la journée. De gais propos et
parfois des toasts chaleureux témoignaient, dans
toutes ces réunions, de l'entrain des convives. Le
soir, toute la société se retrouvait au Martins-bad,
vaste établissement situé au bord de la Moselle,
et où des séances, présidées par M. le baron
Béthune, se prolongeaient quelquefois jusque
assez tard dans la soirée. Dans ces réunions, l'un
ou l'autre membre prenait la parole pour résumer
les observations faites sur les monuments visités
au cours de la journée. Chacun apportait le résul-
tat de ses impressions et de ses études, dont une
discussion amicale faisait ressortir ou contestait
la valeur. A la suite de la visite du trésor de la
cathédrale, oii le matin on avait vu plusieurs mo-
numents remontant à l'origine de l'émaillerie en
Allemagne, M. le chanoine Reusens fit, avec des
développements étendus, l'historique de l'émail-
lerie en y ajoutant des explications techniques
sur cet art dont les églises de Trêves offrent en-
core des monuments si remarquables. M. le baron
Béthune et M. le chanoine Delvigne entrèrent
dans des considérations étendues sur les carac-
tères de l'architecture des édifices de Trêves. Les
membres de la Gilde se préoccupèrent naturel-
lement aussi des causes qui pouvaient avoir
amené le maître constructeur de l'église de Notre-
Dame, à donner un plan circulaire à ce remar-
quable édifice., Ya-t-il été amené par la forme
généralement ronde des anciens baptistères qui
d'ordinaire se trouvaient,comme l'église de Notre-
Dame, dans le voisinage immédiat des cathé-
drales? Le terrain peu étendu qu'il avait à sa dis-
position, l'a-t-il amené à adopter cette forme peu
ordinaire dans les églises de la période ogivale ?
Est-elle une imitation plus ou moins directe de
l'église de Braisne, près de Soissons, comme le
prétendent quelques-uns? Ne faut-il voir, au con-
traire, dans l'église Notre-Dame, qu'une église
orientale par son plan, comme le croyaient Didron
et Félix de Vuneille, une filiation d'Aix-la-Cha-
pelle et une sœur de Saint-Giréon de Cologne ?
— Ces différentes hypothèses furent examinées
sans qu'aucune d'elles parut donner la solution
du problème posé.
Plusieurs notables de Trêves, des savants et
dignitaires de l'église voulurent bien assister aux
réunions de la Gilde, pendant son séjour à Trêves.
M. le professeur Scrot, le R. M. Claesen, curé-
doyen à Echternach, M. l'abbé Schmitgen, M.
Pateiger, honorèrent les séances de leur présence.
Le bureau de la Gilde ne voulut pas quitter Trê-
ves, sans avoir présenté ses devoirs au chef vénéré
du diocèse, Mgr Korum, dont l'accueil gracieux
et les sentiments hautement sympathiques pour
l'œuvre de la Gilde, laissa une profonde impres-
sion à tous ceux qui prirent part à cette entrevue.
Enfin il fallait quitter Trêves, ses aimables ha-
bitants et ses monuments célèbres. Les confrères
se séparèrent, les uns pour reprendre le chemin
du Luxembourg et de la Belgique, les autres pour
descendre les bords de la Moselle et du Rhin,
heureux tous des journées passées ensemble et se
promettant d'en renouveler, l'année 1885, les ex-
cellentes impressions, — cette fois sur les bords
de la Meuse, suivant le projet d'excursion. adopté
en assemblée générale. X.
Société des antiquaires de France. — La
majeure partie des notices du tome XLIV se
rapporte à l'archéologie chrétienne.
— M. G. Schicmberger s'occupe des types de
la Vierge, du Christ et des saints figurés sur les
sceaux de plomb byzantins, des X<=, XI<= et XII'=
siècles. Le buste nimbé et voilé de la Panagia,
entre les deux sigles MHP 0OY se voit sur la
moitié au moins des sceaux retrouvés jusqu'ici.
Tantôt elle est représentée dans l'attitude d'une
orantc, tantôt elle presse contre sa poitrine le
médaillon du Christ, tantôt elle porte le divin En-
fant sur le bras droit ou sur le bras gauche. Ces di-
verses attitudes doivent correspondre aux types
de madones, peintes ou sculptées, jadis en grande
vénération chez les Grecs. Le buste du Rédemp-
teur, portant le nimbe crucifère ou simplement
adossé à la croi.K, apparaît sur un certain nombre
de bulles. Beaucoup plus rarement, le Christ est
représenté bénissant, assis sur un trône. Les saints
dont les effigies sont le plus fréquemment repro-
duites sont S. Démétrius, S. Georges, S. Nicolas,
S. Théodore Tyron et S. Théodore Stratilate.
L'évêque de Myra, le favori de la sphragistique
byzantine,porte les évangiles de la main gauche et
bénit de la droite. L'archange S. Michel, la tête
diadémée, tient de la main droite le globe cruci-
gère, et de la gauche, le sceptre à triple fleuron,
très rarement remplacé par l'épée flamboyante.
Presque toujours la légende gravée sur un sceau
byzantin est une invocation à la Vierge ou au
Christ. Quand la Tlieotokos n'est point qualifiée
par le nom spécial qu'elle portait dans un sanc-
tuaire vénéré, on lui donne l'épitiiète de toute
sainte. Mère, du Verbe, souveraine, toute pure,
vierge, princesse, toute complaisante, etc.
— Les Icônes historiaruin Veteris Testanienti
souvent rééditées au XV1<^ siècle, sont célèbres
par les planches gravées sur bois, d'après Hans
Holbcin, par Virgile Solis, et probablement, par
Hans Lutzelburger. M. G. Duplessis donne un
essai bibliographique sur les différentes éditions
parues de 1538a 1551 et prend soin de noter les
planches dont le dessin n'appartient pasà Holbein.
— A la cathédrale de Nantes, dans la chapelle
Saint-Clair, des boiseries cachent le tombeau
de Guillaume Guéguen, mort en 1506 et dont
Michel Colombe a exécuté la statue funéraire.
M. Palustre, voulant examiner cette œuvre d'art,
a pu obtenir l'enlèvement temporaire des boise-
ries. Il a constaté que la figure duc au ciseau de
Colombe, brisée en 1793, a été remplacée par un
autre marbre, du XV'-' siècle, dont il est impos-
sible de déterminer la provenance.
— Nous citerons encore dans le même volume,
une étude de M. A. de Barthélémy sur une vie
inédite de S. Tudual, attribuée au Vl*-' siècle ; —
des notes d'un voyage en Corse, par M. Lafaye ;
— une notice de M. Pol Nicard sur la vie et les
travaux de M. Ferdinand de Lasteyrie ; — et des
documents, que nous avons déjà signales, fixant
la date de la construction des cathédrales d'Em-
brun et de Gap.
A cette revue rétrospective ajoutons quelques
détails sur les récentes séances :
Dans la séance du 16 juillet dernier. — AL de
Goy a fait une communication sur des objets de
bronze provenant d'un atelier de fondeur gaulois
à Neuvy-sur-Barangeon.
M. de Lasteyrie a communiqué un calendrier
portatif latin, du commencement du XIV"^' siècle
et provenant du Midi de la France. Il signale
l'e.xistcnce de plusieurs calendriers analogues. Le
musée du Louvre et de la Bibliothèque Nationale
en possèdent chacun un. Tous dérivent d'un type
unique composé à la fin du XIII"^ siècle, par le
computiste Pierre de Dacie.
Dans les séances des 2j et jo juillet. — M. Eug.
MUntz a communiqué la première partie d'un tra-
vail intitulé : Jacopo Bellini, ses études d'après
Pantique, so'i influence sur Mantegna, d'après des
documents inédits.
M. Héron de Villefosse dit, à ce propos, qu'un
recueil de dessins de ce maître vient d'être acquis
par le musée du Louvre, grâce à l'intervention de
M. Courajod; il entretient la Société des inscrip-
tions antiques reproduites dans ce recueil.
M. Courajod communique, en les accompa-
gnant de commentaires, les photographies de
plusieurs dessins de Jacopo Bellini, qu'il a fait
exécuter pendant que ce recueil était entre ses
mains.
M. Duplessis lit un mémoire sur quelques gra-
vures de Martin Schoen.
M. Courajod lit un mémoire sur un projet de
formation, au Louvre, d'une collection complète
de .sculptures originales de l'École française. Il
entretient la Société des monuments qu'il a déjà
réunis dans ce but et qui proviennent tant des
salles du Louvre que des chantiers de Saint-
Cratiatir Des Sociétés satiantcs.
85
Denis, et des palais de Versailles, Fontainebleau
et Compiègne.
M. G?idoz donne des détails sur la présence
des roues de fortune dans les églises du moyen
âge et dans les temps modernes.
M. de Lasteyrie met sous les yeux de la So-
ciété une inscription chrétienne du VIi^ ou duVII<=
siècle, découverte récemment par l'abbé Hamard
à Hermès (Oise).
M. Mowat communique l'estampage d'une
inscription du moyen âge trouvée à Amiens par
M. Cagnat. C'est une inscription chrétienne de
basse époque.
En séance du j septembre. — M. Eugène Mùntz
continue la lecture de son travail sur le Palais
de Sorgues (1319-139S), près d'Avignon, travail
dont la première partie avait été communiquée à
la Société en 1879. Il fait connaître les noms des
artistes presque tous français employés à la dé-
coration de ce monument.
M.Muntz communique en outre des photogra-
phies qu'il vient de faire exécuter d'après les fres-
ques, toutes encore inédites, du Palais des Papes
à Avignon, de la cathédrale de Notre-Dame-des-
Doms et de la Chartreuse de Villeneuve.
Société de l'histoire de Paris. — M. Vac-
quer signale les découvertes faites, rue Galande,
à Paris, à l'occasion de l'ouverture d'une tran-
chée d'égoût. On y a rencontré des substructions
de l'époque romaine et recueilli une trentaine de
sarcophages en plâtre et pierre blanche, méro-
vingiens et carolingiens.
• — M. J. Guiffrey donne une notice sur les
grands relieurs parisiens du XVI II<^ siècle, Boyet,
Padeloup, Derôme. M. Jal, dans son Dictionnaire
critique, -àxTsAX. déjà donné des renseignements bio-
graphiques sur ces artistes si appréciés des bi-
bliophiles. M. Guiffrey a pu compléter ces indi-
cations en fouillant des coins encore inexplorés
des Archives nationales. C'est dans les liasses
des Commissaires au Châtelet, où se trouvent
plus de 5000 articles, qu'il a découvert ces docu-
ments. Ceux qu'il publie sont tous de même
nature. Après la mort du relieur, le Commissaire
du Châtelet vient apposer les scellés sur les coffres
et effets trouvés dans l'appartement du défunt ;
un inventaire détaillé est dressé plus tard par le
notaire de la famille. Ces divers actes ont cet
avantage de nous faire pénétrer dans l'intérieur
du défunt, au moment même de son décès, de
fournir des renseignements certains sur la date
précise de sa mort, sur sa demeure, sa famille, sa
fortune, ses créanciers et ses clients.
Société de l'histoire de France. — Cette
importante association, fondée par MM. Guizot,
Thierry, de Barantc, Thiers, Mignet, etc., a célé-
bré cette année le cinquantième anniversaire de
son existence ; à cette occasion, M. le duc de
Broglie a prononcé un discours dont nous ex-
trayons les passages suivants :
«. Je ne crois pas qu'on puisse rendre un meilleur ser-
vice de nos jours à l'esprit public, à tous ceux même d'en-
tre nous qui, engagés dans la vie active, ont le moins de
temps à donner à l'étude, que de nous apprendre à bien
connaître et surtout à apprécier ^impartialement notre
histoire.
« Nous vivons dans un temps, vous le savez, où l'esprit
de parti s'empare de tout (et quand je dis l'esprit de parti,
je dis l'esprit de tous les partis, aussi bien de ceux que j'ai
pu combattre, que de ceux dans les rangs desquels j'ai pu
figurer) ; mais je ne crois pas qu'il y ait un sujet sur lequel
l'esprit de parti se donne plus librement et plus aveuglé-
ment carriùre, que dans la manière de raconter et surtout
d'apprécier l'histoire de Fi-ance.
« Nous faisons tous, plus ou moins, une histoire de
France à notre fantaisie pour servir nos passions du jour.
L'histoire de France est un champ clos, où en sortant des
luttes de la presse et delà tribune, nous voulons retrouver
nos adversaires de la veille, pour les combattre sous les
traits des hommes d'autrefois. C'est un arsenal où nous
cherchons de vieilles armes pour servir nos haines et nos
inimitiés présentes. C'est le fonds inépuisable où nous
venons chercher le thème de nos récriminations contre
telle ou telle classe, telle ou telle institution qui nous
déplaît ou qui nous gêne. Tous, plus ou moins, nous avons
une tendance à faire de l'histoire un instrument de parti.
« Vous savez même jusqu'où cette tendance peut pousser
quelques-uns de nos prétendus historiens. On va jusqu'à
limiter arbitrairement le champ même de cette histoire,
jusqu'à fixer une date de fantaisie à l'origine ou à la fin de
notre existence nationale. Pour ceux-ci il n'y a pas eu de
France avant une certaine date, et même une date très
récente. Avant cette époque qu'on glorifie aux dépens de
tout ce qui l'a précédée, il n'y a pas de France, elle n'exis-
tait pas à vrai dire, car elle ne formait pas une nation,
puisqu'on n'y connaissait pas le sentiment ni même le nom
de la patrie. Pour d'autres, à la vérité, cette même date a
été la fin, la mort de la France, le jour où elle est tombée
dans une irrémédiable décadence.
« Vous ne partagez. Messieurs, aucune de ces exagéra-
tions opposées, et, par la sage distribution de vos études,
vous y faites, sans avoir même besoin de les réfuter, la
meilleure des réponses. Le soin même que vous mettez à
recueillir et à mettre en lumière tous les monuments du
passé, dit assez ce que vous pensez des sottes invectives et
des déclamations qu'on se plaît à entasser contre ce passé
de la France qui a fait sa grandeur et sa place dans le
monde. Vous savez montrer par votre exemple que le
respect du passé est un devoir dont une nation ne peut
s'affranchir impunément, et qui n'est au fond que le res-
pect de soi-même et de sa propre dignité. On n'a pas le
droit de répudier le sang dont on est sorti. Une nation
qui prend plaisir à calomnier et à déshonorer ses aïeux se
calomnie et se déshonore elle-même. Le respect du passé,
chez un peuple, est aussi, vous le savez, une des meilleures
garanties de sa durée et de sa prospérité à venir, car il y
a, pour les peuples comme pour les hommes, une piété
filiale à qui l'Esprit-Saint a promis les bénédictions de ce
monde, et c'est à eux aussi qu'il a été dit :
Tes père et mère honoreras,
Atin de vivre longuement.
« Mais, vous savez aussi. Messieurs, que ce tableau du
passé de la France, auquel vous apportez tant de soin,
n'aurait ni sa signification élevée ni sa grandeur véritable.
86
ïRciîue De rart cbrctien.
s'il ne servait h faire voir par quel progrès lent et continu,
poursuivi sous l'égide de la grande institution royale qui
n'a cessé d'y présider, nous sommes arrivés à la jouis-
sance des biens que nous apprécions le plus aujourd'hui :
la formation de cette forte unité territoriale qu'aucune mu-
tilation ne peut détruire, de ce puissant sentiment d'unité
nationale qui n'éclate jamais mieux qu'aux jours de nos
malheurs et des grandes crises, et enfin l'élévation gra-
duelle de toutes les classes vers l'égalité sociale.
« C'est ainsi, Messieurs, que vos études nous apprennent
à concilier, avec le respect du passé, la juste appréciation
du présent et l'espoir persévérant dans l'avenir. Permettez-
moi de vous féliciter de cette œuvre patriotique et de vous
en remercier avec d'autant plus de liberté que j'y ai
moins contribué. »
Société académique de Saint-Quentin. —
M. Pierre Benard, dans une étude sur la basilique
de Saint-Quentin, insiste avec raison sur le
procédé fondamental d'appareillage des pierres,
qui aétéappliqué.à très peu d'exceptions près, pen-
dant toute la période ogivale.et qu'il est nécessaire
de connaître, pour s'expliquer comment, sur cer-
tains points, la pierre a pu être refouillée et
évidée dans des conditions qui semblent irréali-
sables avec nos procédés actuels.
« Tout le monde sait qu'aujourd'hui, dit-il, la
construction complète d'une maçonnerie en pier-
res se compose de deux périodes ; d'abord les
maçons posent successivement, assise par assise,
les pierres auxquelles une taille préparatoire a
donné un premier dégrossissement; puis, lorsqu'ils
ont posé le couronnement, arrivent les tailleurs
de pierrequi dressentdéfinitivementles surfaces et
dégagent les moulures, en même temps que les
sculpteurs refouillent les ornements et les figures.
Eh bien, au moyen âge, le travail des tailleurs de
pierre et des sculpteurs, au lieu de s'effectuer
après la construction des murs, se faisait avant.
Chaque pierre, quelle que fût sa destination et
sa place, dans un mur, dans une colonne, dans une
rosace, bas-reliefs, chapiteaux, consoles, clefs,
culs-de-lampe, statues, balustrades, chaque pierre,
dis-je, était taillée, ravallée, moulurée, sculptée, et
entièrement confectionnée au chantier, quelque-
fois loin du bâtiment en construction, avant d'être
amenée à pied d'œuvre, et mise à saplace défini-
tive ; une fois posée, on n'y touchait plus : c'était
fini. Les avantages de cette méthode sont faciles
à saisir ; le tailleur de pierre et le sculpteur sont,
pour travailler, infiniment plus à leur aise dans
leur chantier que sur l'échafaudage ; ils peuvent
circuler autour de leur bloc, le manœuvrer, le
tourner dans le sens le plus commode ; comment,
par exemple, aller sur place, après la pose, profiler
les moulures des rosaces, tailler circulairement
leurs lobes, évider leurs dentelures, perforer leurs
ajours, sans s'exposer à rompre certains membres,
et à ébranler tout le réseau et les meneaux qui
le portent ? On remarque même parfois des
moulures si profondément dégorgées qu'il serait
impossible à l'outil d'atteindre tous les points de
leurs rcfouillements, si l'ouvrier ne pouvait l'intro-
duire par le lit de pose. Un autre avantage, c'est
d'obliger l'appareilleur à prévoir tous les joints
d'avance, et le sculpteur à étudier ses motifs
d'ornement, de façon à ce que chaque pierre forme
un sujet complet; aussi n'y trouve-t-on jamais ces
joints malheureu.x qui passent au travers des com-
positions sculptées ; ajoutons que les frises et les
archivoltes ornées y produisent leur maximum
d'effet par la netteté avec laquelle les motifs se
détachent, à cause des repos forcés qui les sépa-
rent, et qui sont déterminés par les joints. Un
dernier avantage était de permettre l'exécution
des travaux avec une rapidité tellement grande,
qu'il nous est impossible aujourd'hui, avec toutes
nos ressources mécaniques, d'en approcher. »
Société Éduenne. — M. Bulliot continue à
rendre compte des célèbres fouilles du Mont-
Beuvray.
— M. Roidot a rendu coinpte d'un mémoire
sur les antiquités d'Autun que M. Bunnet Lewis
a publié dans T/ie arcliœological Journal. L'anti-
quaire anglais s'y occupe de la célèbre inscription
gréco-chrétienne du Musée d'Autun, découverte
en 1839 a Saint-Pierre de Lestricr. On n'est point
d'accord sur l'âge de ce monument. Le cardinal
Pitra l'a attribué à la fin du deuxième siècle,
ainsi que M. VVharton Booth Marriot. MM. Ros-
signol et Kirchoff ne le font remonter qu'à une
époque de décadence, en raison des fautes de
syntaxe et de prosodie de l'inscription et d'après
la forme cursive des caractères. M.B.Lewis partage
leur sentiment. Mais, comme le fait justement
observer M. Roidot, dans quel lieu et à quelle
époque la décadence commence-t-elle ? Les <^allo-
Romains écrivaient-ils la langue d'Homère dans
sa pureté classique? est-ce dans des inscriptions
funéraires qu'il faut chercher des modèles de
correction absolue, surtout quand elles sont
rédigées dans une langue étrangère .' La même
réponse peut être opposée à l'argument tiré de
la forme irrégulière des caractères. Qu'en
conclure? sinon que les Gallo- Romains parlaient
un grec médiocre et l'écrivaient médiocrement.
Nous nous associons au.x judicieuses obser-
vations de M. Roidot, et nous croyons, avec le
cardinal Pitra, le P. Secchi, MM. Borret, Leemans,
Franz et Marriot que cette épitaphe doit reinon-
ter au second siècle. Ajoutons toutefois qu'il est
fort possible, comme le conjecture M. de Rossi,
que la pierre primitive ait été brisée par les
païens, et qu'elle ait été gravée à nouveau et
remise en place au IV*-" siècle.
— Le tome IX des Mémoires de la socictc
Éduenne contient encore d'importants travaux
historiques et archéologiques, parmi !esc|uels
Crauaur Des «èocictés savantes.
87
nous nous bornerons à citer une Notice sur
Santeuay (Côte d'Or) par M. H. De Longuy, et
XÉpigrapkie aiitunoise, par M. H. De Fontenay.
Société des sciences, belles-lettres et arts
de Tarn et Garonne. — Le tome IX de ses
Mémoires ne contient que des travaux purement
littéraires, sauf un rapport de M. Edmont Gala-
bert sur les congrès des sociétés savantes à la
Sorbonne. La Revue de Part chrctieii a souvent
plaidé la cause de la décentralisation littéraire;
il est juste de donner la parole à une opinion,
non pas contraire, mais un peu différente.
« Le choix des lectures, dit M. Galabert, est laissé,
comme par le passé, à l'initiative des Sociétés ou des
délégués, mais le Ministère propose maintenant chaque
année aux Sociétés savantes l'étude d'un certain nombre
de questions, qui sont ensuite discutées dans les sections.
Cette innovation a été critiquée et elle est trop récente
pour que son application ne soit pas encore un peu
défectueuse. Elle n'en est pas moins excellente. Elle met
en contact les savants de province avec ceux de Paris,
elle les fait travailler en commun et elle servira à déter-
miner exactement le rôle qui convient plus pirticulière-
nent à chacun d'eux. Déjà même, en suivant attentivement
la discussion on se rend compte de ce qui manque aux
savants de province pour traiter de vastes sujets, proposer
des théories, faire des essais de généralisation. Ils n'ont
point assez d'étendue dans le savoir et surtout assez de
réserve. L'esprit critique leur fait défaut. Les exceptions
qu'on signalerait n'infirmeraient point la règle. Peut-être
même la contirmeraient-elles et s'apercevrait-on que ces
savants, bien qu'habitant la province, se rattachent au
mouvement parisien par des voyages, des lectures, des
correspondances et des relations particulières. C'est que
la supériorité scientifique et artistique de Paris est
indéniable. Qu'on juge ou non cette centralisation ex-
cessive, on sera longtemps encore obligé de la subir.
11 convient dès lors de n'en pas méconnaître les avantages.
Les savants parisiens, mieux placés pour ébaucher des
vues d'ensemble ou se livrer à des essais de synthèse,
se défient néanmoins des conclusions hâtives et deman-
dent des faits et rien que des faits. Leurs confrères de
province devraient s'attacher principalement à en
recueillir. La province est peu ou mal connue ; il
appartient aux diverses Sociétés savantes de l'étudier.
Les travaux qui leur conviennent le mieux sont ceux
qui concernent plus particulièrement leur région. Voilà
le champ vraiment réservé à l'activité des savants de
province, et, s'ils savent s'y maintenir, leurs efforts ne
seront pas infructueux. On objectera peut-être que ce
genre de recherches s'exerce dans des limites trop étroites
pour intéresser un grand nombre de personnes. Là est
justement l'erreur.
« L'étude scientifique d'une contrée ne se borne pas
seulement à celle du sol, du climat, de \.\ flore et de la
faune ; elle comprend aussi l'économie politique et
rurale, l'archéologie, l'histoire, les institutions, les cou-
tumes, les moeurs, les croyances, les traditions, les
légendes, les superstitions, les dialectes, l'inventaire des
musées, des archives et des collections. C'est dans cette
voie que le Ministre de l'Instruction publique et le
Comité des Sociétés savantes cherchent à pousser les
Sociétés de province. Les résultats de cette enquête
centralisés à Paris, seraient mis à la disposition des
savants les plus éminents et une étude, à la fois neuve
et complète de la France sortirait un jour de cette
collaboration. On voit donc que même en laissant décote
les raisons exposées plus haut et tirées des difficultés
que chacun rencontre en voulant sortir de son domaine,
on en trouve d'autres très sérieuses qui imposent aux
savants de province le devoir de se consacrer à cette
tâche. Le Comité des Sociétés savantes réclame leur
concours pour l'accomplissement d'une œuvre nationale,
qui profitera également à la science générale. »
Société historique et archéologique du
Maine. — M. André Joubert raconte l'histoire
du château seigneurial de Saint-Laurent des
Mortiers, détruit par les Anglais en 1427 et
aujourd'hui complètement disparu. L'auteur a
retrouvé dans les archives communales de Saint-
Laurent un plan du château fait en 181 3 d'après
les ruines qui existaient encore. S'il faut s'en rap-
porter à la figure bizarre que M. Joubert inter-
cale dans son travail, ce château aurait été
composé d'une enceinte octogonale flanquée de
huit tours rondes. Au centre se trouvait le don-
jon qui était relié à l'enceinte par des pans de
murailles correspondants à chaque tour.
Commission des antiquités et des arts de
Seine et Oise. — Dans son dernier fascicule, se
trouve un inventaire de l'église de Notre-Dame
de Mantes par MM. Durand et Grave. Cette
charmante église est ogivale, mais romane par
son plan et par certains détails de son ornemen-
tation. Tout l'édifice a été bâti d'un seul jet de-
puis l'abside jusqu'à la façade, mais elle n'a
d'abord été élevée que jusqu'à la hauteur du
premier bandeau. Toute la partie supérieure date
des premières années du règne de saint Louis.
Eudes de Montreuil a su habilement raccorder à
l'église commencée par Philippe-Auguste l'église
de Blanche de Castille et de saint Louis. La
construction du triforium est peut-être unique et il
n'a d'analogue que celui deSaint-Remi de Reims.
Les voûtes de ce triforiuin, en berceau ogival,
perpendiculaires au grand axe de l'église, repo-
sent sur de larges linteaux, soulagés par de ro-
.bustes colonnes. Les chapelles de l'abside n'ont
été construites qu'au XI V« siècle, à l'exception
de celle de la Vierge, bâtie en 1246.
On a eu tort de répéter que le portail de Mantes
avait été copié sur celui de Notre-Dame de
Paris, car les parties anciennes de Mantes sont
antérieures à la métropole de Paris. Parmi les
sculptures de la façade, on remarque les funé-
railles de la Vierge, la résurrection du Sauveur,
la résurrection des morts et beaucoup de figures
de mart)-rs Le vitrail de la grande rose, datant
du XlIP" siècle, représente, en \ingt-quatre scè-
nes, le jugement dernier. C'est à la même époque
que remontent la sacristie et l'ancienne salle du
chapitre qui la surmonte et qui sert aujourd'hui
de garde-meuble. Le plus précieux objet du mo-
bilier de Mantes est un beau tapis persan, offrant
88
IRctJue ne rart cbréticn.
des motifs de chasse, des arbres, des oiseaux,
des lions, des panthères, des gazelles. M. de
Caumont attribuait ce tapis au XI V^ siècle:
MM. Durand et Grave le croient un peu moins
ancien.
Société littéraire, liislorique et archéolo-
gique de Lyon. — Dans la siance du j mars
i88^. — M. Georges lit quelques passages de son
étude sur l'architecture, travail qui a mérité à
son auteur un prix de l'institut.
Séance du iç mars i88^. — M. le comte de
Charpin Feugerolles communique un document
du commencement du XYIIf^ siècle, ren-
fermant le récit d'une visite pastorale de Mgr de
Marquemont, archevêque de Lyon, à Saint-
Étienne-de-Furens.
Séance du 2 avril 1S84. — M. Desvernay com-
munique une vue de l'Ile Barbe, due au crayon
de M. Reithoffer, et fait une description du pay-
sage et des monuments qu'elle représente.
Séance du 7 mai 188^. — M. Pallias lit un
mémoire sur l'industrie de la Ganterie à Grenoble,
qui existait, dans cette ville, déjà au milieu
du quatorzième siècle.
Séance du 21 mai i88{.. — M. le baron
Raverat fait le récit d'une promenade dans la
vallée de l'Albarine, dans lequel il décrit successi-
vement Tunay, la cascade de Charabotte, la
roche de Thiou, Nantuy et Hauteville.
Séance du 18 juin 188^. — M. le baron Rave-
rat fait le récit d'une excursion dans la vallée de
Beaunaiit. — M. Desvernay lit une notice bio-
graphique sur Louis Guy, peintre lyonnais. —
M. l'abbé Conil fait passer sous les yeux des
membres de la Société la photographie d'un por-
trait du bienheureux Joseph Benoît Labre. Ce
portrait, peint sur toile et dont il possède l'origi-
nal, est attribué à un peintre lyonnais, nommé
Jean Bourgeois, et il prie ceux de ses collègues,
qui auraient des renseignements sur cet artiste,
de vouloir bien les lui communiquer.
Séance du 2 juillet 1884. — M. le baron Ra-
verat fait le récit d'une excursion à Saint-Geoire,
au château de Clermont-Tonnerre et au hameau
de Saint-Sixte.
Société d'agriculture, sciences et arts de
la Marne. — M. le chanoine Lucot donne la
description des verrières de la cathédrale de
Châlons, qui ont été récemment restaurées, la
plupart parM.Stcinheil. Aux huitième et neuviè-
me baies du collatéral septentrional, on voit
deux verrières en grisailles, l'une du XIII'',
l'autre du XVI'= siècle. Les fleurs de lys a.ssociées
aux tours de Castille donnent à la première la
date du glorieu.x règne de saint Louis; la seconde
bande de personnages fait connaître les dona-
teurs : ce furent les pelletiers qui exerçaient leur
industrie dans le voisinage de la cathédrale, ils
sont représentés préparant leurs peaux, les ven-
dant à deux bourgeois, et offrant à la sainte
Vierge leur verrière dans la personne du chef de
la corporation, agenouillé devant elle. La seconde
grisaille est due à la générosité des chanoines ;
ils se sont fait peindre en habits sacerdotaux,
faisant l'offrande de leur fenêtre au Sauveur
assis dans une chaire, à saint Etienne et aux
autres protecteurs de la cathédrale.
La quatrième fenêtre du collatéral droit réunit
aujourd'hui les figures de saints, réparties autre-
fois en deux verrières qui ont subi malheureuse-
ment de nombreuses mutilations. Parmi ces
personnages, peints au XV" siècle, on remarque
saint Jacques le Majeur faisant bénir un cha-
noine donateur par la sainte Vierge;saint Vincent
en dalmatique; saint Etienne ayant sur la tête
un des cailloux de sa lapidation; sainte Catherine
avec sa roue brisée dans la main gauche ; sainte
Barbe, avec sa tour et l'épée qui lui trancha la
tête ; les pieds de ces personnages reposent sur
des socles aux gracieux contours où des armoi-
ries ont été peintes: on y voit celles de la ville de
Châlons et l'écu de France. Cette association, se
demande M. Lucot, avait-elle pour but de per-
pétuer le souvenir de quelque libéralité du roi
et du corps de ville ? ou bien, l'écusson du roi
ne serait-il ici, dans la pensée du donateur qu'un
souvenir consacré à la ville et à son gouverneur,
ainsi qu'au roi de France, sous l'autorité duquel
Châlons venait de se replacer.' Il n'est pas rare,
dans les pays Allemands, mais qui ont toujours
été autonomes, de rencontrer peintes, dans les
verrières des églises, les armes de l'empire d'Alle-
magne : la représentation de ces armes était la
simple reconnaissance de la suzeraineté de
l'empereur romain. Faut-il voir autre chose à
Châlons dans la présence des armes royales?
c'est une question sur laquelle M. Lucot n'ose
point se prononcer.
J. C
Société historique et archéologique du
Périgord. — Par les soins de la Société archéo-
logique du Périgord, le musée de Périgueux déjà
si riche, vient de s'augmenter d'une collection des
plus curieuses et des plus rare.s, voici dans quelles
circonstances. A la séance du 4 octobre dernier,
un membre faisait part à la savante Compagnie
de la découverte d'une station magdalénienne sur
la commune de la Lindc, découverte fortuit!.-
amenée par des fouilles que faisaient faire sur
leur terrain à l' Abri des soucis, MM. le capitaine
Masson et Braquemont. Ces Messieurs avaient
Cratiaur Des %)Ocictés savantes.
89
trouvé une grande quantité d'objets très curieux
et en faisaient part à la Société archéologique.
Celle-ci désigna une commission chargée de
s'entendre avec les propriétaires des terrains
pour diriger les fouilles et acquérir quelques-uns
des objets trouvés.
Ces fouilles reprises le 18 février sous l'habile
direction de M. Féaux, amenèrent les plus jolis
résultats : Huit harpons barbelés d'une forme
gracieuse et d'une ornementation délicate, un
collier formé de 10 coquilles marines, un manche
de poignard en os gravé, trois baguettes ciselées,
une petite scie en ivoire d'un travail des plus fins
et une quantité considérable de beaux fragments
de harpons, de sagaies, d'aiguilles, de couteaux et
de mortiers à broyer la sanguine qui faisaient
partie de la toilette de nos populations troglodi-
tyques, la plupart de ces objets couverts de
sculptures et de ciselures du meilleur goût, furent
trouvés au pied de VAbri des soucis.
Des offres furent faites par M.Galy,président de
la Société archéologique, pour acquérir cette
riche collection. Mais le capitaine Masson,
«n'écoutant que la voix du patriotisme» voulut
en faire un don gracieux au musée de Périgueux,
qui se trouve ainsi posséder l'une des plus riches
et des plus intéressantes collections de l'époque
paléolithique magdalénienne.
Si le désintéressement du capitaine Masson
est digne de tous éloges, nous n'en devons pas
moins féliciter la Société archéologique du Péri-
gord, et personnellement son savant président
qui surent éviter la vente toujours déplorable
d'une collection dont les sujets peut-être se furent
dispersés aux quatre coins du monde.
J. M.
Académie des Incsriptions et Belles- Lettres,
Sc'a/iic- du Jj juillet. — M. L. Uelisle présente, au
nom de Madame la comtesse de Bastard d'Estanget au
sien, une planche de fac-similé héliographique qu'il a fait
exécuter, d'après un manuscrit de Saint-Gall, pour combler
une lacune de l'ouvrage de feu .VI. le comte de Bastard
Peintures et orneiiietils lùs inanusciils. Il annonce en
même temps qu'un exemplaire de choix et très complet
de ce somptueux ouvrage vient d'être donné à la Biblio-
thèque Nationale par la veuve du fils de l'auteur.
Séance du S août. — M. Léon Heuzey offre au
nom des auteurs, MM. Henry Cros et Ch. Henry, un
volume intitulé : ["Encaustique et tes autres procédés de
peinture clicv les anciens.
Ce livre, die M. Heuzey, contient une découverte im-
portante pour la science et pour l'art. C'est la restitution
tant cherchée d'un procédé célèbrede la peinture grecque:
la peinture à la cire et au feu ou Vencaustique.
La recherche des procédés perdus de l'encaustique a
fait travailler bien des esprits et produit toute une série de
mémoires. L'.Académie des Inscriptions ne saurait oublier
celui qui lui fut iJrésenté en 1755 par le comte de Caylus.
Le principal défaut de la méthode était de trop s'écarter
des indications des auteurs, en employant des cires fon-
dues à l'eau bouillante, étendues à la brosse et repassées
seulement avec une sorte de réchaud. L'auteur qui s'est le
plus approché des procédés antiques, consistant à appli-
queretà mélangerdirectenient les cires decouleur avec des
fers chauffés au feu, fut l'abbé Requeno, en 1784. Mais,
faute d'exemples, il ne put faire la démonstration archéo-
logique de son système.
Il en est tout autrement du travail de MM. Cros et
Henry.
Tout d'abord, ils suivent scrupuleusement les indications
fournies par les textes ; ils en montrent ensuite l'applica-
tion sur un petit nombre de peintures anciennes ; tels sont,
par exemple, deux portraits de la famille égypto-romaine
des Soter, au Louvre, et la célèbre muse de Cortone. A
ces documents positifs s'ajoute la découverte faite en 1847,
à Saint-Médard-des-Piès, de tout l'outillage d'une femme
peintre, contenant des substances et des instruments qui
se rapportent indubitablement aux procédés de l'encaus-
tique. Enfin, pour emporter la conviction, il fallait une
condition dernière: la mise en pratique du procédé ; M.
Cros a tait fabriquer des cauteria, sortes de spatules ou
d'ébauchoirs, parmi lesquels, le fameux cesirum dentelé en
feuille de bétoine. II a mis ses fers au feu, et il a été étonné
lui-même d'obtenir aussi logiquement le résultat cherché.
Voici une charmante tête de femme peinte à l'encaustique
par M. Cros, ajoute M. Heuzey, ou l'on remarciuera à la
fois la franchise du coloris et l'habile mélange des tons,
qui passent les uns dans les autres avec la même souplesse
que dans la peinture à l'huile. La peinture à la cire donne
un coloris oîi la transparence et je ne sais quelle vie par-
ticulière s'unissent à la solidité de la pâte ; ses couleurs ne
changent pas ; elles ne sont pas exposées au danger de
la décomposition chimique ; enfin, le procédé est à la fois
d'une rapidité et d'une souplesse remarquables. A ces
divers titres, la peinture à l'encaustique se recommande
aux artistes contemporains.
Séance du 2Ç août. — M. Léopold Delisle, directeur
de la Bibliothèque nationale,a communiqué dernièrement
à l'Académie des Inscriptions des observations sur l'origine
d'un manuscrit introduit par Libri dans la collection de lord
Ashburnham (2" article du n^ 16 de la collection). Ce
inanuscrit est du huitième siècle, et M. Hort, professeur à
l'Université de Cambridge,y a reconnu des fragments éten-
dus du <,< Miroir» de saint .Augustin. A l'aide d'un catalogue
du huitième siècle, récemment trouvé à Orléans par ^L
Trouchot, M. Delisle établit que les treize feuillets, du « Mi-
roir», aujourd'hui reliés dans le manuscrit 16 de Libri, fai-
saientpaitie,audix-huitièmesiècle,dumanu3crit lo de l'ab-
bayede Saint-Benoît-sui-Loire. Ces feuillets ont été em-
ployés par dom Sabatier pour son édition des anciennes
versions de laBible.Uom Rivet lésa analysés dans le tome
III de \ Histoire littéraire de la France, et, faute d'\' a\oir
reconnu un ouvrage de saint Augustin, il a supposé que
c'était un débris d'une compilation faite en Gaule au com-
mencement du sixième siècle. Le manuscrit 10 de Saint-
Benoit est arrivé à la Bibliothèque d'Orléans, où il porte
aujourd'hui le n' 16. Les feuillets du ^< .Miroir» de saint
Augustin en ont été enlevés depuis la publication du
catalogue de Septier ; Libri se les est appropriés et les a
vendus, en 1847, au comte d'Ashburnham.
X.
La Société d'art et d'histoire du diocèse
de Liège, a publié le Tome III de ses Bulletins.
Voici le contenu de ce volume. De la dévolution
et de la inaiiiplcvie dans le droit coutuniier liégeois,
par iM. le conseiller Crahay. Nouvelles recherches
sur Saiiit-Servais, étude par laquelle M. le profes-
seur Ktiilli reccjiistituc d'une manière aussi ingé-
^'-' I.lVUAlSON.
90
IRctiue Dc ract cbrétien.
nieuse que savante, ce qu'il considère à juste
titre, croyons-nous, comme la plus ancienne
inscription chrétienne du pays, c'est-à-dire l'épi-
taphe métrique que saint Monulphe, évêque de
Liège, avait fait graver sur la tombe de son
illustre prédécesseur, saint Servais. Horion Ho-
zcDiont, notice historique de M. Vandricken, dans
laquelle l'auteur fait, à l'aide de recherches minu-
tieuses entreprises avec une sorte de piété, l'his-
toire d'une commune rurale de l'ancienne prin-
cipauté de Stavelot; il sait rendre son travail
attachant par l'accent de vérité qu'on y trouve,
et l'esprit consciencieux de ses investigations.
Quelques mots sur les Agnus Dei, travail très
étudié et où l'auteur, M. le chanoine Dubois, a,
sous un titre modeste, réuni à peu près tout ce
que l'on sait sur les Agnus Dei. Il forme une
sorte de monographie illustrée de 4 planches,
reproduisant des custodes d'Agnits Dei, petits
monuments fort rares, comme on sait. La plus
ancienne dc ces custodes, celle qui est conservée
au musée archéologique de Namur, avait déjà
été publiée par les soins de la Société archéo-
logique de cette ville. Le volume se termine
par : (J/ie famille rui'ale au X VHP siècle, par
M. Charles Dejace. L'auteur y fait une esquisse
historique, basée entièrement sur des documents
de famille et qui, par cela même est très
attachante. C'est la publication d'un de ces livres
de raison que M. Ch. de Ribbe a été le premier à
mettre en relief, et dont bien des familles, dans
plus d'un pays, ont conservé encore les manus-
crits restés inconnus et qui attendent l'œil d'un
chercheur pour être remis au jour.
J. H.
Institut archéologique liégeois. — Nous de-
vons signaler le document fourni par M. D. Van de
Casteele sur des tapisseries de Bruxelles, dues à
Urbain Leyniers, conservées au château d'Aigre-
mont. M. Van de Casteele avait déjà fait connaître
des haute-lisses de Daniel Leyniers, ornant actuel-
lement les salons particuliers du gouverneur et non
ceux du château dc Waroux. 11 a cette fois mis
la main sur toute la correspondance qui eut lieu
entre le fabricant et l'archidiacre Clercx de Liège
vers 1 525. Des neuf tentures qui ornèrent la grande
salle du château d'Aigremont, et dont les cartons
furent exécutés par Jean Van Orley, quatre
existent encore : elles représentent \ Hiver, la
Chasse, le Ménage, et un Festin de Paysans. Les
belles tapisseries de la salle du Conseil communal
de Bruxelles, représentant des épisodes de l'his-
toire du duché de Brabant sont du même artiste.
Bien intéressante est la petite église romane
de Saint-Nicolas en Glain,à laquelle M. N. Hen-
rotte consacre quelques pages et deux planches,
une jolie vue de l'élégant chevet, et un dessin
d'une des plus anciennes dalles tumulaires que
l'on connaisse en Belgique.
Société archéologique de Namur. — La
deuxième livraison de cette année contient une
notice de M. del Marmol sur les confréries de la
Miséricorde et de la consolation en l'église de Saint-
Jacques à Namur. M. D. Van de Casteele y donne
une série de documents inédits. 11 fait connaître
un contrat (1650) relatif à une voûte sculptée en
l'Eglise de Notre-Dame à Namur par les sculp-
teurs Jean-Arnould de Ville et François Finon, et
un autre, de 1587, concernant l'érection de l'an-
cienne boucherie, siège actuel du riche musée
namurois. D'après ses curieuses notes, le peintre
namurois Martin Hardeine, quitta en 1650 sa
ville natale pour chercher ailleurs plus grand pro-
fit de son art. Le testament dc Claude du Moulin,
chanoine de Saint-Aubin fait en 1681, fournit des
données sur des peintres en renom, Jean Leclerc,
Daniel Zeghers, Jean Bouillon, de Coninck, Josse
de Momper, J.-B. Bouverie, etc.
C'est encore au laborieux archiviste namurois
que nous devons une note sur l'ancienne fabrica-
tion de verres de Venise à Namur. Nous avons
déjà entretenu nos lecteurs de l'existence, au
seizième et au dix-septième siècle, d'ateliers
fondés par les verriers de Murano à Anvers
et à Liège. Le travail le plus imjjortant du
fascicule qui nous occupe est dû au R. P. Dom
van Caloen; il a pour sujet les bas-reliefs et
les sépultures franques récemment découverts à
Maredsous. Notre collaborateur M. le baron Be-
thune de Villers y consacre un compte-rendu, que
le lecteur trouvera au chapitre Bibliographie.
L. C.
Commission royale d'art et d'archéologie
de Belgic£ue. — En terminant une étude sur
l'épigraphie romaine de la Gaule, M. H. Schuer-
mans s'arrête à disserter savamment sur les deux
diptyques consulaires de Liège, célèbres dans le
monde archéologique. L'un, le diptyque d'Asty-
rius, appartint jadis à l'église de Saint-Martin, où
il servit longtemps de couverture d'évangéliairc.
L'un des feuillets est aujourd'hui perdu, tandis que
l'autre est encore conservé au musée de Darm-
stadt, après avoir appartenu à M. de Crassier,
puis à Ch. A. Honvlez, baron de Hùpsch et fina-
lement au grand duc Louis F' de Hesse. Quant
à l'époque et aux circonstances dc rarri\éc de ce
diptyque à Liège, M. Schuermans émet l'idée,
que lorsque l'évêque Eracle fonda l'église de
Saint-Martin à Liège, au Ys siècle, il aurait fait
don du diptyque d'Astyrius à cette église qui
l'aurait employé à revêtir un évangcliairc.
D'un autre côté, la cathédrale dc Saint-
Crauaur ncs Sociétés savantes
91
Lambert, démolie à la révolution française, a
possédé un diptyque représentant, comme celui
de Saint-Martin, l'inauguration d'un consul, lequel
s'appelait Anastasius. On a conservé jusqu'à
nos jours au moins trois diptyques de ce
consul : un premier, de la cathédrale de
Bourges, est allé à la Bibliothèque nationale de
Paris; un second est au musée de Vérone, ou
du moins on y possède le deuxième feuillet de
celui-là. Enfin, celui de Liège est aujourd'hui di-
visé. Le deuxième feuillet est au South Kensins:-
ton inuseinn, et le premier, à la Kiinst Kamer de
Berlin. On avait toujours vu dans cet Anastasius
l'empereur Anastase, qui a été quatre fois consul.
L'auteur établit qu'il s'agit d'un deseshomonymes
et parents, et que le diptyque est un produit de
l'art byzantin du VI^ siècle. Il était probablement
dans le trésor de Saint-Lambert dès le temps de
Charlemagne; peut-être est-il un don de saint
Hubert à cette église. Il adonné lieu il y a vingt
ans, à un procès célèbre, une contrefaçon de cet
objet ayant été mise en vente par un faussaire,
nommé Esser, qui s'occupait à Liège, avec une
grande habileté, delà fabrication de faux ivoires.
Terminons en disant que, selon M. Schuermans,
il y a lieu d'espérer que l'on retrouvera à la ca-
thédrale d'Aoste le premier feuillet du diptyque
d'Astyrius.
— M.Lucien Solvaydonne,à titre d'extrait d'un
ouvrage sous presse, une étude ayant pour objet
l'influence de l'art flamand sur l'art espagnol.
La sculpture en Espagne, ne fit que suivre,
avant et après la Renaissance, les traditions
italiennes, sans marquer ses œuvres d'un carac-
tère national. Les rares spécimens qu'on con-
serve de cet art, dans les musées et les églises,
jouissent, selon M. Solvay, d'une réputation sur-
faite. Les étrangers se mêlent en giand nombre
aux artistes indigènes. A la suite des architectes
flamands, tels que le Bruxellois Annequin, Van
der Eycken, François Van Sande, Jean Guas, etc.
y affluent des sculpteurs étrangers, Philippe de
Bourgogne, le flamand De Jonghe, les italiens
Pompeio Leoni, Juani de Juni et Torrignano.
.Selon une curieuse remarque de l'auteur, c'est
par l'Espagne, et non par l'Italie, que la Renais-
sance pénétra à la fin du XVi^ siècle dans les
Pays-Bas, où elle s'implanta plus tôt qu'en France
et en Allemagne. En plein Pays-Bas, il croit re-
trouver le style Mudejar, dans la colonnade delà
cour du palais épiscopal de Liège, dans la cha-
pelle du Saint-Sang à Bruges, et dans l'ancienne
Bourse d'Anvers, et le style Plateresque, dans la
plupart des édifices belges du XVP siècle; il en
trouve des traces dans la cheminée du Franc de
Bruges, dans le mausolée du cardinal de Croy à
Heverlé, etc.
La peinture, qui suivit la sculpture et l'architec-
ture, s'inspira au.x mêmes sources, mais elle ne
voit le jour qu'avec peine, aux dernières années
du XVi^ siècle, alors que l'Espagne a chassé les
Arabes, et commence à respirer, après des siècles
de luttes formidables. Elle ne produisit que
d'informes essais jusqu'à l'arrivée des Florentins
Gherardo, Stamira et Dello. Les Flamands suivi-
rent les Italiens. On cite Gil Tannes, Christophe
d'Utrecht, Antoine de Hollande, Olivier de Gand,
Jean Flamend. On prétend, non sans preuves, que
Roger Vander Weyden passa par l'Espagne à son
retour d'Italie; mais en tout cas, la présence d'un
grand nombre de ses œuvres, y eut, à défaut des
leçons du grand-maître, une grande influence sur
l'art. Ici M. Solvay se livre à une intéressante
critique des œuvres de Roger, plus authentiques
les unes que les autres. Il apporte à une question
des plus intéressantes, surtout pour ses compa-
triotes, le contingent précieu.x des études sérieuses
qu'il a pu faire sur place.
jV^^^ljQjIJÇXj^^y;;;;^ (^^QXjQXjQ^yÇSI^
^mm^mSiM^. BibliograpJ)it- M^'msi'^m^m
ANS notre livraison de juillet 1883,
p. 278, HDUS avons annoncé que
l'Exposition de l'Art ancien, orga-
nisée à Liège en 1881, allait donner
lieu à une publication considérable,
entreprise par la Maison Claesen
de Paris. On se rappelle que cette publication
devait se composer de trois albums de 30 plan-
ches chacun, accompagnées d'un texte explicatif.
Déjà nous avons rendu compte du premier
fascicule de l'Album consacré à X Orfèvrerie
religieuse. Cette publication se poursuit, et
aujourd'hui les premières livraisons des deux
autres albums ont également vu le jour.
La deu.xièmc partie se compose de la Sculp-
ture et de la Dinandcrie. De même que pour la
livraison déjà parue, les planches exécutées avec
beaucoup de soin au moyen de la phototypie,par la
Maison Rômmeleret Jonas de Dresde, ne laissent
rien à désirer. Voici les planches de cette livrai-
son que nous avons sous les yeux :
1° Diptyque d'Auastasius. Ce sont les deux
feuillet-s de ce curieux monument de la toreutique
conservé autrefois dans la cathédrale de Saint-
Lambert à Liège, et dont aujourd'hui une moitié
se trouve dans l'un des musées de Berlin, l'autre
au musée de South-Kensington à Londres. 2° La
Vierge, dite de Doui Rupert. Bas-relief en pierre
du XI'' siècle, qui se trouvait autrefois à l'abbaye
de Saint-Laurent près Liège, et qui est actuelle-
ment conservé au musée archéologique de cette
ville. 3" Autiionicre, curieuse broderie du XIV«
siècle, faisant partie du trésor de l'ancienne
collégiale de N-D. à Tongres. 4° Deux groupes
du retable de l'église Saint-Denis, à Liège.
5° Tapisserie de Flandre, haute-lisse très intéres-
sante faisant partie de la collection de M. le
docteur Hicguet à Liège. 6" Grès d' A lie magne et
des Pays-Bas. 7^ Plateau en émail de I^inioges.
8° Ancienne argenterie liégeoise, planches dont
les éléments appartiennent à différents amateurs.
9" Verres allemands, vénitiens et liégeois, et ■
10° Balcon enfer.
On le voit, ce second album s'annonce aussi
bien, par les objets généralement d'un haut
intérêt archéologique qui y sont reproduits, que
son aîné. Enfin, la livraison consacrée à Y Ameu-
blement civil et qui se compose également de dix
planches, sera certainement appréciée par les
collectionneurs et les curieux. On y remarque
particuhèrement les premières planches, une
armoire du X VP siècle, conservée dans l'un des
1^^^^^^^^^,
hospices de Liège, et un virginal, in.strument
à cordes d'une grande beauté et qui fait partie
des collections de M. Jerme à Liège. ]-a plupart
des autres planches reproduisent des meubles
sculptés en bois de chêne, dits liégeois, appar-
tenant au.x XVII^ et XVIII" siècles.
Ces albums, dont la publication sera achevée
au cours de cette année, formeront une collection
de planches des plus remarquables. Les objets
reproduits ont, en général, une origine commune,
l'ancienne principauté de Liège, et ces phototypies
resteront comme le souvenir aussi durable qu'il
est instructif,de l'une des expositions régionales
les plus considérables que l'on ait organisées en
Belgique
Die Marien verehrung in den ersten Jahr-
hunderten, von Hofrath T)'' V. A. von Lehner,
Director des fiirstl. Hohenzollernschen Muséums
in Sigmaringen.
Le culte de Marie aux premiers siècles, par le
D'' F. A. V. Lehner, conseiller à la Cour, directeur du
musée du prince de Hohenzollern à Sigmaringen,
avec 8 planches doubles en lithographie. Stuttgart,
J. Cotta.
Nous traduisons de la Revue allemande de
Berlin le compte-rendu suivant :
Lorsque, il y a bien des années, l'auteur com-
mença ses études relatives à l'Art chrétien, ses
sentiments de catholique le portèrent tout
d'abord à l'examen des représentations (i de la
sainte Vierge ». Il prit un plaisir particulier à
remonter des peintures de la Madone contem-
poraines aux images du moyen âge le plus
reculé, et de comparer entre elles ces différentes
œuvres d'un môme art. L'examen des rapports
entre les images peintes ou sculptées représen-
tant Marie et la dévotion de l'Eglise et du peuple
à sainte Marie dont ces images ne paraissent
qu'un reflet, l'amenèrent à des recherches appro-
fondies sur l'histoire de ce culte. Depuis le con-
cile d'Éphèse (433), où Marie, comme mère de
Dieu, fut placée à la tête des saints et honorée
officiellement dans les fêtes établies par l'Église,
à titre de patronne et de protectrice, les maté-
riau.x pour cette histoire ne faisaient pas défaut.
Mais il n'en était pas de même en ce qui con-
cerne les premiers siècles. Là, il n'existe que
d'assez rares indications, de sorte qu'une étude
des sources, aussi bien de celles contenues dans
les monuments de l'art que des sources manus-
TBiblio graphie.
93
crites, devint nécessaire. L'auteur ne s'est pas
effrayé de cette nécessité, et prenant pour base
de ses recherches le Nouveau Testament, les écrits
apologétiques et les Pères de l'Église, il a entre-
pris cette étude avec une persévérance qui lui a
permis d'épuiser son sujet. La personnalité de
Marie, que l'on ne voit que rarement dans les
Evangélistes,qui n'y est pour ainsi dire dessinée
qu'à grands traits, apparaît plus nette et plus
précise dans le travail religieux de l'auteur,
soutenu par la science théologique. Grâce à lui,
la silhouette tracée par la main des Évangélistes
se développe, se colore et devient précise, comme
la peinture d'un maître ; elle montre dans sa
pleine lumière comme objet du culte, celle qui a
pris une place si considérable dans l'Église ca-
tholique.
Par cette voie l'auteur parvint à établir que
l'idéal de Marie, tel que le concevait le V« siècle,
n'a été que le développement naturel de la
conception des siècles qui l'ont précédé. Cet
idéal n'est que le résultat de la tradition sanc-
tionnée et vérifiée.
Lorsque l'auteur affirme que ses recherches ne
poursuivent pas un but théologique, mais que,
cherchant à porter la lumière dans le domaine
de l'archéologie, c'est de ce point de vue qu'il
convient de juger le résultat acquis, nous n'en
avons pas moins le droit de repousser la pensée
d'un développement du culte théologique de
latrie accordé à Marie. Mais nous appellerons
particulièrement l'attention sur la seconde partie
de l'ouvrage qui donne l'histoire de l'idéal poé-
tique de Marie.
L'ancienne poésie chrétienne qui a Marie pour
objet commence avec les apocryphes du Nouveau
Testament ; à ceu.K-ci il convient de joindre les
panégyriques des « oracles sj'billins » (i6o) et les
rapports évangéliques rimes ; les poésies de
Juvencus (330) et celles de l'évêque Paulin (431).
Viennent ensuite les hymnes et les poésies lyri-
ques du pape Damasc (366-84), celles du plus
grand poète de l'antiquité chrétienne. Pruden-
ce (Hh 413), et enfin les poètes lyriques, édités
en langue allemande par Zingerlc.
Le livre de M. de Lehner offre un intérêt plus
puissant au point de vue de l'art, par la repro-
duction de 85 images de la sainte Vierge, em-
pruntées aux monuments les plus anciens, soit
de la peinture, soit de la sculpture.
Aussitôt que le christianisme eut dépassé les
frontières de sa terre natale, la Palestine, et se
fut avancé dans le monde des arts, la Grèce et
l'empire romain, il se fit des disciples chez les-
quels l'art avait pénétré dans les mœurs et fai-
sait partie de toutes les manifestations de la vie.
Ils demeurent fidèles au.x habitudes antiques
en ornant d'images et de symboles, non seule-
ment les ustensiles du culte et de la maison,
mais encore les lieux de réunions publiques, les
églises et les tombeaux eux-mêmes. Ce sont
précisément les catacombes romaines, qui, dans
de charmantes peintures, offrent un certain
nombre d'images de Marie. Les plus anciennes
d'entr'elles sont des fresques peintes sur les
plafonds et les murs des hypogées. Plus tard on
donna souvent à Marie une place dans les
sculptures en relief des sarcophages. — Toutes
ces images de Marie, antérieures au concile
d'Ephèse (433) au nombre de 87, ont été réunies
par l'historien avec infiniment de peines et de
soin, empruntées aux sources les plus diverses.
Elles sont décrites et, pour la plupart, illustrées
par le dessin. — Dans un résumé général, ces
reproductions sont groupées d'après les carac-
tères divers de leur composition et expliquées.
Les anciens artistes chrétiens, travaillant confor-
mément à la foi dont ils étaient pénétrés, mais,
avec les moyens empruntés au paganisme dont
ils avaient reçu l'héritage, créèrent l'image de
Marie, semblable à une jeune femme animée par
l'expression d'une douce noblesse, de l'humilité
dans la dignité, prenant une attitude pleine de
grâce. Plus tard, la figure fut distinguée par l'au-
réole, par la richesse des ornements, et, comme
à Sainte-Marie Majeure, elle fut revêtue d'une
robe resplendissante. Lors de la Renaissance,
Raphaël chercha dans sa Madone de saint Sixte
à transfigurer dans une gloire idéale la Vierge
Marie, représentée dans toute sa sainteté par les
essais plus tendres et plus touchants de l'ancien
art chrétien.
J. H.
LK MOBILIER D'UNE ÉGLISE PAROIS-
SIALE DE LA BANLIEUE DE NEVERS, EN
1638,par M. BouTi LLiERjCuré deCoulanges-les-Nevers.
Nevers, 18S4, in-8" de 7 pages.
L'ÉGLISE en question est celle que dessert
^ l'auteur. Quoique d'époque moderne, cet
inventaire, qui comprend 61 articles qu'on a
oublié de numéroter, n'est pas dépourvu d'intérêt.
Il est précédé d'une introduction et accompagné
de quelques notes.
Plusieurs points méritent d'être élucidés : c'est
ce que je vais essayer.
v< Trois petites pièces de linge, chacune de deux
thiers, à mettre sur les degrés du grand autel. »
(n° l). Dcj;n' prête à l'équivoque : il ne s'agit pas
ici des ma)-cli£s (n° 34), mais àes, gradins qu'en
beaucoup d'endroits on couvrait d'étoffe; c'était
la continuation du parement, remontant jusqu'au
retable. Tout est assorti : \q. parement (n" 4), le
dais ou ciel (n° 3), les courtines (n° 2), qui sont
déclarés de « toille blanche ».
94
îRctiuc Oc r3rt chrétien.
Ces divers objets sont ornés de « bandes de
lacys », qui doit s'entendre du filet (').
Si les « courtines >> sont au nombre de « trois »,
c'est que l'une d'elles forme dossier, les deux
autres étant rangées sur les côtés, comme on le
représente dans les manuscrits.
La «tavajoUe», historiée de la Crucifixion, se
nommait au moyen âge dossier (n° 5).
Les « vingt panemains pour servir aux au-
telz » (n° 6) sont des lavabos, employés aussi
comme mouchoirs (2).
La réserve eucharistique est abritée sous un
« pavillon de toille peind, façon de damas rouge
avec des bandes façon de broderye » (n° 16). Il
reste à Notre-Dame de Poitiers un fragment de
devant d'autel du XVI If^ siècle, en bois, où l'étoffe
et la dentelle sont ainsi imitées par la peinture.
« La grande tente de toille blanche » (n°^ 7, 8)
était destinée à la communion pascale: on la
retrouve ailleurs.
A noter les « voilles » et « robbes » de la sainte
Vierge (n°s 10-13), «lesbastons» des confréries
« à porter aux processions » (n° 20), « dix-huit
chandeliers de bois façon de tours » ou tournés,
faits au tour, (n" 21), « ung parement d'autel de
laine de point d'ongrye » (n° 18), c'est-à-dire
une tapisserie dont le dessin offre un chevron-
né (3).
Le dais du St Sacrement est dit «pesle » : il a
« quatre bastons » et « quatre verges » 0"!° 24),
ce qui indique qu'il est carré et rigide.
La chasuble n° 24 est « bleuf» ; celle du n° 31
n'a que la <,< croix de bleuf». M. Boutillier qui a
pu vérifier la chose sur les rubriques, nous apprend
que cette couleur était réservée « aux fêtes de la
sainte Vierge et aux confesseurs pontifes ». Le
violet étant enregistré au n° 32, il n'y a pas lieu
de lui assimiler le bleu, suivant l'ancien rite
parisien.
Les AguHS Dei ne sont pas communs dans les
inventaires : ici il y en a « quatre grands », on ne
1. « Ung parement de camelot rouge, sur lequel l'on met le
parement blanc par le temps de caresme, faict en petis poinclz,
feuillages de toille et autres enrichissemens. Item, deux carreaux de
toille rouge, pour mettre les couvertes blanches de caresme. » [Inv.
de la catli. de Reims, 1622, n™ 129, 155). — « Abbatissa de la Cambre
dédit paramentum quadragesimale pro parte superiori majoris al-
taris ex puro filo in niodum retis. » {Inv. de Clairvaux, 1504.)
2. « Item, six grandes serviettes à franges pour servir à l'autel. »
(/;/î/. de la cathédrale de Reims, 1622, n^ 490. )
3. L'inventaire du surintendant Fouquet. en 1661, enregistre « six
chaises et six fauteuils de tapisserie, de bastons rompus. » M. Bon-
naffé ajoute en note « à point de Hongrie ». (Le surintendant Fou-
guet, p. 93).
Molière dans \ Avare, parle du point de Hongrie comme d'une
chose fort commune ; « Premièrement, un lit de quatre pieds à bandes
de point d'Hongrie, appliquées fort proprement sur un drap de
couleur d'olive, avec six chaises et la courte-pointe de même ; le tout
bien conditionné el doublé d'un petit Uaffetas changeant rouge et
bleu. »
<f Une tapisserie de Bergame, avec les bandes de points do
Hongrie, qui est bonne. » f Inv. de l'hôpital de Nenfchàteau, lyào.J
dit malheureusement pas quel pape les consacra
(n° z^).
Les ornements et ustensiles se renfermaient
dans « quatre crédanses, deux desquelles fer-
ment à clef» (n° 33), dans « une grande aumoire
de sappin » (n° 49) ou dans « quatre coffres de
bois » (no 48).
Des trois lampes, deux sont en « cuivre »,
« celle de Nostre-Dame de terre de faïence »,
probablement faïence de Nevers (n° 38) : il y
aurait lieu de rechercher dans les collections des
lampes de ce type.
« Trois tapys de popiltre » (n° 39). L'usage
français était de garnir le lutrin d'un pare-
ment (■).
Les « trois calices » et les deux « pères de bu-
rettes » sont en «estaing » : un des calices « est
argenté » (no^ 40, 41).
Les <( voilles de calice » assortissent aux cinq
couleurs liturgiques, ce qui n'est pas général au
XVIIe siècle.
Il n'y a pas encore de pupitre pour le missel,
on se sert de « cuissinets » (n" 47).
Le mobilier comprend un «chevalet», avec le
« drap des trespassez et les quatre chandeliers
pour mettre autour » (n° 50), « la bannière »
(n° 51), «le tronc» (n° 52), « le confessionnaire »
(n° 53), « la chaize à faire le prosne » (n° 54), « le
crucifix » placé devant la chaire selon la coutume
française (n° 55).
Le «ciboire» est «d'argent» (n" 58).
Une particularité très intéressante consiste dans
cette double mention (n^^ 5g, 60) d'un soleil pour
l'exposition du Saint Sacrement et d'une niche
d'étoffe pour exposer le soleil : « Plus, ung petit
soleil de cuivre pour exposer le Sainct Sacrement.
Plus, ung petit tabernacle à e.xposer le Sainct
Sacrement de toille d'argent, avec les broderyes
par dessus. » Soleil indique la forme usitée à cette
époque : de la sphère jaillissent des rayons alter-
nativement droits et flamboyants. Tabernacle est
le mot propre pour la niche d'exposition, qui se
compose d'un dais, d'un dossier et de deux ri-
deaux, en sorte que le Saint Sacrement est entiè-
rement abrité et ne se voit qu'à la partie anté-
rieure (').
1. « Duas capellas intégras de dyapris albis cum uno para-
mento pro lectrino seu pulpito. » [Inv. delà cath. d'Angers, 1390.)
— « Que le grant pulpite de l'églize soit aussi couvert de semblable
bougran noir. » {Test, de Rent' d'Anjou, 1474.)
« Une couverture du pulpitrede velours vert. Ung dossier de pul-
pilro de velours bleu et franges de soye. Deux couvertures du pulpitre
de velours noir. Une couverture de pulpitre de drap de soye jaulne.
Une couverture de pulpitre de laine, où il y a les images de Nostre-
Dame et de saint Michel. »(/«!'. de la cath. de Reims, 1622, n»'- 192,
199, 202, 204, 205).
La Gazette des Beaux-Arts, 2csér., t. x.wiii, a publié un parement
de lutrin du ,\IV'-' siècle, p. 341-344 et un autre du .WL', p. 43t.
2. <( Un tabernacle pour mettre le St Sacrement et la couverture
(lu S' Ciboire de toile d'argent brodée d'or et les rideaux passés
d'or et d'argent. » {Inv, de la cath. de Reims, 1622, n^ 622).
'26 i û l i 0 g r a p i) i c ,
95
LK TRICLINIUM DU LATRAN, CHARLE-
MAGNE ET LÉON III, par EuGÈNE MuNTZ ; Paris.
Baer, 1844; w-S" de 15 pp. Prix : 1,50.
CETTE brochure continue la série si intéres-
sante des Notes sur les mosaïques chrétiennes
de r Italie, dont elle forme le huitième chapitre.
L'auteur, avec beaucoup d'érudition et une logique
serrée, discute certaines opinions qui désormais
ne doivent plus avoir cours, puis introduit dans
l'étude de cette grande page iconographique plu-
sieurs éléments nouveaux, tels que deux textes
de riatina et de Grimaldi, et deux dessins colo-
riés de la Vaticane et de l'Ambrosienne. La
question est donc désormais épuisée. Je m'en
tiendrais là aussi, mais M. Muntz ne décrivant
pas la mosaïque actuelle, ii convient de suppléer
à son silence dont je comprends parfaitement le
motif. Les pèlerins de Rome ont besoin d'avoir
un guide fidèle et comme il importe de les ren-
seigner exactement, j'ajouterai en note, d'après
les documents fournis par M. Muntz, tout ce qui
pourra les éclairer sur le plus ou moins d'au-
thenticité de la copie qu'ils ont sous les yeux,
car l'original a totalement disparu, moins deux
têtes d'apôtres, conservées au musée chrétien du
Vatican et que j'ai signalées, dès 1867, dans ma
Bibliotkèqne Frt/^m«f (Rome, Spithover), p. 130.
Une de ces tètes est reproduite dans la brochure
de M. Muntz.
Aux écrivains cités par cet auteur et qui se
sont occupés de la mosaïque du Tridiniiun ou
en ont donné un dessin, il faut ajouter les sui-
vants :
Nie. Alemanni, de Lateranensibus parictinis,
Rome, 1625; in-4° de 172 pages. La planche 2
donne la mosaïque mutilée, et la planche 3 la
montre restaurée.
Mabillon, Annales Benedictini, lib. VT, n" 87,
P- 342.
Henschenius, Acta SS., 12 jul., p. 580, n" 40.
Annales archéologiques, t. VIII, p. 253; t. XXV,
p. 30.
Rohault de Fleury,/.t' Latran, pp. 277, 289, 324.
Grimoùard de Saint-Laurent, Guide de l'Art
chrétien, t. II, pp. 30, 32, 75, 82, 433, 446;
t. V, p. 162.
Chroniqueurs de l'histoire de France, \mr
M"'e de Witt.
Hennin, Les monuments de l'histoire de France,
t. II, pp. 1 10, XI 5, 116.
E. Muntz, Ricerche intorno ai lavori archeolo-
gici di Giacomo Grimaldi, Florence, l88i;in-8",
p. 22, 23.
Rohault de Fleury, La Messe, Paris, 1883; in-4",
t. I, p. 14.
Revue de l'Art chrétien, 3'^ série, 1883, t. I,
p. 213.
Je ne dois pas omettre non plus une gravure
du siècle dernier représentant saint Pierre, saint
Léon et Constantin, que le Chapitre de Sainte-
Marie Majeure a insérée dans le Propre de son
bréviaire et dont je dois deux exemplaires à
l'obligeance de Ms"' Pila des comtes Carocci,
chanoine de cette basilique. Les planches se con-
servent aux archives ('J.
Le Triclinium de saint Léon III, au i'a-
LAIS PATRIARCAL DU LaTRAN.
Le Triclinium était une vaste salle à manger,
de forme rectangulaire et flanquée en croix de
trois absides; le pape, au moyen âge, y réunissait
les cardinaux après les offices pontificaux, dans
un banquet que décrivent les chroniques du
temps (-7.
L'abside principale, qui faisait face à l'entrée,
était décorée d'une mosaïque, exécutée sous le
pontificat de saint Léon III, vers l'an 800, ainsi
qu'il résulte de ce passage d'Anastase le Biblio-
thécaire : Fecit autem et inpatriarchio Laterancnsi
triclinium majus super otnnia triclinia, noniine
suœ inagnituiiinis decoratum ; decoravit cameram
cum absida de niusivo.
Dans son état actuel, la mosaïque du tricli-
nium n'est plus que l'ombre d'elle-même. On
peut même affirmer que l'œuvre primitive a dis-
paru et qu'il ne nous en reste qu'une assez mau-
vaise copie, sans caractère archéologique.
Trois inscriptions ont été gravées sur marbre
pour en raconter l'origine et les vicissitude^.
La première reproduit intégralement le texte
d'Anastase, extrait de naissance fait après
1. Voir mon article intitulé Charlcmagne sur la mosaïque du
triclitiiion du Latnut, à Ruine, dans \e Bulletin du Comili! des
travaux historiques, sect. d'archéologie, 1884, p. 318-322.
2. « In basilica magna Leoniana. ubi hoc die in mane Doinnus
Papa comedit, circa niensam pontiticis prjeparala sunt undecim
scamna pro quinque presbyteris totidemque diaconis cardinalibus
et primicerio. Ibi etiam lectus ipsiiis Pontifiais solemniter est prœpa-
ratus, in figura undecim apostolorum recumbentiuni circa mensani
C'HRISTI. Transiens autem pontifex per ipsam basilicam intrat
cameram suam, ubi in scypho argenteo reccpto a Ciimerario »
( Cencius CamerariusJ.
« Facta laudc ante Lateranense palatiuni, postquani ascendit in
domum majorem, qure Leoniana vocatur, solemne convivium cele-
bravit. y>(hivil. Innoc. tll.)
€ Hœc aula nostris lemporibus sala coiisiUi dicitur. Quam Léo
Papa tertius poniirtcum Romanorum usui constru.vil et exornavit,
in qua quilmsdam solemnilms. ut Pasch.atis et Natalis Domini,
Romani Pontifices cum cardinalibus prandere solemni ritu
consueverant Urec omnia innuere videtur oratio quœ scripta
est in zophoro absidiK maioris, in qua Deus oratur ut protegat
domum illam et omncs in ea convivantes. » ( Panvinio.)
C'est dans une salle analogue que dut diner Charlemagne. en '
774, le 3 avril, jour de Pâques, après la messe solennelle célébrée
par le pape .Wrien à Sainte- .Marie .Majeure ; et, à l'issue de 1 office,
le roi de l'rance s'assit A la table du .Souverain Poniife dans le palais
patriarcal de L,atran. Lelendeiuiiin lundi, Charlemagne fut proclamé,
à Saint-Pierre, palruC de Rome ; le mercredi 6 avril, à l'issue d'une
harangue publique dans laquelle étaient rappelés tous les bienfaits
qui liaient déjA mutuellement la papauté à la France, le Souverain
Pontife obtint de Charlemagne la promesse solennelle, faite sur
l'autel de Saint-Pierre, que lui et ses successeurs respecteraient les
droits du pajie. Quelques jours après, au moment de son départ
pour Puis, Charlemagne recevait du pape l'assurance de son pro-
chain triomphe sur ses ennemis et de la conquête définitive du
royaume des Lombards.
96
Eetiue De l'art cibtéticn
décès, uniquement pour constater l'âge qu'avait
le défunt.
La seconde nous apprend qu'en 1625 le car-
dinal François Barberini appuya de contreforts
les murailles qui croulaient, et après en avoir
fait faire un dessin colorié, restaura la mosaïque,
surtout dans la partie droite à peu près ruinée,
siumna fidc, ad priscuui c.xciiiplniit. Cette fidélité
scrupuleuse à suivre l'original est curieuse à
noter, quand on peut sur place en faire le con-
trôle, qui dément hardiment de telles préten-
tions. Est-ce qu'on savait, à cette époque, des-
siner le moyen âge et l'œil qui voyait mal ce
qu'il ne comprenait pas était-il mieux secondé
par une main, habile peut-être, mais nullement
préparée à ces sortes de travaux?
Ecoutons le cardinal restaurateur :
Franciscvs
S . Agathae . diac . cardinalis
Barberinvs
triclinii . a . Leone. III . rom . pontifice. constrvcti
a . Leone . IV . svccessore
sexagesimo . post . anno . reparati
nostra . tandem . etate . pêne . dirvti
partem . hanc . illvstriorem
in . qva
vtraqve . imperii . romani . translatio
redditaque . vrbi . pax . pvblica . continetvr
parietibus . hinc . inde . svffvlsit
camerae . mvsivvm. restavravit (')
labansqve . olim . dextervm . apsidis . emblema
antiqvariorvm . diligentia . coloribus . exceptvm
pcnitvs . deinde . collapsvm
ad . priscvm . exemplvm
svmma . fide . ex . mvsivo . restitvit
anno . ivbilei . MDCXXV
La troisième inscription achève de nous
instruire sur l'authenticité de la mosaïque ac-
tuelle. Clément XII, pour édifier la façade de
Saint-Jean de Latran et la dégager comme il
convenait, rasa le tricliniuin et en transporta
l'abside près du Sancta Sanctoruin, l'accolant à
l'oratoire de Saint-Laurent. Mais dans cette
translation, soit difficulté de F e)it reprise, soit inha-
bileté des ouvriers, la mosaïque arriva à sa desti-
nation fracassée, mutilée, complètement détruite.
Comme le pape avait eu soin de la faire
préalablement reproduire en couleur, quand Be-
noit XIV, en 1743, voulut la refaire dans son
I. Aiemanni écrivait en 1625; « Tulit varias inceiidioruni
Lateranensiiim injurias, ciueiiiadnioduin seniiustie ili;v; indicanl
aurcEe tesselhilîB, quas in tabula illic praj aliis ol) id nigricare vide-
mus. )> I.a même observation a été faite par M. Gerspacii pour la
mosaïque absidale de la basilique du Latran. I-e feu, en détachant
la feuille de verre blanc qui recouvrait la pellicule d'or, l'a laissée
à découvert et par consétjuent sous l'action directe de l'air, qui
bientôt a fait disparaître l'or, il n'est resté que l'excipient, cube
d'émail rouge foncé ou noir ou encore de verre gros vert. A
distance, le rouge et le vert ont fait tache sur le fond comme des
points noirs.
ensemble, il n'eut qu'à se conformer à ce mau-
vais dessin, auquel, pour plus d'exactitude, on
joignit celui de 1625 qui était conservé à la
bibliothèque du Vatican.
De ces deux copies, également fautives, il ne
pouvait résulter qu'une œuvre défectueuse, qui
donne la place des personnages, mais ne tient pas
compte de leur physionomie et de leur costume,
accusés seulement dans les lignes principales.
L'inscription de Benoît XIV, malgré sa lon-
gueur, doit être consignée ici, en raison des faits
intéressants qu'elle constate officiellement.
Benedictvs . XIV . p. m .
antiqvissimvm . ex . vermiculato . opère
monvmcntvm
in occidcntali apside
lateranensis cocnacvli
a Leone .III
sacro cogendo senatvi
aliisqve solemnibvs peragendis
extrvcti
quod ad templi aream laxandam
Clemens . XII
integrvm loco moveri
et ad proximvm S. Lavrentii oratorivm
coUocarl ivsserat
vel artificvm imperitia
vel rei difficvltate
diffractvm ac penitvs disiectvm
ne illvstre adeo
pontificiae maiestatis avthoritatisqve
argvmentvm
literariae reipublicae damno interiret
ad fidem exempli
ipsivs Clementis providentia
stantibvs adhvc parietinis
accvrate coloribvs expressi
et simillimae in Vaticano codice
vctcris pictvrae
nova apside
a fvndamentis excitata
ervditorvm virorvm votis occvrrens
vrbi aeternae
restitvit
anno CI3 13 CC XLIII
pont, sui III
L'abside représente le ClIKlST donnant aux
apôtres la mission d'enseigner.
Une bordure rouge, gemmée et perlée, serrée
entre deux bandes blanches, circonscrit le champ
d'or de la mosaïque.
Au centre, le Chrlst se tient debout sur une
motte de terre, de laquelle s'échappent les quatre
fleuves .symboliques. Son nimbe d'or est cerné
d'un filet bleu et marqué d'un croix pattée, bleue
et jaune. Sa tunique bleue, laticlavée or et rouge,
a des manches larges et courtes. Son manteau
1!5itiliograpf)ie
97
bleu, ramené en avant, porte deux loruiii jaunes
et un triple clavus de même couleur. Ses pieds
sont chaussés de sandales. Son bras droit est nu
et levé pour bénir à la manière latine ('). De la
gauche il tient ouvert le livre des Evan-
giles, où se lisent en lettres noires ces
deux mots :
Au-dessus du Sauveur, le ciel est figuré par un
hémisphère bleu que borde une bande plus foncée
et où flottent des nuages jaunes et rouges if).
Sur le sol vert marchent, à droite, cinq apôtres,
saint Pierre en tête, et six à gauche (3). Leur
nimbe d'or est cerclé blanc et bleu. Vêtus uni-
formément, ils ont tous une tunique blanche à
laticlaves rouges et un triple clavus de même cou-
leur, deux fois répété à la hauteur de la poitrin sur
le manteau blanc. Chaque manteau porte égale-
ment une lettre pommetée au.x extrémités. Ces
lettres sont E, F, H, I, L et un triangle ou delta
grec("^). Une simple sandale protège la plante de
leurs pieds. Le second des deux côtés, ainsi que le
dernier à gauche, sont seuls jeunes et imberbes.
Saint Pierre se reconnaît à sa figure t)'pique,
à ses cheveux blancs formant bourrelet autour
de la tête, aux deux clefs d'or et à la longue
croix rouge qu'il appuie sur son épaule (5). De
la main droite il relève le bas de son manteau,
afin de marcher plus librement, car il part pour
remplir la mission que le CllRlST vient de lui
confier et, chef du collège apostolique, - il va
entraîner les autres à sa suite.
1. Grimaldi dit positivement: « Salvator mundi, ... benedicens
de.Ktra, pollice cum aniiulari conjuncto, » ce qui constitue à propre-
ment parler la /'L^«t^(/ïV//i?«^/'tr(^^^t;. D'après .\lemanni, pi. 2, la tête
du Sauveur et des deu.\ premiers apôtres à gauche n'e.xistaitplus au
XV!!»^ siècle, ainsi que le ciel.
2. « Supra caput Salvatoris est tanquam aer ignibus ac fulgore
coruscans » (Grimaldi). Ces nuages sont habituels dans les anciennes
mosaïques.
3. « Salv.itor... cum apostolis, quini per latera et B. Petro in trian-
gulo superiori ejus chalcidica:, ita ut uiidecim sunt apostoli. totidem
enim erant e.\ cap. XVIII Matthei... Deceni sunt in curvatura apsidis
apostoli et XI princeps apostolorum in angulo apsidis. » Grimaldi se
trompe évidemment, comme le fait remarquer M. Muntz, car dans
la conque absidale il y a toujours eu onze apôtres, y compris saint
Pierre leur chef, qui réparait encore à l'un des écoinçons.
4. « Horum decem apostolorum a latere dextro (la droite du
Christ) proximiorgerens crucem senex est; in vestibus adgenua, sunt
litor;v LE. Sequitur alius juvenis cum literis in vestibus ET; inde
alius senex cum litera H, deinde alius cum barba nigra ; postremus
habet in vestibus EL. A latere sinistro Xpo proximior habel in ves-
tibus HE; sequitur senex, in vestibus habet LE. Inde alius, poste.a
alius et in vestibus habet LH. Postremus juvenis est et in vestibus
sunt literas H3... Ad pectus etiam habent haec signa SE. Omnes
rcoti stant et manibus élevant parumper vestes in actu aliquid Xpo
oiTerendi. >> Grimaldi a pu noter exactement les lettres des vête-
ments, qu'il voit jjartout doubles; \in les a reproduites j/w/A'.^. Il se
trompe sur la signification du geste, puisque les apôtres n'ont rien à
offrir ; autrement on leur eût mis une couronne entre les m.ains, con-
formément à d'autres mosaïques. Ils soulèvent leur vêtement parce
qu'ils sont en marche.
5. Grimaldi dit de lui : « .\ latere dextro proximior, gerens crucem,
senex est », « Salvatoris dextrie proximior, in senili ;etate, longam
gestat crucem ». A ce triple caractère, comment n'a-t-il pas reconnu
saint Pierre qui, seul, occupe la preuiière place, est vieux et porte
une croix?
D'après Alemanni, pi. 2, saint Pierre portait une croix à double
croisillon. Ce n'était donc pas la croix de son martyre, mais bien
celle de la passion de son maitre.
Le cintre de l'arc est contourné d'une guir-
lande où se détachent confusément, sur fond
d'or, des fleurs et des fruits, tels que cerises, lys,
poires, figues et marguerites jaunes, qui sortent
de deux pots rayés en diagonale, rouge, vert et
jaune ('J et aboutissent à un médaillon bleu qui
exprime en monogramme d'or le chrisme et le
nom du pape Léon III, LEO PAPA (=).
L'inscription, qui se développe en deux lignes
de lettres d'or sur fond bleu, explique le sujet
par les paroles mêmes du Sauveur, qui envoie les
apôtres dans le monde enseigner et baptiser au
nom de la sainte Trinité, leur promettant jusqu'à
la fin son assistance spéciale :
DOCETE OMNES GENTES . BAPTIZAXTES EOS
IN NOMINE PATRIS.ET.FILII ET SPIRITVS . SCS
ET ECCE . EGO VOVISCVM SVM . OMNIBVS DIE-
BVS VSQVE AD CONSVMMATIONEM . SECVLI (3).
L'arc triomphal consacre par deux groupes
mis en regard la transmission de la double auto-
rité spirituelle et temporelle, qui vient de Dieu, à
saint Pierre et Constantin, par le CHRIST; à
Léon III et Charlemagne par saint Pierre. Aussi
l'inscription, or et azur, qui s'arrondit avec l'arc,
chante-t-elle gloire à Dieu et paix aux hommes
de bonne volonté qui acceptent la mission di-
vine d'être les conducteurs des peuples dans les
voies difficiles de la terre et du ciel.
GLORIA IN . EXCELSIS . DEO . ET . IN . TERRA .
FAX . OMINIBVS . BONE . BOLVNTATIS . (••).
Le fond d'or est encadré dans une bordure
rouge gemmée avec accompagnement, à l'inté-
rieur, de lambrequins bleus. La même bordure
se répète au-dessous de l'inscription que sur-
monte une bande bleue et grise, semée de lys
blancs.
Au côté droit (^) le Christ, assis sur un fau-
1. Ces fruits et ces fleurs ou feuillages représentent ordinairement
les quatre saisons. Grimaldi n'y a rien vu non plus : « Oritur fascia
interior a fine zophori, tota variis floribus musivo opère efficta, e.v
uno vase se in altum extoUens totamque curvaturani ambiens, in
altero vase desinit ».
2. Grimaldi a lu ainsi ce monogramme disposé en croix mais sans
chrisme : « Supra caput Salvatoris extat signuni Leonis papae tertii
ad hanc formam ;
P
LOO
A
Panvinio, au contraire l'avait lu :
P
LOE
.\
Qui a raison des deux?
3 Selon Grimaldi, il n'en restait qu'une minime partie. La voici
avec son orthographe typique et la restitution de cet auteur :
(4< Eunles. docelc omnes) GK.MTES. V.\FT (izaiite', eos. in. n) OMISE
(patris. et) l'iLli. ET. SPIRITVS. s.^NCTi. [et. ecce. ego) voviscv.M.
{sain. obus, diehus. tisque. ad) CON (siimiXtion) EM. (sec) VLI.
4. Grimaldi est plus exact que cette copie du mosaïste ; ('^gloria.
in.excclsis. Dca. cl. in. /^rra. /.i.v.) HOMINIHX s. bo.nk. BOLV.\(/.;/<".r) .
5. Cet écoinçon a été refait sous Benoit XIV, à l'instar de son
pendant. Grimaldi atteste qu'il n'existait plus de son temps : « .-^ngu-
lus dcxter absida; rusticus est, nani musivum corruit ». Il est aussi
en moins dans la planche 2 d'.Memanni.
l^'-' Li\ HAISO.V,
98
IRetîUC ue rart cij rétien.
teuil à haut dossier arrondi, les pieds sur un esca-
beau d'or, un nimbe crucifère à la tête, est ha-
billé d'une tunique violacée à laticlaves rouges et
jaunes et d'un manteau blanc jalonné de jaune.
De la droite, il présente les deux clefs d'argent
du pouvoir apostolique, liées ensemble, à saint
Pierre, et à Constantin, tous les deux agenouillés
à ses pieds, l'étendard de la puissance tempo-
relle.
L'apôtre, sandales aux pieds, nimbe jaune à
bord rouge, pallium à croix noires, avance ses
mains respectueusement enveloppées dans sa
chasuble blanche.
L'empereur Constantin, nommé pour qu'on ne
s'y méprenne pas, R (i'.v) COSTANTINVS,
porte un nimbe vert fileté de rouge, une cou-
ronne à pointes d'or, une espèce de tabart bleu,
des hauts-de-chausses verts à raies, des souliers
jaunes et une épée droite dont le fourreau d'or
soulève en arrière son manteau jaune, ouvert et
agrafé sur l'épaule droite. Sa figure est carac-
térisée par des moustaches. Il prend l'étendard
à trois flammes, fixé à la hampe d'une croix et
composé d'une étoffe rouge, semée de croisettes
jaunes et de disques bleus.
Une tablette bleue, veuve de sa légende,
accompagne cette scène, qui n'a aucune valeur
archéologique.
Saint Pierre, assis sur un fauteuil, semblable à
celui du Chrlst ('), donne le pallium à saint
Léon et l'étendard à Charlemagne; l'un et l'autre
nimbés d'un nimbe carré et bleu, ourlé de blanc
et de rouge, qui ne s'accorde qu'aux vivants.
L'apôtre se distingue par un nimbe jaune
ourlé de rouge, une tunique bleue laticlavée de
rouge, un manteau bleu marqué en rouge de la
lettre L, un long pallium blanc frangé et brodé
d'une seule croi.x rouge (') à la partie inférieure,
et par deux clefs (3) d'or, attachées par un cor-
don et posées sur ses genoux. Ses pieds, garnis
de sandales, appuient sur un escabeau d'or (■*).
Léon III porte également des sandales. Sa
chasuble jaune est entièrement rabattue et son
pallium blanc n'a pas de croix (^). Le pallium
1. La catliedra, dont le type se retrouve dans les catacombes et
dont se sert encore le pape aux services pontificaux.
2. Guillaume Durant, au XUI': siècle, parle aussi de croix rouges
sur le pallium.
3. Sur la gravure de Sainte-Marie-Majeure, il y a trois clefs.
4. « Imago musiva Pétri sedentis, cum planeta et pallio, in
senili œtate, diademate ornati. » (Grimaldil.
5. Il y en a une à. l'extrémité, sur la gravure de .Sainte-Marie
Majeure. « Léo papa tertius, corpulenta facie, nigra cesarie, raso
capite ad coronam ; ex vultu ostenditur sexagenarius ; quadratum
habet in capite diadema, quod indicium est viventis ; indutus pallio et
planeta ; stolam suscipit sivc pallium de manu drxtera beali Pétri. »
(Grimaldi). — « SedetS. Petrus in solio, dcxtra dat Leoni orarium, in
que duse cruccs... Ipse quoquc S. Petrus orarium habet, in cujus
extremo crux nibra. » (De uitufa crucc, Ingoistadt, ï6i6, p. 452.) Ce
qui a fait prendre \ç pallium pour yxwQétok, mOme au baron de Guil-
hermy, c'est cju'il n'a que deux croix à ses extrémités. Un peu d'ar-
chéologie liturgique eut évité cette méprise grossière, les exemples de
qu'il reçoit à genoux des mains de saint Pierre
est, au contraire, semé de croix rouges.
L'étendard (")que saisit Charlemagne est fait
d'étoffe verte à pois d'or et disques rouges. Il se
découpe en trois flammes et est attaché horizon-
talement à la hampe d'une lance. Le manteau
de l'empereur est jaune, avec galons vert et or :
court, il ouvre sur le côté droit, oti il s'agrafe.
Le tabart, que l'on voit dessous, est de même
étoffe. L'épée, enfermée dans un fourreau d'or,
saillit à son flanc et la couronne d'or ceint son
front (2). Le type est identique à celui de Con-
stantin ou plutôt Constantin a été copié sur
Charlemagne.
pallium ne faisant pas défaut dans les mosaïques romaines. De plus,
//(;/feùt signifié le/««fo/> i/'an^/f tout au plus, tandisquele palUum
exprime le pouvoir de juridiction, ce qui est bien différent et évidem-
ment dans la pensée de l'artiste.
I. « Léon 111, confirmant le titre de patrice à Charlemagne, lui
envoya les clefs de la confession de saint Pierre et l'étendart de la
ville de Rome. Les annales attribués à Eginard disent ce qui suit :
« .Adrien étant mort, Léon fut élevé au pontificat. Bientôt il envoya
« au roi par ses légats, les clefs de la confession de saint Pierre, l'éten-
«dartdc la ville de Rome et d'autres présents »Je ne puis nier que
l'étendart n'ait été toujours considéré comme le signe d'une juridic-
tion et d'une autorité fort étendue. De là vient que les magistrats
suprêmes, dans quelques républiques d'Italie, étaientnonimés^i)n/i;/o-
niers, à cause de l'étendart qu'ils recevaient comme le signe de
l'.autorité qui leur était confiée pour l'administration de la justice et la
protection des populations. On ne peut contester non plus que le
maître d'une ville ou celui qui croit l'être a seul le pouvoir de donner
ou d'envoyer l'étendart de cette cité. )'>{Originedu pouvoir pontifical,
par le cardinal Orsi, apud Analecta juris pontijicii, t. XXI, col. 104).
Le drapeau de Cliarlemagne a été décrit par M. Gustave Des-
jardins, dans son ouvrage des Drapeaux français. « La hampe est
terminée par un globe blanc et rouge, dans lequel est plantée une
croix; sous le globe est une houppe bleue, blanche et rouge, "h La
Gazette des Beaux-Arts, 1" pér., t. XI, p. loi, fait observer que «ces
trois couleurs étaient aussi celles des gonfanons sarrasins ».
La remise de l'étend.irt constatait, à l'égard du feudataire, le droit
souverain. Un acte du 3 décembre 1224, par lequel Benoîte, jugesse
de Cagliari, reconnaît la suzeraineté du Saint-Siège sur l'île de Sar-
daigne, contient cette clause significative : « Item quum judex vel
judicissa de novo efhciuntur in ipso regno, sive judicatu Calaritano,
ad curiam Romanam personaliter accèdent, vel solcnmes nuntios
destinabunt infra spalium duorum mensium a die sua; dignitatis inci-
pientium, pro vexillo in signum dominii a sede .Apostolica humiliter
obtinenda. » (Anal. jur. pont., 102- liv., col. 238.)
En 1494, lorsque le cardinal légat sacra à Naples le roi .Alphonse
d'.-\ragon, il lui remit, en signe d'investiture du royaume de Sicile,
l'étendard de la sainte Eglise, envoyé de Rome par .Alexandre "VI.
<( Vexillum sancte Romane Ecclesie, ad hoc per SS. D. N. papam
missum. imponatur sue haste et ereclum teneatur \"exillum
ipsum coiam legatoportatur, qui hastam indextrarecipiens, iHud régi
recipienti tradit, ipsumque de regno invesliturumdicit: « Aucloritate
apostolica nobis in hac parte concessa, per appensionem luijus vexilli
ecclesiastici in tuis manibus, te de regno Sicilieet terra citra P/iarum
usquead confinia terrarum sancte Romane Ecclesie investimus te-
que in illû^-um realem, corporalem et actualem possessionem indu-
cimus. In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti.»Tunc magnificus
D. Jacobus Caracciolus, comes Burgiensis, cancellarius regni, vexillum
de manibus régis accipîens, ilhid in sacristia pro rege parata portât et
reponit. » (Burchard, Diarium, oait. Tliuasne, t. II, p. 136-137.)
2. Sur ia gravure de Sainte- Marie Majeure, Charlemagne est coiffé
d'une espèce de mitre et à sa lance, avec houppe, est fixé un étendard
d'or, semé de six fleurs ou roses à cint] lobes, posées deux, deux et
deux, comme on dit en blason. « Genuflexus Carolus M.agnus. impe-
rator .Augustus, suscipiens de manu sinistra B. Pétri magnum \'exil-
lum, in quo suiit ros:e sex in campo cceruleo. Habet coronam impe-
rialem in capite, cum qu.adrato diademate{quod, ut dictum est, viven-
tem iiidicat) : habet mantum sive paludamentnm iiupt-riale; habet
ensem lateri accinctum, faciem virilem ostendit ; mcnlum rasum, in
lalii» superiori h.abet pilos barb.-v longos et elei.atos more turcico et
francico ( l'ariante: mentnm non est totaliter rasuin, sed habet bre-
vem quandam barbani auctam more Gallorum),; habet jiatcntcs
oculos. » (Grimaldi.)
T5ii)liograpf)ic.
99
Chacun de ces trois personnages est ainsi
dénommé en lettres noires :
SCS PETRVS (^
>h SCISMVS Î)N LEO. PP. (2).
ICN CARVLO REGI (3).
Une autre inscription, qui se détache en or sur
une tablette bleue, affirme que saint Pierre donne
la vie à Léon et la victoire à Charlemagne:
BEATE . PËTRE . DONAS
VITA . LEON . PP . ET . BICTO
RIA . CARVLO . REGI . DONAS C^).
Quand Charlemagne fut couronné dans la
basilique de Saint-Pierre, l'assistance entière
poussa cette acclamation : « Tune univers! fidè-
les Romani unanimiter altissima voce e.xcla-
maverunt : Karolo , piissinio , Aiig-iisto a Deo
coronato, inagno, pacifico Imperatori (5), vita et
Victoria. »
1. Ciacconio transcrit :
SCS
PE
TR
VS _
La gra\Tire de Sainte- Marie Majeure ajoute le sigle abréviatif SCS.
2. D'après Ciacconio :
SCSSLMVS
D. N.
LE
o_
PP
La gravure de Sainte-Marie Majeure offre des variantes de détail :
4- SCSSIMVS
DN
LE
0
PP
Grimaldi a cerlainenient mal lu :
SANCTISS. DXS. LEO, PAPA
ainsi que Panvinio :
SANCTISSIMVS D. \. LEO lU PAPA
3. Panrinio : DN CARVLO REGI
Ciacconio : -J- D. X. CARVLVS
R
EX
La gravure de Sainte-Marie Majeure :
^ DN CARVLO R
E
G
I
Grimaldi ; D. N. CARVLO. REGI
Le nominatif parait plus probable, motivé qu'il est par le nom de
saint Léon qui fait pendant à celui de Charlemagne.
4. Panvinio : BEATE PETRE
LEOXl PAPAE ET BICTORIA
CARVLO REGI DONA
Ciacconio montre dans quel état de mutilation était l'inscription au
XVIU siècle, puisqu'il n'en cite que ces trois mots :
DONAS
RICTO
EA
Grimaldi : U. petie. <roRONAS
bitatn. atqiie BICTO
riant, caritlo. doNA
La gravure de Sainte- Marie Majeure :
BEATE PETRE DONA
VrfA LEONI PP. E BICTO
RIA CARVLO REGI DON
Ce me parait être la meilleure version, conforme du reste à la meil-
leure transcription, qui est celle de Panvinio.
5. La dignité impériale que conféra Léon 111 à Charlemagne, et
par lA même sa restauration en Occident, avait pour but de consti-
tuer l'élu, décoré du titre d'empereur, défenseur del'lCglise Ron>aine
TESTAMENT DU CARDINAL CHARLES
D'ANGENNES (1587), par le R. P. Uom Paul
Piolin, prieur de l'abbaye de Solcsmes, président
de la Société historique et archéologique du
Maine ('); Mamers, Fleury, 1884, in- 8° de 14
pages.
Le cardinal Charles d'Angennes de Rambouil-
let, évèque du Mans, mourut en 1587, à Corneto,
dont il était gouverneur, empoisonné, puis étran-
glé par Claudio Lupi, « son maître de chambre
et son homme de confiance ». Dans son testa-
ment, signé de sa main et écrit peu de temps
avant son décès, au cours d'une maladie, on lit
ces deu.K legs : « Je donne à mon neveu Christo-
phle de Ravenel, appelé Gorgosson, fils du feu
sieur de Rantigny et de ma sœur Françoise
d'Angennes, la somme de quarante mille es-
cus : à Claude Lupi, mon maistre de chambre,
dix mille escus, tout le linge qu'il a en charge de
ma personne et de ma chambre, pour cinq cents
escus de meubles, lesquels dix mille escus je
veulx qu'ils soient les premiers prins et qu'il
choisisse sur tout mon bien de telle quantité et
nature qu'il vouldra » (p. 13).
(<: Il fut inhumé dans l'église des Franciscains
de l'observance, où l'on voit encore son épitaphe >>
(p. II). Dom Piolin aurait fait œuvre utile en
donnant cette inscription, reproduite de visu et
non d'après les livres. J'ai prié un ecclésiastique
français, qui voyage depuis longtemps en Italie,
d'en prendre une copie fidèle. Il eût été convena-
ble aussi de rapprocher du testament l'inscription
gravée sur marbre noir, sur un monument destiné
à rappeler la mémoire du cardinal et placé au-
dessous de son portrait peint par les soins de son
neveu et de son maître de chambre, qui a l'impu-
dence de s'y nommer. Quoique je l'aie déjà im-
primée parmi les inscriptions relatives au diocèse
du Mans, qui se trouvent à Rome (==), je vais la
transcrire de nouveau; elle se voit dans notre
église nationale de Saint-Louis des Français :
CAROLO • DANGENES
A ■ RA.MBOVILLETTO
S • R • E • CARDINALI
et conservateur de la souveraineté temporelle du Saint Siège. Or les
papes possédaient de droit Rome et son duché, puis, par la donation
des rois francs Pépin (754) et Charlein.agne (774I, la Pentapole et
l'Exarchat. Le duché de Rome comprenait la 'ruscie (Porto, Cento-
celles, Sutri, Mtturano, Nepi, Castello, Orta, .•\ineria,Todi, Pérouse)
et la Campanie (Segni, .\nagni, Ferentino, .Alalri. Tivoli). Dans l'ex-
archat, il y avait les villes de Ravenne, Césène, Forlimpopoli, Korli,
Faenza, Iniola, Bologne, Ferrare, etc. et. dans la Pentapole, Rimini,
Pesaro, Fano, Sinigaglia, Osimo, Jesi, Ancône, Fossombrone, Mon-
tefeltro, Urbino. Gubbio, etc.
1. Le R. P. Dom Piolin, ayant eu connaissance des épreuves de
cet article, y a ajouté cette note : « Qu'il soit permis à Dom
Piolin de faire observer que depuis le 22 mars 1882, il est réduit à
vivre dans un fii^uiiiim du bourg deSolesmes, presque sans livres
et dans une position qui rend le travail à peu près impossible. »
2. Ir.icriptions françaises recueillies à Rome, diocise du Mans ; le
Mans, 1868, in-8° de 16 pag., p.ig. 9. — Forcella l'a imprimée dans
ses Isserisioni délie chiese di Koma, t. !li, p. 26: il écrit Dangennes,
tandis que ma copie ne porte qu'ime seule n.
lOO
îRcuuc De rart cïjtcticn.
CHRISTOPHORVS- A- RANTIGNI • SORORIS ' F • ET
CLAVDIVS • LVl'IVS " CVBICVLI ' PRAEFECTVS
ITALICARV.M • RERVM • EK ' TEST " HEREDES
IN • AV\ NCVLVM ' ET • PATRONVM • GRATI
VIRGINIBVS • GALLICIS ' AI.TERNIS " ANNIS
DEIPARAE • VIRGINIS ' DIE • NATALI
IN • MATRIMONIViM • COLLOCANDIS
CERTOS • AEDI • FRVCTVS . ATTRIBVERVNT
ANNO • CIO • 10 • LXXXVII • KAL • APRILIS
X. B. DE M.
LES BAS-RELIEFS DE MARKDSOUS PRO-
VENANT DE L'ABBAYE DE FLORENNE ET
LE CIMETIÈRE FRANC DE MAREDSOUS, par
le R. p. Dom tiéiard Van Caloen, bénédictin de
l'abbaye de Maredsous. ( Extrait du t. XVI des An-
nales de la Société archcoU\i,itiiie de Namur). In-8",
22 pp. Namur, Wesmael-Charlier, 18S4 (avec une
planche).
CETTE savante notice fait connaitre les inté-
ressants vestiges du passé qu'énumère son
titre, et qui ont récemment trouvé un abri à
l'ombre du grandiose monastère fondé par les
RR. PP. Bénédictins sur les hauts plateaux de
l'Entre-Sambre et Meuse.
Le cimetière franc découvert à Maredsous et
exploré par Dom van Caloen, contient 31 tombes,
régulièrement orientées. Dans ces cercueils
«formés de murs secs et souvent recouverts de
dalles brutes monolithes ou juxtaposées,» on
n'a rencontré, auprès des squelettes, que quelques
verroteries et vases de poterie, des armes et des
agrafes généralement conformes à des types
connus. L'objet le plus intéressant est «un disque
de bronze aux ornements incrustés et portant
cinq demi-perles de verroterie bleue, disposées en
forme de croi.x;). Cette broche,placée surla poitrine
d'une femme, est le seul objet qui puisse fournir
quelque indice de sépulture chrétienne.
Les bas-reliefs retrouvés par Dom Van Caloen
sur l'emplacement de l'ancienne abbaye de Flo-
renne, sont bien dignes d'une étude approfondie
de la part de l'archéologue et du statuaire. Ces trois
«tableaux de pierre», dont les proportions sont
identiques (!'" 07 X o. '"49) présentent cependant
une ordonnance variée. L'un d'eu.x montre la
scène du baptême du CHRIST dans le Jourdain
par saint Jean,auciuel une colombe présente l'am-
poule tandis qu'un ange semble apporter du ciel
un vêtement en forme d'étole. Ce tableau est
encadré par deu.K colonnettes torses, dont les
chapiteaux feuillus soutiennent une arcature
cintrée sur laquelle sont gravés ces mots :
T.VLIlîVS OliSEQVIS DS ËE DOClit IN VNDIS.
( Talibus obsequiis Deiis esse docetiir in undis.)
Le tympan est décoré dedeu.K figures d'anges
soutenant un disque qui offre l'image de l'agneau
divin, tenant la croix. Une inscription illisible
s'aperçoit sur l'étroit rebord qui forme l'encadre-
ment du bas-relief
Les deux autres panncau.x dénotent clairement
par leurs dispositions similaires qu'ils formaient
pendant l'un à l'autre. D'élégants rinceaux, entre-
mêlés d'animaux tantastiqucs et de masques gri-
maçants, décorent les encadrements, et bien que
variées dans les détails, ces sculptures reflètent
évidemment une origine et une destination com-
munes. Le premier bas-relief présente l'image de
saint Michel nimbé et vêtu d'une ample tunique
retenue par une ceinture et décorée a l'encolure
de festons arrondis: une chlamyde est jetée sur
les épaules, les ailes sont abaissées et les pieds
nus. Le bras gauche porte un bouclier muni d'un
large uinbo et couvert de rainures, qui affecte la
forme circulaire, un peu allongée en pointe vers
le bas. De la droite, l'archange tient un long jave-
lot, muni d'une barbe (ou plutôt, nous semble t-il,
d'un pennon) dont il enfonce le fer dans la gueule
du démon qu'il foule aux pieds. Celui-ci est
représenté sous la figure d'un dragon ailé, dont la
queue se termine en forme de palme tripartite.
Le type de l'archange est celui d'un jeune homme
imberbe, et reflète un grand air de majesté, l'en-
semble de la statue présente un aspect hiératique
et vraiment monumental.
Une figure, en costume pontifical, occupe le
troisième panneau. Le saint dont la tête est
nimbée, porte la barbe et les cheveux courts ;
les pieds sont chaussés. Il est vêtu d'une aube,
d'une tunicelle ornée de disques étoiles, au-des-
sous de laquelle paraissent les bouts de l'étole,
d'un manipule et d'une //cr«t-/£/ celle-ci est forte-
ment relevée sur le devant et garnie d'un galon
perlé ; la croi.x (;st formée par un orfroi détaché et
qui contourne le col. La main droite tient une
crosse dont la volute est tournée à l'intérieur, la
gauche un livret ouvert appuyé contre la poitrine.
Dans son ensemble cette statue est d'une travail et
d'une apparence plus barbare que la précédente.
L'étude de ces petits monuments a amené
Dom Van Caloen à résoudre divers problèmes
archéologiques, sur lesquels nous demandons à
notre e.KCcllent ami dcpouvoir présenterquclqucs
observations.
Quel est l'âge de ces bas-reliefs? Le savant
bénédictin croit « qu'ils datent du commencement
du XI"^ siècle, c'est-à-dire de la fondation de
l'abbaj'c» dont l'église fut consacrée en loii,
au rapport de l'annaliste Marchantius (').
I. Cette date est peut-être un peu prématurée, puisque le fondateur
du monastère est Ciérard de Florenncs, évêquede Cambrai, dont le
liréd&esscur Herluin.nc dOcéda que le 3 février 1012. ((;.\MS, Seriez
15it3Uograpf)ic.
lOI
Il semble difficile de faire remonter à une
époque tellement reculée, les rinceaux élégants
et variés des encadrements ; leur style aussi bien
que leur facture, dénotent une composition bien
étudiée ; or l'on ne peut oublier qu'au début du
XI' siècle l'art, dans nos provinces, était encore
dans les langes, la sculpture ornementale autant
que celle des figures trahissait par sa rudesse et
son manque de proportions l'inhabileté des artis-
tes. Quant aux statues, si l'image de l'évêque
présente dans la pose et dans la disposition des
draperies raides et symétriques, un caractère
marqué d'archaïsme, il n'en est pas de même dans
l'image de saint Michel et surtout dans le groupe
du baiJtêmc du Christ : le jet varié et mouvementé
des plis, la pose aisée de saint Jean et des anges
qui portent le disque de l'Agneau, révèlent les
traditions d'une école artistique formée de longue
date et le travail d'une main exercée. Sans doute,
il est difficile d'assigner une date précise à ces
sculptures ; tout porte à croire cependant qu'elles
ne sont pas antérieures à la dernière période
romane, soit au déclin du douzième siècle.
L'abbaye de Florenne avait été fondée à
l'honneur de saint Jean-Baptiste : on s'explique
aisément que l'artiste ait voulu représenter le
saint patron dans l'acte le plus mémorable de sa
carrière de précurseur du Christ. Quant à saint
Michel, comme l'écrit Dom Van Caloen, «il a
toujours été en grande vénération dans l'Ordre
bénédictin ; rien d'étonnant à ce qu'il ait été re-
présenté dans l'abbaye bénédictine deFlorenne».
L'attribution du personnage en costume pontifi-
cal est moins aisée : un sentiment bien naturel
de piété filiale amène notre savant ami à y voir
l'image de saint Benoît.Mais une grosse difficulté
s'élève : « Il est reconnu, en effet, que saint Be-
noît ne fut jamais prêtre : mais on peut supposer
uneerreuriconographiquedela part du sculpteur.»
Pour nous, cette supposition est d'autant moins
plausible que l'auteur du bas-relief appartenait
fort probablement à la famille religieuse du
patriarche des moines d'Occident, puisqu'il sem-
ble que l'on doive le chercher tout d'abord parmi
les habitants du monastère oùTceuvrc était placée.
D'ailleurs l'ensemble du costume pontifical, et
surtout de la chasuble ornée d'une croix détachée,
font tout d'abord penser à un évêque plutôt qu'à
un abbé. Connait-on une seule image de saint
Benoit — fût-elle d'une époque où la tradition
iconographique était complètement dédaignée,
alors que le XI L' siècle la tenait si fort en
honneur — où le saint Patriarche soit représenté
avec les ornements pontificaux ? On objectera
peut-être qu'ici la volute de la crosse est tournée
vers l'intérieur, à la manière dont les abbés la
portent actuellement. Cette assertion a fait l'objet
de maint débat entre archéologues et l'on a
apporté tant de preuves de son peu de fondement,
qu'il semble oiseux d'y revenir.
Les annales de l'abbaye de Florenne faciliteront
peut-être lasolution de l'énigme.Dansle catalogue
de ses abbés, nous rencontrons, vers 1188, le
célèbre Guibert ('), qui fut appelé six ans plus
tard,au gouvernementdu monastère deGembloux
dont il a gardé le titre. Guibert, qui résigna les
deux crosses en 1206, deux années avant sa mort,
était animé d'une dévotion toute spéciale envers
l'illustre évêque de Tours .saint Martin. Il con-
sacra de longues années à réunir les documents
nécessaires pour écrire la vie rythmique du grand
thaumaturge des Gaules et obtint de divers
côtés des renseignements très intéressants sur le
culte du saint. Son livre, qu'un biographe de
saint Martin rappelait tout récemment (^),lui valut
le surnom de Gilbert-Martin, que la tradition a
conservé. Serait-il étonnant que l'abbé Guibert
ait voulu placer dans son monastère de Florenne
l'image du saint évêque auquel il était si dévot?
Cette conjecture est d'autant moins téméraire
qu'elle correspond aux attributs pontificaux et,
nous le croyons, à l'âge probable du monument.
Quelle a été la destination originale de nos
sculptures ? La question ne laisse pas que
d'être intéressante. Après avoir écarté l'hy-
pothèse de bas-reliefs formant le retable d'un
autel, parce qu'«à cette époque les autels étaient
généralement de construction simple et massive,
presque sans ornements », Dom Van Caloen rap-
proche les monuments de Florenne des célèbres
panneaux sculptés qui décorent les parois de
l'ébrasement intérieur au grand portail de Notre-
Dame de Reims : il en conclut qu'<<; il nous est
permis de croire, jusqu'à preuve du contraire,
que nos bas-reliefs faisaient partie du portail de
l'église abbatiale de Florenne. » Il serait, sans
doute, malaisé d'administrer cette % preuve du
contraire », en l'absence de documents positifs :
mais le manque de ceux-ci nuit également à la
thèse de Dom Van Caloen. La décoration sculp-
turale de Yatrium de la basilique royale, trou\ e
sajustification dans les proportions colossales et
la profusion des ornements qui distinguent
l'admirable monument : on n'a d'ailleurs cité
jusqu'ici aucun autre édifice qui présentât sem-
blable disposition. Avant d'admettre que l'église
primitive de l'abbaye de Florenne, construction
romane dont les dimensions nous sont inconnues,
rivalisât sous ce rapport avec la métropole
rémoise, nous demandons à rappeler l'avis du
poète :
... Si parva licet componere magnis.
Le caractèredes sculptures de Florenne semble
1. Voir notamment la noiict- (tu baron de Reiffenberg. dans les
Annales de t Acadimie Royale de Belgique, t. I.X, 1842, p. 440.
2. Lecov de la Marche, l'ie de saint Martin, p. 690.
102
ïRetiue De rart cfj rétien.
d'ailleurs assez éloigné de celui qu'aurait présenté
un travail destiné à faire corps avec l'œuvre de
l'architecte. Si l'on écarte l'hypoJièse de bas-
reliefs posés en arrière de la nicnsa de l'autel,
on inclinera peut-être à voir dans nos panneaux
de pierre des débris de l'ambon ou de l'ancienne
clôture du chœur. Les monuments de la période
romane, notamment la parclôse du dôme de
Trêves et celle de la cathédrale d'Halberstadt
ont conservé des spécimens de ce genre, qui
présentent une certaine analogie avec les sculp-
tures de Florenne. C'est une question que nous
soumettons aux études de Dom Van Caloen, en
le remerciant d'avoir sauvé et fait connaîtic ces
remarquables vestiges de l'art roman.
LKS SCULPTURKS DE SOLESMES ET LES
RIGHiER.par E. Cartier. In-8" de 32 pp. extrait de
la Revue du Alonde catholique.
Le « solitaire » qui a médité à l'ombre des
cloîtres — hélas ! déserts aujourd'hui — de So-
lesmes ses magistrales « Lettres sur l'art chré-
tien » a consacré jadis une étude approfondie (i)
aux célèbres groupes sculptés qui décorent
l'antique église abbatiale : ces monuments, oti les
traditions artistiques des âges de la foi se reflètent
encore parmi les formes délicates et la perfection
du travail qui caractérisent les débuts de la
Renaissance, semblent appartenir à l'école fla-
mande et l'éminent critique a cru pouvoir en
faire honneur au ciseau des Floris, artistes anver-
sois,dont les œuvres brillèrent surtout « lors de
l'entrée de V empereur {s\c) PhilippelLen I552(.')».
Ces conclusions ont été attaquées par M. l'abbé
Souhaut (^), qui revendique la paternité de ces
reliefs pour Ligier Richier, sculpteur de mérite,
dont la ville de Saint-Mihiel en Lorraine, sa
patrie, conserve des œuvres remarquables. La
biographie des Richier est assez obscure, pas as-
sez cependant pour qu'on ne connaisse leurs
relations avec les réformés de Genève, chez les-
quels Ligier alla terminer ses jours. M. Cartier
fait habilement ressortir toutes les incohérences
du système de I^L l'abbé Souhaut. Si les droits
des Floris ne sont pas entièrement hors de con-
teste, il ne semble pas que les Richier aient chance
de les leur ravir. Espérons que quelque heureuse
trouvaille de documents, viendraun jour sanction-
ner les conjectures de l'éminent et sympathique
écrivain de Solesmes.
B. DE V.
AESTHETIK von JOSEPH JUNGMANN, Priester
der Gesellschaft Jesu, Doctor der Théologie und ord.
Professer denselben an der Universitiit zu Innsbruck
mit Erlaubnisz der Obern.
1. Les sculptures de Solesine.i. Paris, Palmé, 1877.
2. Les Kicliier et leurs œuvres. Bar-le-Uuc, 1883.
Zweite, vollstandig umgearbeitete und wezentlich
erweiterte Auflage des Bûches « Die Schônheit und
die schone Kunst » mit nuen lUustrationen. Freiburg
im Brisgau Herder'sche Buchhandlung, 1884.
[Prix : 15 francs.]
« 1~\ES que la foi et la science renaissent dans
\^ une nation, les arts ne tardent pas à y
briller, sans qu'on sache ni comment ni pourquoi.»
Ces paroles, extraites d'une lettre de Clément
Brentano au peintre Runge, terminent l'ouvrage
que nous nous proposons d'analyser.
Elles sont l'expression d'une pensée, dont le
lecteur, à mesure qu'il parcourra les différentes
parties de ce livre, se sentira de plus en plus pé-
nétré. L'esthétique est la science des beaux-arts
(p. 15). Elle se divise en deux parties. La pre-
mière traite des notions fondamentales, c'est-à-
dire du beau, et des caractères généraux des
productions artistiques. La seconde, s'occupe des
beaux arts, de leur raison d'être, de leurs lois, de
leurs moyens d'action.
Le livre du P. Jungmann est la deuxième édi-
tion d'un ouvrage paru, il y a di.v-huit ans, sous
un autre titre, « le Beau et les Beau ■■- Arts )> : mais
l'auteur a si complètement remanié son œuvre
primitive que c'est plutôt un traité nouveau qu'il
a fourni. La première édition, épuisée dès 1872,
ne comptait que 532 pages d'un format petit in-
octavo. Celle-ci ne compte pas moins de 950
pages d'un format beaucoup plus grand.
Nous manquons en quelque sorte d'ouvra-
ges sur l'esthétique, à l'usage des catholiques.
Il y a quelques années, une revue savante disait
que le livre du P. Jungmann (i^''« édition) était
ce que nous avions de mieu.x en fait d'esthéti-
que. Elle ne rétractera certainement pas cette
parole aujourd'hui.
Baumgartner, le premier, s'est occupé de la
science des beaux-arts à un point de vue spécial,
après lui !e panthéisme et le rationalisme en ont
fait leur domaine (p. 675), et leurs conclusions
tout en n'ayant pas été admises par tous les
hommes compétents, servent cependant de base
aux œuvres de certains savants catholiques qui
se sont occupés des beaux-arts.
Dans les derniers temps, l'art a fait de sensibles
progrès sur le terrain catholique, il était donc
opportun que la science catholique, elle aussi,
produisît un ouvrage e.xposant l'Esthétique d'une
manière complète et d'ajjrès ses principes. C'est
le but que le P. Jungmann s'est proposé: disons-
le tout de suite, qu'il nous parait avoir atteint.
Tout d'abord il établit la notion de l'essence du
beau d'après la sagesse des anciens(Theognis, Pla-
ton, Aristote, le Portique, Plotin,Proclus,Maxime
de Tyr, Hiéroclès, Plutarque, Cicéron, .Sénèquc),
d'après la philosophie des Pères de l'Eglise
T5it)liograpf)ic.
(Grégoire de Nazianze, de Nysse, Basile de Cé-
sarée, Denis l'Aréopagite, Jean Chrysostome,
Clément d'Alexandrie, Origène), et d'après la
science chrétienne des âges postérieurs (Inomas
d'Aquin, Lessius, Pallavicini, Lcibnitz). (i"<= Par-
tie I-IV.) Le résultat de ces profondes recherches
consiste en trois définitions, différentes de forme,
mais identiques au fond.
La première est empruntée à Aristote, la se-
conde exprime la doctrine de saint Thomas, et
la troisième répond à une pensée profonde de
Platon (p. 148 s.). Par sa conformité avec les
opinions des plus grands penseurs dont l'his-
toire fasse mention, ce résultat est la solution
d'un des problèmes les plus difficiles de l'Esthé-
tique, auquel les modernes avaient travaillé en
vain jusqu'ici.
L'auteur développe ensuite la notion du beau
et montre comment elle trouve son application.
Signalons surtout le chapitre : De l'idéal du
beau, et cet autre: La beauté divine et son reflet
dans l'Eglise et dans l'Univers.
La cinquième partie traite de la noblesse, du
charme, du ridicule, du comique, et des autres
« qualités esthétiques ».
La sixième partie est consacrée à l'examen
d'un grand nombre de définitions du beau ;
aucune n'est en harmonie avec celle de l'auteur.
Quelques-unes veulent s'appuyer, mais à tort,
sur la doctrine de saint Thomas.
C'est après avoir établi cette base solide que
l'auteur passe, dans le second livre, à l'étude de
l'objet même de l'Esthétique, c'est-à-dire des
beaux arts. Le P.Jungmann en donne la définition
suivante : « Tout art, dont le but spécial exige,
au point de vue esthétique, des produits aussi
remarquables que possible, et qui, secondé par des
circonstances favorables, est à même de produire
des œuvres d'une beauté supérieure, a le droit
d'être rangé dans la catégorie des beaux-arts. »
L'auteur fait remarquer que cette définition
seule s'accorde et avec la doctrine d'Aristote, et
avec la nature des beaux arts et la manière de
les pratiquer.
Il combat ainsi la doctrine de ceux qui ne
veulent assigner à l'art d'autre but que l'imitation
de la nature.
L'auteur distingue trois groupes de beaux-
arts : les beaux arts religieu.x, civils, hédoni-
ques (').
Il range parmi les premiers tous ceux qui ont
pour but immédiat la glorification de Dieu, ou
de la Mère de Dieu, ou des anges et des saints,
ou en général l'édification des fidèles et le pro-
grès de la vie religieuse; parmi les seconds, ceux
dont les œuvres servent immédiatement à con-
I. « Hédonique » du grec ^iSov^l, jouissance.
server et à développer dans la société, cet esprit
d'où dépend en réalité l'existence, la prospérité
et l'épanouissement de la vie civile ; parmi les
derniers (les arts hédoniques) tous ceux qui con-
sidèrent comme leur destination propre,de procu-
rer par leurs productions des jouissances esthéti-
ques à l'homme, (p. 328).
On peut d'ailleurs réunir les deux dernières
catégories en une seule par opposition à la pre-
mière et on arrive ainsi à diviser les arts en arts
religieux et en arts profanes.
Or en étudiant le développement de ces deu.x
grandes divisions des beaux-arts, l'auteur arrive
à ces deu.x conclusions d'une importance capitale.
1° D'après le témoignage de l'histoire, les
beaux-arts dans leur ensemble, se sont d'abord
développés sur le terrain de la vie religieuse, et
c'est sur ce terrain également qu'ils ont fleuri à
leur plus haut degré, fp. 338 ss.) A l'appui de
cettethèse l'auteur invoque les opinions desavants
qu'on ne peut en aucune manière taxer à'uitra-
viontaiiisine: Burke, M. Carrière, E. Schnaase,
Hugber, Lubke, Edouard Muller, A. Feuerbach,
H. Ulrici, Herder, puis Fénelon, Lasaulx, Fick,
et F. V. Herder.
La deuxième conclusion, qui pourrait être
considérée comme découlant de la première, mais
qui est établie par l'auteur au moyen de preuves
spéciales, est la suivante : Depuis le commence-
ment de notre ère, les beaux-arts religieux ont
une bien plus grande importance que les beaux-
arts profanes, voilà pourquoi la floraison de ces
derniers dépend essentiellement de la culture des
premiers. Si donc les beaux-arts religieux doivent
en premier lieu attirer l'attention de l'Esthétique
et de ceux qui sont destinés à la cultiver, quelle
grande erreur ne commet-on pas en considérant
cette science comme purement philosophique,
puisque la théorie ainsi que la science de chaque
art religieux prend essentiellement et en premier
lieu sa racine dans la révélation surnaturelle
(p. 366). Dès lors aussi peut-on traiter à'anackro-
nisiiie, cette prévention exclusive en faveur de
l'art classique antique, qui ne peut qu'entraver
l'essor des beaux-arts.
Ces conclusions nous font voir, que la notion
de l'art religieux, ou bien, est tout à fait ignorée,
ou bien est mal comprise même par des savants
catholiques; elles amènent l'auteur à établir dans
le 4'"'^ chapitre, la thèse suivante non moins im-
portante. *.( Le principe essentiel, au moyen
duquel un art devient chrétien, ne repose pas
dans le sujet sur lequel il exerce son activité,
mais dans le but surnaturel, pour lequel il tra-
vaille. )' (p. 375 ss.) Outre les raisons qui prou-
vent cette thè.se, l'auteur cite (p. 378) un passage
assez long d'Ed. Hanslick ( Musikalic/ie Statio-
I04
WizMuc De r^rt cbtétien.
neiijqui nous donne la preuve non seulement de
sa vérité mais de sa nécessité.
Le cinquième chapitre (p. 382 ss.) développe
d'après cela deux lois générales, essentielles
également à l'art religieux, et qui, jusqu'à pré-
sent, ont été très peu observées par la théorie et
la science, tandis que dans la pratique on n'en a
tenu aucun compte.
De nombreux exemples tirés de l'histoire des
beaux-arts rendent la démonstration plus inté-
ressante et plus claire. Plus d'une œuvre haute-
ment louée et admirée, nous apparaît à leur
lumière, quoique techniquement d'un fini achevé,
tout à fait manquée, quant à sa destination.
Lesi.xième chapitre(Les beaux-arts etlavérité)
examine et établit la liberté de la poésie ou de
l'invention, qui appartient principalement aux
arts hédoniques.
Dans le chapitre suivant, l'auteur s'occupe
principalement des arts hédoniques. Il examine
la valeur des principes de l'esthétique moderne
et le jugement, motivé aussi bien par la raison
que par l'histoire, n'est autre que celui de La-
mennais : l'art pour l'art est une absurdité.
La huitième partie s'occupe d/architecture.
Pour répondre aux intentions de l'Eglise, cet art
doit constituer la demeure visible de Dieu, de
telle façon qu'elle en représente symboliquement
la demeure invisible (p. 487 ss.). Après avoir
caractérisé en général les procédés dont l'archi-
tecture religieuse doit user pour répondre aux
intentions de l'Église, l'auteur établit dans le
deuxième chapitreque l'architecturegothique a le
mieux répondu aux intentions de l'Église, et
symboliquement représenté la demeure invisible
de Dieu (p. 492).
Letroisièmechapitre,plus court, traite de l'archi-
tecture profane (p. 5 19). L'auteur établit que le
style le mieux approprié à ses besoins est le style
gothiqueet condamne l'architecture de la Renais-
sance.
L'histoire démontre d'ailleurs que l'archi-
tecture profane ne s'est jamais développée
indépendamment de l'architecture religieuse,
c'est pourquoi son progrès ou sa décadence dé-
pend du progrès ou de la décadence de l'archi-
tecture religieuse (p. 525).
Un chapitre des plus intéressants sur /'a/-/
métier (kunsthandwerk) ou comme nous disons
« Vart i)idustricl » termine la huitième partie.
Dès le début de la 9""= partie qui traite de l'art
dramatique, l'auteur distingue, d'après saint Tho-
mas, trois espèces de formes : la forme naturelle,
la forme géométrique et la forme [)lanimétrique.
D'après Aristote (p. 536 s.) l'art dramati([ue nous
donne la conception des formes naturelles.
Le drame n'est donc pas un art par suite de ses
relations particulières avec la poésie(considérée à
un point de vue restreint) mais il est un art pro-
prement dit (p. 538 ss).
Cet enseignement est nouveau, que nous
sachions; ni l'Esthétique ni la poésie ne l'ont
adopté jusqu'à présent, quoique le P. Jungmann
l'ait déjà produit, il y a dix-huit ans, dans sa pre-
mière édition.
L'auteur réfute avec succès les objections qui
lui ont été faites de différents côtés, au sujet de
sa doctrine. Celle-ci, du reste, trouve une confir-
mation éclatante dans la connexion intime qui
existe entre l'art dramatique et la sculpture, re-
connue par Winckelmann et plus explicitement
encore par Anselme Feuerbach à propos des pro-
ductions antiques.
L'union de la sculpture et de la peinture forme
le sujet très intéressant de ladi.^:ième partie. Par
sa nature la sculpture est pragmatique,c'est-à-dire
qu'elle veut représenter des actions de person-
nages, et non pas des personnages seulement. Le
principe des modernes au sujet de l'immobilité
absolue et du parfait équilibre,est encontradiction
formelle avec l'Esthétique grecque. Le mépris du
coloris que manifeste l'Esthétique moderne, est
condamné, non seulement par les arts du moyen
âge, mais encore par l'art classique antique
(p. 556 ss.).
Ces trois propositions sont prouvées longue-
ment,et après avoir déterminé le caractère essen-
tiellement pragmatique de la peinture qui se sert
de figures imparfaites (p. 577 ss.), l'auteur discute,
dans le troisième chapitre, quatre propositions
de Lessing et de l'Esthétique moderne, sur la
sculpture.
Le résultat auquel arrive le P. Jungmann mon-,
tre au lecteur que cette discussion était néces-
saire. Lessing prétend que le but propre de la
sculpture et de la peinture est de représenter la
beauté corporelle. Or, le P. Jungmann prouve
d'une part, (jue l'argument dont Lessing se sert à
priori pour prouver ce qu'il avance, pèche contre
la logique, et d'autre part, qu'il ne peut s'accorder
avec la vérité. Lessing prétend (jue chez les an-
ciens, la beauté cori)orclle formait le sujet princi-
pal des arts plastiques.
Le P. Jungmann, par contre, montre encore que
cette preuve est insuffisante, d'après les lois de la
logique, et appuie son opinion par des faits tirés
des œuvres de Schnaasc, Lubke, R. O. iMuUer,
Rio, Brunn, et parmi les anciens, de Xénophon,
Cicéron, Dio Chrysostome et de l'Anthologie
grecque. Il prouve donc que les anciens eux-
mêmes reconnaissaient au.v arts plastiques un but
beaucoup plus noble et plus élevé.
Signalons aussi la réfutation de cette propo.'-.i-
tion de l'Esthétique moderne, d'après laquelle la
Ti3ibIiograpï)ie.
105
sculpture doit se borner à représenter des figures
isolées spéciales. En s'occupant des doctrines de
Lessing, le P. Jungmann est naturellement amené
à faire la critique de son fameux ouvrage, le
<iLaocoon'^ . Sans doute ce livre prouve une grande
sagacité d'esprit et renferme beaucoup de ré-
flexions vraies. En lisant cependant la critique
que le P. Jungmann fait des propositions fonda-
mentales mêmes de ce livre, on a de la peine à
s'expliquer l'enthousiasme sans bornes qui l'ac-
cueillit à sa naissance, et le prestige immense
dont il jouit encore à présent. En fait, l'ouvrage
de Lessing prêche le plus pur réalisme. Le système
de Lessing sur les arts plastiques ne vit son ac-
complissement que dans les rêves de Schiller sur
« la forme divinisée » et sur « la beauté archi-
tectonique de l'homme ». Pour Schiller, l'idéal
de ce genre est la déesse du Gnide, c'est-à-dire, la
statue en marbre de l'hétaïre nue de Praxitèle.
De là, aux blasphèmes de l'esthétique panthéiste
(Vischer) d'après lesquels, le dieu, c'est à-dire,
l'homme idéal doit son existence à la sculpture
(p. 623, ss.), il n'y avait qu'un pas.
Le quatrième chapitre de cette partie, s'occupe
des arts plastiques au point de vue religieu.x. Le
cinquième, de la sculpture et de la peinture
comme arts civils et hédoniques. C'est dans le
perfectionnement des degrés inférieurs de la pein-
ture (genre, nature morte, représentation d'ani-
maux, paysage) et dans l'intérêt qu'on leur porte,
que le P. Jungmann aperçoit avec beaucoup de
raison et en môme temps que Sulzer.de Lamen-
nais et F. V. Schlegel, la décadence de la peinture
proprement dite (historique) et la prédominance
du réalisme. L'auteur prouve ensuite d'une façon
aussi originale que sérieuse, qu'au point de vue
esthétique, on ne peut tolérer la nudité dans les
arts civils ou hédoniques.
Nous ne nous étendrons pas longuement sur
la onzième partie qui traite de l'éloquence, ni sur
la douzième qui traite de la poésie, ces deux sujets
ne rentrant pas dans le cadre de notre revue.
L'auteur lui-même traite brièvement de l'élo-
quence parce qu'il a publié séparément, il y a six
ans, une théorie de l'éloquence au point de vue
scientifique, où sont exposés les principes concer-
nant l'Esthétique. Bornons-nous à dire quel'auteur
complète la définition de l'éloquence telle qu'elle
était en usage à Rome au temps de Cicéron.
Celle-ci vaut beaucoup mieux cependant que
toutes celles qui ont été proposées depuis.notam-
ment par des auteurs français.
Quanta la poésie, l'auteur détermine sa tâche
propre qui consiste, moyennant la parole, à provo-
quer des sentiments moralement permis. La
poésie est ainsi séparée des autres arts oratoires,
et qualifiée d'après son essence propre. L'auteur
attire avec beaucoup de raison notre attention sur
la valeur du trésor que constituent les productions
de la poésie religieuse, surtout des anciennes poé-
sies latines. Mone a raison en lui appliquant prin-
cipalement, au point de vue de ses rapports avec
la musique, les paroles qu'Ignace le ^lartyr pro-
nonçait au sujet du christianisme : « Elle mérite
toute considération, elle possède quelque chose
d'admirablement grand. » En effet, malgré sa
métrique ingénieuse, la poésie antique est de
beaucoup surpassée par la poésie religieuse.
De même que dans les autres parties, nous re-
marquons dans la quinzième, qui traite de la mu-
sique, une remarquable solidité psychologique.
La musique impressionne physiologiquement
le jugement sensible (p. 782). L'art de la musique
consiste à rehausser les créations de la poésie par
la mélodie (p 782). Cette définition nous paraît
neuve également. L'antiquité ne connaissait pas,
comme notre temps, la séparation de la musique
et de la poésie;elle considérait comme un seul art
les productions delà poésie unies à la mélodie, et
c'est ce qu'elle appelait la musique. D'après elle
l'effet et le but de la musique était de provoquer
et d'exprimer des sentiments déterminés. Cette
manière de voir a été modifiée depuis Bach et
Hàndel, et actuellement la poésie est regardée
comme un art propre ; de même en est-il de la
musique, quoique prise dans un sens plus restreint.
La science ne s'est pas préoccupée de ce change-
ment essentiel dans la manière de l'interprétation,
elle a continué à attribuer à la musique (quoi-
qu'elle ne comprît sous ce nom autre chose que
l'art, qui exclusivement livre l'élément tonique,
c'est-à-dire la mélodie) la même activité et la
même disposition qu'on lui donnait dans le temps,
alors qu'on l'entendait dans le sens de la liaison
de l'élément tonique avec le te.xte. C'est là l'er-
reur contre laquelle s'élève Ed. Hauslick, et avec
raison (Du beau musical). Le P. Jungmann est
tout à fait de cet avis, et son opinion est la
même: la musique seule est incapable d'inter-
préter ou d'occasionner des sentiments détermi-
nés (p. 846 ss.).
Il y a cependant entre eu.x un point de désac-
cord; Hauslick prétend que la musique instru-
mentale est la musique prise dans le sens propre.
Le P. Jungmann par contre, prouve, et cela du
témoignage même de Hauslick, que la musique
instrumentale proprement dite, ne peut être com-
ptée au nombre des beaux arts (p. 852 ss.).
Les chapitres traitant du champ liturgique et
de la musique «pseudo-liturgique», contiennent
la preuve certaine, que tous les chrétiens pieux
doivent préférer le chant grégorien pour les céré-
monies liturgiques, au chant en mesure (Benoit
XI V)._ Le chant polyphone compris dans le sens
de l'Ecole romaine a obtenu l'approbation de
l'Eglise, c'est pourquoi il est parfaitement toléré.
i^^' LniiAisoN.
io6
ïReiJue De l'art c&rctien.
11 résulte de ce que nous venons de dire, que
les messes incomparables de Ha}'dn et de Mo-
zart sont tout à fait contraires à la manière de
voir de Grégoire le Grand. L'erreur doit nécessai-
rement se trouver quelque part; ou bien, Am-
broise, Grégoire et tous les papes, qui après lui
ont recommandé et même ordonné ces mélodies,
n'ont pas compris l'essence de la piété et des sen-
timents religieux, ou bien les compositeurs pro-
fanes des deux derniers siècles se sont trompés
(p. 838 ss.).
Entre ces deux suppositions le choix n'est pas
difficile à faire.
L'auteur étudie ensuite la musique comme art
profane et sa manière de voir sera certainement
l'objet de contestations. Nous ne pensons pas
toutefois qu'il ait à s'en inquiéter, en supposant,
qu'on discute au point de vue de la science et du
raisonnement.
L'opéra, la fiction, tels qu'on les comprenait au
XVI I*= siècle, si fécond en monstruosités, sont
condamnés comme une absurdité (p. 811 ss.).
Cette conséquence découle avant tout de la doc-
trine enseignée par l'auteur dans la troisième
partie, à savoir que l'art dramatique ne représente
pas un sujet au moyen de paroles, comme c'est le
cas dans la poésie, mais qu'il imite l'action, c'est-
à-dire, qu'il emploie des personnages fictifs; or,
entre les personnages fictifs et l'élément musical,
l'accord naturel est difficile ; par contre, l'union
de cet élément musical avec la parole, est parfai-
tement naturelle pour l'e.xposition de la poésie.
La conséquence de cette manière de voir trouve
sa confirmation dans les opinions de Schopen-
hauer, Sulzer, Alparotti, Riehl et surtout dans
deux témoignages, dont l'un appartient à Richard
Wagner et l'autre à Ed. Hauslick.
Dans la quatorzième partie, l'auteur s'occupe
de deu.x questions bien intéressantes: <Kdugoût »
et « de la cause de la grande diversité des juge-
ments esthétiques ». Ici encore, la plupart des
preuves sont tirées de Platon, Aristote, Cicéron
et saint Thomas d'Aquin.
— L'Esthétique constitue une des sciences
les plus difficiles; il est donc nécessaire que dans
un ouvrage traitant de cette science et en traitant
sérieusement se trouvent quelques chapitres, qui,
pour bien être compris, demandent des con-
naissances philosophiques assez peu communes
de nos jours. De ce nombre est la seconde
partie, où il est question de la bonté, de l'amour
et de la jouissance (p. 52-96) ; ce sont des con-
naissances, dont Schiller même a reconnu la
nécessité pour ceux qui veulent étudier l'Es-
thétitjue.
Cependant le P. Jungmann a réussi à rendre la
majeure partie de son livre compréiiensible pour
tout homme instruit, plus compréhensible cer-
tainement que les productions abstruses de
l'Esthétique formaliste et panthéiste.
Il a réussi en outre, à en rendre la lecture at-
trayante, chose rare pour les œuvres traitant de
sujets aussi philosophiques, grâce au grand nom-
bre de témoignages invoqués et pour ainsi dire
tissés dans l'exposition, au.x passages non moins
nombreux des poètes les plus célèbres des temps
anciens et modernes, aux traits tirés de l'histoire
des beaux-arts. Celui qui veut, sans se vouer spé-
cialement à l'étude de l'Esthétique, connaître ce-
pendant les différents sj^stèmes qui se sont suc-
cédé, en avoir une idée exacte et pouvoir appré-
cier leur valeur, peut se borner à lire le livre du P.
Jungmann.
L'analyse qui précède suffira pour que nos lec-
teurs puissent se faire une idée de l'importance
de l'ouvrage du P. Jungmann au point de vue de
l'art chrétien. Les grandes questions du réalisme
dans l'art, du nu dans la statuaire et la peinture,
de la supériorité de l'architecture gotliique au
point de vue religieux, de la convenance de cette
même architecture aux besoins de la vie civile, y
sont discutées et résolues.
Nous aurions bien quelques réserves à faire non
pas sur les conclusions auxquelles l'auteur arrive,
mais surles méthodesdedémonstrationemployées
parfois. Ainsi, nous croyons qu'il y a moyen de
démontrer avec plus de rigueur la supériorité du
style gothique sur tous les autres styles, pour nos
contrées. Nous ne pouvons pas admettre non plus
que la cathédrale de Cologne, prise dans son en-
semble, soit le chef-d'œuvre de l'architecture ogi-
vale et surpasse tous les autres monuments
(page 497).
Peut-être l'auteur aurait-il pu choisir comme
type d'hôtel de ville un meilleur exemple que ce-
lui de Munster.
Mais ce sont là des critiques de détail, nous
n'aimons pas les comptes-rendus qui ne renfer-
ment que des éloges, et elles ne nous empêchent
en aucune face de reconnaître la valeur absolu-
ment supérieure de l'ouvrage du P. Jungmann et
de le recommander vivement à nos lecteurs.
Nous nous réjouissons de posséder enfin un
ouvrage complet d'Esthétique, capable de rendre
service aux catholiques.
Le P. Jungmann a dédié son livre à Auguste
Reichcnsperger, le membre bien connu du centre
au Reichstag allemand, qui a tant fait pour
l'achèvement du ilôme de Cologne et qui, depuis
des années, travaille avec un zèle que l'âge ne di-
minue pas à la restauration des vrais principes
artistiques.
Quant à l'exécution typographique, la nouvelle
édition est bien supérieure à la première et fait
honneur à la librairie Ilerdcr de h'ribourg qui en
est à la fois l'imprimeur et l'éditeur.
ns
BiùUograpfjic.
107
Le texte est enrichi de neuf illustrations, parmi
lesquelles nous citerons pour la perfection la pho-
totypie de la Sainte Cène de Léonard de Vinci, et
pour la nouveauté la Vierge, peu connue et fort
remarquable, de la bannière de Strasbourg. Il
nous reste à exprimer un vœu: celui devoir pu-
blier le plus tôt possible une traduction française
de l'ouvrage du P. Jungmann. Nous sommes
convaincu qu'elle trouverait un grand nombre
de lecteurs et aurait une influence considérable
sur les progrès de l'art chrétien. X.
COLLKCTION DKS DÉCRKTS AUTHEN-
TIQUES DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DES
RITES, par Ms"" X. Barbier de Montault, prélat de la
Maison de Sa -Sainteté. Huit volumes de 500 pp.,
renfermant plus de sept mille décisions, depuis la
fondation de la Congrégation des Rites par le pape
Sixte-Quint, en 15S7, jusqu'à l'année 1870. — Prix
net, franco 24 fr.
L'importance du recueil complet des décrets
authentiques de la Sacrée Congrégation des
Rites, augmente, à raison du retour générai à la
liturgie romaine et des études auxquelles se livre
le clergé pour que les cérémonies du culte soient
accomplies dans l'ordre légitime et canonique.
Pendant plus de deux siècles, on n'eut pas
d'édition authentique des décrets de la Congré-
gation des Rites ; on ne les connaissait que par
les citations qu'en faisaient les écrivains qui
étaient en position d'être exactement informés ;
ainsi, Gavantus, Merati, Cavaliéri, Benoit XIV,
et autres qui habitaient Rome.
En 1808, le cardinal de la Somaglia, préfet de
la Sacrée Congrégation, fit entreprendre l'édition
authentique connue sous le nom de Gardellini,
qui surveilla l'impression. L'édition a été con-
tinuée, et plusieurs volumes ont été ajoutés à
l'reuvre primitive.
Cette édition est-elle complète ? Il faut se
garder de le penser. En effet, des décrets soit
anciens, soit modernes, se retrouvent en original
ou en copie authentique, dans les bibliothèques
et les archives, aussi bien que dans les livres et
revues qui traitent de matières ecclésiastiques.
En 1863 et 1865, trois mille décrets qui ne
sont pas dans Gardellini. ont été publiés dans
les Analecta jiiris pontifiai, d'après les registres
authentiques de la Sacrée Congrégation des Rites.
Réunir en un seul corps ces éléments dispersés,
tel a été le but de cette collection nouvelle, qui
a le mérite de grouper et de coordonner toutes
les décisions qui ont paru jusqu'à ce jour.
Les décrets se succèdent suivant l'ordre chro-
nologique. La première édition de Gardellini
commençait à l'an 1600; on ne savait rien des
actes de la Sacrée Congrégation tlurant les
treize premières années de son existence. Gar-
dellini retrouva plus tard les anciens décrets,
qu'il croyait perdus sans remède ; il les publia
à la fin de son cinquième volume. L'édition
nouvelle les a reportés à leur véritable place,
dans l'ordre chronologique. L'éditeur a agi de la
même manière par rapport aux trois mille
décrets nouv'eaux que \c?, Analectajuris pontificii
ont fait connaître.
Chaque décret, dans cette édition, porte en
titre un sommaire en français et le nom en latin
du diocèse pour lequel il a été rendu. Vient
ensuite le texte même du décret, dans son
intégrité. On a traduit en français les suppliques
qui étaient en langue italienne, en sorte que les
lecteurs français ne perdront rien de la précieuse .
collection. Les décisions de la Sacrée Congré-
gation sont toujours rédigées en latin, sauf de
rares exceptions.
Les décrets publiés dans ce recueil ont trait
à la célébration du saint sacrifice de la messe,
à la célébration des offices divins, aux cérémo-
nies solennelles ou particulières, à l'interpréta-
tion des rubriques générales, à l'administration
des sacrements, à la répression des innovations,
des usages blâmables et des abus.
On y trouve aussi tout ce qui concerne la
correction et la pureté du texte des livres litur-
giques, qui sont : le bréviaire, le missel, le mar-
tyrologe, le pontifical, le cérémonial et le
rituel. On y remarque également l'approbation
des offices, des hymnes et autres prières spéciales.
Les huit volumes renferment plus de sept
mille décisions, comme il a été dit plus haut.
On se perdrait dans ce labyrinthe si l'on n'y
était guidé par un fil conducteur. Non seulement,
chacun des huit volumes est orné de sa table
particulière, disposée dans l'ordre alphabétique,
de manière à rendre les recherches promptes
et faciles ; mais l'éditeur a placé à la fin du
dernier volume une table générale des matière-;
de toute la collection. Une troisième table fait
connaître par ordre alphabétique les diocèses
qui ont consulté la Congrégation et donné occa-
sion aux décisions.
Cette édition a été etitrcprise, coordonnée et
achevée sous la surveillance de Mgr Karbier de
Montault, prélat domestique du Saint Père. Son
Émincnce le cardinal Donnet voulut bien accep-
ter la dédicace.
L. Ch.-\illot.
LES ARTS A LA COUR D'AVIGNON SOUS CLÉ-
MENT V ET JEAN XXII, par M.WRicE F.^ucon.
— In-S'" de 124 PI), avec 2 pi. — Paris-Thorin 18S4. —
Extrait des Alclanges d'Art/i(flh\i:;ie et d' Histoire. (Ecole
rran(5aise à Rome.)
io8
iReuuc De rart cbrcticn.
MM. Faucon, en dépouillant les registres
des comptes du trésor pontifical conser-
vés aux archives secrètes du Vatican, a pu en ex-
traire les matériaux d'une étude pleine d'intérêt,
sur les arts à la cour des papes d'Avignon, et sur
la vie privée de Clément V etde Jean XXII. A ce
double point de vue, le travail que nous signalons
abonde en données nouvelles. Les noms d'artistes
sont très nombreux dans ses extraits de comptes.
Quand Clément Vchoisit.en i309,Avignonpour
résidence, ilnesemble pas avoirpenséàrendrecettc
résidence définitive; il ne prévit pas que ses suc-
cesseurs fixeraient leur cour sur les bords du
Rhône. Aussi, point d'édifices nouveaux, pas d'ar-
chitectes ni de peintres pour les décorer. Un
orfèvre siennois, maître Tauro, suffit à ses besoins
et à ses libéralités.
A l'avènement de Jean XXII, les choses chan-
gent de face. Le palais est agrandi, les princi-
pales églises, Notre- Dame-de-Domps, Saint-
Étienne, Sainte-Madeleine, les Carmes, sont répa-
rées, agrandies et couvertes de peintures, et Notre-
Dame du Miracle est tout entière érigée par les
soins du Pape: sa munificence s'étend même sur
les églises et monastères des environs. Son neveu
Armand de Nice élève le Petit Palais.
Alors se forme une école locale d'artistes, et à
leur tète Guillaume Cucuron, qui, de 1316a 1322,
dirige comme architecte, les nombreux travaux
dus à l'initiative du pape. A côté de lui se place
Pierre de Gauriac, et au-dessous, Pierre Aude-
bert, Mezier, Escudier, Rostaing de Morières,
Guillaume d'Aramon, Béranger Bermont, Ray-
naud Ebrard, etc.
Les architectes appellent les peintres. Le prin-
cipal est le frère Pierre du Puy (13 17-1327) qui
dirige une légion d'artistes. Il a pour seconds
Pierre Gaudrac et Carmellagne, et pour disciples
distingués, Pierre Massonier et l'anglais Thomas
Daristot.Ces artistes peignaient des retables et des
tableau.K d'église en même temps qu'ils exécu-
taient des décorations murales; et autour de ces
maîtres se presse une foule d'ouvriers presque tous
français. L'art italien, qu'on avait cru longtemps
importé à Avignon par Giotto lui-même, n'y eut
en réalité de représentants que sous Clément VI,
à la venue de Simone Martini, précurseur d'un
groupe d'artistes toscans ou ombriens. L'in-
fluence ultramontaine s'accuse seulement,dès l'ori-
gine, dans le domaine de l'orfèvrerie. Sous les
auspices de l'argentier de Clément V, maître
Tauro forma toute une colonie siennoise.
Telles sont, en résumé, les conclusions de cette
étude consciencieuse, que ne peut ignorer celui
qui s'intéresse de près à l'histoire de notre art
national.
LKS SYMBOLES DE LA SAINTE TRINITÉ.
ÉTUDE ARCHÉOLOGIQUE par Eug. Van Robays,
de la comp. de Jésus. (Extrait des Précis historiques.)
— In-S° de 48 pp. — 2 pi. lith. — Bru.xelles, Vromant,
1876. ■ — • 2,00 fr.
Le R. P. Van Robays a rendu service aux ama-
teurs d'archéologie religieuse et surtout aux artis-
tes, en résumant, avec une précision méthodique,
qui n'exclut pas un style élégant, un important
chapitre de l'iconographie chrétienne. Cette
science d'une utilité si pratique devrait être
enseignée dans toutes les écoles d'art et de dessin ;
on devrait en écrire un petit traité à mettre entre
les mains des collégiens à la place du diction-
naire de mythologie. Ce traité n'est pas fait. Les
Didron, les Crosnier, les Cahier, et, de nos jours,
des archéologues, parmi lesquelssedistingue notre
collaborateur, M. le C"= Grimouard de St-Laurent,
en ont préparé les matériaux. Mais on trouve peu
d'écrits qui mettent, comme la brochure que nous
signalons, ces connaissances à la portée de ceux
qui pratiquent la peinture, la sculpture et l'ima-
gerie.
L. C.
LE RELIQUAIRE DE L'EGLISE D'AUGNAT(en
Auvergne), par M, l'abbé GuÉLON, curé de la Salvetat. —
Clermont-Ferrand, Thibaud, lib. 1S83, in-8°.
On lit dans la Revue Lyonnaise :
Les anciens émaux sont devenus des plus rares. Con-
servés jadis dans les trésors de nos églises où les avaient
apportés les pieux pèlerins qui allaient visiter les Lieux-
Saints et les chevaliers des croisades, ces objets d'art ont
péri poui la plupart dans nos guerres de religion ou ont
été brisés par la Révolution. C'est donc aujourd'hui une
véritable bonne fortune pour les amis des arts c|uand ils
peuvent en rencontrer un, qui a survécu au naufrage de
tant de monuments si précieux. Au nombre des chercheurs
heureux est I\L l'abbé Guélon, un archéologue distingué,
curé d'une paroisse dans les montagnes de l'Auvergne, où
se dresse encore l'un de ces admirables châteaux-forts
élevés par les Templiers dans leurs commanderies. Dans
l'antique église de cette humble bourgade se rencontre
même encore une statue en cuivre repoussé très ancienne,
et dont de riches amateurs offrent des sommes considéra-
bles, mais la fabrique a raison de refuser. 'SI. l'abbé Gué-
lon n'a pu manquer de donner une description de cette
statue en même temps qu'il écrivait d'une façon si intéres-
sante la monographie de sa localité.
Le reliquaire qui fait l'objet de sa nouvelle publication
existe dans l'église d'Augnat (Puy-de-Dôme); il a la forme
d'une maison dont le toit, à double pente, est couronné
par une galerie ajourée. Sa hauteur est de quinze centimè-
tres, sa largeur de seize. Son ossature est recouverte de
huit planches en cuivre rouge doré de deux à trois milli-
mètres d'épai-seur, creusées au burin et émaillées par pla-
ces. Vu à distance, tout ce coffret ressemble ù une mosaï-
que ; malheureusement il manque quelques parties de son
ornementation primitive. Mais on y voit encore sur un fond
bleu semé de fleurons, trois cavaliers couronnés dont la
tête est repoussée et eu relief sur la plaque ; on peut y
reconnaître l'arrivée des rois Mages à Bethléem ; la plaque
correspondante devait représenter W-ldoralion. Sur les
petites faces sont les images de sainte Madeleine et de
TJ5i&liograpf)i c.
109
sainte Marthe. Tout dans cet objet d'art rappelle les œuvres
byzantines de la fin du onzième ou des premières années
du douzième siècle que possèdent encore les églises d'Albi,
de la Guêne dans la Corrèze, de Saint-Aurélien à Limoges
et d'autres localités du Limousin.
Ce reliquaire caché dans la poussière d'une sacristie
était pour ainsi dire inconnu. On ne peut donc que savoir
gré à M. l'abbé Guélon de lui avoir consacré une notice
spéciale et de l'avoir représenté sur deux planches jointes
à son intéressante étude.
M. Jacques de Falke vient de publier à Stutt-
gart (VV. Spemann), un livre d'un très grand
intérêt : c'est V Esthétique des industries d'art,
véritable guide et conseiller pour les collection-
neurs des musées, les professeurs, etc. M. Falke
est déjà l'auteur de deux ouvrages très estimés
en Allemagne et Autriche. Ce sont : l'Art dans
la Maison {Knnst un Hause) et l' Histoire du
goût moderne (Geschichte des modernen Gesch-
inackes).
M. Louis Fagan, l'un des conservateurs du
Cabinet des Estampes au British Muséum, dans
son ouvrage intitulé Collectors Marks, est parvenu
à réunir non moins de 688 chiffres, monogram-
mes, écussons, devises et autres signes gravés et
à les classer de manière à faciliter les recherches
aux intéressés.
Bcrioïiiqtie0.
LE RÈGNK DE JÉSUS-CHRIST (').
(Revue illustrée du Musce et de la Bibliothique eucharisti-
ques de Paray-le-RIonial).
Sommaire du n° de juillet i 884.
Texte. I. L! œuvre : Une première année (suite), le
Secrétaire de la rédaction. — IL Symbolisme dans les
vitraux de Saint-Etienne du Mont, K. P. Fristot, -S. J. —
m. Le comte de Chambord, un témoin. — IV. Le
Miracle de Bolsène, M'^'" X. Barbier de Montault. —
V. Monuments de l'Eucharistie, A. F. — E. de L. — A. S.
— VI. L'art chrétien et l'Eucharistie, M. Grimouard de
S' Laurent. — VII. Catalogue du Musée eucharistique de
Paray-le-Monial. — VIII. Adresse des catholiques français
à l'Equateur.
Illustrations. Brique de Kassrin, similigravure Petit.
— Messe de Caravaca, héliogravure Dujardin. — Bijoux
chrétiens, phototypie Quinsac. — Les Evangélistes,
phototypie Braun.
Sommaire du n° d'octobre.
Texte. I. L'œuvre : Les etïluves du divin Cœur, E. de
L. — IL Le premier miracle eucharistique : Emmaiis
I. Lepii-xest de 10 frs. pour la France et de 12 frs. pour l'étran-
ger, payés d'avance.
R. P. Fristot, S. J. — III. Le reliquaire du saint corporal
d'Orvieto, M»-''^ X. Barbier de iMontault. — IV. Monuments
de l'Eucharistie, l'abbé Chabeau, E. de L. — A. de S. —
V. L'art chrétien et l'Eucharistie (IV"= article) M. Gri-
mouard de St-Laurent. — VI. Catalogue du Musée
Eucharistique, A. de S. — VII. Les nouvelles du Règne,
le Secrétariat. — VIII. Index synthétique des deux pre-
mières années de la Revue, E. de L. — IX. Table des
articles de l'année 1884.
Illustrations. Châsse du Vigean et reliquaire de
Salins, similigravure Petit. — L'exposition du corporal
d'Orvieto, héliogravure Dujardin. — Predella au Musée
Borely, phototypie Quinsac. — Le triomphe des docteurs,
phototypie Braun.
CETTE élégante et estimable revue eucha-
ristique que nous recommandons chaude-
ment à nos lecteurs, est en quelque sorte une
publication d'art chrétien, tant il est vrai que la
foi et l'art sont inséparables. Chaque livraison
contient un ou plusieurs articles pleins d'intérêt
pour l'artiste et l'archéologue.
Quelles belles et savantes pages d'iconographie
chrétienne nous donne le R. P. Fristot dans la
livraison de Juillet dernier en nous expliquant le
thème des vitrau.x de la chapelle des catéchismes
à Saint-Etienne du Mont. On sait que cette église
est un véritable musée de peintures sur verre du
XVF'siècle, où l'on a rassemblédes œuvres remar-
quables des premiers artistes de cette époque, tels
que Jean Cousin, Claude Henriet, Enguerrand
Leprince, Pinaigrier, Nicolas Lavasseur, etc..
Quoique d'origines diverses, ceux dont s'occupe
le R. P. Fristot forment dans leur ensemble une
magnifique synthèse qui embrasse l'histoire de
l'Eucharistie tout entière.
Le sens symbolique de ces œuvres pleines de
science théologique est expliqué par l'auteur
avec autorité, à l'aide des textes sacrés, en quel-
ques pages qui deviendront classiques dans les
futurs traités d'iconographie. Ceux qui auront lu
le commencement de ce travail que contient la
livraison de Juillet du Règne, seront impatients
d'en voir paraître la suite.
Le Règne reproduit en phototypie une des
fresques d'Ygolin de Prête {XW" siècle), à la
chapelle du Saint-Corporal d'Orvieto. Cette
planche a pour commentaire un article sur le
Saint Corporal. Aidé de photographies, de
notes prises sur place par M. de Sarachaga, de
documents conservés à la Bibliothèque de Paray-
le-Monial, et de divers écrits. Mgr Barbier de
Montault, qui a l'habitude d'épuiser les sujets qu'il
aborde, se livre à une enquête minutieuse sur le
miracle dont le saint corporal fut l'objet, sur les
écrits qui en ont parlé, et les reliques qu'on con-
serve du saint Sang répandu sur le corporal et les
pierres de l'autel de Bolsène. A son tour il l'ana-
lyse sous les différents points de vue de la liturgie.
1 lO
IReouc De l'art cïjrctien.
de l'architecture, de l'iconographie, de l'émaillerie
et du symbolisme.
Signalons encore dans le même numéro une
planche reproduisant divers bijoux chrétiens du
VI*^ siècle (musée du Prado à Marseille). Plusieurs
Semaines religieuses ont fait naguère une excel-
lente campagne en faveur de la croix, présentée
avec raison comme la plus belle parure. Les bi-
joux dont il s'agit viennent à l'appui de cette
propagande, qui n'a du reste pas été sans succès.
Les femmes du VL' siècle prêchent d'exemple.
Exhumés de la poussière et de la cendre de leurs
tombeaux, ces objets en apparence frivoles,
apportent à leur postérité lointaine de touchants
enseignements. Défuntes, elles parlent à leurs
jeunes sœurs et à leurs très arrières petites-
filles.
Nous avons en outre à relever une note sur une
brique découverte en Tunisie, dans une basilique
du 111'= siècle, et offrant un emblème eucharis-
tique ; deux paons qui se désaltèrent dans un
calice.
Enfin, une nouvelle planche, de tapisserie de
Rubens, à Madrid, nous offre la scène du triomphe
des Evangélistes.
M. le comte de Grimouard de Saint-Laurent
poursuit son étude sur l'esthétique. Nous ne citons
que pour mémoire la continuation dtin travail
que nous aurons plus tard à examiner dans son
ensemble : L Art cliréticn et l' Eucharistie, par M.
le comte de Grimouard de Saint-Laurent.
Sous ce titre : Le premier miracle euchai-istiquc,
le R. P. Fristot nous donne une étude sur l'his-
toire et l'iconographie du miracle d'Emmaiis.
De quelle nature était la cène que Notre-Sei-
gneur accomplit avec les deux disciples d'Em-
maiis? De quelle façon se manisfesta-t-il à eux
dans la fraction du pain? — Renouvela-t-il la
cène du cénacle, avec la consécration? Laquelle
des bourgades d'U'mouas, El-Koubeileh et Ko-
louneih, eut le privilège d'être témoin de l'évé-
nement. Telles sont les questions que l'éminent
écrivain étudie à l'aide du texte de saint Luc, des
témoignages anciens, de l'exégèse du récit évan-
gélique, et de données archéologiques. La ques-
tion iconographique qu'il envisage dans son livre
nous intéresse particulièrement, non seulement à
cause du grand nombre d'œuvres remarquables
que cet épisode évangélique a inspirées aux diffé-
rentes branches de l'art, mais par suite de l'écla-
tante confirmation que l'interprétation tradition-
nelle reçoit de la façon dont les maîtres de di-
verses écoles ont rendu Vagnoverunt eu m infrac-
tione panis. La plus ancienne représentation du
mystère d'Emmaiis connue remonte au 111'=
siècle (vue du musée Kircher à Rome). La scène
la plus comrrumément reproduite, était celle du
repas, la même qui est représentée dans la jolie
image éditée par la maison de Saint-Jean l'Evan-
géliste, à Tournai, que nous reproduisons ici.
La première des planches de la livrai-
son d'octobre représente deux scènes extraites
d'une châsse en cuivre doré et émaiUé, celle de
Saint-Pantaléon, à Salin (Cantal) ; le sujet est
le martyre de sainte Procule. Une des fresques
d'Ugolin de Prêle à la chapelle du Saint-Corpo-
ral d'Orvieto, celle qui représente l'e.xposition du
saint Corporal et de l'Hostie (belle phototypie),
un socle de tabernacle du musée Borely à Mar-
seille (XVI"= siècle), et un nouveau panneau de
tapisserie de Rubens à Madrid, (le triomphe des
Docteurs) tels sont les sujets des trois autres.
REVUK LYONNAISE.
Sommaire du n" kl; mai 1S84.
Un réformateur au dix-septiime siècle, par E. Char-
VÉRIAT. — Trois mois à Venise (suite et fin), par
AMliROISE Tardieu. — Les Sculpteurs de Lyon du
XIV" au X 1 7/1' siècle (suite et fin), par N ArALis Rondot.
— Un déjeuner à Antilies, par FRANÇOIS COLLET. —
Les trésors des églises de Lyon (suite), par LÉOPOLD
NiEPCE. — Lettre à M. Paul Mariéton, par FRÉDÉRIC
MlSTR.\L. — La chanson des Yeux, poésie, par P. M. —
Li sètpoiitoun, chanson pro7'encale, par TeobOR AuiîANEL.
— Lou parage de Clapoli, chanson pro7u'n(;ale, par Ai.Iîert
Arnavielle. — La Rouîlo, poésie, par L. liE Berluc-
Perussis. — Bllil.locjRAPHIE : Revue critique des livres
nouveau.x. — Sociétés savantes. — Chronique. — Som-
maire des Revues.
TBibliograp&ic.
I j I
Sommaire du n° de juin.
Ascension du ballon le Gustave, à Lyoti, juin 1784. —
Le centenaire de Montoolfier, août iSSj, par RAOUL DE
Gazenove. — Un lyonnais : Fn'iiiont, par Xavier
Marmier, de l'Acadifmie française. — Notice sur 7en
Manuscrit de la Légende dorée, de la bibliothèque de Mâcon,
par le Comte de SOULTRAIT. — Vital de l'alous, sa
vie et ses œuvres, par A. Vachez. — Rimes riches, poésies,
par François Collet. — Le Congres des Sociétés savan-
tes, 1SS4, par Henri StEIN. — Pensées (suite), par
Joseph Roux. — La Rouina?iço de Jacoumino, poésie,
par FÉLIX Gras. — A las estelos, poésie languedocienne,
avec traduction française, par CONSTANT HENNioNet
Auguste Foures. — Li pichot Mistèri, poésies, par
Alex. Brémond. — Fai-andole, poésie, Auguste Marin.
— Bibliographie : Revue critique des livres nouveaux.
Héliogravure : Réduction du dessin de le Boissieu,
représentant l'ascension du 19 janvier 1784. — Chronique:
Table des articles contenus dans le tome septième. —
Sommaire des Revues.
Sommaire du n° de juillet.
Lettres de Bernard de la Monnoye, par H. Beaune. —
LJ Exposition de Turin, par François Collet. — Les
Trésors des églises de Lyon {suite et fin), par LÉOPOLD
NiEPCE. — Très humble essai de Phonétique lyonnnaise,
par NlZIER DU PUILSPELU. — Les fêtes provençales de
Paris, avec les discours d'' Arène, Mistral et Marié ton, par
Paul MariÉTON. — La Koitèlo, poésie p?-ovcn cale, par
A. DE Gagnaud. — Bibliographie : Revue critique des
livres nouveaux. — Chronique. — Sommaire des Revues.
Sommaire du n" d'août.
Le président Batidrier, par LÉOPOLD Niepce. — Son-
nets, par NlziER DU Puilspelu. — A travers le Vivarais,
Balazuc et Pons de Balazuc, par LÉON VÉUEL. — L'Ex-
position de Turin (suite), par François Collet. —
V Atlantide, Joseph Roux. — Flour de Pasco, par A. de
Gagnaud. — Pèr Santo-Estello de Paris. — Le Lauriè,
par Auguste Fourès. — Chanson de Bresse. — Petites
chansons, par POL DE MONT. — Discours languedocien,
par Jules Boissière. — Bibliographie: Revue
critique des livres nouveaux. — Sociétés Savantes. —
Chronique. — Sommaire des Revues.
Sommaire du n° de septembre.
Les Lyonnais et leur influence, par LÉON RiOTOR. —
JJ Exposition de Ttirin (suite et fin), par François
Collet. — Le Roman naturaliste (suite), par J. Terrel.
— Découverte d'un Christ en buis de fean Guillerniin, par
R.GuiNARD. — .S'a//;rt, par Joseph Kovyi. — La cansoun de
lafouvènço, terzincs provençales, par ValÈre BERNARD.
— Un Noël moniluçonnais de Biâ, texte et commentaire,
par L. C. — Es iéu, sonnet : — La Vido, chanson baptis-
male, par Louis Roumieux. — La première page de
français en Provence. — Chronique. — Errata, par X***.
Bibliographie : Revue critique des livres nouveaux. —
Chronique. — Sommaire des Revues.
Sommaire du n° d'octobre.
fournal d'un Voyage de France et d'Italie ( 1S61), ***.
— Un coup d'œil tragique, par René dic CoL.WAZOU. —
La Morale dans les Fables de La Fontaine, par ALEXAN-
DRE Poidebard. — .'icènes alpestres, poésie, par PuiLS-
PELU. — Lyon militaire sous Louis A'JV, par S. de
RiLLiEUX. — Un poète forézien au XVF siècle, par \\.
DE Terrebasse. — Pensées, par JOSEPH Roux. — Les
antécédents du moi français « baptiser », par Paul
Regnaud. — Rêve, poésie, -par Lucien Scarpatett. —
Vénus Bruno, poème provençal, par Pierre Bertas. —
Lou Viage de la Reina, poème languedocien, par A. LanG-
LADE. — La Roumanço de Guilhem de Berguedan, chanson
provençale, par FÉLIX Gras. — La Negro segairo. — La
noire moissonneuse, planh lani^uedocien, par FoURÈS. —
Chronique félibréenne, par P. AI. - Discours prononcé le
12 octobre à la fête commémorative de Muret, par le Comte
DE Toulouse-Lautrec. — Bibliographie : Revue
critique des livres nouveaux. — Chronique. - Sommaire
des Revues.
NOUS avons déjà signalé l'article de M. L.
Niepce sur les trésors des églises de Lyon.
11 aborde le chapitre navrant qui a rapport
au sac de ces églises par les Calvinistes. — On
peut juger de l'étendue de la catastrophe par des
passages comme ceux-ci : « Le neuvième jour
de septembre baillé et livré au sieur Barthélémy
de Gabiano la somme de 1000 livres, 10 sols en
trois lingots d'argent pesant 71 marcs, 3 onces
proveniies de cliappes qui ont esté brûlées et fondues
par le commandement des messieurs. » — « Payé
au sieur Paris, le cousturier, et à autres six com-
pagnons, la somme de six livres pour avoir vaqué
22 journées à descoudre les cliappes ainsi qu'on
les bnl/oit et fondait » — « Payé à Jean de Lalande
huit benses de charbon à 6 sols la bense, et
12 sols de gros bois, pour la fonte des dites
cliappes ! ! »
M. Niepce donne des détails pleins d'intérêt
sur la restitution de quelques reliques, notam-
ment d'une partie de la mâchoire de saint Jean-
Baptiste, rendue par Jean Cropper. 11 raconte le
sauvetage d'une grande partie des reliques de
saint Juste par l'obéancier Fr. Pupier.
Nous assistons ensuite à la reconstitution du
trésor des églises de Saint-Jean, de Saint-Etienne
de Sainte-Croi.x, après le pillage de 1562. — Les
inventaires accusent un accroissement progressif
de richesses, suivi d'une diminution de reliques et
de leurs récipients vers le commencement du
siècle dernier. Cette analyse des inventaires est
pleine de renseignements utiles pour l'histoire de
nombreux objets d'art.
L'auteur, arrivant à la sombre période de la
révolution, fait un compte soigneux de tous les
objets précieux dont les églises furent dépouillées.
A l'exemple des Calvinistes, les révolutionnaires
décrétèrent en 1792 que les ornements seront
brûlés par des orfèvres experts et les cendres con-
verties en lingots. En 1791 toute l'argenterie non
dorée prit le chemin de la monnaie de Paris.
Dans le courant de l'année suivante on y expédia
250 marcs d'argenterie dorée, — 2 novembre 1792,
nouvel envoi de 190 marcs d'argenterie, — jusqu'en
janvier 1793, l'argenterie envoyée à la fonte
atteignit la valeur de 130,000 francs. Celle de
l'or ne pouvait être précisée. On procéda aussi
au dégalonnevient des ornements. Les étoffes en
I 12
lactiuc ne rart cfjtcticn.
dorure ont produit 619 marcs, les galons en or,
240 marcs, et les galons en argent, 90 marcs.
Parmi les ornements dcgû/onncs, il s'en trouvait
entre autres un enrichi de perles, et portant cinq
tableaux représentant les mystères brodés en or
et en argent.
Après avoir analysé les pertes irréparables es-
suyées pendant la tourmente révolutionnaire par
la primitiale de Lyon, M. Niepce nous fait con-
naître à grands traits les richesses encore con-
sidérables du trésor moderne de la cathédrale.
AVEC la livraison de mai se termine le
travail, si utile pour l'histoire de l'art, que
M. N. Rondot a consacré aux sculpteurs de
Lyon. Sa liste comprend en tout 261 noms, et
parmi eux, il en est d'illustres. M. le chanoine
Bouchant a récemment écrit un ouvrage assez
notable, sur les Richier et leurs œuvres, dont
notre Revue a rendu compte. M. Rondot
apporte des documents nouveaux à leur sujet.
Jacob Richier, maitre sculpteur,né à Saint-Michiel
et probablement fils de Gérard, et de Marguerite
Gronlot-Gérard, née en 1534, était le petit-fils
du fameux Ligier. Cet artiste, cité dans les ar-
chives de Lyon dès 1608, épousa en 161 5 Jeanne
Chaléon, dont il eut deux fils, David et Charles.
Il fut, au service du connétable Lesdiguières, le
principal décorateur du château de Vizelle. Il fit
trois mausolées pour la famille de Lesdiguières. Il
habita Vizelle, Grenoble et Lyon où il fit les tom-
beaux de Charles de Neufville, et de sa femme,
placés dans l'église des Carmélites. La médaille
de Marie de Vignon, qu'on conserve de cet artiste,
est un des chefs-d'œuvre des médailleurs français.
En signalant cesdonnées nouvelles, intéressantes
pour l'histoire des Richier, nous devons dire qu'un
travail récent de M. E. Cartier (i) bat en brèche
l'opinion qu'a émise dans nos colonnes M. le
chanoine J. Didiot, en adoptant l'avis de
M. le chanoine Bouchant, au sujet àQsgros saints
de Solesmes. Ce dernier avait attribué les sta-
tues en question à Ligier Richier. M. E. Cartier,
dont l'autorité est considérable en la matière,
repousse énergiquement cette opinion ; le soli-
taire de Solesmes incline à en faire honneur à
Floris d'Anvers.
Reprenant la liste des artistes lyonnais, et
les documents exhumés par M, Rondot. citons
encore : maître Martin Hendricy, né à Liège en
1614, devenu sculpteur de la ville de Lyon ;
Antoine Coyzevox, dont l'histoire a été écrite
par M. H. Jouin; J.-B. Guillermin, auteur du beau
\. Les sculptures de Solcstnts et les Richier. {Extrait delà Revue
du Monde catholique) Paris, P.iliné, 1884,
crucifix en ivoire conservé au Musée Calvet
d'Avignon (ce crucifix fut commandé en 1650
par les confrères Pénitents de la Miséricorde
d'Avignon, qui en furent émerveillés); Jacques
Mimerai, Nicolas et Guillaume Conston, auteur
de la statue équestre de Louis XIV; Jean II
Thierry, etc.
LA bibliothèque de Maçon possède un des
trois volumes d'un manuscrit de la légende
dorée, contenant des légendes qu'on ne rencontre
pas ou guère dans les autres copies. Il se fait
remarquer en outre par des miniatures d'une
beauté exceptionnelle, paraissant dus à quatre
artistes différents. Il porte les armes de Philippe
de Vermont, ce qui permet de fixer la date de sa
confection entre les années 1430 et 1458. M. le
comte de SouUiart, qui nous fait connaître en
détail le contenu de ce précieux volume, en
extrait in extenso la vie de saint Yves.
Le congrès de Sociétés savantes de cette année
a donné occasion à des réflexions peu flatteuses
pour l'ensemble des sociétés historiques et
archéologiques des provinces. Le Comité des tra-
vaux historiques, fondé il y a cinquante ans sous
l'inspiration de M. Guizot, réorganisé récemment
par AI. Ferry, n'a pas produit merveille. La même
situation existe en Allemagne, et M. G. Hay s'en
est plaint naguère dans une vigoureuse bro-
chure (').
Un article récent (=) du Polybiblion, dû au
savant professeur de l'Université de Liège,
M. Godefroid Kurth, dit aussi son mot sur cette
question délicate. Tous signalent le mal, qui est
l'apathie des sociétés, et proposent des remèdes
plus ou moins efficaces.
A son tour M. Henri Stein prend à partie nos
érudits de province, « les travaux de quatrième
ou cinquième main, les inepties philologiques,
les dissertations philosophiques à perte de vue,
les rêveries préhistoriques, les mauvaises traduc-
tions latines de chants incompris, » qu'il reproche
à beaucoup d'entre eu.x etc. Il propose comme
remède, décharger les différents membres du co-
mité des travaux historiques de la haute direc-
tion historique et archéologique des divers
départements. 11 signale au.x sociétés savantesune
source de documents trop négligée, et qui pourrait
largement alimenter leurs travau.x : ce sont les
archives seigneuriales et notariales. Ces dernières
devraient être centralisées soit au chef-lieu du
département, soit dans les chambres de notaire;
avec M. Kurth, il conseille aux sociétés locales
de se réunir entre elles en congrès régionaux.
Heureuse a été l'idée d'organiser à l'exposition
de Turin un château et un bourg du moyen âge,
1. Die Territorial-Geschichte und ihre Beuchti^un^. CJotha. 1S82.
2. Folybiblion, t. XI, 18S4, p. 278.
15 i 6 U 0 g r a p f) i c
"3
formant la section de l'Histoire de l'Art ; char-
mante est la description que donne de ce pitto-
resque ensemble M. Collet.
L'aspect extérieur et les ouvrages de défense du
château sont reproduits au château d'Ivrée ; la cour, du
château de Fenis ; la salle baroiiale, du château delà
Manta, autrefois aux marquis de Saluce ; les cuisines, la
chambre à coucher et la chapalle, du château d'Issogne ;
la salle d'armes, du château de Verres ; les décorations
du plafond, des châteaux de Strambino, près l'Ivrée et
d'Issogne.
Les fresques ont été exécutées d'après des calques ou
des copies très exactes de fresques originales. Pour les
meubles, les tentures, les tapis, le linge, la vaisselle, les
ustensiles et bibelots de toutes sortes, on a reproduit
tout ce qu'on a pu trouver de pièces authentiques, aux
armes de familles nobles établies dans le Piémont au
XV' siècle. La reste a été exécuté, sur les dessins de
M. Gilli, d'après des miniatures de manuscrits, des
estampes, des fresques, des tableaux, des vitraux peints,
des broderies sur étoffes ; ou à leur défaut, d'après des
inventaires de mobiliers de châteaux piémontais com-
pulsés et annotés par Piétro Vayra.
Les maisons du bourg sont des restitutions de maisons
originales encore existentes à Bussoléno, dans la vallée
de Suse, Frossasco, près Pignerole, .-llba, Cuorgué,
Chierie, Toigliana, Borgo franco, Pignerol, Mondovi,
Osegna. La fontaine est reproduite des anciennes fontaines
publiques d'.-Vulx et de Sabbertrand, dans la vallée de
Suse, sur la ligne du chemin de fer de Modène â Turin.
Les portes ont leur modèle à San Gioro, à Asti et à
Rivoli ; une tour est imitée de la tourelle d'une maison à
Alba.
Au débouché d'un sentier pittoresque on se trouve
tout à coup au pied du haut mur d'enceinte du bourg.
Une croix de pierre, naïvement ouvragée, se dresse sur
un socle carré. A l'angle s'élève une tour ronde percée de
meurtrières, rentlée de moucharabis. En face l'unique
porte du bourg s'ouvre béante, menaçante sous une
grosse tour carrée, curieusement décorée de fresques.
Un fossé franchi par un pont-levis, s'enfonce en avant
du mur et des tours. Le sommet du mur est découpé
de créneaux. La maçonnerie du mur et des tours est
faite en cailloux roulés disposés en fougère.
La porte franchie, nous voici sur une petite place du
fond de laquelle part la rue étroite, tortueuse, pittoresque
qui conduit au château, à l'extrémité et au point culmi-
nant du bourg. Les maisons sont hautes perchées sur
des portiques. Les toits se redressent en pignons et en
tourelles. Les étages s'avancent en porte îi faux les uns
au-dessus des autres. Les murs sont en briques, en
pierre, en torchis. Les charpentes sont partout apparen-
tes ; les tètes des poutres s'arrondissent, se tordent en
figures fantastiques. Les fenêtres sont rares, petites ou
coupées de meneaux dans les deux sens, et garnies de
papier huilé ou de petits lozanges de verre enchâssés
dans un réseau à mailles de plomb. Partout la pierre
est sculptée, ou recouverte de fresques ou d'appliques
en terre cuite. C'est une débauche d'ornementation
naive, un décor perpétuel d'une charmante originalité.
A droite et à gauche, tout le long, s'enfoncent les por-
tiques, bas, aux arcades de pierre ou aux lourds piliers
de bois ; voûtés, comme des porches d'église, ou plafon-
nés à caissons, comme des salles de château ; élevés
d'une ou deux marches au-dessus du sol de la rue ;
ser.-ant de vestibules et de dégagements aux bou-
tiques et aux ateliers qui s ouvrent au fond. Chaque
boutique, chaque atelier est occupé par des artisans et
<les bourgeois, hommes et femmes, en costume du temps.
La rue s'élargit en faisant un brusque détour h
gauche. Nous sommes en face de l'église. La façade
est couverte de fresques. La porte est fermée. On
cherche instinctivement le custode pour se la faire ouvrir,
quand on s'aperçoit que cette façade alléchante cache
l'absence du reste. D'im;îérieux motifs financiers ont
imposé ce trompe l'œil à la commission. A gauche, au
delà d'un passage voiité, qui descend à un embarcadère
sur le Pô, l'hôtellerie s'annonce par la branche de pin
traditionnelle et par l'inscription : « à l'insègne de sainte
Georgeo on mange bien. »
Une place triangulaire marque la fin du bourg. Le
mur crénelé du préau de l'hôtellerie forme un des côtés.
Le fond est formé par le mur d'enceinte, couronné de
créneaux mauresques, flanqué de tours. A droite, sur
un monticule abrupt, se dresse fièrement le château.
Le chemin de mulet qui y conduit passe devant un
hangar oii sont rangées les machines de guerre ; les
balistes et les catapultes à lancer des boulets de pierre
et des carreaux. Un pont mobile précède la porte fermée
par une herse de fer, dont la manœuvre se fait par des
treuils placés à l'étage au-dessus. Une salle fortement
voiitée donne accès dans la cour. Bien jolie, cette cour,
sur trois côtés, deux galeries de bois superposées ser-
vent de dégagement aux appartements des deux étages.
Au fond un perron semi-circulaire, puis un double
escalier, aux marches trop hautes, conduit à la première
galerie, dans un coin de laquelle les faucons se tiennent
debout, chaperonnés de rouge, sur leurs perchoirs. Des
armoiries, des devises, des personnages, les scènes
grotesques ou fantastiques sont peints à fresque sur les
murs. Deux escaliers en pente douce s'enfoncent dans le
sous-sol où sont disposés les celliers, les écuries et les
cachots.
On entre par une porte basse, toute bardée de fer,
dans la salle d'armes. On traverse la cuisine des gens,
celle des maîtres, et on débouche dans la salle à manger
magnifiquement décorée ; la chaire du seigneur tourne
le dos à la grande cheminée. Son couvert est mis sur
une nappa damassée de couleurs vives. La nef d'orfèvre-
rie contenant les épices est placée à côté.
Deux longues tables bordées de bancs et d'escabeaux
sont destinées aux serviteurs et aux hôtes. Quatre
crédences sont chargées de vaisselles de terre vernissée,
d'étain et de cuivre ; de hanaps, d'aiguières, de buires,
de bassins aux formes variées.
.■\u premier étage on visite une salle de défense, au
dessus de l'entrée, l'antichambre, la salle d'apparat, la
chambre nuptiale, l'oratoire, une seconde chambre à
coucher et la chapelle. Les murs de la salle d'apparat
sont couverts de peintures curieuses qui représentent, d'un
côté, la fontaine de Jouvence et ses effets merveilleux ;
de l'autre une série de héros tel que: «Julius César»
« Judas i\Lachabeus » le « Roi David >\ et le « Roi .-Vrtus».
Il ya sur l'autel de la chapelle un splendide triptyque en
bois sculpté et doré. Toutes les fenêtres sont garnies de
vitraux peints. On redescend par un escalier droit ménagé
dans le donjon, on voit en passant, la chambre du scribe
encombrée de manuscrits et de Chartres, et on aboutit à
un passage souterrain, voûté et sombre, par lequel on se
retrouve bientôt en dehors de la seconde enceinte, contre
la palissade qui forme la première défense du bourg.
Un sentier couvert vous ramène au chalet et au tourni-
quet.
Il vient de se faire à Lyon une découverte
inattendue qui intéresse l'art chrétien. Il s'agit
d'un second Christ en croix du sculpteur lyon-
nais, Jean Guillermin, célèbre par le Christ en
ivoire d'.\vignon dont nous parlions plus haut.
Cette pieuse sculpture appartient à M. E.
1S35. — i^*^ Livraison
114
IRctJue De lart cbrcticn.
W'aldmann ; une vente a^-ant attiré son attention
vu le prix d'objets similaires, il letira de l'ainioirc
ce trésor enfoui,et convoqua ses amis pour l'exa-
miner ; on reconnut alors que l'objet était signé :
FEciT Jean Gvii.lermin.
On consulte Désandré, dans son Essai liistori-
qnesurles Crucifix d'ivoire, et l'on trouve le signa-
lement de l'objet. On le rapproche du Christ en
ivoire d'Avignon: on retrouve entre les deux tous
les traits de ressemblance que comportent les
œuvres d'un même artiste.
C'est l'histoire de cet intéressant crucifix, que
raconte, en quelques pages écrites avec élégance
et érudition, M. F. Guinard, doyen de la faculté
de Théologie de Lyon.
L. C.
revue des arts décoratifs.
Sommaire du n° de novembre 1884.
TEXTE. — A nos lecteurs^ par Victor Champier.
• — Sur le décor du verre, par Emille Galle. — Les
metibles de l'école de Bourgogne, par A. DE Champeaux.
— Lettres d'Angleterre : la poterie de Laiiiletli, par P. V.
— Nos plcinclies hors texte. — Chronique de renseignement.
— Gazette tiniverselle. — Bulletin de PUnioti centrale des
Arts décoratifs (documc7its sur la S" Exposition; — la
loterie).
PLANCHES HORS TEXTE. — Sculpture de'corative:
Fragment de la cheminée du château d'Ecouen (XVI'^
siècle). — Vases en porcelaine de Sèvres. — Esquisse
pour une composition décorative, par P. V. Galland.
La Revue des Arts décoratifs avait annoncé son
décc.s, et nous avons reproduit la nouvelle dans
notre dernière livraison en faisant à la Revue son
oraison funèbre. Mais c'était une mort de phénix,
car voici que la défunte renaît de ses cendres. —
Après quelques mois, elle reparaît dans le même
habit très élégant, sous la direction, cette fois,
de V Union centrale des Arts décoratifs qui de-
vient son propre éditeur. Elle reprend la série
de ses articles de vulgarisation des arts industriels,
joliment illustrés et se distinguant à la fois par
l'élégance de la forme et le caractère pratique.
Monsieur Emile Galle, quittant l'émail et le
touret pour la plume, nous initie aux secrets du
décor du verre. On voit qu'il est du métier, car
son style a le brillant, le piquant, l'étincelant
de la verroterie et de la cristallerie. — Nous
avons grande envie de lui serrer la main, pour
avoir si bien formulé une si féconde vérité : « Le
décor dn verre, c'est-à-dire reinbcllissetiient d'une
vialicre splendide, consiste à mettre en valeur les
propriétés auxquelles il doit son prestige, et non
d'autres.y> — Cet a.xiômc paraît banal; plût à Dieu
qu'il fût admis par tous en pratique ! — Les
idées de l'auteur sur l'esthétique du verre sont
aussi limpides de vérité que brillantes dans leur
expression. On reprend confiance dans l'avenir de
l'art, quand on lit de pareilles pages.
Monsieur M. de Champeaux, en nous entrete-
nant des meubles de l'école de Bourgogne, et de
cette menuiserie lourde et bizarre qui s'est inspi-
rée des compositions monumentales du Dijonnais
Hugues Sambin, prénnunit heureusement le lec-
teur contre les défauts de goût qui caractérisent
cette école intéressante mais peu exemplaire.
Sans ces réserves, d'ailleurs trop timides, l'étude
en question contiendrait en fait de principes, et
au point de vue de son influence sur les artistes,
le contrepied des saines idées de M. Gallé.
Nous avons été heureux de retrouver, dans un
article consacré à \a. poterie Lainbcth de Londres,
les mêmes impressions que nous avons éprouvées
nous-mêmes en visitant les ateliers artistiques de
la fameuse maison Doulton. Il y a là des
traits saillants dont chacun devrait faire son
profit. — Puiser les idées aux sources originales,
dans les musées, au lieu d'imiter ses concurrents ;
répudier tout élément étranger dans le personnel
artistique, afin de rester original ;faire d'une bonne
école de dessin la pépinière de l'atelier; laisser à
chaque artiste son initiative, dans une limite con-
venable ; bannir toute recherche prétentieuse, se
complaire dans une noblesimplicitéd'effctjdeman-
derà la matière même l'inspiration des formes; tels
ont été les principes appliqués chez Doulton. —
Partout ailleurs il produirait merveille. — Nous
serions tenté de reprendre ici la formule de
M. Gallé, et de dire : le décor de la terre, c'est-à-
dire l'enibcllisseinent d'une matière commune par ttn
verni brillant, consiste à mettre en valeur de faibles
reliefs rehaussés par une coloration peu variée, et
des dessins très décoratifs, et bien appropriés à la
forme générale de l'objet.
GAZETTE ARCHÉOLOGIQUE.
SoM.MAIRE DE.S N"^ 8-9 1884.
TEXTE. — L. Munatius Plancus et le Génie de la
ville de Lyon, par M. J. DE WlTTE. — Les trésors de
vaisselle d'argent troiivés en Gaule, par MM. H. Thi'.DE-
NAT et A. HEron DE ViLLEFOSSE (suite). — Fouilles et
recherches archéologiques au sanctuaire des jeu.vis th niiq lies,
par M. Paul Monceau. — Le chapiteau normand aux
XI' et XJP sihies, par M. Ruprich-Rdbert. — Vierge
en ivoire de la collection Bligny, par M.R. DE LASTE^•RIE.
— Chronique : Académie des inscriptions et belles-
lettres ; Société nationale des antiquaires de France ;
nouvelles diverses ; sommaire des recueils périodiques ;
Bibliographie.
PLANCHES. — xxxiv. L. Munatius Plancus et le
Génie de la ville de Lyon. — xxxv-xxxvii. Trésor
d'argenterie romaine découvert h Moncornet (Aisne). —
xxxviil. Plan archéologique de l'Isthme de Corinthe. —
XXXIX. Chapiteau.\ anglo-normands du XIl"^ siècle.
On remareiuc à l'époque romane, en Norman-
die, deux sortes de chapiteaux : celui du XP
15 i b I i 0 5 r a p f) i c .
115
siècle, qui semble dériver de l'art antique et re-
produit généralement la volute classique ; et le
chapiteau cubique, qui apparaît au XII'' siècle;
cette dernière forme est due vraisemblablement à
l'art de la Scandinavie. — C'est ce qu'établit
M. Ruprich-Robert dans un article extrait d'un
ouvrage qu'il prépare : V Architecture normande
aux XI' et XII"^ siècles, en Normandie et e)i
A ngleterre.
Vers l'an looo, le christianisme fut introduit
en Scandinavie par le roi Olof Trygrason, et l'on
y éleva des églises construites en bois; quelques-
unes, du XII° siècle, subsistent ; on y remarque
que les colonnes des nefs sont des poteaux cy-
lindriques prolongés au-dessusdesarches des bas-
côtés par d'autres poteaux, dégrossis et assemblés
bout à bout, au moyen de tenons pénétrant
dans les chapiteaux des colonnes. — La forme
de ces derniers n'a été adoptée que parce qu'il
fallut conserver au bois, à l'extrémité de la colonne
percée d'une mortaise, toute la force nécessaire ;
cette sorte de renflement à quatre facettes en
demi cercle est, comme le fait remarquer l'auteur,
la conséquence absolument logique de l'emploi
du bois; du reste, détail important et topique, la
base offre la même forme, renversée, que le
chapiteau. L'absence du tailloir achève de
prouver qu'il s'agit ici d'un renflement d'assem-
blage plutôt qu'un encorbellement de chapiteau.
Or, en descendant vers le centre de l'Europe,
on voit cette forme se reproduire en pierre, s'accli-
mater sur les bords du Rhin, gagner le midi.
A Marmoutier, on trouve le chapiteau et la base
norvégiennes dans une colonnette monolithe. — •
Loin de son berceau, ce membre d'architecture
oublie la raison de sa première forme, et à Pavie,
on rencontre ce chapiteau cubique construit en
briques. — - Mais c'est surtout en Normandie et
en Angleterre qu'on constate au XI I'^ siècle l'in-
fluence du chapiteau Scandinave. Là il s'allie
parfois à la volute classique, et toujours il reçoit
le tailloir, auquel il forme lui-même encorbel-
lement. L'emploi de la pierre lui est adapté avec
logique.
Certes les recherches sur les origines de l'archi-
tecture aboutissent rarement à des conclusions
aussi curieuses et aussi saissisantes de vérité, que
l'étude de M.Ruprich- Robert ; nous n'hésitons pas
à croire que sa théorie du chapiteau cubique de-
viendra classique dans les traités d'archéologie.
Nous ne ferons que signaler pour mémoire la
belle vierge en ivoire de la collection Bligny,
dont la Gar:ette donne une jolie estampe avec
une note de IVI. Lasteyrie; nous la reproduisons
nous aussi dans la présente livraison, en même
temps qu'un article de M. L. de Farcy sur l'ex-
position de Rouen.
RKVUE CATHOLIQUE DE BORDEAUX.
EN terminant son cosas de Espana, relation de
voyage pleine de charme, M. P. G. Deydon
s'arrête assez longuement à la visite de YEscurial.
Rien de pesant, de morne, de triste, dit-il, comme
cette masse de granit gris, que le soleil le plus
radieu.x ne parvient pas à égayer. Elle produit
l'effet d'un vaste catafalque défraîchi. —
Philippe II ayant gagné la bataille de Saint-
Quentin le jour de la Saint-Laurent, ce monu-
ment élevé comme ex vota, affecta en plan la
forme de la grille du saint martj-r; l'église en
occupe le centre. Le voj'ageur signale les fres-
ques des voûtes par Luca Giordano, les statues
en bronze doré de Charles-Quint et de Philippe II,
le lutrin colossal, et les centaines de livres de
plain-chant, in-folios de parchemin, ornés d'en-
luminures exquises; à la sacristie, une galerie de
tableau.x comprenant la Sancta Forma, chef-
d'œuvre de Claude Coello, puis le Panthéon, le
Saint-Denis des Espagnols. — Plus heureux que
leurs frères de France, les souverains de ce pays
n'ont pas vu leur suprême repos troublé par la
Révolution; on y voit trois rangées superposées de
sarcophages : Charles-Quint, Philippe II, Phi-
lippe III, Philippe IV, Charles II, Charles III,
Charles IV et Ferdinand I sont là vis-à-vis des
reines qui furent mères ; à côté est le Panthéon
des Infants. Le cloître contient des fresques que
malheureusement les étrangers outragent à plai-
sir. On sort du palais réconcilié avec lui, à cause
de merveilles auxquelles il sert de prison.
Nous trouvons dans la même revue la suite des
Documents historiques sur A rcaclion par iVI . S . Léon
de Gouvéa. L'archéologue y trouvera quelque
peu à glaner.
REVUE DE L'ART FRANÇAIS ANCIEN ET
MODERNE.
Sommaire du n" de septembre 1884.
Partie ancienne : Philibert Deloine, par M. .\. de
MONTAIGLO.N — Le testament et les enfants de Ftan<;^ois
Cloiiet (suite et fin), par M. J. J. Guiffrkv. — Philippe
de Champagne, par A. de M. — Le sculpteur Foneon,
communication de M. J. Guiffrey-Veniat, par A. de M. —
Partie moderne : Montcil et David d'Angers, par M.
A. Advielle. — Le viiniaturiste Aui^ustin, par \'. A. —
NÉCROLOGIE. : F. Ch. F. Combarceis". —Textes. — Nou-
velles diverses.
Sommaire du n° d'octobre.
Partie ancienne : Que sont devenus les Mémoires du
duc dAntin? par M. Henri Jol'in. — Guillaume
Veniat. par M. Paul Mantz. — Le peintre Ferdinand
Elle et le mariage de sa fille Catherine, par M. J.-J.
GuiKFREV. — Le graveur Jean-Baptiste Massard, par M.
A. DE iMoNTAlGLON. — Cochin et FAcatlémie de Saint-
Luc, autographe communique, par M. Etienne P.arrocei,.
— Actes d'état civil concernant Houdon, communiqués.
ii6
iRctJUC t)c r^rt cïjvcticn
par M. II. J. — Quelques peinlres oubliés de Pancienne
Friuicc, lleudon, l.ahoi^uc. Desfossés, Lecaur, Cliérel,
Hcduni, actes d'état civil communiqués par M. H. J. --
Partie moderne : Epitaplies de peintres français
relevées dans les cimetières de Paris : Greuse, Vincent,
Pithou, Michallon, par M. H. J. — Les portraits dartistes
français à la l'il/a A/édicis, Appendice, par M. H. J. —
Nécrologie: Paul Abadie, Joseph de Nittis. — Nou-
velles diverses.
La livraison d'octobre contient des renseigne-
ments nouveaux ou peu connus, d'un intérêt
secondaire, sur une série d'artistes des trois
derniers siècles ; Giiilhniiiie Veniat, menuisier de
la maison du roi (►f. 1656). — Ferdinand Elle,
originaire de Malines, et les graveurs _/. B. Mas-
sard, Cocliin, le statuaire, Hoiidon, né en 1741, et
les peintres, Hendon, Lalwguc, Desfossés, Lecœîtr,
Chère t, Hodiini.
SEMAINES RELIGIEUSES.
M. P. Moreau donne dans la Semaine religieuse
de Bourges un document que ne dédaignerait pas
une revue spéciale. C'est un contrat par lequel
Jehan Chasgiwn, maître brodeur, (le même qu'a-
vait déjà signalé M. le baron de Gcrardot dans
ses Artistes de Bourges) entreprend, en 1577 un
parement d'autel historié très riche. Le détail
en est fort intéressant.
Un bon archéologue donne dans la Semaine
religieuse de Bcauvais, sous ce titre : quelques mots
d'archéologie, des notes rédigées avec science,
dans un bonesprit,et sous une forme attrayante.
On y trouve des détails inédits ou peu connus,
que des spécialistes pourront relever avec fruit.
Nous avons sous les yeux les articles Are triom-
fhal, Pavage et Peinture, qm sont fort instructifs.
L'AquitaiuedL donné une série d'articles signés
A. Dupré, sur le culte de saint Louis dans l'ar-
chidiocèse de Bordeaux. Aux différents points
de vue hi.storique, hagiographique et antéologi-
quc, cette élude ne manque pas d'intérêt.
L Ècito de Fourvières {\>. A,"] \), donne une étude
historique et archéologique sur la crypte de
Notre-Dame et de Saint-Pothin à Saint-Vixier,
richement restaurée et agrandie.
La Semaine religieuse de la Lorraine publie une
intéressante variété sur les Keliqiies de sainte
Pauline à Magiiières.
Un correspondant de la Semaine de Beattvais
a rencontré, en visitant l'intéressante église de
Fresnes-Léguillon, et signale avec raison, trois
belles chapes à orfrois des XVP' et XVIL siècles.
— Il y a trouvé aussi des exemples de ces ealices
de quête dont M. le chan. J. Corblet a parlé dans
nos colonnes (v. son article sur les vases et usten-
siles eucharistiques).
Notre collaborateur Mgr Barbier de Montault
a commencé dans la Semaine de Poitiers une
étude sur le vitrail de Saint-Laurent à la cathé-
drale de Poitiers.
Un collaborateur de la Revue catholique de
Bordeaux, M. l'abbé J. Léon de Gouvéa, dans ses
Documents historiques sur Arcaehon, nous révèle
des détails curieux sur un édifice religieux pres-
que totalement oublié, la chapelle de Notre-
Dame-dcs- Monts, à la Teste, qui servait à une
certaine époque d'église paroissiale.
La Semaine religieuse, historique et littéraire
de Lorraine commence la publication d'un travail
ayant pour objet les origines de l'église de Toul.
Enfin la Semaine religieuse de Rouen nous tient
au courant de la découverte importante, qui vient
d'être faite à l'église de Saint-Ouen. On sait
qu'en exécutant des travaux pour l'établisse-
ment d'un calorifère, on a mis au jour quantité
de sarcophages remontant au XIL' siècle, ou à
des époques antérieures, des sépultures abba-
tiales des plus remarquables. La place nous
manque pour donner aujourd'hui des détails sur
CCS trouvailles. Nous }• reviendrons.
L. G.
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InDe^* biblîograpljique.
:^rcl)éoloste etBeau;c<:^rts^'\
••—-—-—---— jTrance. -.-.-.-c,— .^^-^-^
Allou (Ms"^ A.). — La cathédrale et le palais
ipiscoPAL DE Meaux. — Meaux, Le Blonde), 1884,
in-i 2, 53 p., vignettes.
Bérard (l'abbé F.). — Étude historique et ar-
chéologique sur l'abbaye du Thoronet. (Var. ) —
Avignon, lib. Seguin frères. In-8, 43 p. et pi. — 3 fr.
Bernard (F. C.)- — Notice sur le château de
GisoRS. — Paris, Chaix, 1884, in- 8°, 6 p.
Blancard (L.). — Le saïga mérovingien dérive
DE la silique byzantine. — Marseille, iinp. Barla-
tier, 1884, in-S", 4 p.
Boissoudy (A. de). — La cathédrale de Bour-
ges. — Bourges, imp. Sire, 1884, in-8°, 16 p.
Boissoudy (A. de). — La Sainte-Chapelle de
Bourges. — Bourges, imp. Sire. In-S° 195 p. et pi.
Boutillier(L'abbé).(*) — Le mobilier d'une égli-
se paroissiale DE LA BANLIEUE DE NeVERS EN 1638.
— Nevers, imp. Vallière, 1884, in-8°, 7 p.
Boutillier. — Rapport sur le tombeau d'Yo-
lande DE Bourgogne, comtesse de Nevers, récem-
ment déposé au musée lapid.\ire de la Porte du
Croux. — Nevers, imp. Vallière, 1884, in-8°, 7 p.
Cartier (E.) (*) • — Les sculptures de Solesmes et
LES RiCHiER. — ^1-8° de 32 pp. extrait de la Revue
du Monde catholique.
Chabau (l'abbé). (*) — L'Église d'Ydes et son
SYMBOLISME. — (1884). — Aurillac, chci: l'auteuf.
Clermont-Ganneau (C). — Mission en Pa-
lestine et en Phénicie, entreprise en 1881. —
S'' rapport. — Paris, Maisonneuve et C^ In-8. 146 p.
avec fig. et 12 pi. (Extrait des Arcliives des missions
scientifiques et littéraires.)
Delaforge (E.). — Melun et environ.s, ancien-
nes chapelles. — Melun, impr. Drosne, 1S84, in-12,
26 p.
Delisle (Lcopold), membre de l'Institut, direc-
teur de la Bibliothèque Nationale. - Ivkn taire des
manuscrits de la BlULIOTHliQUENATIONALE. Fouds
de Cluni, Paris, Champion, 1884, in-8, 413 pages.
Faucon (Maurice). — Les arts a la cour d'Avi-
gnon sous Clément V et Jean XXII. — In-8° de
124 pp. avec 2 pi. — Extrait des Allia n^es d'Archéo-
logie et d'Histoire. (Ecole française à Rome.)
I. I^i-s ûuvr.n,t;cs marqués d'un asiérisc|ue (*) sont ou seront
l'objet d'un article biljliographique dans la Revue.
Fournier (E.). — Histoire des enseignes de
Paris, revue et publiée par le bibliophile Jacob,
AVEC UN appendice PAR J. CousiN. — Paris, Dentu,
1884, in-8°, XVI-458 p., dessins et plans.
Germain (L.). Inscription d'autll du XV' siè-
cle, A Marville (Meuse). • — Nancy, impr. Crépin-
Leblond, 1884, in-8°, 8 p. (Extrait du Journal de la
Société d'archcol. lorraine, février 1884.)
Germain (L). — Le camée antique de la
eibliothÎlQue de NA^•CY. — Tours, imp. Bousrez,
1884, in-8°, II p. et pi. (Extrait du Bulleti?i monumen-
tal, 1883.)
Glasson (E.). — Les origines du costume de la
magistrature. — Paris, Laroze, 1884, in-8°, 33 p.
(Extrait delà Nouvelle reloue historique de droit français
et étranger.)
Godard-Faultrier (V.). Inventaire du musée
d'antiquités Saint-Jean et Toussaint de la
VILLE d'Anger!5. — 2" édition. Avec le concours de :
A. Michel, le lieutenant-colonel Duburgua, E. Lelong,
et A. Giffard. Angers, imp. Lachèse et Dolbeau.
In-8, 600 pp. — ' 8 fr.
Grimouard de Saint-Laurent (le comte de),
commandeur de l'ordre de Pie IX. — Manuel de
l'Art chrétien. — Un beau volume in-8. Librairie
Oudin frères, éditeurs, 68, rue Bonaparte, Paris, — 1 5 fr.
Gros (Henry) et Henry (Charles). — Histoire de
LA Peinture a l'Encaustique dans l'antiquité. —
Un volume in-8°, illustré de 30 gravures. Édition sur
papier ordinaire, 7 fr. 50. Quelques exemplaires sur
papier de Hollande, 15 fr.
Guélon (L'abbé). (*) — Le reliquaire de l'église
d'Augn.-\t. — Clermont, Thibaut, 1884, in-8°, 8 p.,
2 pi.
Rucher (H.l. — Restaur.ation des vitraux
de l'église de Solre-le-Chateau (Nord). — Tours,
Bousrez, 18S4, in-8°, 15 p., fig. (Extrait du Bulletin
monumental, 1883.)
Humbert (Lucien). — L'œuvre de Stanislas
DIT LE bienfaisant.
Livret illustré du muséeLuxemboukg, contenant
environ 250 reproductions d'après les dessins originaux
des artistes, gravures et divers documents, publié sous
la direction de F. G. Dumas. i'= édition. Paris, Baschet.
ln-8, LXVn-256 pp. — 3 fr 50.
Lami (S.). — Dictionnaire des sculpteurs de
l'antiquité jusqu'au VP siècle de notre ère.
— Paris, Didier, 18S4, in^", VIII-149 p.
Marionneau (Ch.). — Les Salons bordelais,
ou Exi'osmoNS des beaux-arts .\ Bordeal'x, au
xviii' siècle (1771-1787), avec des notes biogra-
phiques sur les artistes qui figurent à ces expositions.
Bordeaux, V'= Moquet. In-S, XIII-213 pp. — 10 fr.
(Extr. dts publications de la Société des bibliophiles
de Guyenne. Tiré à 175 exemplaires.)
Mély (M. F. de). — La Céramique italienne.
— Sigles et monogrammes. Librairie de Firmin Didot
et C"^^, 56, rue Jacob, Paris, 1884,248 pp.
ii8
iRetiue De l'art cbrcticn
Ménard (R.). Prof, à l'École nationale des Arts
décoratifs. — Histoire des .\rts DÉcoR.vriFS.
La décoration en Grèce. Première partie : Architec-
ture et Sculpture. Paris, Rouam. In-i6, 84 pp. avec
40 fig. — 75 c.
Barbier de Montault (X.), prélat de la maison de
Sa Sainteté. (*) — Collection des décrets authenti-
ques DE L.\ SACRÉE C0NGRÉG.\T10N DES RITES. — ■ Huit
volumes de 500 pp., renfermant plus de sept mille
décisions, depuis la fondation de la Congrégation des
Rites par le pape Sixte-Qnint, en 1587, jusqu'à l'année
1870. — Pri.\ net, franco 24 fr.
Muntz (Eugène). (*) — Le triclinium du L.vrRAN,
Charlemagne et Léon IH. — Paris, Baer, 1 844 ; in-S"
de 15 pp. Pri.x 1.50.
Nageotte (E.). — La polychromie dans l'art
ANTIQUE. — Besançon, impr. Dodivers, 1884, in-S*^,
27 p.
Palustre (Léon). ■— L'ancienne cathIdi^ale
DE Rennes, son état au milieu du XVni<= sii'ccle
d'après des docu.ments inédits. — Paris, CKam-
pion, 1884, in-8°, 216 p. (Entrait du BuUelin monu-
mental ).
Pharond (E.). — La Topographie historique
et archéologique d'Abbeville. — T. HI et dernier.
Paris, Dumoulin. In-8, 62S pp. — 7 fr. 50.
Piolin (R. P. Dom Paul), prieur de l'abb.iye de
Solesmes, président de la Société historique et archéo-
logique du Maine. (*) — Testament du cardinal
Charles d'Angennes (1587). — Mamers, Fleury,
1884, in-8°de 14 pages.
Racinet (A.). — Le Costume historique, 500
planches, 300 en couleurs, or et argent, 203 en
camaïeu avec des notices explicatives et une étude
historique. — 14"= livraison. Paris, Firmin-Didot et
C'"=. In-fol, 92 pp. et 24 pi. Chaque livraison, 12 fr. ;
édition de luxe, — 25 fr.
Ronchaud (L. de). — La Tapisserie dans l'an-
tiquité; le PÉPLOS d'AthÉNÉ; LA DÉCOR.'VTION IN-
TERIEURE DU Parthénon, restituée d'après un
PASSAGE d'Euripide. — • Paris, Rouam. Li-8, 164 pp.
avec vign. — 10 fr.
Taillebois (E). — Quelques mots sur les
PRÉTENDUES inscriptions DES ConVincli TROUVEES
EN Ecosse ; l'inscription tarbélienne du Vieux-
PoiTiERS (Vienne). — Dax,im,)r. Justère, 1SS4, in-8^,
16 p. pi.
Allemagne.
Adamy (Doc. Dr Rud.). — • Architektonik auf
HISTORISCHER U. ASTHEÏISCHER GrUNDLAGE. — • 2''
volume: Architektonik Mittelalters. 1. Abth : Ar-
chitektonik der altchristl. Zeit. 2. Hàlfte. Mit 65
Holzschn. u. ZinkHochatzgn. Hannover, Heiwing.
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archeteurs des médailles romaines impériales et grec-
ques coloniales, avec indication de leur degré de rareté
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des ventes publi(iuesde Paris et de Londres — 29"= et 30=
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^gvptiacarum. — Altàgyptische Inschriiten, gesam-
melt, verglichen, ûbertragen, erklàrt u. autographiert.
3"= fasc. Leipzig, Henrichs. Gr. in-8, |)p. 531-618.
29 fr. (Inhalt : Geographische Inschriften altagyp-
tischer l^enkmaler.) L'ouvrage complet coûtera 250 fr.
Duniichen (Johs.). — Der Grabpalast d. Pa-
TUAMENAP IN DER THEBANISCHEN NeKROPLIS. ^ In
vollstànd. Copie seiner Inschriften u. bildl. Darstellgn.,
u. m. Uebersetzg. u. Eriautergn. derselben hrsg. i.
Abth. Inschriften iib. Titel u. Wiirden d. Verstor-
benen u. Verzeichnisse der alljàhrl. Todtenfesttage,
wiederf. dieselben angeordneten Opferspenden, Nebst
Vorder- u. Seitenansticht d. Grabgebàudes, wie Grun-
driss u. Durchschnitte sammtl. Ràume. Leipzig, Hin-
richs. In-fol., XVI-48 pp. et 27 tableaux. — 63 fr.
Eitelberger von Edelberg (R.). Gesaelte
KUNSTHiSTûRiscHE ScRiFTEN. — 4"= volume. Wien,
Braumiiller. Gr. in-8, X-396 pp. 18 fr. 60. (Inhalt:
Die mittelalterlichen Kunstdenkmale Delmatiens in
Arbe, Zara, Nona, Sebenico, Traù, Spalato u. Ragusa.
Mit 115 illustr. ira Text u. 26Taf. nach den Zeichngn.
d. Archit, Winfried Zimmermann.)
Essenwein, (.A..) Seiman (E. A.). — Kultur
HISTORISCHER BiLDERATLAS. Il' BaND, MoVEN AgE.
— Leipzig, 1883, in-fol. oblong, 120 pi. et texte ex-
plicatif.
Guide pour Heidelberg et ses enviro.ns, avec les
jjlans de la ville, des ruines du château et du jardin
de Schvvetzingen et une carte routière. Wiirzburg,
Woerl. In- 16, 24 pp. — i fr.
Hefner-AIteneck (J. H. von). — Trachten,
KUNSTWERKE UNO Gerathschaften vom fruhen
Mittelalter bis Ende d. 18 Jahrhund. — 2'^ édit.
Francfort, Keller, in-4°.
Helbig (W.). — Das ho.merische Epos, aus den
Denkmal?;rn erlautert. — Archiiologische Unter-
suchgn. Mit 2 Taf. u. 120 in den Text gedr. Ab-
bildgn. Leipzig, Teubner. Gr. in-8, VIII-353 pp. — •
14 fr.
Hermann (K. F.). — Leurbuch der griech-
ischen Antiquitaten. — Neu herau.sg. von H.
Bliimmer und W. Dittenberger, Fribourg, Mohr, 2 vol.
in-8".
Jaennicke (F.). — Mettl.^ciier Muséum —
!'■'■ .\bthcilung: Deutsches Steinzeug bis zum Ende
des 18 Jahrhunderts. Maycnce, Dicmer, 1884, in-8°,
1 1 pi.
Jungmann (Joseph). (*) Priestcr der Gesellschaft
Jesu, Doctor der Théologie und ord. Professor
derselben an der Universitiit zu Innsbruck mit
15it)liograpbie.
119
Erlaubnisz der Obern. — Aesthetik. • — Zweite, voll-
stândig umgeaibeitete und wezentlich erweiterde
Auflage des Bûches « Die Schônheid und die ?chône
Kurst » mit r.eun Illuslratiomn. F'reiburg im Brisgau
Herder'sche Buchhandlung, 1884. Prix: 15 francs.
Lehner(D''F. A. von)Directordes fiirstl.Hohenzol-
lernschen Muséums in Sigmaringen. — Die Marien
VEREHRUNG IN DEN ERSTEN JaHRHUNDERTEN.
(Le culte de Marie aux premiers siècles, par le Z>' F. A.
V. Lehfier, conseiller à la Cour, directeur du musée du
prince de Hohenzollern à Sigmaringen, avec 8 planches
doubles en lithographie. Stuttgart. J. Cotta.)
Levin (Thdr.). — Repertor um der bei der
KONIGL. KUNST-ACADEMIE ZU DuSSELDORF AUFBE-
wahrten Sammlungen. Diisseldorf, de Haen. Gr. in-S,
X-393 PP- — 3 fr. 35.
Mutcher (Rich). — Die deutsche Bucheril-
LUSTRAÏION DER GOTHIK U. FrUHRENNAISSANCE.
4"= et 5*= livraisons. Miinchen, Hirth. In-fol., p. 121-
232, avec nombreuses illustrations. Chaque livraison :
— 24 fr.
Otte (D. Heinr.). — Handbuch der kirchlichen
Kunst-Archaologie d. deutschen Mittelalters.
— In Verbindg. m. dem Verf. bearb. v. Oberpfr.
Ernst Wernicke, 2° volume, i'='' livraison. Leipzig, T.
O. Weigel. In-8, p. 1-160 avec figures. La livraison :
— 5fr.
Pay (J. de). — Die Renaissance in der Kir-
chenbaukunst. — Entwiirfe zu Kirchen, Leipzig,
Wasmuth., gr. in-fol.
Reinike (Kreisbauinsp. E.). — Die klinischen
Neueanten der Universitat Bonn. — Mit vielen
in den Text eingedr. Holzschn. (Aus : « Centralbl.
d. Bauverwaltg. ») Berlin, Ernst et Korn. gr. in-8,
32 PP- — 3 fr. 80.
Springer (Rudolf). — Kunsïhandbuch fur
Deutschland, Œsterreich und die Schweiz.
EiNE Zusammenstelling der Sammlungen, Le-
hranstalten und Vereine fur Kunst und Kunst-
oewerbe. — Dritte Vermehrte Aufiage. Un volume
in- 18, de 601 pages. Berlin, \\'eidmannsch Buch-
handlung 1883.
Straub (le chanoine A.). — L'Hortus deliciarum
de l'abbesse Herrade de Landsperg. — Repro-
duction héliographique d'une série de miniatures,
calquées sur l'original de ce manuscrit du douzième
siècle. Texte explicatif. Ed. par la société pour la
conservation des monuments historiques d'Alsace.
Livr. 4. Strasbourg, Trùbner. Gr. in-fol., 10 tableaux
et 2 feuilles de texte, — 18 fr. 75.
Les 4 livraisons jusqu'ici parues: — 70 fr.
Rozenberg (Adf.). — Geschichte der moder-
nen Kunst. — 4" livraison, Leipzig, Grunow. In-8,
pp. 289-384. Chaque livraison: — 2 fr. 50.
Trendelenburg (Adf.). — Die Laokoongruppe
UND DER Gigantenfries DES Pergamenischen Al-
tars. Ein Vortrag. Mit 2 Lichtdr.-Taf. ■ — Berlin,
Gaertner. In-8, 39 pp. — i fr. 65.
Vorlagen f. keramische Arbeiten, vorwiegend nach
Enlwiarfen der hervorragendsten iMeister der Neuzeit,
insbesondere v. Brausewelter, Dollischek, Copeland
and Sons etc. (Aus: « Blàtter f. Kunstgeweibe ») Wien,
V. Waldheim. In Mappe. In-fol. 38 tableaux et texte
en regard. — 15 fr.
Wurzbach (Alf. von). — Rembrandt-Galerie.
Eine Auswahl v. 100 Gemiilden Rembrandts, nach
den vorzùglichsten Stichen, Radirgn. u. Schwarzkunst-
blattern in unverKinderl. Lichtdr. ausgefiiithv. Mart.
Rommel & Co. 60 Blatterin gr. Fol. u. 4oText-Illustr.
Mit Textbd. — Complet en 20 livraisons. Stuttgart,
Neff. 1'''= livraison ; gr. in-fol., 3 feuilles et 8 pages de
texte avec photogravures. — 4 fr.
Hunnewell (J. F.). — The Historical Monu-
ments OF France. With Plates. — Boston. In-8, xiv-
336 pp. — 23 fr.
Jlelmken (F. Th.). The cathedral of Cologne,
it.s legends, hi.story, architecture, décorations
AND art treasures. — Translated by J. ^\'. ^\■atkins,
2= éd., Cologne, Boisserée, in-8'^.
Kenyon (R. L.). ■ — The Gold Coins of Englaxd
Arranged and Described: Beiiig a Sequel to Mr.
Hawkins' Silver Coins of England. — London. Qua-
ritch. In-8, 290 pp. — 30 fr.
Lee (V.). — EuPHORiox : Being Studies of
THE Antique and the medi.ïval in the Renais-
sance. — Londres, Unwin. 2 vol. in-8°.
Perkins (Charles G.)- — Historical Handeook
OF Italian Sculpture, Illustrated. — Un volume
in-8°,de 432 pages. — London, Remington et Co. 1883.
Stephens (George). — Handbook of the old-
northern runic Monuments of Scandinavia and
England, Londres, Williams and Norgate. — 1884,
in-4°, fig-
Stephens (Prof. Geo.). — Old Northern Runic
Monuments of Scandinavia and England. Now
first Collected and Deciphered. Vol. III. With many
Hundreds of Facsimiles and Illusts. — London, Wil-
liams and Norgate. In-fol. — 64 fr.
'16clg;iriiic.
Guides belges. (*) — Bruges et ses environs. Avec
nombreuses gravures et un plan de la ville. — Bruges,
imp. et lib. de la Société Saint-Augustin, Desclée, De
Brouweret C"''. In- 18, 281 pp. — 4 fr.
I20
IRcD uc Dc ract cbrétien.
Cloquet (L.) (*) Tournai et Tournaisis. — • Un
volume relié de 500 pp. in-12, impression de luxe, ac-
compagné d'une carte de la ville de Tournai et d'une
centaine de gravures. — 18S4. — ■ Sjc. St-Augustin,
Lille. — 4 fr.
S.uti presse : — Anvers et l'exposition, par L.
Kintschots. — Malines et ses environs, par l'abbé
Van Caster. — Gand et ses environs, par E. Bumers.
— Bru.kelles et ses environs, par G. Nève.
Van Caloen (R. P. Dom Gérard) (*) bénédictin de
l'abbaye de Maredsous. — Les bas-reliefs de Mared-
sous provenant ue l'abbave de Florenne et le
ci.MEiTi'-.RE FRANC DE Maredsous. — (Extrait du
t. X\'I des Annales de la Société archéologique de Namur.
in-8% 22 p. Namur, Wesmael-Charlier, 1884 (avec une
planche).
Van Caster (l'abbé G.). — Histoire des rues de
Malines et de leurs monuments. — Malines, imp.
J. Ryckm.<.n3-Van Deuren. In-8, 3S0 pp. — 5 fr.
Van Robays (Eug.) de la com p. de Jésus. — Les
symboles de la sainte Trinité. Étude archéologi-
que. (Extrait des Précis historiques.) — In 8" de 48 ])p.
— 2 pi. lith. — Bruxelles, Vromant, 1876. — 2.00 fr.
^^^^^^^..^ Danemark. — --^— .-.-^
Sick (J. F.). — Notice sur lesouvr.\ges en or
et en argent dans le Nord et sur la « Solvkam-
MER » DES Rois de Danemark. Suivie d'un tableau
des types de différents poinçons et marques de vieille
argenterie européenne. Avec neuf planches. — Copen-
hague, Lehmann et Stage. In-8, 52 pp. — 3 fr.
■ Cspaçjnc.^
Canton Salazar (L.). — Monografia historico-
ARQUEOLOGICA DEL PaLACIA DE LOS CONDESTABLES DE
CaSTILLA, MAS COMUNMENTE CONOCIDA POR CaSA DEL
Cordon. — Burgos, imp. y libr. de S. Rodriguez
Alonso, In-4, 82 pp. y 3 laminas. — 2 fr. 50.
fôollaiioc.
Souvenir d'Amsterdam et de l'exposition, 1883.
— Amsterdam, Joh. G. Steniber Cz. Pet. in-8, 23
planches. — i fr. 50.
Italie.
Bindi (Vincenzo). — Artisti abruzzesi (pittori,
scultori, architetti, maestri di musica, fonditori, cesel
latori, figuli, dagli antichi ai moderni): notizie e docu-
nienti. — Napoli, tip. De Angelis. In-8, 159 pp. —
4fr.
Garocci (Guido). — Il Mercato vecchio di Fi-
renzë: rlcordi e curiosità di storia ed arte. — Firenze,
tip. délia Pia Casa di Patronato — 2 fr. 50.
Gavalcaselle (G. B.) e Crowe (J. A.).— Raf-
FAELLO, LA SUA VITA E LE SUE OPERE. — FirenZC,
suce. Le Monnier. Vol. I. In-8, xi-415 pp. — 10 fr.
InDICAZIONE SOMMARIA DEI QUADRI ed OPERE
d'arte della R. Pinacoteta di Torino. — Torino,
tip. Reale ditta G. B. Paravia e C. di I. Vigliardi. In-
16, 121 pp. — I fr. 25.
Lo Re (l'abbé Giacomo). — Il canto liturgico
ILLUSTRATO SEC0ND0 LE AUTENTICHE EDIZIONI DI Ll-
bri corali. — Palermo, tip. Olivieri. In-8, 192 pp. —
Melani (.\.). — .-\.RCHiTErTURAiTALiANA;parte 2.
(Architettura niedioevale, del Rinascimento, del cin-
quecento, barocca,del settecento e moderna. — Milano,
Hoepli, edit. In- 16, x-217 pp. — 2 fr.
Toxiri (avv. Ag.). — Miniers, zecche et .monete
DELLA Sardegna: ccnni cronologici, con quadri e li-
togralie. — ■ Ancona, Morelli, edit. In-S, 5g pp. —
3fr.
ll^ortugal.
Catalogo DO Museu Nacional de Bellas-Artes,
SECÇAO depintur.a (descrevendo o assunipto de cada
quadro, a sua procedencia, os principaes factos bio-
graphicos de seus auctores, etc.) — Lisboa, imp. Na-
cional. In-8, 97 pp. — 2 fr.
Vasconcellos (Joaquim de). — Historia da arte
EM Portugal. Fasciculo 2", Documentos ineditos col-
ligidos por Rodrigo Vicente d'.\lmeida. — Lisboa, imp.
de la Novedad. In-8, 95 pp. — 4 fr.
Puisse.
Perrin (A.). — C.vtalogue du médaillier de
Savoie. Avec des fig. — Genève, Stapelmohr. In-8.
— 6 fr. 50. J. C.
^
^
I iMiiiii ■iiniiiiipiiiim II ■■■ ■"'^'■°- iiiin ^T'f^rfflytlV^Trf iili^tfffTi¥Mr iTt"rMnff ■■■rTLTr^TifTT¥Trivr iT""^'^*^ ir >;!'■■'■ I II II iim u ynr* n^/i
Gfjrontquc.
SOMMAIRE, — ŒUVRES nouvelles; Pluie de statues; efnoraison d'églises
(Oraduur-sur-Vayres, Besançon, Péronville, Saint-Sernin, Vernoux, Oroix, Paray, Bordeaux,
Hervé, Schaerbeeck, Equateur, Rome) ; Peintures murales du Panthéon et de Saint-Paul à
Londres; hôtel de ville de Saint-Nicolas. — RESTAURATIONS; Jubé delà cathédrale de
Rouen ; clocher de Saint-Front à Périgueux ; hôtel de ville de Louvain ; église de Saint-Bavon,
à Gand ; églises de Bayonville, de Braine le Comte et de Saint-Eustache à Paris ; tour de Clovis ;
Société des Amis des monuments historiques ; la Marienburg ; conservation de monuments et
Sociétés des Beaux-Arts en Allemagne ; travaux à Rome, dôme de Venise. — TROUVAILLES:
Fouilles de la rue de la Bucherie, à Paris ; trouvailles à Tulette, à Harmignées, à Maredsous ;
un Albert Durer et plusieurs Rembrandt. — CONGRÈS ET EXCURSIONS. — EXPOSITIONS.
— MUSÉES. — VENTE.
oecuurfô nouvelles.
N notre temps si pauvre en
grands hommes, les illu-
strations pullulent. Aussi
pleut-il des décorations et
des statues sur la France.
Le nombre de monuments
qui voient le jour depuis
quelque temps, à la gloire
Uj^^là::-j,-Z<^J:^bo . ■ j, -î£ri de nos concitoyens en
faveur dans l'opinion, est quelque chose de prodi-
gieux. Cette épidémie règne du reste aussi chez
nos voisins.
En ce moment sont exposés à la salle Melpo-
mène les projets du monument Gambetta qui ont
été l'objet d'un concours. Récemment on inau-
gurait à Valenciennes le monument deWatteau,
et en même temps la statue d'Etienne Dolet à
Paris. Celle de Simon Saint- Jean s'élevait à
Millery (Rhône). Le monument àes six bourgeois
de Calais est mis au concours. On peut voir au
square du Temple la statue de Béranger sur son
piédestal, et celle de Viollet-Le-Duc préside à
l'installation du nouveau musée de moulages.
M. Idrac termine l'effigie en bronze d'Etienne
Marcel, qui est destinée au petit square de l'Hôtel
de Ville. La maquette en plâtre de la statue
de Claude Bernard a été portée sur l'emplace-
ment choisi à Paris pour son érection, au haut
du grand escalier qui mène au collège de
France. On s'occupe activement du monument
Berlioz. Les amis de Gil-Pérèsont résolu d'élever
un monument à la mémoire de cet artiste, avec
l'aide du ministère des Beaux-Arts. Un comité
fonctionne pour l'érection d'une statue à Ledru-
RoUin, Boulevard-Voltaire. Le monument com-
mémoratif de la Révolution française s'élèvera
bientôt sur une des places de Paris. Les bourga-
des imitent les grandes villes, et la commune de
Tantonville (Meurthe-et-;\Ioselle) vient d'inau-
gurer le monument de M. Jules Tourtel, tout
récemmentdécédé. Les Gantois vont placer Liévin
Bauwens sur le piédestal, RI. Chapu met la main
au monument de G. Flaubert, etc
L'Italie ne reste pas en arrière. Le monument
de Cavour vient d'être l'objet d'un concours. Celui
de Victor Emmanuel, à Rome, sera adossé au flanc
septentrional de l'église de VAra-Cœli, contre
le Capitole, regardant de front le centre du Cor-
so. La statue, véritable apothéose de l'usur-
pation sacrilège, foulera en quelque sorte aux
pieds les ruines de la puissance temporelle du
Saint-Siège. Cette orgueilleuse figure, hissée sur
un piédestal de 12 mètres de hauteur, sera
quatre fois plus grande que nature. — Du reste,
il ne sera bientôt plus possible d'éviter dans la
péninsule une statue de ce souverain, sans se
heurter à une statue de Garibaldi. Plusieurs
villes d'Italie se proposent d'en élever de nouvel-
les, notamment Palerme; rien ne vaut ce qui
vient d'arriver à Pavie, où un comité s'était formé
pour ériger une statue au « héros ». Le monu-
ment a été inauguré l'an dernier, mais le quart
d'heure de Rabelais est arrivé, car la gloire se
paye, surtout en bronze. Or le comité avait
dépensé ses ressources en fêtes d'inauguration,
et le pauvre fondeur en appelle aux tribunaux.
Un monument élevé à la mémoire de Guillau-
me II vient d'être solennellement inauguré à
Luxembourg. C'est une statue équestre sculptée
par M. A. Mercié.
Il nous a toujours paru, que la statue isolée
comporte en quelque sorte la glorification de
l'homme tout entier ; à ce point de vue il y a
véritable scandale, à accorder les honneurs du
bronze à des illustrations très réelles, mais fort
peu édifiantes à certains égards.
Les saints seuls en mériteraient, parce que leur
1885.
i'*^ Livraison.
122
îRctJuc De rart ct)rcticn.
grandeur est surnaturelle. Mais ils sont préci-
sément les déshérités des honneurs publics. —
Tandis que les nations catholiques rougissent de
leurs saints, voici que l'hérétique Angleterre leur
fait la leçon. Lord Grandville élève un impo-
sant monument à saint Augustin, l'apôtre en-
voyé par le Pape pour convertir l'Angleterre.
Voici quelques détails à ce sujet. Ce monu-
ment, dont nous avons déjà dit un mot, mar-
quera sur les rivages de l'Angleterre l'endroit
vénéré où saint Augustin eut sa première entre-
vue avec le roi Ethelbert. Ce lieu se trouve sur
la route de Ramsgate, près de Ebbs-Fleet, dans
l'ile de Thanet. Le sol y est très fertile et une
ancienne légende s'exprime en ces termes au
sujet de cet endroit, qui s'appelle encore Gotvians-
field (le champ de l'homme de Dieu) : « Félix
telliis, aijits gleba contraxisse benedictioneni credi-
tiir adventu Bcati Aiigiistini. » (Heureuse terre,
dont on croit que le sol a été béni par le fait de
l'arrivée de saint Augustin !)
Il y a un demi-siècle, un grand chêne existait
encore à cet endroit ; il était connu sous le nom
de Chêne de saint Augustin ; à notre époque
même, le petit cours d'eau qui arrose ce
champ et ne se dessèche jamais, s'appelle la
Source de saint Augustin.
Le monument aura une hauteur d'environ vingt
pieds, et sera taillé dans la pierre çlite doulling
quarries, dont la durée est séculaire.
Il sera orné des emblèmes des quatre Évan-
gélistes : le lion, l'aigle, l'homme et le bœuf ; il
sera orné de bas-reliefs représentant l'Annoncia-
tion, la Vierge avec l'enfant, le Crucifiement, la
Transfiguration, les douze Apôtres avec leurs
emblèmes (le traître Judas étant, conformément
au symbolisme antique, représenté avec une tête
d'animal) etc.
Voici la traduction de l'inscription latine qui
a été composée pour orner ce témoignage de
reconnaissance du peuple anglais au grand saint
qui porta la lumière de la foi dans sa patrie :
« Augustin, arrivé enfin à Ebbs-Fleet, dans l'île
de Thanet, après avoir couru de grands périls sur
terre et sur mer, rencontra dans ce lieu le roi
Ethelbert, y parla pour la première fois chez
nous, et y jeta heureusement la première se-
mence de la foi chrétienne, qui se propagea avec
une admirable rapidité par toute l'Angleterre.
Afin de conserver chez les habitants de Kent
le souvenir de ce fait, George Leveson-Govver,
comte Grandville, a fait élever ce monument
— 1884.»
Il faut remarquer que Lord Grandville
n'est pas catholique, et que saint Augustin
avait été envoyé par le Pape pour convertir
l'Angleterre.
SEM. le cardinal Guibert vient de désigner
. pour succéder à M. Abadie, comme archi-
tecte de la basilique du Sacré-Cœur, M. Dau-
met, à qui l'on doit, entre autres importants
travaux, la restauration du Palais de Justice.
LE jour de la Toussaint, une cérémonie à la fois simple
et grandiose avait lieu dans la salle synodale de
l'dvcché d'Angers. Il s'agissait de remettre à Mgr Freppel
une crosse d'honneur et des insignes épiscopaux, témoi-
gnage de l'admiration et de la reconnaissance des catho-
liques, à l'égard du grand prélat. — Ces objets, d'un carac-
tère éminemment artistique, méritent ici une mention
spéciale. Nous comptons en donner dans la prochaine
livraison une description détaillée, dont la publication est
forcément retardée par la confection des planches qui
doivent l'accompagner.
LE grand nombre d'églises construites ou
restaurées de nos jours forme une des
antithèses caractéristiques de l'époque contempo-
raine. Humainement parlant, c'est à peine croy-
able, surtout en ce qui concerne les campagnes.
Or, ce tour de force s'est reproduit sur beaucoup
de points du territoire français dans ces derniers
temps ; témoins les nombreux exemples qui
suivent:
En moins de deux années, a été rebâtie, sur un beau
plan, l'église d'Oradour-surA'ayres. Le 28 avril 1S78, avait
lieu la pose religieuse de la première pierre ; le 7 octobre
1SS4, la consécration épiscopale du monument.
Monument ! c'en est un, au moins de foi, de générosité,
de zèle et de bonne entente. Quant à l'architecture, elle est
du genre roman ; une seule nef en croix latine, voûte un peu
basse, avec un transept original et chevet rayonnant. Du
vieil édifice, on a utilisé seulement la base du clocher,
autrefois au milieu, et maintenant à l'entrée. Vitraux et
grisailles sont de la facture H. Feur, de Bordeaux, le maî-
tre-autel, des ateliers Gardien, de Limoges.
LE 30 août a eu lieu à Besançon, la bénédiction solen-
nelle de la première pierre de l'église dédiée aux pre-
miers aputres de la province, les saints Ferréol et Ferjeux.
Le style adopté est le style roman ; l'église aura une cou-
pole centrale, avec deux tours et clochers comme les
anciennes basiliques. La crypte ancienneoccupera le milieu
de l'église souterraine, et au lieu d'ctre no)ée dans la
maçonnerie, l'enceinte des rochers restera exposée aux
regards des visiteurs, et donnera au monument le cachet
de vérité que lui avaient enlevé les travaux des derniers
siècles. Les fouilles de l'abside sont achevées, les bases des
chapelles de l'hémicycle s'élèvent et donnent une idée
du plan d'ensemble.
LE mercredi 10 septembre, Mgr l'Évêque d'Orléans,
répondant à une gracieuse invitation de'son vénéré
collègue de Chartres, Mgr Regnault, consacrait sous le
vocable de saint Pierre, la nouvelle église de Péronville
aux confins du pays Dunoiset de la Beauce Orléanaise, et
y scellait dans le sépulcre de l'autel les reliques des
saints Félix, Hilaire et Lyé.
La structure du nouveau monument a été conçue et
exécutée dans la disposition des édifices de la période du
XI= au XII" siècle, et dans le style roman de transition
qui les caractérise. Un autel roman taillé en belle pierre
de Poitiers, dû à la munificence de la noble famille de
Cf)toniquc.
123
Gaudart d'AlIaines, d'Orléans, s'harmonise ainsi que son
tabernacle avec l'architecture générale de l'église et en
décore avantageusement le sanctuaire, au-dessous duquel,
en forme de crypte, s'ouvre une sacristie commode et
spacieuse.
ON vient de terminer les nouveaux travaux de dallage
de l'église Saint-Sernin. Ceux qui ont vu les pierres
usées et les vieilles briques qui formaient le pavé de la
basilique savent combien cette restauration était néces-
saire. Fatiguée d'attendre les secours de l'État, qui ne
sont plus aujourd'hui pour les édifices religieux, la Fabri-
que s'est décidée à supporter cette dépense à l'aide de
grands sacrifices et de quelques souscriptions privées.
On a couvert une superficie d'environ deux mille mètres
en marbre dit de Sainte-Anne, connu par son extrême
dureté et provenant des carrières d'Arudy, vallée d'Ossau
(Basses-Pyrénées).
Les dessins et la direction de l'œuvre sont dus à M.
Courrèges, architecte en même temps que fabricien.
ON a beaucoup loué les corvées volontaires
faites au inoyen âge pour la construction
de nos cathédrales. En voici une imitation offer-
te récemment par les hommes de Vernoux
(Ardèche), en faveur de leur église du Sacré-
Cœur. On lit dans la Semaine religieuse de Tou-
louse:
« J'ai voulu voir à l'œuvre ces chrétiens si fervents ; je
me suis transporté sur les lieux de l'extraction du sable,
extraction qui ne se fait pas sans peine, tant s'en faut.
« Plus de cent hommes ou jeunes gens forts et robustes
étaient uniquement occupés à ce travail ; d'autres plus
âgés ou trop jeunes remplissaient les sacs; de nombreuses
charrettes (40 ou 50) très bien attelées, le transportaient
ensuite de la route à l'église, qui se trouve à 2 kilomètres
de distance.
« Vers les cinq heures du soir, la corvée était ter-
minée ; beaucoup l'avaient commencée à trois heures du
matin.
« Tambours et clairons en tête, nos deux cents ouvriers
du bon Dieu entrent dans Vernoux en ordre parfait, et
viennent prendre part à un banquet offert par les autres
catholiques, qui n'avaient pu les aider de leurs bras.
<.< \'ers les sept heures tout le monde s'est retiré, un peu
fatigué peut-être, mais tous heureux d'avoir été les ou-
vriers du Sacré-Cœur. »
la réalisation du vœu le plus cher des habitants du quar-
tier sud.
M
GR l'évêque de Tarbes a consacré, le 7 novembre,
la nouvelle église d'Oroix, patrie de Mgr Laurence.
MGR Thomas, archevêque de Rouen, vient de faire
ériger dans la basilique de Paray, l'église de son
baptême, un magnifique baptistère, cfiuvre artistique au
suprême degré, assure-t-on, et vraiment digne du dona-
teur.
LA nouvelle église du Sacré-Cœur de Bordeaux, œuvre
de M. Mondet, n'est pas encore terminée à l'exté-
rieur. Aux côtés de l'entrée principale on élèvera deux
clochers surmontés de lanternes avec dômes.
L'église, réclamée en 1875 V^'^ ""^ pétition et autorisée
en 1S76 par un décret du gouvernement, a été construite
sans le concours de la ville. L'initiative et la générosité
du cardinal Donnet, du clergé et des fidèles, ont permis
I. C'est au môme artiste que sont dues les mosaïques exécutées
aux fonts-baptismaux de Saint-Sernin et aux chapelles de Sainte-
Germaine et de Notre-Dame Bonnes Nouvelles.
APRÈS bientôt quinze ans, l'église de Val-Dieu, près
de Hervé (Belgique) renversée il y a un demi-siècle,
vient de sortir de ses ruines et de recevoir de l'évêque
consécrateur le caractère religieux qui lui permet d'être
livrée au culte.
Il a fallu quinze années d'un travail opiniâtre, d'un
dévouement sans bornes pour mener à bonne fin l'œuvre
de restauration. Mais maintenant cette œuvre est accom-
plie. Sur les anciens fondements, des murs à l'aspect impo-
sant se sont édifiés, et voici qu'un monument d'un caractère
sévère illustre de nouveau et pour des siècles, la solitude
du Val-Dieu.
La consécration de cette basilique a été faite le lundi 20
octobre, par Mgr l'évêque de Liège.
LA fabrique de l'église paroissiale de Sainte-Marie, à
Schaerbeek (Bruxelles), a procédé, à l'adjudication
de l'entreprise des travaux d'achèvement de cet édifice.
Travaux suspendus, depuis plus de vingt ans.
D'après les plans et devis de l'architecte provincial
Hannotte, la dépense qui reste à faire monte à
fr. 165,254-53.
LA République de l'Equateur vient d'allouer
les fonds nécessaires pour l'érection d'un
temple national au Sacré-Cœur de JÉSUS. C'est
le premier décret du nouveau gouvernement.
Ce grand acte inaugurera d'une manière heureuse
la carrière du président Caamano, le digne suc-
cesseur de l'héroïque Garcia Moreno. Selon l'ex-
pression du député qui a défendu le projet au
Parlement, cette basilique sera le rempart de
l'Equateur.
« Messieurs, dit-il,l'isthme de Panama va s'ouvrir : on dit
que la civilisation européenne va déborder chez nous par
ce canal, et couvrir de ses trésors tous nos océans. Eh
bien ! voici le moment d'élever bien haut le flambeau
de notre foi pour illuminer de son éclat les eaux du Paci-
fique et attirer à nos plages tous ces voyageurs errants.
Les âmes cherchent naturellement la foi, parce que la foi
est une lumière, et l'âme cherche la lumière. La basilique
du Sacré-Cœur, élevée sur le sommet du Pichincha comme
le symbole de la foi de tout un peuple, voilà le phare qui
doit éclairer les flots du Pacifique... >
De si nobles paroles ne s'entendent guère plus
dans les Parlements européens.
LE dimanche, 19 juillet dernier, on a fait, à Rome, avec
une pompe solennelle, la consécration de l'église de
Sainte-Marie-de-la-Victoire et de l'autel de la Sainte-
Vierge, don de Son Excellence le prince Don Ale.xandre
Torlonia. C'est Son Éminence le cardinal Jacobini, secré-
taire d'État de Sa .Sainteté, qui a accompli les cérémonies
prescrites par le rituel. L'autel est construit entièrement
en lapis-lazuli et autres marbres précieux. .-Xu-dessus se
trouve une gloire ou iitonstranci or et argent, destinée à
entourer le tableau miraculeux de la Madone, qui y a été
transporté proccssionnellement, après la consécration
de l'autel. {Rosier de Marie.)
124
IRcuuc 0 e rart cJjvcticn.
A Sainte-Marie-Madeleine des Pères ministres des in-
firmes, la clôture du triduum a dté des plus brillantes. Sur
la façade on lisait l'inscription suivante :
SVPPLICATIONES IN TRIDVVM
OB CENTESI.MV.M ANNVM
A PVBLICO ET SOLEMNI EXERCITO
MENSI MARIANO
A ce. RR. (■) INFIli.MIS MINISTRANT. INSTITVTO
QVOTQVOT ESTIS DEIPAR/E CLIENTES
IPSAiM ADPRECAMINI
VBERElM OPEM ALL.ATVRAM
(Ibidem)
Voilà de bonne épigraphie latine, comme on sait la faire
à Rome.
En France, il en va autrement; cju'on en juge par le
tombeau du premier archevêque de Rennes.
Sur une plaque de marbre noir, fixée au piédestal, est
gravée l'inscription suivante :
MEMORI^
E. E. In X° P.\tris D. D. Godfridi Brossays
Saint-Marc. S. R. E. Prksbyteri Cardinaus
Tituli s. Mari.e de Victoria
Pruii Redonum Archiepiscopi
hoc iionumentum clerus populusque mœ
rentes et grati posuere
DANS la ville de Landshut, M. F. X. Banh, de Munich,
est occupé à orner la nouvelle église du Saint-Esprit
de peintures murales, à l'aide d'un nouveau procédé qui
lui est propre. Il doit retracer les sept œuvres de miséri-
corde et a eu l'idée de mettre en scène des sœurs de cha-
rité, exerçant leurs sublimes fonctions auprès de l'humanité
souffrante.
LES importantes décorations dti Panthéon
touchent à leur fin. On vient de découvrir
deux fresques de M. Maillot, peintes dans la
chapelle latérale de droite, et une mosaïque de
M. Hébert, qui décore le cul de four central placé
au fond du monument, derrière l'autel de carton
doré, qui, espérons-le, ne tardera pas à disparaî-
tre. Voici, d'après la légende explicative, le sujet
des fresques de M. Maillot :
<< Sous le règne de Charles VIII, au milieu d'un
nombreux cortège, où figurent l'évêque de Paris, l'abbé
de Sainte-Geneviève, le clergé des paroisses et les
corporations, le parlement et les autres cours souveraines,
l'an 1496, le 12 janvier, la châsse de sainte Geneviève,
portée par des bourgeois de Paris, vêtus de chemises de
pénitents, est conduite solennellement à l'église Notre-
Dame pour obtenir la cessation des pluies qui, depuis trois
mois, désolent la ville. >">
L'œuvre manque d'accent et de mouvement ; tous les
personnages sont du même ton, qu'ils soutiennent la
châsse, soufflent dans des trompettes ou se prosternent
devant les restes de la sainte.
La fresque de M. Maillot a pourtant une qualité, celle
de ne pas s'imposer. On peut ne pas la voir. L'artiste est
resté dans des tons gris et mornes qui, joints à l'obscurité
relative du lieu, empêchent ses innocentes compositions
d'être gênantes.
I. Clericis regularibus.
L'immense mosaïque de l'abside a été confiée à M. Er-
nest Hébert. L'effet en est éclatant et l'œuvre mérite à
tous les points de vue une étude spéciale. C'est par M. de
Chenevière, alors qu'il était directeur des Beaux-Arts, que
ce grand travail a été demandé à M. Hébert ; on lui
laissa le choix du mode d'exécution, soit en mosaïque,soit
par les procédés de peinture accoutumés. M. Hébert opta
pour la mosaïque. Un atelier de mosaïste était alors en
voie de création à la manufacture de Sèvres sous la di-
rection d'un des meilleurs artistes du Vatican, M. Pogge-
si. C'est cet atelier qui a exécuté les travaux de l'abside
du Panthéon avec le concours de M. Guilbert Martin, qui
a consenti à mettre les grands feux de son usine à la
disposition de M. Poggesi pour les quantités considérables
d'émaux nécessaires.
Le sujet que M. E. Hébert a dû représenter est celui-
ci: /,<.' Christ montrant à l'ange de la France /es destinées
de son peuple dans une visio/i. Une inscription latine, à
lettres d'or sur fond bleu, due ;\ M. Leblant, exprime ainsi
ce programme : Angelum Galliœ custodem Christus pa-
triœ faia docet. Le CHRIST, debout au milieu de la com-
position, tient de la main gauche le livre des destinées ;
de la main droite, il commande aux événements qui se
déroulent devant lui, représentés par les peintures de
MM. Cabanel, Puvis de Chavannes, Bonnat, etc., qui
résument l'histoire mystique de notre pays. L'ange de la
France, à gauche du Christ, l'épée nue à la main, sem-
ble assister à quelque lamentable désastre du pays dont
il est le gardien ; mais l'attitude de la figure semble dire
que de beaux jours peuvent luire encore pour la patrie. A
gauche, l'auteur a placé sainte Geneviève, patronne de
l'Eglise et de Paris, et à droite Jeanne d'Arc avec son
armure. La martyre n'a pas d'auréole ; mais la Vierge
est auprès d'elle, lui mettant la main sur l'épaule et la
présentant au Sauveur.
Il y a, dans cette mosaïque un sentiment décoratif et
hiératique très caractérisé, dans le sens de celui que révè-
lent les mosaïques de San ApoUinare Nuovode Ravenne.
La composition est claire, d'une tonalité franche, har-
monieuse et agréable. Le fond d'or, quoique trop éclatant,
était commandé par la forme même de l'emplacement. On
sait, en effet, que ces sortes de fonds seuls réussissent
dans les voûtes demi-sphériques où la lumière ne les frap-
pe jamais directement, et c'est le cas ; on sait également
que, dans ces conditions, ils donnent à la mosaïque tout
l'éclat et tout le charme qu'elle comporte.
Nous faisons toutes nos réserves quant à la composi-
tion. — Toute cette décoration du Panthéon n'a rien de
commun, comme conception, avec les règles tradition-
nelles de l'art chrétien, dont il n'est pas permis de s'écarter
quand on décore une église. Nous sommes en présence
d'une église païenne par sa forme, dans laquelle l'art mo-
derne se donne carrière avec plus de talent que de com-
pétence.
Nous avions écrit ce qui précède, quand nous
avons reçu d'un de nos collaborateurs une note,
qui relève avec raison un grave abus.
On lit ce passage dans la description que
donne le Figaro de l'œuvre de M. Hébert :
A gauche, l'auteur a placé, suppliante, la bergère sainte
Geneviève, patronne de l'église et de Paris, et à droite la
grande Lorraine Jeanne d'Arc, avec son arnrure, sa jupe
rouge et son visage de suppliciée. La martyre n'a pas
d'auréole, mais la vierge, la grande consolatrice est auprès
d'elle, lui mettant la main sur l'épaule et la présentant au
Sauveur en signe d'adoption.
Ici l'd parole est à notre correspondant :
Voilà donc Jeanne-d'Arc définitivement canonisée par
les artistes laïques en dehors et sans le concours de
C ironique.
125
l'Église, qui seule est compétente sur ce point. On lui
refuse, il est vrai, Vaiiri'ole (lisez nimbe), mais on la place
néanmoins parmi les saints, en pendant de sainte Gene-
viève. Un vitrail de la basilique de Saint-Epure à Nancy,
la désigne ainsi: Sainte Jeanne d'Arc. Puisque les
autorités ecclésiastiques laissent faire, là où leur devoir
strict, conformément au concile de Trente, serait de parler
et surtout d'agir, nous ne cesserons de protester contre
de pareilles exhibitions qui prouvent plus d'enthousiasme
irréfléchi que de science canonique. X. B. de M.
On écrit de Saint-Nicolas au Fondsenblad
de Gand:
«TA décoration de notre hôtel de ville gothique, bâti
■L' sur les plans et sous la direction de M. Pierre Van
Kerckhove, ancien élève de l'école St-Luc de votre ville,
s'achève peu à peu. Le cabinet du bourgmestre entre
autres est orné d'une peinture murale qui, sous le rapport
du goût, du caractère et de son harmonie avec le style
du monument, est remarquable dans toutes ses parties.
Elle a été exécutée par M. Rémi Goethals, lui aussi ancien
élève de l'école St-Luc.
Sur la cheminée de la salle dont je parle, au milieu de
rinceaux traités à la manière gothique, on remarque l'écu
de la ville entouré des blasons de tous les chefs-lieux de
canton de l'arrondissement de St-Nicolas, tandis que, sur
la partie inférieure, se détachent les armes du pays et de
la province.
De la partie inférieure des murs de la salle, ornée d'un
lambris de bois de chêne, s'élève un arbuste luxuriant
chargé de fruits ; autour du tronc courent et s'entremêlent
des tiges de fleurs et dans ses branches sont posées des
multitudes d'oiseaux aux ailes bigarrées. Cette végétation
parcourt toute la chambre. Aux nœuds des branches, rap-
pelant les métiers,pendent d'élégants écus, conçus d'après
les règles les plus sévères de la science héraldique. Tout
chargés d'or et resplendissant des plus brillantes couleurs,
ils donnent à la salle un aspect ancien ; on se croirait
transporté au milieu de ce moyen âge, où les Métiers, alors
dans toute leur splendeur et leur puissance, ne manquaient
jamais d'orner leurs lieux de réunion des emblèmes de
leurs industries florissantes.
Sur un fanion nous lisons la devise suivante de notre
regretté littérateur Conscience et tirée de son Lion de
Flandre : De ambachteji icerktcn gezanienlijk voor de alge-
meene welvaart. (Les métiers travaillaient de concert pour
la commune prospérité.)
Je ne puis terminer sans rendre justice à l'éminent archi-
tecte M. Pierre Van Kerckhove. Toutes les boiseries, qui
ornent cette salle et qui sont travaillées sur ses dessins,
excitent l'admiration des nombreux étrangers qui visitent
notre splendide hôtel-de-villc.
Aussi l'académie de St-Luc en tire une grande gloire 1
Honneur à cette école qui par ses maîtres et ses élèves a
relevé la vieille architecture flamande et a fait revivre les
anciennes splendeurs de notre art national. » X.
BLC5tauration,s.
'ENLÈVEMENT du jubé de la cathé-
drale de Rouen a provoqué quelques
protestations des amis de l'art du
XVI 11^ siècle, qui font observer, que
ce jubé était un des rares monuments élevés en
France sous le règne de Louis XVL II fut cons-
truit par le cardinal de la Rochefoucauld, avec
les marbres cipolins de Leptis Magna et sous la
direction de Lecombe et Clodion, en remplace-
ment du magnifique jubé gothique du XIV'^ siè-
cle, dont les travaux d'enlèvement accomplis, il y
a quelques mois, ont révélé d'admirables restes.
On ne saurait nier que l'aspect général de la
nef et du chœur n'ait gagné à la disparition de
ce monument, dont le style grec détonnait au
milieu d'un édifice gothique. Mais des artistes,
des amateurs et la Commission départementale
d'antiquités, ont pensé qu'il était toujours délicat
de porter la main sur une œuvre d'art.
Nous trouvons à ce sujet, dans le dernier
numéro du Moniteur des Arcliitectes, un intéres-
sant article de M. Eugène Dutuit. M. Dutuit
propose de reeousti uirc le jubé à ses frais, le minis-
tère des beaux-arts aura à se prononcer sur cette
proposition.
M. Dutuit ne se dissimule pas qu'il a peu de
chances de recevoir une réponse favorable. En
attendant, il fait exécuter trois dessins du jubé,
représenté tant du côté de la nef que du côté du
chœur. Il en offrira deux exemplaires à la Com-
mission des antiquités et deux autres à la ville de
Rouen, de sorte que les écrivains qui, plus tard,
s'occuperont de la cathédrale, auront sous les
yeux les documents nécessaires pour se former
une opinion motivée sur cette œuvre d'art. — En
présence d'une initiative si généreuse nous ne
pouvons nous défendre d'un regret. L'honorable
collectionneur dont le nom est justement estimé
d'ailleurs dans le monde des arts, témoigne pour
une œuvre remarquable, d'un véritable culte.
Ce culte louable ne serait-il pas satisfait par la
reconstruction du jubé dans tout autre emplace-
ment qu'au seuil du chœur de la cathédrale?
Quelle bonne fortune, non pas seulement pour
l'archéologie, mais aussi pour l'art chrétien, si la
sollicitude et la munificence de ce grand citoj-en se
proposait un but plus élevé encore, s'il prenait
à cœur de parfaire l'unité du monument, de restau-
rer son ordonnance primitive, d'après les don-
nées qu'on possède, en restituant l'antique jubé,
en style ogival ! Le jubé récemment démoli ne
serait pas perdu pour les archéologues, la clôture
du chœur ne serait pas supprimée ( et qui ne
sait, que la liturgie, la majesté du monument et
les plus saines traditions s'unissent pour réclamer
son maintien?) et l'on rendrait ainsi à la cathédrale
de Rouen l'un des éléments les plus importants
de son ancienne et harmonieuse ordonnance.
VOICI, d'après M. Dutuit lui-même, quel était le jubé
qu'on avait détruit pour faire place au nouveau.
C'était un jubé gothique du .VIV'" siècle, ayant de cha-
que côté un autel dont le style était en harmonie avec
120
IRcDiic D c rart cïjrcticn.
celui de l'édifice. On y accc'dait par un escalier spacieux.
Il y avait au milieu une porte en fer, sous une arcade ogi-
vale, et de chaque côté, une porte en cuivre. Le jubé était
surmonté d'un crucifix. Le 3 décembre 16 17, Louis XIII,
entouré de ses ministres, y entendit une prédication de
l'archevêque François de Harlay.
L'un des autels était dédié à Notre-Dame du Vœu,
parce qu'en 1637, les échevins de la ville, oii la peste sé-
vissait depuis vingt ans, vinrent en grande pompe y sus-
pendre une lampe d'argent comme le symbole du vœu
public. L'autre autel, dédié à Stc Cécile, était l'autel du
Puy des Palmods, confrérie littéraire dont le but était de
distribuer des prix à ceux qui célébraient le plus conve-
nablement dans leurs poésies l'Immaculée Conception.
Le cardinal de Bonnechose ne cessa de demander, pen-
dant tout le temps qu'il fut à la tête du diocèse de Rouen,
la suppression du jubé qui entravait les cérémonies du
culte et n'était pas dans l'esprit du rite romain.
Mgr Thomas, son successeur, a fait entendre les mêmes
réclamations.
Enfin, la décision a été prise par le Comité des monu-
ments diocésains, qui compte dans son sein plusieurs
membres de l'Institut.
ON sait qu'il est depuis longtemps question
de restaurer le clocher de Saint-Front de
Périgueux.
M. Abbadie avait formé le projet de le démolir
et de le reconstruire de fond en comble, comme
il a si malheureusement fait de l'église elle-même.
Nos lecteurs apprendront sans doute, avec plaisir,
que ce malencontreux projet a peu de chances
d'être mis à exécution. Le ministre des cultes,
avant de permettre que l'on touchât une seule
pierre de ce vénérable monument, a voulu pren-
dre l'avis d'une commission spéciale d'architectes
et d'archéologues. C'est là, dirons-nous avec la
Gazette archéologique, un précédent qui s'écarte
trop des traditions de l'administration des édifi-
ces diocésains, pour que nous ne nous empres-
sions de le signaler au public et d'en féliciter le
ministre. Cette commission s'est réunie récem-
ment à Périgueux, et s'est livrée à un minutieux
examen du monument.
La Gazette croit qu'elle a unanimement recon-
nu que la démolition de ce curieux clocher serait
un acte de vandalisme injustifiable, et qu'il y
aurait tout au plus lieu de démolir la partie supé-
rieure de la tour, jusqu'à l'endroit où du plan
carré elle passe au rond. L'état déplorable dans
lequel se trouvent les parties hautes de l'édifice,
pourrait justifier cette solution. Espérons cepen-
dant que M. Bruyerre, l'habile architecte qui
remplace aujourd'hui M. Abbadie, saura restau-
rer le tout sans recourir à un aussi fâcheux
expédient.
LES habitants du X<= arrondissement à Paris,
signent en ce moment une pétition tendant
à la suppression de l'église Saint- Laurent, une
des plus anciennes de Paris, pour construire à
sa place la nouvelle mairie de l'arrondissement
de l'Enclos Saint-Laurent.
LA restauration de la salle gothique de l'hôtel
de ville de Louvain est l'objet de nom-
breuses critiques.
Celles que nous trouvons dans la Gazette de
Loiivaiii nous paraissent fondées.
Dès l'entrée de la salle on est désagréablement surpris
par la vue d'une énorme porte en ogive avec tympan
sculpté, dont on ne trouve guère d'exemples à l'intérieur
de nos anciens hôtels de ville. Il y a dans le grand ves-
tibule du rez-de-chaussée des types de portes anciennes
originales, pourquoi ne s'en est-on pas inspiré.' On ne con-
testera pas qu'elles aient le caractère voulu.
Les fenêtres n'avaient primitivement pas de châssis.
Elles étaient fermées simplement par des volets. Evidem-
ment il fallait ajouter des châssis, mais pourquoi n'a-t-on
pas adopté pour ceux-ci les formes généralement usitées
au quinzième siècle? Les châssis de cette époque s'ou-
vrent en deux parties distinctes dans le sens de la hau-
teur. Ceux que l'on vient de faire s'ouvrent d'une pièce ;
c'est une disposition que l'on tâcherait en vain de justifier.
Les volets nouveaux échappent tout aussi peu à la cri-
tique. Nous ne parlerons pas de la manière dont ils sont
accrochés aux anciens gonds, qui existent encore; cela est
tout à fait défectueux et n'est pas digne d'un apprenti
forgeron ; mais leur forme elle-même est une innovation
dont nous cherchons en vain la raison.
Tous ceux qui ont visité le musée, établi précisément
au-dessus de la salle gothique, ont pu y voir un des volets
primitifs, et constater que ceux-ci ne ressemblaient en rien
aux nouveaux.
Pourquoi l'architecte a-t-il ici encore voulu innover?
Trouvait-il le travail de son devancier trop imparfait?
Peut-être l'extérieur de ces volets anciens était-il un peu
rude, â cette épocjue on tenait aux clôtures solides, mais
leur face intérieure est charmante avec ses petits compar-
timents élégamment sculptés. Et quand même ils seraient
aftreux ils sont anciens : c'est une qualité qui suffit, qui
prime toute autre lorsc|u'il s'agit d'une restauration.
11 serait bien difficile aussi d'approuver la ferronnerie des
châssis et de la grande porte. Elle n'est pas dans le style
de l'époque, elle manque d'unité, et telles charnières sont
d'un dessin absolument sans caractère.
La hotte de la cheminée nouvelle, maçonnée cependant
à l'intérieur, est à l'extérieur en bois peint en pierre blan-
che! Nous ne pensons pas que l'on puisse citer beaucoup
d'exemples anciens de cette espèce.
Que dire des peintures? Nous savons que l'on a discuté
longtemps sur le genre qu'il fallait adopter. La solution h.
laquelle on s'est arrêté est loin d'être la meilleure. 11 fallait
de la peinture monumentale, on nous a donné des tableaux,
dont nous ne voulons pas discuter l'exécution, mais qui
défigurent toute l'ordonnance architectonique de la salle.
Il y a l.'i des perspectives qui ouvrent de véritables trous
dans les murs. Or, le premier principe de la peinture déco-
rative est de faire valoir l'architecture, bien loin de la
détruire.
Le plafond est orné de gracieuses nervures en bois
retombant sur de charmants culs-de-lampes. Les aiguilles
des poutres portent de petits groupes sculptés avec beau-
coup d'art. Pourquoi a-t-on enduit tout cela d'une vilaine
couleur noire, que les reflets de maigres filets d'or ne par-
C&roniquc.
127
viennent pas à éclairer, et qui a transformé ces parties si
délicates en masses sombres où l'œil ne distingue plus
aucun détail? Est-ce pour marquer que c'est du vieux
chêne? Mais les planches et les poutres auxquelles elles
sont fixées sont du même âge et, franchement, nous préfé-
rons leur couleur.
Nous sommes heureux de pouvoir terminer par des élo-
ges: l'exécution des menuiseries ne laisse rien à désirer,
et fait honneur à MM. Goyers qui en ont été chargés.
LA paroisse de Bayonville (diocèse de Renne), perdue
pour ainsi dire au fond des Ardennes, possède une
église des plus belles de la contrée. C'est un précieux reste
du XV" siècle. Il y a 25 ans, ce n'était qu'une pauvre ma-
sure, aujourd'hui c'est un vrai monument, entièrement
restauré dans son architecture, ses vitraux et son mo-
bilier.
ON s'occupe de restaurer le portail de l'église Saint-
Eustache à Paris. Les échafaudages sont posés.
Ce portail, commencé en 1754, n'a pu, par suite de vicis-
situdes diverses, être terminé qu'en 1 788 par l'architecte
Moreau.
Ox répare en ce moment la tour de Clovis qui tombait
en ruines et menaçait d'écraser un jour ou l'autre le
lycée Henri IV.
Cette tour provient de l'ancienne abbaye de Sainte-Ge-
neviève, dont l'origine remonte à l'an 519; l'abbaye fut
ruinée par les Normands, en l'an 800, et reconstruite en
1177. •
Les fondations de la tour sont du VP siècle.
La tour elle-même est du XI P, sauf la partie supérieure.
SUR la demande de M. Gamier, l'architecte de l'Opéra,
une commission vient d'être nommée par la Société
des Amis des monuments historiques dans le but de s'en-
tendre avec les députés et les conseillers municipaux de
la Seine sur les moyens à employer pour arrêter la ruine
des sculptures de la porte Saint-Denis qui se dégrade de-
puis quelque temps.
La Société se propose un classement, non seulement des
œuvres d'art qui méritent à Paris une attention spéciale,
mais encore de ces vieux hôtels, de ces portes, de ces pein-
tures, que peu de gens connaissent dans les recoins de
Paris et qui sont cependant une de nos richesses. Elle
étudie non seulement les œuvres du passé, mais les me-
sures propres à donner dans l'avenir un aspect pittoresque
à la capitale.
PAR suite de la démolition des maisons delà
rue Bodenbroeck opérée en vue de dégager
le chevet de l'église Notre-Dame au Sablon à
Bruxelles, le Sacrarium adossé à l'un des côtés
a été mis à découvert et M. Schoy, architecte, a
été assez heureux pour retrouver la date précise
de son érection (1549). Ce Sacrarium figure
comme ensemble sur une toile, chef-d'œuvre de
David Teniers, peinte en 1652, actuellement à la
Galerie du Belvédère à Vienne (').
Ce chef-d'œuvre d'architecture et de sculpture
du style ogival fleuri eut terriblement à souffrir
du vandalisme des édiles bruxellois du commen-
cement du siècle. Ces magistrats peu avisés
vendirent comme terrain à bâtir l'espace com-
pris entre l'édifice et la voie publique. De
vulgaires maisonnettes s'adossèrent au chevet et
les propriétaires, pour gagner de la place, sacri-
fièrent sans pitié les saillies sculptées ou moulu-
rées de l'encombrant Sacrarium auquel ils confi-
naient.
M. Schoy a dégagé les plâtras et blocailles
qui aveuglaient les niches et pratiqué des fouilles,
au pied de l'édicule; elles ont fourni des débris
précieux pour le rétablissement authentique des
détails de l'ordonnance supérieure.
Pour justifier la précision de ses profils et de
ses relevés, M. Schoy a fait prendre soixante-
seize moules en terre glaise qui ont été ensuite
coulés en plâtre. Cette collection de reliefs archi-
tectoniques est vraiment curieuse et fait voir avec
quel soin et quelle conscience travaillaient les
artistes aux siècles de foi. C'est le même souci
qui a permis à l'architecte de rétablir avec certi-
tude certains détails d'une délicatesse extrême,
totalement perdus au.x faces visibles et qu'il are-
trouvés quasi intacts aux recoins les plus sacrifiés
et les plus à l'abri du regard des passants.
Les épures du Sacrarium de Notre-Dame au
Sablon ont mérité à M. Schoy les médailles d'or
d'architecture à l'exposition universelle d'Amster-
dam et au Salon de Paris de cette année. La série
d'études élaborées en vue de la restitution du
Sacrarium, fera connaître, dans la section d'ar-
chitecture à l'exposition universelle d'Anvers, une
œuvre assurément très méritoire.
On nous écrit de Gand :
IL se fait en ce moment à la cathédrale de Gand un
commencement de restauration exécutée par un maître
en cet art, M. A. Van Assche, qui a fait en Flandre des
chefs-d'œuvre du genre.
Le chœur de cette église date du XIIP siècle. Sa con-
struction, interrompue, n'a été reprise qu'au commence-
ment du XVP' siècle. On éleva alors les nefs et le transept,
et les supports de la voûte hardie de la croisée, exécutés
en pierre blanche, furent greffes sur la maçonnerie en cal-
caire bleu tournaisien de l'antique chœur gothique. Les
voûtes des collatéraux du chœur furent refaites en même
temps.
A une époque plus récente l'architecture des chapelles
rayonnantes fut noyée dans des masses de plâtras et cachée
sous de lourds mausolées en marbre, affreux parasites
envahissant tous les murs. Le chœur fut clôturé par de
I. Salle du i" étage, n" 51, VI. (Elle mesure 4'5"x j'g"). Elle re-
présente l'archiduc Léopold Guillaume abattant l'oiseau placé sur la
flèche de l'église de Noire-Dame auSablon le 23 avril 1651.
128
ïRctJue De rart cïj rétien.
vastes cloisons en marbre blanc et noir, dont la plate,
monotone et glaciale surface, entrecoupée de pilastres
corinthiens, s'élève presque jusqu'à la pointe de grandes
arches gothiques, les dérobant aux regards, à l'intérieur
comme à l'extérieur du sanctuaire.
On vient de découvrir un bien curieux fragment d'ar-
chitecture, dont nous reproduisons un croquis. La pre-
mière chapelle rayonnante, que l'on rencontre en pénétrant
dans le pourtour du chœur, est séparée du bras du tran-
sept, non par un mur plein, mais par une arche ogivale
dans laquelle s'encadre un gros boudin rond, cantonné, à
partir de la naissance de l'ogive, d'une double petite
baguette. Notre vignette fait voir cette arche, du côté de
la chapelle, et donne la coupe de la première travée du
déambulatoire (côté de l'Épître). Le spectateur regarde
vers les nefs.
'hisSi
f
Ajoutons que M. A. Van Assche met, la dernière main à
la restauration de l'église de Sainte- Elisabeth, autrefois
chapelle de l'ancien béguinage de Gand. L'intérieur a été
entièrement gratté, et l'on peut analyser un intéressant
travail de reconstruction, opéré au XVl" siècle, d'une
église du X1I1"= siècle, dont on a réemployé une partie des
matériaux, notamment les colonnes, les soubassements
et les beaux chapiteaux à crochets.
On sait que l'intolérance d'une administration hostile a
forcé les béguines à quitter leur habitation séculaire. Leur
pittoresque cité, d'une physionomie si pieuse, est aujour-
d'hui sécularisée.LeursjoHes maisonnettes en style flamand,
précédées de jardinets, gardent encore un certain cachet
claustral. Mais des cabarets sont établis dans ces asiles
de la prière. Au-dessus du linteau d'une porte ornée d'un
bas-relief représentant JÉSUS ait jardin des Olives^ on lit
l'enseigne Aie cliatnoir. En face de l'église, dans les locaux
d'une coininunatité, est installée l'officine du journal le plus
impie de Gand.
L'EGLISE de Braine-le-Comte (Belgique) subit une
transformation complète, due à l'initiative de M.
le curé Dujardin.
De l'ancienne église, de style ogival primaire, i! ne reste
que des traces ; le XV" siècle a entièrement remanié le
monument, et le XVI" a achevé de le transformer, en allon-
geant le chœur et en élevant une tour très monumentale.
L'église garde un retable et un tabernacle en tour, de la
Renaissance, remarquables dans leur genre, et une statue
colossale de saint Christophe, du XVI" siècle, sur un pié-
destal superbe.
On a beaucoup embelli le vaisseau, dans ces derniers
temps, en mettant à nu le bel appareil de la maçonnerie,
les nervures des voûtes et leurs tympans en briques.
M. le curé, aide de son zélé vicaire, M. J. Croquet, prépare
une intéressante étude sur cette église, fort curieuse dans
ses détails.
Monsieur Von Kirtis écrit au Courrier de l'Art :
LAALarienburg,château-fort situé dans la Prusse Orien-
tale, sur les rives de la Nogat, fut au XIV'= siècle la
résidence favorite du grand-maitre de l'Ordre Teutonique.
C'est donc une sorte de sanctuaire national. Composée de
trois corps de bâtiments distincts, cette construction est
un curieux spécimen de l'architecture mihtaire du moyen
âge. Longtemps abandonnée, la Marienburg tombait pres-
que en ruines, lorsque après la guerre de 1870, la Prusse
eut l'idée de restaurer ce nid sombre et farouche de l'Aigle
noir. C'est depuis cette époque que les crédits, jadis inscrits
annuellement au budget pour la cathédrale de Cologne,
sont aflectés à la Marienburg. L'Etat doit se charger de
la maçonnerie et de toutes les grosses réparations ; on
compte sur la libéralité des assemblées municipales et des
particuliers pour faire exécuter la décoration intérieure
dans le style du temps. Le Landtag de la Prusse Occiden-
tale vient de votera cet effet une somme de 25,000 marks.
Les grands seigneurs des deux Prusses, dont plusieurs ont
conservé un véritable culte pour les souvenirs féodaux, ne
manqueront pas d'y apporter leur obole. Sous peu, la vieille
citadelle des Teutons sera entièrement rajeunie. Puisse-
t-elle ne pas l'être d'une manière trop maladroite !
Du reste, la question de la conservation et de la restau-
ration des monuments historiques est à l'ordre du jour en
Allemagne. En France, une commission importante, com-
posée d'architectes et de savants des plus distingués, est
chargée de ce soin ; elle doit avoir à lutter sou\ent contre
bien des difficultés de clocher, faute d'une législation pré-
cise qui faciliterait considérablement sa tâche. L'Italie et
l'Autriche sont, si je ne me trompe, les seuls pays de
l'Europe cjui possèdent une bonne loi sur la matière. Le
chronique
129
Landtag prussien va ctie saisi dans sa prochaine séance
d'un projet de loi analogue, qui me semble conçu avec une
grande habileté et beaucoup de sens pratique. Voici quelle
en est l'économie générale: les différentes sociétés d'ar-
chéologues, d'historiens et d'architectes qui existent en
Prusse, (et il y en a environ 150 comprenant plus de vingt
mille membres), seront les auxiliaires directs d'une com-
mission centrale siégeant à Berlin et qui sera chargée de
veiller à l'entretien de tous les monuments d'art dignes de
ce nom et de prévenir tous les actes de vandalisme. N'est-
ce pas une idée ingénieuse et pratique à la fois que de se
servir de cette façon de ces nombreuses sociétés, qui ne
demandent pas mieux que de se produire au grand jour
et d'apporter à une oeuvre d'ensemble le fruit de leur tra-
vail et de leur expérience.'
En dehors de ces associations d'un caractère plutôt ar-
chéologique et savant, l'Allemagne compte plus de 70
sociétés dites des Beaux-Arts (Kiinsfgcsfl/sc/in/'lcii ).]q sais
que vous en avez aussi un certain nombre en France ;
seulement je crois que celles d'Allemagne exercent une
influence plus utile, plus efficace sur le mouvement artis-
tique que les vôtres. Chez vous, en effet, ces sociétés se
contentent d'envoyer tous les ans à la Sorbonne des délé-
gués qui lisent des mémoires pliis ou moins intéressants
sur telle ou telle question d'art. Évidemment ce n'est pas
assez. Ici elles ne négligent pas non plus ces traxaux d'éru-
dition ; mais elles s'occupent, en outre, d'organiser des
expositions oîi figurent les œuvres d'art appartenant aux
personnes qui habitent la région. Pendant que chez vous
on se propose tout simplement d'inventorier toutes ces
richesses (ce qui est une besogne de très longue haleine
et fort difficile;, ici on les met sous les yeux du public.
C'est plus pratique et plus utile à la fois. Le goûl de ces
expositions locales s'est répandu en Allemagne surtout
depuis 1S79, époque à laquelle la ville de Munster eut
l'idée d'en organiser une. Aujourd'hui il n'est pas de ville
d'Allemagne de quelque importance qui ne tienne à hon-
neur d'avoir sa Kiinstaustcttung : Berlin a déjà organisé
la sienne, à l'occasion des noces d'argent du prince P'ritz ;
puis ce fut le tour de Dresde, de Cassel, etc. On en annonce
une pour l'automne prochain à Coblentz. Cette année nous
en avons une qui mérite une mention spéciale ; c'est celle
de Posen, ville de la grande Pologne, qui était restée long-
temps réfractaire au mouvement artistique.
IL y a une quinzaine d'années. Pie IX donna l'ordre de
renouveler entièrement la couverture de plomb de la
coupole de Saint-Pierre. Ce travail vraiment gigantesque
vient d'être terminé. On y a employé 354,365 kilogr. de
plomb; la surface à couvrir était de 6,102 mètres carrés
56 ; la dépense totale s'est élevée à 2co,ooo francs, payés
sur les fonds affectés à l'entretien de la basilique du
Vatican. Et (chose intéressante à noter) pendant toute la
durée de ces travaux dangereux, aucun ouvrier n'a été ni
tué ni même blessé.
On signale aussi l'achèvement des travaux de restaura-
tion de l'église Hanta Marin delta l'itloria, située dans la
■;//(( Vinli Settembre. Cet édifice, célèbre parle marbre qui
y abonde, incendié en partie en 1833, vient d'être entière-
ment rajeuni, grâce à la générosité du duc Alessandro
Torlonia, qui s'est chargé de toute la dépense. La demi-
coupole qui couronne l'abside est toute neuve. \. l'intérieur,
les murs sont couverts d'une grande peinture à fresque de
Serra, représentant l'entrée des troupes catholiques à
Prague, après la victoire de la Montagne-Blanche, pendant
la guerre de Trente-Ans.
En dehors de Rome, les travaux de restauration des
monuments artistiques sont également poussés avec une
grande activité, grâce ;\ la vigilance de la Coinmissitni con-
servatrice. Ainsi on vient d'enlever l'échafaudage qui,
depuis trois ans, cachait les arcades inférieures du palais
des Doges, à Venise. On peut déjà se rendre compte des
travaux de restauration qui sont réellement très réussis ;
tous les chapiteaux endominagés ont été fort habilement
réparés avec leur riche ornementation. On a dû même en
remplacer un entièrement avec sa colonne, et l'on s'en est
tiré à merveille, puisque non seulement le style a été scru-
puleusement respecté, mais encore on est parvenu à imiter
la patine du temps, à s'y méprendre.
Trouuailles.
N vient encore, en faisant des fouilles
dans une rue de la Cité, de faire une
découverte qui prouverait, ainsi qu'un
archéologue l'a prétendu, que le sous-
sol de Paris est plus intéressant à étudier que le
dessus.
Nous lisons en effet dans \& Journal des Arts :
Des tranchées de gaz et d'égoût ayant été pratiquées
dans le sol de la rue de la Bucherie ont mis à
découvert de nombreuses sépultures de l'époque méro-
vingienne, seinblant rayonner tout autour de cet édifice.
Des sarcophages de pierre et de gypse ont pu être
recueillis et iront rejoindre à l'hôtel Carnavalet la
riche collection funéraire provenant du fief des tombes
(Notre-Dame-des-Champs), du cimetière de Lourcine
(Loctis cineriiin) et de la nécropole de Saint-Marcel.
La rue Galande tirait son nom du clos qu'elle bordait
et dont elle formait la limite au sud ; clos qu'on a
surnommé aussi de Mauvoisin (mauvais voisin) et qui
confinait à celui de Bruneau et du Chardonnet. La rue
de la Bucherie était le centre du clos Mauvoisin, qui
touchait par conséquent à la rivière. Les sépultures trou-
vées entre les deux clos prouvent qu'ils ont été bâtis
beaucoup plus tard qu'on ne le pense généralement. En
1202, il n'y avait point encore de construction, puisque
c'est alors qu'une fille des seigneurs de Cariante, Mahaut,
ou Mathilde, qui avait épousé Matthieu delMontmorency,
donna à cens à divers particuliers, à condition d'y bâtir
des maisons, un clos de vigne qu'elle possédait en ce lieu.
C'est donc au commencement du XIII"= siècle que les
deux clos commencèrent à se peupler. Jusque-là, on n'y
voyait que des vignes et des champs ; et cependant là
s'élevaient, pendant la période gallo-romaine, de splendi-
des villas, dévastées par les premiers barbares, puis par
les- Normands et réduites à l'état de ruines et de terrains
vagues. Entre ces dévastations et le mouvement de
reconstruction qui se produisit au XlIP siècle, se placent
les nombreuses sépultures qu'on vient de découvrir. Les
petites paroisses de la Cité enterraient leurs morts autour
delà chapelle de Saint-julien-le-Pauvre, et c'est en vertu
de cette antique tradition que l'Hôtel-Dieu 5 a longtemps
envoyé ses défunts.
On lit dans le Nouvelliste de Rouen :
DES ouvriers étaient occupés à creuser le sol de la
cathédrale d'Évreux pour y installer un calorifère. .-Xu
milieu des fouilles, la pioche de l'un d'eux frappa sur du
bois. L'attention des travailleurs fut alors éveillée et on
piocha avec mille précautions. Au bout de quelques
instants on mit à nu un cercueil de chêne assez bien con-
l'*^ LlVR.\lSON'.
130
iRctiuc De ratt cbtéticn.
serve, dans lequel se trouvaient des ossements recouverts
de fragments d'étoties brodées d'or, une crosse en cuivre
dord et un anneau pastoral de toute beauté. La crosse
fort bien ciselée, est emmanchée à un bâton de chêne,
bien conservé en apparence, mais auquel on ose à peine
toucher, car les vers l'ont creusée à un tel point qu'il est
très peu épais. Quant ii la bague, elle est en or finement
filigrane, avec un gros brillant entouré de pierres précieu-
ses. Des premières recherches au.xquellcs on s'est livré, il
semble résulter que ces restes sont ceu.\ d'un évêque
d'Evreu.x qui aurait été inhumé là vers le commencement
du XI 11'' siècle.
A l'église de Saint-Ouen de Rouen, des circonstances
analogues ont amené la découverte de plusieurs précieux
sarcophages dont nous parlons plus haut. (V. p. 1 16).
UNE découverte intéressante vient d'être faite à
Tulette (Drôme). On a trouvé, à 1,500 mètres de
cette commune, en extrayant du gravier pour les chemins,
une louve en bronze, ayant dû servir d'enseigne militaire
romaine.
LA Epoca, du 16 septembre, annonce que
l'autorité militaire vient de mettre à jour
en Catalogne une petite chapelle abandonnée,
d'une haute valeur artistique, qui date du
X1V'= siècle, et dont tous les détails architectu-
raux sont parfaitement conservés. C'est dans cette
chapelle qu'a été célébrée, en présence du roi
d'Espagne, la messe d'action de grâces pour la
découverte de l'Amérique par Christophe Co-
lomb.
ON a procédé récemment dans la propriété
de ]\i. le comte de Looz de Cors\varem,à
Harmignies près de Mons, aux fouilles de tombes
franques.lla été découvert là sur le bord du che-
min de fer un riche et vaste cimetière. On a
jusqu'ici fouillé 70 sépultures.
PENDANT l'hiver de 1883-84, des ouvriers
terrassiers occupés à faire des plantations
dans un terrain voisin de Alaredsous (Namur) et
appartenant à MM. Desclée, mirent à découvert
une tombe contenant un fer de lance. Cet instru-
ment dénotait une origine franque et fixa aussi-
tôt l'attention. Des fouilles amenèrent la mise au
jour d'une nécropole assez considérable. Il est
rendu compte de cette découverte dans un article
bibliographique qu'on trouveraplushaut.(V. p. 100)
Le Moniteur de Rouie donne la nouvelle
suivante :
LA découv-erte d'un magnifique manuscrit grec sur
parchemin pourpre et écrit en lettres d'argent, trouvé
Uaiis les archivcb de Kossano i^Calabrej, avait attire com-
me on sait l'attention des eminents critiques Gellhardt et
Harnack,qui en 1880 publièrent un remarquable fac-similé
de ce manuscrit : Evangclioriuit Codex grœciis purpureus
Nossa/iffisis.
On regrettait cependant de nombreuses lacunes
dans le texte de saint Matthieu. Or, le Kme abbé
Cozza-Luci, vice-bibliothécaue de la sainte Eglise Ro-
maine, a été assez heureux pour voir ses patientes recher-
ches couronnées par la découverte des quelques feuillets
qui manquaient au manuscrit de Rossano.
Nous espérons que ces précieux feuillets seront pro-
chainement publiés et commentés. On fait remonter ce
manuscrit au VI" siècle.
On nous écrit de Liège :
EN faisant quelques réparations à l'une des chapelles
Nord de la cathédrale Saint-Paul à Liège qui axait
été entièrement modernisée au goût du siècle dernier, on
a fait plusieurs découvertes qui ne sont pas sans intérêt.
U'abord on a retrouvé, adossé au mur oriental, la tombe
et la inensa de l'ancien autel ; au-dessus de cet autel, un
cordon de moulures formait une sorte d'encadrement à
des peintures murales, destinées primitivement à rempla-
cer un retable Les peintures ont été impitoyablement
hachées au-dessus de l'autel, afin de faire tenir les plâtra-
ges qui devaient les remplacer, mais à droite et à gauche,
on voit encore deux personnages, moitié grandeur natu-
relle, faciles à reconnaître. Uu coté de l'évangile, c'est
saint Jean-Baptiste, tenant un Agiius Dei, dont la tête est
entourée d'un nimbe crucifère. iJe l'autre coté c'est l'ar-
change saint Michel perforant le dragon de sa lance
victorieuse. Les nimbes de ces figures sont dorés, les têtes
et les mains sont peintes en couleurs naturelles, mais les
vêtements sont en grisaille. Ces figures se détachent sur
un fond rustique. — On assure que les chapelles de l'an-
cienne collégiale Saint-Paul ont été construites au XV
siècle, et cela semble hors de doute pour la plupart d'entre
elles ; cependant le mur sur lequel ces peintures se trou-
vent parait plus ancien, et les peintures elles-mêmes ac-
cusent le XIV''-' siècle. La voûte de la chapelle porte
également de nombreuses traces de sa polychromie pri-
mitive. La clef de voûte, un mascaron grimaçant éner-
giquemcnt taillé, a été peinte de couleurs vives et la
chevelure était entièrement dorée. Les champs des voûtes
sont ornés d'énergiques rinceaux, dont la végétation est
en partie vert clair et en partie d un rouge très foncé. Ces
arabesques se détachent sur un fond blanc laiteux, dé-
coupé par un rusticage rouge, tracé dans le sens des
assises de l'appareil de la voûte. Les nervures sont redes-
sinées par de larges filets accompagnes d'un perlé noir. —
Dans son état primitif cette décoration picturale devait
être d'un sjrand etitét.
OX vient de retrouver en Autriche un iVlbert
Durer authentic|ue, représentant la Alise
du Christ an tombeau. Ce tableau appartenait
depuis longtemps à l'Académie de peinltire vien-
noise, mais il était caché par une composition
qu'on attribuait à un élève de Lucas de Cranach.
Le conservateur du musée de l'Académie eut
l'idée d'enlever soigneusement cette composition
de médiocre valeur et le tableau original apparut
et fut reconnu, après un examen attentif, comme
l'œuvre certaine de Durer.
Cl)ro nique.
131
PARMI les tableaux trouvés lois de la re-
construction du Palais des Beaux-Arts de
Berlin, on a découvert, parait-il, une Rcsurrection
du Christ, de Léonard de Vinci, datée de 14S0.
Cette peinture va être photographiée, et des
épreuves seront communiquées à certains con-
naisseurs.
UNE des plus belles œuvres de Rembrandt,
le Doreur, provenant de la collection du
duc de Morny, vient d'être acquise par un riche
banquier américain, pour l'ornement de sa gale-
rie de New-York, au prix de deux cent vingt
mille francs.
Cette admirable toile a figuré, il y a dix-huit
mois, à l'Exposition des Cent Chefs-d'Œuvre,
qui eut lieu dans la galerie Pierre Petit. C'est
assurément l'une des plus merveilleuses toiles
de Rembrandt.
D'AUTRE part il parait qu'on a récemment
découvert à Vecht, en Hollande, dans des
circonstances curieuses, deux œuvres de Rem-
brandt, jusqu'ici inconnues. Nous reproduisons
cette nouvelle sous toutes réserves.
On procédait au château de Maurik, à une vente de por-
traits anciens appartenant à la famille Beeresteyn. Consi-
dérés comme œuvres d'une valeur secondaire, ces portraits
étaient simplement consignes au catalogue comme ta-
bleaux sur panneau et tableaux sur toile. Dans le nombre
il y en avait deu.x de Rembrandt, plus ou moins détériorés
en certaines places par la poussière, mais d'une authen-
ticité incontestable. Pendant l'Exposition qui a précédé
la vente, des amateurs, en grattant un peu la poussière,
avaient découvert sur les deux toiles la signature <,< R. H.
van Ryn » et la date de 1632, et constaté ainsi que ces
portraits appartiennent à la première période du maître.
Les amateurs cependant n'avaient fait part à personne de
leur découverte, espérant sans doute en bénéficier eux-
mêmes. Au moment de la vente, les enchères s'élevèrent
rapidement, pour ces deux toiles, à 40 et à 50,000 florins.
C'est alors que la famille Beeresteyn, étonnée, apprit l'ori-
gine de ces deux œuvres capitales. Elle se mit aussitôt
à les disputer et poussa les enchères à 75,000 florins
(158,000 francs), prix auquel elle est restée propriétaire de
ses tableaux. Si non i vcro...
CECI nous rappelle l'acquisition faite, il y a
dcu.x ans, à la vente du chevalier Soenens
de Gand, par M. R. de Pauw, d'un magnifique
tableau du même maitre. Plus heureux que les
amateurs hollandais, M. de Pauw fut seul à recon-
naître le faire sans pareil de Rembrandt sous des
repeints grossiers. Nous venons de revoir cette
œuvre magistrale, étincclante de lumière, d'un
coloris si puissant qu'on n'en peut croire ses yeux.
Elle représente deux enfants faisant des bulles de
savon. Voici comment \ç. Journal d:s Beaux- Arts
a, dans le temps, décrit cette peinture :
Les deux acteurs de la scène sont revêtus de costumes
impossibles et d'accoutrements que l'on ne peut rappoiter
ni à un pays ni à une époque déterminés. Leurs têtes, dont
l'une est enguirlandée de fleurs des champs, dont l'autre
est ceinte d'un diadème étincelant de pierreries, se dé-
tachent sur les sombres mais transparentes profondeurs
d'une grotte. La lumière se joue avec une magie presque
surnaturelle dans les filaments d'or des cheveux et le
scintillement des pienes précieuses. Des monnaies d'or
et d'argent roulent sur le terrain où l'on remarque au pre-
mier plan une cassolette allumée, dont la fumée en s'é-
chappant permet de lire dans ses spirales les mots :
VaiUtas vanitalmn, oninia vanitas.
Tous les admirateurs du peintre de la ronde de nuit, —
et il y en a beaucoup — se réjouiront de voir son œuvre
augmenté d'une toile restée inconnue de ses biographes,
et qui, avec la signature de Rembrandt, est un excellent
spécimen de son inexplicable pinceau.
CCongrcs et eCrcursions.
l'E Congrès annuel de la Société frmiçaise
d'archéologie a eu lieu cette année dans
l'Ariège. L'excursion a commencé par
la visite de la cathédrale de Pamiers,
dont l'intéressante porte de la fin du XII<= siècle,
offre des chapiteaux historiés curieux. Au-dessus
du porche s'élève un clocher à fenêtres ogivales
construit au XIV*-' siècle, sauf le dernier étage,
qui date du siècle suivant. C'est un type intéres-
sant d'une soite de constructions particulière au
Languedoc, et dont le clocher des Jacobins de
Toulouse formait un des plus beaux spécimens.
Après avoir jeté un coup d'œil à un curieux
logis de la fin du XV<^ siècle, le Congrès se rend
à Notre-Dame du Camp. Cette église à une
nef fut renou\eléc au XIV'^ siècle, mais de cette
reconstruction il ne reste que la façade, bien
restaurée, entièrement en briques, flanquée de
deux tourelles crénelées reliées par une courtine
également crénelée. Cet appareil de défense
militaire constitue le principal intérêt du monu-
ment.
Une partie du personnel du Congrès fit en
voiture une excursion à Mirepoix. On passa par
Vais, dont la curieuse église, adossée à une
grosse tour militaire, rentre dans la catégorie
des rares églises à plusieurs étages. Mirepoix
est bâti sur le plan des villes bastides. En 13 18,
le pape Jean XXII en fit le siège d'un évêché.
La cathédrale dédiée à saint Maurice, fut
élevée parles soins des deu.x évêques, Guillaume
II (1405-1431) et Philippe de Lévis (1449-1537).
Elle présente un des tj'pes les plus intéressants
deces églises à nef large et unique, quelontrouve
surtout dans le Midi de la I-^'rancc, au Sud de la
Garonne. C'est, parait-il, la plus large qui existe
en France. I--llc ne le cède pas à la célèbre nef
de la cathédrale de Gerône, en Catalogne, sa
contcmporaine,qui mesure extérieurement 23'"JO.
132
Eeuue oc l'art cbrcticn.
La construction de cette dernière donna lieu à
la convocation d'une junte d'architectes appelés
d'Espagne et de France, pour décider si l'édifice
était susceptible d'être recouvert par une seule
voûte; question résolue par l'affirmative. Mire-
poix n'avait pas reçu de voûte avant la restau-
ration moderne. Une tour carrée, qui flanque le
côté sud, est surmontée d'une flèche à crochets du
XVI*^ siècle, d'une remarquable élégance.
Après un coup d'œil sur la tour du XII"^ siècle
située dans la rue des Couverts, on se rendit au
château de Lagarde, où l'on remarque une porte,
quatre tours d'angle et des courtines élevées par
François de Lévis (XIV« siècle.) La belle tour
d'escalier à moitié éventrée, et qui accuse le com-
mencement du XII« siècle, est due à Jean de
Lévis, sénéchal de Carcassonne.
On fait une halte à Saint-Jean de Verges, dont
l'église romane a été décrite naguère par M. de
Lahondés ('), et à l'église de la Daurade, qui
conserve une porte du XI IF" siècle. Près de Taras-
con on trouve l'antique sanctuaire de Notre-Dame
de Sabart, l'une des plus importantes églises du
pas^s, but d'un antique pèlerinage; son histoire
a été racontée par M. Garrignon et a paru dans le
Bulletin momoiiental (;).
L'édifice conserve intact son plan basilical
primitif. On voit encore l'église d'Unac (3) fort
beau t}-pe d'église romane. Sa belle abside, munie
de contreforts, flanquée de deux absidioles,
percée de belles fenêtres dont l'élégante voussure
retombe sur des colonnettes, a gardé grande
tournure. Le clocher, avec ses deux étages de
fenêtres géminées, couronne dignement la vieille
basilique.
Le congrès en terminant ses travau.x, a décerné
quatre médailles en vermeil à MM. de Lahondés
pour ses Recherches sur les momintents de l'Ariège
et pour son Histoire de Pamiers ; Noguier,
fondateur du musée lapidaire de Béziers, pour
son Catalogue cpigraphique du musée ; Pasquier,
pour ses travaux d'archéologie et de paléonto-
logie ; et Garrigou, pour l'ensemble de ses travaux
scientifiques.
NOUS donnons, p. 79, le compte-rendu de
l'excursion faite en Septembre dernier au
pays des Trévircs par la Gilde de St- Thomas et
de St-Luc.
LA Société centrale des architectes de Belgique
a fait en mai dernier une excursion en
Normandie. Elle a visité le Mans, Vitré, Cou-
1. V. /iull. jnonum. ai. née 1875.
2. Le Sfiàaratès, par H. Garrignon. BttiL moniim. 1877.
3. Ibid.
tances, Baycux, Caen, Lisieux, Trouville, le
Havre et Rouen. ]\L Corroyer a fait à ses
membres les honneurs du mont St-Michcl, et ils
ont joint à tant d'autres leurs protestations
contre la fameuse digue.
eCrpositions.
lIOUS avons parlé dans notre dernière
livraison de l'exposition des arts déco-
ratifs. — Il y a lieu d'y signaler une
bien intéressante exhibition, celle des
verrières originales. Deux à trois cents panneaux
anciens du XI 1= au XVI F' siècle, intacts ou
restaurés, ont été fort habilement dressés sur les
paliers des deux grands escaliers latéraux. C'est
la première fois, croyons-nous, qu'une pareille
exposition a été tentée et on y a parfaitement
réussi. Des décalques de vitraux connus ainsi que
de nombreuses photographies jointes aux ver-
rières originales, résumaient l'œuvre complète de
nos anciens peintres verriers.
C'étaient des fragments de verrières originales
du XI F siècle provenant de la cathédrale de
Châlons-sur-Marne, des vitraux des cathédrales
de Strasbourg et de Poitiers, notamment une
fenêtre absidaic avec la légende de Saint-Lau-
rent ; des envois de la cathédrale de Bourges, les
figures de saint Valérien, de sainte Cécile, de
saint Pierre et de saint Paul, une Résurrection
de Lazare, Ste Madeleine au.K pieds du CllRlST,
et un vitrail contenant la corporation des chan-
geurs etc. ; comme complément quelques vitraux
cisterciens.
Pour le XIII'= siècle, la cathédrale de Bourges
a fourni plusieurs autres sujets de corporation,
les tisserands, les forgerons, plus une Assomp-
tion ; celle du Mans, divers panneaux de fenêtres
avec deux saints Georges et autres saints. Citons
encore une Vierge de Poitiers ; Adam et Eve et
divers panneaux circulaires provenant de la rose
de la façade principale de Notre-Dame-de-
Paris.
Du XIV'= .siècle, on voyait des débris venant
des cathédrales de Châlonset de Bourg, et, d'une
origine inconnue, la Visitation, l'Adoration des
Mages, la Naissance du CllRIST, etc.
Du XV^, des compositions architecturales,
encadrant des personnages et des sujets de piété,
sorties de l'abbaye d'Eymoutiers dans la Haute-
Vienne, de Saint-Germain-dcs-Prés, de Saint-
Séverin et de Saint-Gcrvais de Paris ; puis quel-
ques vitraux suisses tirés d'édifices civils.
Le XVI»^ était représenté par de nombreux
Cbronique.
133
échantillons remarquables. Un vitrail célèbre est
celui donné par Charles de Villiers, comte évêque
de Beauvais à l'église de Montmorency, exécuté
en 1524. Les églises mises à contribution sont
celles de Montmorency, de Saint-Gervais de
Paris, de Saint-Julien-du-Sault, les cathédrales de
Châlons et d'Autun.
NOUS ne nous occupons guère des exposi-
tions de peinture et de sculpture, dans
lesquelles nous voyons l'un des écueils de l'art
moderne. Il est évident que nous sommes en
pleine démagogie ; l'artiste ne connaît plus de
mission ; il ne marche plus à la tête de son siè-
cle, mais à la remorque du public; il relève uni-
quement de ses caprices ; il cherche la vogue en
flattant les plus bas instincts du vulgaire.
On pourrait admettre les expositions comme
l'épreuve que peut utilement subir une œuvre,
dont l'objectif est ailleurs. Mais aujourd'hui
l'exposition et la vente par l'exposition est la
fin suprême du tableau. Or l'essence du grand
art n'est-il pas d'avoir un objet, un but élevé,
supérieur, étranger à la préoccupation de vente
et même à la vogue .'' — Aussi que nos peintres
sont petits, avec leurs tableaux de genre, à côté
des maîtres anciens qui peignaient leurs retables,
dans la noble et sereine pensée de les voir figurer
sur un autel et servir à l'édification du peuple !
Donc, à Dieu ne plaise que nous nous mêlions
à ce peuple de critiques incompétents, qui met
sur le gril les pauvres artistes modernes! Cela ne
nous empêchera pas toutefois de signaler à l'oc-
casion quelque bonne tendance qui peut se faire
jour dans le chaos pictural et sculptural d'une
exposition ; c'est ici le lieu de citer quelques
lignes du Journal des Beaux-Arts à propos du
salon de Bruxelles.
<i Voici un Philosophe de M. Fr. De Pauw
juché un peu haut et qui me parait renfermer de
sérieuses qualités d'exécution. Il y a là une sa-
veur gothique très agréable à l'œil. Remarquez-
vous cette tendance à emboîter le pas avec
Qucntin-Metsys.' En voilà plusieurs que je prends
sur le fait : Van Hove (Edmond), Van Haver-
maet, H. de Brackeleer, Impens de Pauw, quel-
ques artistes de l'école de Dusseldorf, et d'autres
dont les noms m'échappent. Nous y reviendrons. »
Nous disons à notre tour à ces courageu.x
lutteurs : bravo, et courage ! Mais gardez-vous de
faire juges de vos vaillants efforts ni les critiques,
ni le public des salons.
DANS l'avenir, il est aisé de prévoir que l'on
désignera volontiers à Rouen, l'année 1884,
sous le nom d'année des Expositions. On a rare-
ment vu en province pour une seule année une
aussi grande variété d'expositions, organisées
simultanément et, chose plus rare encore, toutes
couronnées de succès tant au point de vue des
recettes que de leur parfaite installation.
Notre précédente livraison contient, sur l'expo-
sition d'imagerie organisée par la comité catho-
lique, un article de M. Ch. de Linas, qui nous
dispense d'y revenir, et nous donnons dans ce
fascicule même, une lettre de M. de Farcy, sur
l'exposition rétrospective. — Signalons, outre
l'exposition des Beaux-Arts, une exhibition d'un
intérêt local tout particulier que chaque ville
devrait avoir à cœur d'imiter. On avait réuni au
Musée une importante série de Peintures, Dessins
et Estampes relatifs à la topographie ancienne et
moderne et à l'histoire monumentale de la Ville.
Les Archives municipales, le Musée, la Biblio-
thèque, des amateurs, des artistes, des éditeurs
ont concouru à former un ensemble très varié qui
raconte au regard charmé toutes les transforma-
tions de la grande cité normande.
LE Bayrisches Gcicerbciiuiscum, à Nuremberg, orga-
nise, pour l'époque du 15 juin au 30 septembre 1885,
une e.\position internationale d'ouvrages d'orfèvrerie,
joaillerie, bronzes d'art et d'ameublement, ainsi que de
machines, outils et métaux bruts nécessaires à leur fabri-
cation. Cette exposition sera complétée par une division
historique.
Cette division historique aura pour but de donner un
aperçu du développement successif des travaux d'orfèvre-
rie et de joaillerie, des bronzes d'art et d'ameublement ;
de montrer les avantages des travaux anciens au point de
vue technique et artistique, et d'éveiller, par suite, l'ému-
lation vers des perfectionnements et des progrès dans le
domaine des ouvrages modernes en métaux.
Elle embrassera les produits des arts et métiers prove-
nant des âges les plus reculés jusqu'aux œuvres des temps
modernes, soit jusqu'au commencement de ce siècle ;
ainsi : des ouvrages de bijouterie d'or et d'argent, de
joaillerie ; des ouvrages artistiques en cuivre, y compris
des émaux ; des bronzes d'art et des ouvrages en laiton ;
des produits artistiques des potiers d'étain.
Les articles ressortissant à la division historique seront
l'objet d'une exposition privilégiée et pourvus du nom de
leur propriétaire (').
Si toute l'aristocratie ])olonaise de la province avait
voulu y participer, l'Exposition de Posen, qui n'a duré
d'ailleurs qu'une quinzaine de jours, eût été une des plus
intéressantes et des plus brillantes qu'on puisse imaginer;
car les chefs-d'œuvre de tous les icnips et de tous les pays
ne manquent pas chez M.M. l'otocki, Radziwill, Chlapow-
ski, Cieszkowski, etc. Ce dernier est le seul qui ait con-
senti .^ envoyer ici les perles de sa riche galerie, et c'était,
on peut le dire, le principal attrait de cette Exposition, qui
ne comprenait en tout que 175 tableaux et une dizaine de
I. I-es envois des objets destinés à indivision historique seront
reçus jusqu'au 30 avril 1885.
134
IRctJue De rart chrétien
sculptuies.Au premier rang figuraient X Adoration des Rois
Maires, de Paul \'éronèse ; une Grande dame milanaise,
de Franc^ois Moroni; un superbe van Ostade et un Albert
Cuyp de grande valeur. Citons encore deux toiles attri-
buées à David Teniers, une belle marine de Backhuysen,
un van Huysum, un Stev. l'alamedes, etc. Parmi les pem-
tures modernes rien de particulier ;\ noter. Mais en revan-
che dans la sculpture on a admiré l'œuvre d'un artiste qui
est en même temps un poète célèbre en Pologne : c'est une
porte de bronze commandée à M. Théophile Lenartowicz,
par le comte Cieszkowski pour le tombeau de sa fille. M.
Lenartowicz, qui habite l'Italie depuis plus d'un demi-
siècle et qui est déjà très connu dans ce pays, s'est inspiré
dans ce morceau des plus beaux modèles de la Renais-
sance.
u
NE curieuse salle a été ouverte tardivement
_ au public, à l'exposition des Arts décoratifs,^ à
l'e.xtrémité du palais de l'Industrie, au premier étage, côté
de la place de la Concorde. Son attrait consiste exclusive-
ment en de superbes boiseries anciennes appliquées contre
les murs, ce qui a permis de les rétablir telles qu'elles
devaient être dès leur première destination. Les plus
remarquables de ces boiseries par leur ancienneté, leur
richesse et leurs détails d'exécution proviennent du salon
dit « du cardinal Mazarin », au château d'Ormesson.
Dans un coin de la salle, on a dressé une autre boiserie,
une cheminée au.x proportions monumentales, datant de
Henri IL
--^^eCrpositions ouuccte.s ou annoncccs. ---
ANVERS. — Exposition de mai-octobre 18S5.
GL.A.SCOW. — 24'' Exposition de l'Institut des Beaux-
Arts, du 3 février au 30 avril 1SS5.
LYON. — Exposition annuelle de la Société des Amis
des Arts, de la 2' quinzaine de janvier à la fin de mars.
LYON. — Exposition permanente des Beaux-Arts de
Lyon, 38, rue de Bourbon, tous les jours de 1 1 h. à 4
heures.
NOUVELLE-ORLÉANS. — Exposition universelle,
du 16 décembre 1884 au l" juin 1885.
NUREMBERG. — Exposition internationale d'orfè-
vrerie, joaillerie, bronzes, du 15 juin au 30 septembre 1885.
PARIS. — Salon de 1885 du r' mai au 30 juin.
PARIS. — Exposition nationale de 18S6, du i" mai au
15 juin.
PAU. — 21" Exposition annuelle de la Société des
Amis des Arts de Pau. Ouverture le 25 janvier, clôture le
15 mars 1885.
iHusces.
E conservateur du musée de Cluny vient
d'enrichir ses collections de huit grands
panneaux de carrelage provenant du château
de la Bâtie, près Rouen et exécutés en mars
1548 par <( Mosseot Abaqueene, esmalier en
Notre-Dame de Sotteville-les-Rouen ». Un
terre de
autre carrelage du même artiste se trouve déjà exposé
à Cluny.
Une acquisition plus importante a également été faite
en Hollande par le même musée; il s'agit d'une plaque
funéraire en cuivre. La France jusqu'à ce jour, ne possé-
dait aucune pièce de ce genre et était réduite à n'exposer
dans ces musées que des copies prises dans les Musées
de Bruges et de Gand.
Enfin il vient d'être fait don au musée de Cluny, par le
ministre de la guerre, de vingt-cinq magnifiques plaques
de cheminées datant des -KVL', XVI I" et XVI IL siècles,
et provenant de la démolition d'appartements qui faisaient
partie du fort de Vincennes. (Courrier de l'Ari.)
LE musée des moulages sera prochainement agrandi
par l'installation de trois nouvelles salles. Toute la
galerie de gauche du palais du Trocadéro sera transformée
en musée. Comme l'indique son nom, le musée des mou-
lages est composé exclusivement de reproductions ; mais
ces reproductions ont été prises sur les plus beaux chefs-
d'œuvre de sculpture et d'architecture connus en France.
Un seul ouvrage original s'élève au milieu de toutes ces
merveilles reproduites en plâtre : c'est le buste en mar-
bre de feu M. Viollet-le-Duc. Quant aux ouvrages compo-
sant le musée proprement dit, quoique faits de la veille, on
dirait qu'ils datent tous de plusieurs siècles, grâce aux per-
fectionnements obtenus pour donner au plâtre les teintes
rigoureusement exactes des monuments dont ils sont la
reproduction fidèle. Voici par exemple, parmi les ouvrages
les plus importants exposés récemment, le portail de la
cathédrale de Bordeaux. (11 aura pour pendant le portail
de la cathédrale de Rouen, qu'on est en train de cons-
truire, et dont les deux portes latérales sont déjà mon-
tées). Puis, un tombeau provenant de l'église Saint-Just,
à Narbonne ; une stalle du chœur de la chapelle de l'an-
cien château de Gaillon dans l'Eure, superbe morceau de
sculpture, dont l'original se trouve aujourd'hui dans la
basilique de Saint-Denis. Les futures salles actuellement
en voie d'installation sont remplies de moulages empilés
contre les murs et provenant principalement du centre et
du midi de la France. Deux petits monuments seulement
s'élèvent, entièrement construits, au milieu d'une des sal-
les ; ce sont les reproductions de deux fontaines que l'on
peut voir encore, l'une à Blois et l'autre sur une des pla-
ces publiques de Caen ('). (Journal des Aris.)
M. Adolphe Guillon vient de faire don au Musée des
Arts décoratifs d'une remarquable collection de carreaux
émaillés de Bourgogne, qui rendra les plus grands services
aux faïenciers parisiens.
M. Guillon, a découvert les modèles de ces curieux car-
reaux dans les abbayes de Vézelay et de Cluny ; dans les
églises de Cliâteau-Censoir, de Vincelles, de Cudot ;dans
les châteaux de CourtroUcs, de Sacy, de Vontenay, de
Vergy, de Brazey, etc.
Cent neuf spécimens ont été ainsi réunis et disposés en
six grands panneaux, que l'administration du Musée a
placés dans la galerie extérieure, au palais de l'Industrie.
(Ibidem.)
MONT.\K(;iS possède un musée prest|ue récent
encore mal classé, mais assez riche et contenant
plusieurs œuvres provenant de la région.
I. Par uncdccibion récente du ministère des beaux-arts le public est
autorisé à prendre, sur place, des dessins des ouvrages exposés. Tou-
tefois, ces dessins doivent ôtre exécutés à la main, sans aucune instal-
lation. 11 est également défendu de prendre des vues à l'aide d'ajjpa-
reils photograpliiques, ce privilège appartenant exclusivement à un
artiste pliotograplie, et cela en venu d'un traité passé avec l'admi-
nistration.
Ci) ro nique.
Ô3
On remarque dans l'escalier des pierres tombales pro-
venant de l'abbaye de Sainte- Rose, près de Roscy-le-
Vieil, au premier étage, une petite salle consacrée aux
sculptures, moulages, esquisses et dessins du baron Henri
de Triqueti. Parmi les tableaux un certain nombre de
primitifs de diverses écoles.
LA galerie nationale de Londres vient de faire l'acqui-
sition d'une des plus belles œuvres d'Andréa Mante-
gna : Sainson et Dalila. La note générale de ce tableau
porte à croire qu'il faisait pendant ^w Jugement de Salo-
tnon, du même peintre, qui appartient à la galerie de
Louvre.
LE musée de Lille vient de s'enrichir de divers dons.
M"" Sproit lui a offert un petit flamand primitif, pan-
neau de o"',28 de haut sur o"',4o de large qui représente
saint Joseph, la Vierge et l'Enfant Jésus traversant un
village.
SUR l'initiative du duc Torlonia, secondé en cela par
j\I. Fiorelli, la ville de Rome se propose de fonder
deux nouveaux musées qui seront du plus haut intérêt au
point de vue archéologique ; l'un, le Museo iirbano, renfer-
merait les œuvres d'art antiques trouvées dans la ville
même ; l'autre, le Museo tutino, serait réservé aux objets
découverts dans la campagne romaine.
LE gouvernement saxon se propose d'installer prochai-
nement dans l'ancienne résidence des archevêques
de Magdebourg un muser provincial qui, en dehors des
objets préhistoriques, contiendra des œuvres d'art du
moyen âge et de la Renaissance. Entre autres curiosités
on y verra deux chambres, l'une du XVI", l'autre du XV'II<-'
siècle, complètement aménagées dans le style du temps.
Le musée des Arts industriels de Berlin va s'enrichir
également d'une acquisition analogue, grâce au fonds dit
de Fréd. Guillaume. On y installera deux chambres
Renaissance allemande de 1540: les plafonds, les portes
et les fenêtres, tout est de cette époque. L'une de ces piè-
ces provient du château Ha;nrich de F'ranconie, l'autre du
château de Haldenstein, près Coire ; cette dernière avec
ses magnifiques sculptures est connue depuis longtemps
et passe pour être le plus bel ouvrage en bois suisse.
LE nouveau musée conmiunal de Gand vient de s'ou-
vrir dans l'ancienne chapelle sécularisée des Frères
du Mont Carmel, à laquelle M. le baron Bcthune a consa-
cré une étude dont nous avons entretenu nos lecteurs.
( V. J\evue de l' Art chrétien, 1S84, p. 386J
Il était temps que la ville de Gand, si ijopuleuse, si riche
en monuments, et qui cultive avec tant de succès l'art tradi-
tionnel, eût enfin son musée. — S'il est regrettable de voir
les services civils envahir les sanctuaires de la piété, du
moins on a tiré de celui-ci le parti le plus digne, parmi
les usages auxquels il fut successivement affecté, et nous
aimons mieux y voir exposer des antiquités, que déballer
des légumes et des denp;es alimentaires. Car tel a été
le sort de l'antique chapelle, après bien de péripéties.
Avant d'y installer le musée, l'administration commu-
nale a fait approprier et restaurer ce monument ; mais
cette restauration est des plus malheureuses. M. A. de
Ceuleneer a formulé â ce sujet, dans \c Journal des lieaux-
Arts, des critiques fondées sur lesquelles nous aurons à
revenir.
Le musée n'est pas riche, mais assez intéressant toute-
fois. Il est installé avec goût, dans un local superbe. Les
chapelles latérales del'antique oratoire forment des compar-
timents disposés d'une manière particulièrement heureuse
pour classer les objets parépoque; dévastes vitrines s'allon-
gent dans les nefs ; de vieux gonfanons de soie pendent
aux entraits du berceau lambrissé, ou forment de beaux
trophées, accrochés au haut des murailles. Les objets de
l'époque ogivale ne sont pas très nombreux ; mais la partie
la plus intéressante est celle qui concerne les anciennes
corporations gantoises.
La collection des torchères est des plus remarquables
et rarement on trouvera réuni un aussi grand nombre d'ob-
jets ayant appartenu â d'anciennes corporations. Une sec-
tion non moins riche que la précédente est celle de la
ferronnerie. Il y a là des ouvrages de toute beauté et une
collection de serrures de coffres-forts peut-être unique en
Belgique. Mentionnons aussi quelques jolis grès dont
plusieurs proviennent de la collection Minard.
La création du musée est due en grande partie à M.
Ferd. Vanderhaeghen. — M. H. Van Duyre en est con-
servateur (').
Signalons la -louable initiative prise à Courtrai par
quelques archéologues et en particulier par M. J.
Van Ruymbeke. Le noyau d'un musée y est formé, et
grâces à leurs efforts, le reste n'est plus qu'une question
de temps. Le local choisi est des plus heureusement adapté
à pareille destination. 11 n'est autre que l'une des tours
de la superbe porte-d'eau qui excite l'admiration de tous les
voyageurs par son aspect pittoresque et imposant. —
Il n'y a pas longtemps que le musée archéologique de
Bruges ne consistait, comme aujourd'hui celui de Cour-
trai, qu'en quelques épaves du passé réunies dans la tour du
Franc Courage à nos amis de Courtrai.
UN terrible incendie a manqué d'anéantir
la Galerie des tableaux anciens et le
Musée Thorwaldsen :
« Du grand et pompeux château de Christiansborg où
le Roi avait récemment réuni en un banquet les membres
du congrès des sciences médicales, il ne reste plus qu'une
ruine sombre et fumante dont les murs épais de deux
mètres menacent de crouler. Les trois ailes du palais sont
brûlées de fond en comble. Les efforts héro'iques des pom-
piers et des militaires ont réussi seulement à préserver le
Musée Thorwaldsen, l'église du château, la grande Biblio-
thèque royale et l'Arsenal. C'est un grand bonheur, car
tous ces bâtiments touchaient au château et en partie
faisaient corps avec lui. Les archives et la riche Galerie de
peintures des anciens maîtres flamands et italiens sont de
même sauvés, mais il y a naturellement beaucoup de
tableaux très endommagés.
<,< La château de Christiansburg est situé sur un îlot,
entouré de canaux. Dès les temps anciens il y avait là un
château fort. Le roi Christian V y bâtit ensuite un palais
qui devait surpasser en splendeur tous les châteaux royaux
de ce temps en Europe. En 1794 ce palais fut la proie des
flammes. Au commencement du XIX' siècle, le Danemark
I. La fabrique de St-Michel a fait don -lu musée d'antiquités de la
niaquirtte en l)ois de la tour carrée de cette église dont la construc-
tion commencée en 1440 ne fut jamais aclievée ; trois plaques en
cuivre doré repoussé et deux statues en marbre blanc représentant
l'EsiJérance et la Charité, ont été également remises au musée
par la fabrique.
1.-^6
iRcuuc De rart cfjrcticn
se trouvant en guerre avec l'Angleterre, la reconstruction
du château fut suspendue. Ce ne fut qu'en 1S28 que la res-
tauration fut achevée. Depuis lors, Christiansborg avait
été habité par les rois Frédéric VI et Frédéric VII. Mais
Christian IV s'en servait seulement pour les fêtes, comme
le récent banquet offert au congrès des médecins.
« Dans l'aile sud se trouvaient les locau.\ de la repré-
sentation (le /litisiùti^ry^ dans l'aile nord était la Galerie des
peintures. Dans les autres parties, il y avait les archives
secrètes du royaume et les salles de la cour suprême. »
■ Ifcnrcs.
O
N lit dans la Chronique des Arts et de la
Curiosité, du 6 décembre 1884, p. 488:
La collection Basilewiski.
« L'année de la curiosité vient de perdre le plus beau
« fleuron de sa couronne. Vendue hier soir sur un simple
« télégramme, la collection Basilewiski ! vendue six mil-
<i; lions de francs au gouvernement russe, qui, depuis
« longtemps, négociait avec le propriétaire par l'entremise
« de M. le comte Polotzoff.
« Pour tous, c'est le gros morceau de la saison, qui s'en
« va. Pour beaucoup, c'est le rêve de Perrette au pot au
« lait, qui s'évanouit. Une collection de cette importance,
« en effet, ne se disperse pas sans laisser un million entre
« les mains des intermédiaires, que les ventes font vivre.
« Le catalogue était en partie préparé... Quelle décep-
« tion pour les amateurs, qui préparaient déjà pour le
« mois de mars leurs munitions de guerre! Jamais, depuis
« la vente Sollikoft", qui avait produit 1,800,000 francs en
« 1860, le public n'aurait assisté à des enchères aussi
(< importantes. Toute l'Europe intelligente, aimant les arts,
« aurait été présente. Dans cette galerie de la rue Blanche,
« où l'on était admis sur carte personnelle, une fois par
« semaine, il y avait, depuis de longues années, des mer-
« veilles amassées... Pour les voir, il faudra désormais
<,< faire le voyage de St-Pétersbourget demander au musée
« de l'Ermitage, la salle Basilewiski...
{Figaro.) Paul Eudel.
Tous les amis de l'art ancien et particulièrement de l'art
religieux, si bien représenté dans cette belle collection,
regretteront sincèrement l'enlèvement de ce trésor de
notre pays. Exposées en 1867 dans les salles de l'histoire
du travail et en 1878 au Trocadéro, les principales pièces
sont connues de bien des amateurs ; il était d'ailleurs facile
de les visiter ; une simple demande de carte ouvrait la porte
de la vaste galerie, où les ivoires, les éniau.x et les pièces
d'orfèvrerie les plus étonnantes étaient rangées sur des
dressoirs ou des crédcnces admirables.
Quel dommage que le gouvernement français ait com-
mis la même faute que pour la collection Soltykoff (celle-
là dispersée de tous côtés) et laissé la Russie, la moins
intéressée des nations européennes dan s la question, puisque
tous les objets sont d'origine française, alleinande ou ita-
lienne, faire l'acquisition de ces chefs-d'œuvre du passe.
La parole en ce cas, comme en bien d'autres, est aux mil-
lions. Peut-être en aurait-on trouvé s'il avait été question
d'une autre collection Campana, composée de vases étrus-
ques ou romains sans nombre: mais ici on était en plein
art religieux (catacombes, art byzantin, moyen-âge et
renaissance), c'était une bien mauvaise note par le temps
qui court et avec les tendances anti-cléricales à la mode.
Quel excellent fond eût fait cette collection pour le
futur palais des Arts décoratifs ; mais n'insistons pas et
espérons, sans trop y compter, qu'à l'avenir on ne laissera
plus échapper pareille occasion.
Voici, à titre de renseignement, les divisions du catalo-
gue raisonné, édite chez Morel en 1874, sous la direction
de M. Darcel avec de fort belles planches en or et couleurs.
Il contient 561 numéros; inais depuis son impression de
nombreuses acquisitions avaient été faites par M. Basi-
lexviski, entr'autres l'admirable croix de procession en or
ciselé et repoussé de la fin du Xlll'' siècle ('), exposé au
Trocadéro entre les deux reliquaires émaillés de l'ancien
trésor de Bâle. Actuellement la collection comprend 750
numéros.
1 . Art des catacombes.
Marbre, numéro i. — Terre cuite numéro 2 à 25. —
Ivoire 26 à 31. — Bronze 2,2 à 39. — Verre 40 à 44.
2. Art Byzantin et époque Carlovingienne.
Ivoire 45 à 78. — Mosaïque 79 à So. — Émaux 81.
3. Art du moyen âge.
Calcaire 82 et 83. — Marbre 84 et 85. — Ivoire 86
1 12. — Bois 1 13 à 1 19. — Meubles 120 à 123. — Matières
plastiques 124. — Bronse et dinanderie 125 à 137. — Or-
fèvrerie 138 à 189. -- Étain 190. — Émaux 191 à 237. —
Emaux translucides 238 et 239. — Verre 240 et 241. —
Mosaïque 242. — Ferronnerie 243 et 244. — Coutellerie
245 à 250. — Armes 251 à 255.
4. Art de la Renaissance.
Marbre 256 et 257. — ■ Ivoire 258. — Bois sculpté 25g
à 265. — Meubles 266 à 274. — Matières plastiques 275
et 276. — Terre cuite 277. — Terre cuite entaillée 278 à.
282. — • Bronze 283 à 287. — Ferronnerie 288 à 292. —
Coutellerie 293. — Armes 294 à 300. — Émaux Vénitiens
301 à 304. — Émaux peints ya^ à 349. — Faïences peintes
350 à 489. — Verrerie 490 à 543. — Tapisserie 544. —
Broderie 545 à 550.
5. Art oriental 551 à 558.
6. -Supplément 559 à 561.
Tels étaient les titres des chapitres du catalogue dressé
en 1874 par M. Darcel et illustré de 50 planches la plu-
part en chromolithographie. Souhaitons à toutes les
grandes collections d'être décrites d'une façon aussi
savante et avec un tel luxe de reproductions. Puisse sur-
tout le gouvernement, si généreux des millions de la
France C|uand il s'agit de la Tunisie ou du Tonkin, en
réserver quelques-uns (ne fût-ce que tous les vingt ans)
pour l'acquisition de collections telles que celles du prince
Soltykoft ou de M. Basilewiski, et ne pas laisser passer
à l'étranger des spécimens de cette importance pour notre
art national ! L. F.
I. Voyez dans \'Art ancien à l'exposition de 1878 par M. I,.
Gonse, rédacteur de la Gazette des Beaux Arts, p. 232, la reproduc-
tion de celle croix unique, accomp.agnée de deux branches, portant
l'une St Jean, l'autre la Vierge.
REPONSE.
Plaques de foyer en fonte de feri'^^]. — Nous avons
remarqué récemment, au château de Montbras
(c'"^ de Taillancourt, Meuse) une très grande
plaque de foyer qui doit remonter à la fin du
XV<= siècle ; beaucoup plus large (2'"o8) que
haute, elle affecte la forme d'un rectangle avec
un petit fronton triangulaire sur le milieu. Au
centre, une croix de Jérusalem, cantonnée de
quatre croiscttes, sur un cercle ; au-dessus, écu
de France. Sur les côtés: 2 écus de France;
2 étoiles à 6 rayons rectilignes ; 6 écus au lion
rampant, tenant une hallebarde ; enfin, 2 écus en
losange, à 6 tours, posées 3, 2 et i.
Dans la maison de Jeanne d'Arc, à Domremy,
existe, nous dit-on, une plaque pentagonale, of-
frant les mêmes armoiries inconnues : au lion
rampant arme d'une hallebarde.
Dans la collection, importante pour les XVI 1°
et XVIII^ siècles, du Musée de Bcaune, on re-
marque une plaque de la fin du XV'= siècle, tou-
jours de forme pentagonale. Le milieu de la
partie inférieure n'offre pas de décoration ; dans
le haut, trois croix dites de Lorraine, dont celle
du milieu, de plus grande dimension, repose sur
un cercle ; sur les côtés, deux fleurs de lys. (D'a-
près une comm. de Mgr Barbier de Montault.)
— Ces emblèmes paraissent désigner le roi
René.
Je pourrais signaler de nombreuses plaques
datées de la seconde partie du X VI"^ siècle : 1 570,
la châsse de Saint-Hubert; 1583, Ecu de France-
Navarre ; 1584, Jugement de Paris ; 1590, Noces
de Cana ; etc., etc. Jamais je n'en ai vu du XV<=
siècle qui portassent une date.
L. Germ.\ix.
QUESTION.
Notre-Dajne de Bon-Secours, de Nancy. — La
statue de Notre-Dame de Bon-Secours, à Nancy,
est, depuis deu.x ou trois siècles, l'objet d'un pèle-
rinage très populaire. On la croit sculptée par un
artiste de grand mérite, Mansuy Gauvain, suivant
le compte du receveur général de Lorraine pour
l'année 1506, qui porte : « Payé par le receveur à
Mansuy, menusier, pour avoir taillié ung ymaige
de nostre Dame affublée d'un manteau ouvert,
et taillié gens de tous estas... VIII fr. V gros. »
{Btdl. de la Soc. d'Arch. Ion:, 185 1, p. 53. etc.)
I. Voir année i8
, p. 621.
Cette statue représente en effet la Vierge, les bras
étendus, écartant un vaste manteau, qui lui cou-
vre la partie supérieure de la tète, et sous lequel
sont agenouillés, en dimension beaucoup plus
petite, un grand nombre de personnages de tou-
tes conditions, ecclésiastiques d'un côté, laïques
de l'autre.
L'origine iconograpliique de cette statue, qui
constitue, dans le duché de Lorraine, un t}-pe
tout à fait particulier, connu uniquement sous le
nom de Notre-Dame de Bon-Secours, n'a jamais,
croyons-nous, été étudiée. Nous n'avons pas ren-
contré en l'rance d'images analogues de la Vier-
ge ; mais nous en avons retrouvé plusieurs dans
différentes provinces de l'Espagne, notamment
dans des bas-reliefs funéraires à Burgos, qui nous
ont paru dater du XV<= siècle. Dans son ouvrage
La sainte Vierge (p. 493), M. l'abbé Ménard a
donné une gravure de la Vierge des Grottes {de
las Cuevas) du Musée de Séville ; Marie étend
les bras ; le Saint-Esprit plane au-dessus de sa
tête ; deux anges soutiennent les pans de son
manteau ; des Chartreux agenouillés implorent
sa protection. On remarque dans la Vie militaire
et religieuse de M. P. Lacroix (p. 204), une gra-
vure représentant « Notre-Dame de Grâce abri-
tant sous les plis de son manteau les premiers
grands maîtres de l'ordre militaire de Montessa » ;
c'est une peinture sur bois du XV« siècle, vénérée
dans l'église du Temple à Valence (Espagne).
Les ducs de Lorraine, Jean et Nicolas d'Anjou,
auraient pu s'inspirer de ces images par suite de
leurs campagnes dans la Catalogne ; toutefois,
il est plus probable que ce type iconographique
a été rapporté en Lorraine de l'Italie, où les ducs
de la dynastie angevine, ainsi que René II, firent
plusieurs expéditions militaires et envoyèrent
étudier leurs artistes. Pei-sonnellement, nous con-
naissons peu l'Italie ; nous savons cependant que
des représentations analogues s')' rencontrent
assez souvent, bien que Rome ait toujoui's préféré
le type de la Vierge por'tant sur ses bras l'enfant
JÉ.SUS. L'Atlas Marianus (t. II, p. 69) reproduit
Notre-Dame de Monte Berico, couvrant des pans
de son manteau deux hommes agenouillés; la
statue remonterait à l'an 1426. Nous possédons
l'empreinte d'un sceau ovalaire, dont la légende
nous parait ètie : ^ SIG. MONA. MOMA. S.
MARIAE II DEMIS PADOL S BEN DE OB;
il offre la même image de la Vierge, abritant
deu.x petites religieuses.
Nous désirerions savoir exactement : où, à
quelle époque et dans quelles circonstances, ce
type a pris naissance.
138
Ecuuc Dc rart cïjrcticn.
N'y aurait-il pas lieu de rapprocher de cette
représentation de la Vierge celle de sainte Ursule
écartant son manteau pour couvrir de ses pans,
soit plusieurs des onze mille vierges, comme dans
une statuette d'Avioth (Meuse) ou dans l'une des
peintures dc la fameuse châsse de Bruges, par
Memling, soit quelques-unes de ces mêmes com-
pagnes précédées, au premier plan, de £i'//s de
tous états, à genoux, les mains jointes, comme
dans la curieuse statue de l'église Saint-Michel
de Bordeaux ?
L. Germain.
QUESTION.
IL existe encore un certain nombre de groupes
sculptés représentant la sainte Vierge debout,
tenant l'Enfant JÉSUS sur le bras gauche et lui
présentant de la main droite un «encrier». Une
charmante statue de ce genre, sculptée en bois
de chêne et polychromée, remontant au milieu
du XV*' siècle, est conservée à l'église Notre-
Dame de Macstricht. — Une autre figure de même
nature, de grandeur naturelle, mais d'une époque
plus récente, se trouve dans une niche, au tympan
de l'ancienne boucherie à Gand. On nous a assuré
que dans quelques peintures anciennes en Italie,
on voit des représentations de la sainte Vierge
avec le même attribut.
Nous ne connaissons pas d'auteur qui, en s'oc-
cupant de l'Iconographie chrétienne, donne le
moindre renseignement à cet égard, et c'est en
vain que l'on chercherait des éclaircissements
dans les Caractéristiques des Saints Aw P. Cahier,
dans la Christliche Synibolik de Mcntzel et les
auteurs allemands, dans M^s Jameson et les ar-
chéologues anglais. Tous les auteurs consultés
sont muets à cet égard.
Peut on citer en France et dans d'autres pays,
des groupes représentant la sainte Vierge et
l'enfant Jésus de la même manière.' — Est-il pos-
sible de fixer l'origine et de préciser la signification
de ce symbole et peut-on l'expliquer soit par des
textes sacrés, soit par d'autres documents écrits?
J. H.
ERRATA.
Page
75, col. 2, in fine au lieu de Parniers lisez Painiers.
» 83, » 2, 1. 8, » de Vaneille lisez de Vei-neilh,
» 103, » 2, 1. 23, » Hubger lisez Kiigler.
» 105, » 2, passim )) Hauslick lisez Hanslick.
^?s^;irf3<M?v?d?vi^?d?v
,' 1 r T T'i w 1 1 r nr r . 1 1 w t tt ir'ï ir t rt ^ '" w ■ ■ i iittitti f '. 1 ■ 1 1 f Trmn' t"! UTIJiUll r"iTT¥ffWt ffl^' 1
Bel3ue lie
l'Hrt chrétien
4^
^ parnisfinut taus ïcs trais moie. J
28'"e année. — A"" %tm. 4^!
z 4<]'
^amc 111/ (xxxve he ta collEction). 4
2™^ liuraison. — auril ^885. <^|
HUtLlJIIX£DLA*JtlJLlllllJtAJJUJIlllirit-]JAAlMUMrTn^xinjlliiJ^li"77llir|ff* rn'rrrTTTTTr--n
Jlt JSgmboItgmc cbictten au ICI' mtlt, ti^après
les poèmes t>e ;QrUtience« (Pcuricme et Pcmlcr article.) (V. la
livraison de janvier 1885, p. i.) m^^mW^^êmm^.^m^^mi^m~
V.
EUX sacrements ont été repré-
sentés par Prudence sous une
image symbolique.
« Jésus, dit-il, oignit les yeux
« de l'aveugle avec de la terre humectée de
« sa salive et pétrie de ses mains. Il lui mon-
« tra ensuite par quelle ablution devaient
« être guéries ses ténèbres. La piscine de
« Siloé élève ses eaux de temps en temps, et
« ne les fait pas continuellement bouillonner:
« mais, à des intervalles réguliers, son bassin
« se remplit d'un large flot. Des troupes de
« malades soupirent après le moment où
«jaillira la source avare, et où ils pourront
« nettoyer par un bain purifiant les souillures
« de leurs membres : ils attendent que l'eau
« sonore fasse ruisseler la pierre, et restent
« suspendus à la margelle desséchée. Le
« Christ ordonne (à l'aveugle) de laver à
« cette fontaine la boue étendue sur son
« visage, afin que la lumière le fasse de nou-
« veau resplendir. Car il savait qu'il avait
« formé de boue la figure humaine autrefois
« couverte de ténèbres, et qu'il avait ensuite
« appliqué sur le nouvel Adam le médicament
« sorti de sa bouche. Sans le divin souffle du
« souverain Seigneur, en effet, la terre est
« aride et impropre à guérir; mais après qu'un
« esprit liquide, sorti d'une bouche céleste, a
« mouillé la terre vierge, celle-ci devient un
« principe de salut, et, ainsi baptisée, elle
« peut rendre la lumière. L'aveugle se tient
« debout, les yeux rouverts par la bouche du
« Christ, il proclame qu'il a recouvré la
« lumière grâce à l'application de la boue et
« au contact des flots brillants, il montre à la
« ville étonnée l'auteur de la lumière, le do-
« nateur des jours, qui n'a pas dédaigné de
« montrer aux hommes errants et malades,
REVUE DE l'art CHRÉTIEN.
1885. — a'"^ Livraison.
140
iRctiiic De rart chrétien
« en son propre corps, la vertu médicinale
« de l'eau ('). »
J'ai dû citer ce long et subtil passage, qui
n'est pas sans beauté dans l'original, mais
qu'il est à peu près impossible de traduire
d'une façon supportable. Il a trait manifeste-
ment au sacrement de Baptême, et célèbre
« la vertu médicinale de l'eau » que Jésus
a montrée par son propre exemple, corpore
sub proprio, en se soumettant dans le
Jourdain au baptême de Jean. Tombée sous
forme de salive de la bouche du Sauveur, ou
coulant en ondes brillantes dans la piscine
de Siloé, l'eau rend la lumière aux aveugles,
à la créature ténébreuse, au vieil homme
devenu le nouvel Adam. Elle est l'instru-
ment de « l'illumination » produite par le
Baptême, autrefois appelé de ce nom. Les
images, assez fréquentes dans l'art primitif,
de la guérison des aveugles par le Sauveur
au moyen de la boue liquide, ou de la des-
cente dans la piscine, non de l'aveugle, il
est vrai, mais du paralytique, sont probable-
ment des symboles du Baptême. Dans une
des chambres du cimetière de Calliste, à
côté de peintures représentant un homme
qui tire de l'eau un poisson, emblème du
Baptême, et un autre qui administre réelle-
ment ce sacrement, on distingue l'image du
paralytique emportant son lit sur ses épaules
au sortir de la piscine miraculeuse ('). M.
de Rossi voit dans cette représentation
encore une allusion au Baptême (■'). Ter-
tuUien considère l'eau de la piscine de
Bethesda, miraculeusement remuée par
l'ange, comme un emblème de l'eau purifica-
trice du Baptême (■*). Dans le rituel Gothique-
Gallican, l'une des prières de XOrcio Ba-
ptismi contient cette invocation : « O Dieu,
1. Apotheosis, 675-703.
2. De Rossi, Routa sotlerranea, t. II, pi. XVI, 11° 6. —
Cf. Rome souterraine française, pi. \'l, n° 3.
3. De Rossi, 1. c, p. 334.
4. TertuUien, De H-iptisiiio, 5.
qui, par le ministère d'un Ange, rendez
médicinales les eaux de Bethesda, daignez
ordonner à l'Ange de votre miséricorde de
descendre dans ces fontaines sacrées ('). »
Prudence semble voir dans les deux périodes
de la médication de l'aveugle-né, consistant
l'une dans l'onction des yeux par le limon
mêlé de salive, l'autre dans l'ablution faite
à la piscine, deux symboles représentant
également les vicdica purgamina aquœ, la
vertu purificatrice de l'eau baptismale :
seulement ici, comme dans un quatrain du
Dittochaeoii (=), il étend à la piscine de Siloé
les prérogatives merveilleuses de celle de
Bethesda (^), et la montre entourée de
malades, trait que l'Évangile rapporte seu-
lement de la dernière, et à propos d'un
autre miracle ('').
Prudence a raconté dans une hymne du
Cathemerinon le passage de la mer Rouge
par les Hébreux que conduisait une colonne
lumineuse (-). Dans le dernier chant de ce
recueil il rappelle le même épisode, en lui
donnant un sens symbolique indiqué par
saint Paul et par les Pères de l'Eglise, et
dont j'ai déjà parlé. « Tous ont été baptisés
sous la conduite de Moïse dans la nuée et
dans la mer, » écrit l'Apôtre faisant par ces 1
paroles du passage de la -mer Rouge
l'archétype du sacrement de Baptême (').
« Le passage à travers la mer Rouge est
un Baptême, » dit saint Augustin ('). C'est
1. Descendat super has aquas Angélus benedictlonis
tux... qui BethesdiB aquas Angelo medicante procuras...
Angelum pictatis tuaî his sacris fontibus adesse dignare.
2. Dittochaeon, 129-132.
3. Voir Fouard, Vie de N.-S. Jésus-Christ, Appendice
vin, t. I, p. 505, 509.
4. Cf Brockhaus,- p. 233, 257.
5. Cal/ieinerinon, V.
6. Omnes in Moyse b^ptizati sunt in nube et in mari. ;
I Cor., X, 2. ..
7. Per mare transitus baptismus est. S. Augustin,. Sermo
352. — Cf. TertuUien, De Baptismo, g; Origcne, Homilic^
I in fosiie. — Bèdc écrivait encore au VIII'-" siècle ; « La .■
mer Rouge a pour sens le liaptcme consacré par le sang
du Christ. La verge avec laquelle la mer fut touchée est
ïLe %gmt)Olismc chrétien au iu^ siècle, D'après les poèmes De PcuDcnce. 141
ainsi que l'entend Prudence. « Notre chef
« a blessé l'ennemi et nous a délivrés des
« ténèbres de la mort. Son peuple traversant
« la mer a été purifié par les flots ; il le lave
« dans les douces eaux et porte devant lui la
«colonne de lumière ('). » Il est impossible
de ne pas voir dans ces paroles une allusion
à l'eau du Baptême, au sacrement purifica-
teur et illuminateur, comme l'appelait l'an-
tiquité chrétienne.
Prudence symbolise l'Eucharistie par
deux figures empruntées l'une à l'Ancien,
l'autre au Nouveau Testament.
La première est le miracle de la manne
rapporté dans X Exode ('). « Les Hébreux
« ayant eu faim dans le désert, leur camp se
« trouva rempli d'un mets blanc comme la
« neige, tombé en flocons plus épais qu'une
« grêle glacée : ils dressent des tables pour y
« goûter ce festin, s'y nourrir de ce mets que
« leCuRisT leur envoiedu ciel étoile (")... —
<(, Les tentes de nos pères,dit ailleurs le poète,
« sont toutes blanches du pain des Anges (^),»
c'est-à-dire de la manne qui les couvre
comme une neige. Mais cette manne est
elle-même la figure d'un autre « pain des
« Anges,» de Q.ç.panis angelicus que la poésie
liturgique des siècles suivants a chanté
merveilleusement. Prudence met ces paroles
éloquentes dans la bouche de la Sobriété,
reprochant leur luxe et leur mollesse aux
la croix du Christ, que nous recevons par le Baptême.
Ses nombreux ennemis qui piîrissent avec le roi, ce sont
les péchés : le roi lui-même, c'est le diable qui est étouffé
dans le Baptême spirituel. »
1. Hic expiatam fiuctibus
Plebem marino in transitu
Repurgat undis dulcibus
Lucis columnam pr;fferens.
Catlteiiierinoii, XH, 165-168.
2. Exode, xvi, 14-36.
3. Implet castra cibus tune quoque ninguidus
Inlabens gelida grandine dcnsius :
Hic mensas epulis, hac dape construunt,
Quam dit sidereo CHRiSTUsab œthere.
Cathcnurinon, v, 97-100.
4. Panibus angelicis albent tentoria patrum.
Dittochaeon, 4 1 .
contemporains de Théodose, fils dégénérés
des anachorètes et des martyrs : « N'est-elle
« plus dans vos âmes,cette soif du désert ?est-
« elle tarie, cette eau du rocher qui fut donnée
« à vos pères et sous la verge mystique jaillit
«de la pierre entr' ouverte ? Le mets des
«Anges n'est-il pas tombé d'abord près des
«tentes de vos ancêtres, ce mets que, plus
« heureux maintenant en ce siècle tardif, le
« peuple des derniers temps mange vraiment
«en se nourrissant de la chair même du
«Christ (') .^» Le sens du symbole est ici
clairement donné par le poète, qui semble
se borner à traduire les paroles de jÉ.sus-
CiiRisT lui-même : « Voici le pain qui des-
«cend du ciel : il n'est pas comme la manne
« dont ont mangé vos pères et qui ne les a
« pas empêchés de mourir : celui qui mange
« ce pain vivra éternellement (''). » A l'époque
où Prudence rappelait dans ses vers le sens
mystique de la manne donnée dans le désert
au peuple juif un peintre chrétien dessmait
sur un arcosolium d'une catacombe la repré-
sentation du même miracle avec un sens
aussi évidemment symbolique. Une fresque
de la fin du quatrième siècle, découverte il
y a vingt ans dans la catacombe de Cyria-
que, représente un nuage d'où s'échappent
des flocons bleuâtres. Quatre Israélites,
deux hommes et deux femmes, portant par-
dessus leurs tuniques àç.'s, peimlœ (habits de
voyage) avec un capuchon rabattu, re-
cueillent dans les plis de ces vêtements
des flocons qui tombent comme de la neige.
«Il est vrai, dit M. de Rossi, qu'aux chapi-
tres XVI de \ Exode et XI des Nombres,
nous lisons que la manne tombait ainsi
1. Excidit ergo animis eremi sitis,excidit ille
Fons patribus de rupe datus, quem mystica virga
Elicuit scissi salientem vertice saxi.'
Angelicusne cibus prima in tentoria vestris
Fluxit avis, quem nunc sero felicior ;ïvo
Vespertinus edit populus de corpore Christi ?
Psychomachia, yj\-y](i.
2. S. Jean, vi, 59.
142
ïRetiuc ne l'art cfj rétien.
qu'une rosée et que les Juifs la ramassaient
par terre ; mais le peintre a choisi pour
rendre la scène claire et intelligible le
moment où la manne tombait du ciel et a
cru pouvoir représenter les Juifs la recevant
dans leurs pcmilœ ('). )) Au sommet de l'arc,
une peinture.aujourd'hui noircie, représente
une couronne de palmes qui environnait
peut-être, comme tant d'autres couronnes,
dit M. de Rossi, le monogramme constan-
tinien du Christ, a Le miracle de la manne,
ajoute l'archéologue, n'a jamais été vu dans
les peintures et sculptures primitives ; de
sorte que les monuments ne peuvent nous
aider à deviner le mystère. Mais le Sauveur
lui-même le révèle au chapitre VI de
l'Évangile de S. Jean : c'est lui qui est
la V7'aie viaiine, Xapaiit vivant descendit du
ciel. Et l'artiste a peut-être exprimé ce
mystère en inscrivant le monogramme du
Christ dans une couronne, d'oui jaillissent
les rayons qui illuminent le nuage chargé
de manne ('). »
Une autre figure de l'Eucharistie, em-
pruntée par Prudence au Nouveau Testa-
ment, est le miracle des pains et des pois-
sons deux fois multipliés par Jésus dans le
désert et mangés par la foule de ceux qui
l'avaient suivi pour écouter sa parole. De
l'aveu de tous les commentateurs de l'Evan-
gile, ce prodige est un des plus beaux et
des plus clairs symboles de ce pain eucha-
ristique dans lequel Jésus se donne lui-
même à la pieuse faim de ses fidèles sans
que l'aliment divin s'épuise jamais, « tant
est grande l'opulence de la table éter-
nelle (^). » — - « Des milliers de personnes
assises ont été, dit Prudence, nourries de
cinq pains et de deux poissons et douze
1. RhU. di archeol. crist., i863,p. 76 et 78.
2. Ibid., p. So.
3. yEteniio tanta est opulentiamensae.
Dittochaeon, 148.
corbeilles de restes ont été recueillis. Vous
êtes, ô Jésus, notre nourriture, notre pain,
d'une éternelle suavité ; il n'a plus jamais
faim, celui qui mange le mets préparé par
vous : ce n'est pas une faim vulgaire qu'il
satisfait, mais il nourrit en lui-même le prin-
cipe de la vie ('). »
En un autre passage, après avoir ra-
conté d'une façon pittoresque le même
miracle et s'en être servi pour prouver con-
tre les Ebionites la divinité du Christ, qui
a pu de rien créer le monde comme il a fait
croître entre ses mains quelques aliments
devenus la nourriture d'une foule immen-
se ('), le poète, dans un langage plein de
respect et de mystère, fait allusion aux cor-
beilles dans lesquelles les apôtres recueilli-
rent et mirent en réserve les fragments des
pains multipliés. « Afin que ce qui fut la
« nourriture des hommes ne périsse pas foulé
« aux pieds, ne soit pas abandonné sans gar-
« diens aux loups, aux vautours ou aux souris,
«douze hommes ont été placés pour conserver
«les biens du Christ et les montrer de loin
« entassés dans des corbeilles d'osier (3). » Ces
corbeilles sont fréquemment représentées
sur les fresques des catacombes ou les bas-
reliefs des sarcophages soit aux pieds du
Christ dans la scène de la multiplication
des pains, soit devant la table où les sept
disciples prennent le repas mystérieux que
Jésus leur offrit sur les bords du lac de Ti-
1. Quinque panibiis peresis et gemellis piscibus
Adiatim refecta jam sunt accubantium millia,
Fertque quai us ter quaternus feiculoium fragmina.
Tu cibus panisque noster, tu percnnis suavitas,
Nescit esurirc in ;evum qui tuam sumit dapeni,
Nec lacunam vtntiis iuiplct, sed fovet vitalia.
Ciit/uiiwrinon, IX, 58 63.
2. ApoUieosis, 706-735.
3. ...Nepost hominum pastus calcata périrent,
Ncve relicta lupis, aut vulpibus exiguisve
Muribus in priudam nullo custode jacercnt.
Bis sex adpositi, cumulatim qui bona Christi
Servarent gravidis procul ostentata canistris.
Apolheosis, 736-740.
Le ^pmbolisme chrétien au iti' siècle. D'après les poèmes De IpruDence. 143
bériade après sa résurrection, soit près du
trépied sur lequel reposent le pain et le
poisson eucharistiques. Leur nombre varie
selon le caprice de l'artiste ou les nécessités
de la symétrie, car le caractère emblématique
de telles peintures l'emporte sur l'exactitude
littérale de la représentation. On y voit
tantôt sept corbeilles comme dans l'un des
miracles de la multiplication des pains ('),
tantôt douze comme dans l'autre (') ; quel-
quefois on en compte cinq, six ou huit. Dans
les représentations du miracle lui-même les
corbeilles placées aux pieds du Sauveur
sont le plus souvent au nombre de sept ; il
en est ainsi sur beaucoup de sarcophages et
dans trois peintures des catacombes d'Her-
mès, de Calliste et de Domitille ('). Mais
Martigny se trompe en disant que le second
des miracles de la multiplication des pains,
à propos duquel l'évangéliste raconte que
sept corbeilles de restes furent recueillis,
est seul ordinairement représenté par les
artistes anciens, parce que les pains qui fu-
rent alors multipliés étant des pains de fro-
ment, et non, comme dans le second miracle,
des pains d'orge (•"), seul il offre un symbole
des espèces eucharistiques {^). Les peintres
primitifs représentent tantôt le premier,
tantôt le second des miracles opérés par
Notre-Seigneur en faveur des foules qui
l'avaient suivi dans le désert, et prennent
comme symbole de l'Eucharistie celui dans
lequel les pains d'orge multipliés produisi-
rent douze corbeilles de restes aussi bien
que celui où sept corbeilles seulement furent
remplies après la multiplication des pains
de froment. Dans les fresques de la cata-
combe d'Alexandrie où le miracle de la
1. s. Matthieu, xv, 37; S. Marc, vill, 8.
2. S. Matthieu, xiv, 20; S. Marc, vi, 43 ; S.Jean, vi, 13.
3. Garrucci, Siorin delF arte crist., pi. xxni, i.xxxiv;
De Rossi, Roma sol/crraiiea, t. 1 1, pi. A et B ; t. 1 1 1, pi. IX.
4. "Aprous Kpi9£vovS. Panes liordcaccos. S. Jean, VI, 9.
5. Martigny, art. Eucliaristic, p. 290.
multiplication des pains et des poissons est
représenté d'une manière si curieuse et si
évidemment eucharistique, douze corbeilles
sont déposées aux pieds du Sauveur ('). Il
semble que le nombre des corbeilles et
même la distinction entre l'un et l'autre
miracle, tous deux symboles du même sa-
crement, soient indifférents aux yeux des
peintres des premiers siècles: dans une fres-
que du quatrième, de la catacombe de Cal-
liste, deux corbeilles de pain seulement
sont placées près du Christ opérant le mi-
racle (''), et sur la frise si intéressante du
sarcophage de Junius Bassus, qui remonte
à l'an 359, l'agneau, symbole du Christ,
étend la verge miraculeuse au-dessus de
trois corbeilles remplies de pains (^).
Dans les trois passages (^) où il raconte
le miracle de la multiplication des pains.
Prudence prend pour symbole de l'Eucha-
ristie celle des pains d'orge, et parle des
douze corbeilles qui furent remplies ensuite;
puis, comme pour montrer quels saints et
redoutables mystères avaient été cachés par
le Christ dans ce prodige, type et prophétie
d'un prodige plus grand et plus durable, il
s'écrie: « Mais pourquoi ai-j'e l'audace de
« dévoiler ces vérités d'une voix tremblante,
« indigne que Je suis de chanter les choses
« saintes {^) ?» et, se tournant, pour ainsi dire,
vers une autre image représentée souvent
dans les catacombes ou sur les sarcophages
à côté de celle des corbeilles des pains eu-
charistiques: « Sors du tombeau, Lazare (') ! »
dit-il, comme pour cacher son trouble
et passer brusquement à un autre sujet.
1. Bull, di ardieol. crist., 1865, p. 73 et planche. —
Cf. ma Rome souterraine, fig. 22, p. 319.
2. De Kossx, Roina sotterranea, t. III, pi. vin, l.
3. Route souterraine, fig. 47, p. 449.
4. Cathemerinon, IX, 5S-63 ; Apotheosis, 706-740 ; Ditto-
chaeon, 145-148.
5. Secl quid h;ïc titubanti voce rete.\o,
Indignus qui sancta canam .-■...
6. Ihid., 742, 743-
144
IRcuuc oc ract cfjrcticn.
Il semble que le souvenir de la disciplina
arcani ('), encore en vigueur au quatrième
siècle, se présente soudain à sa pensée et
qu'il s'effraie d'en avoir trop dit. « Les caté-
chumènes ne savent, dit saint Augustin, ce
que reçoivent les chrétiens (^), » et saint
Jean Chrysostome ajoute: « Les initiés seuls
connaissent le mystère de l'Eucharistie (f). »
Après s'être exprimé en termes assez clairs
pour être compris des initiés, Prudence a
craint que les catéchumènes, et surtout les
profanes, pénétrassent le sens ineffable du
symbole, et il a coupé court à ses révéla-
tions (■•).
VL
LES premiers chrétiens avaient une
grande dévotion pour la croix, dont ils
aimaient à tracer le signe sur leur front et
leur poitrine. Pendant longtemps ils évitè-
rent de dessiner ouvertement la croix sur
leurs monuments, redoutant les railleries des
païens qui s'étaient traduites un jour par une
caricature célèbre ('), craignant plus encore
peut-être de scandaliser les catéchumènes
et les nouveaux baptisés par l'image d'un
instrument de supplice réputé déshonorant
et servile ; mais en même temps ils recher-
chaient toutes les occasions de figurer la
croix sous une forme dissimulée que les
seuls initiés devaient comprendre : ils cou-
paient par une barre transversale la hampe
de l'ancre, ils donnaient une apparence de
croix aux mâts des navires, aux jougs des
1. Martigny, art. Secret, p. 725-728 ; Haddan, art. Di-
sciplina arcani^ dans Smith, p. 564-566 ; Peters, art. Ar-
camiiscrplin., dans Kraus, p. 74-76 ; Roller, les Catacombes
de Rome, t. I, p. 156-160.
2. S. Augustin, Tract. XXVI injoatin.
3. S. Jean Chrysostome, Homilia I.XXII in Matth.
4. Cf. De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 344 ; et
Rome souterraine, p. 398.
5. Garrucci, // croce/isso graffito in casa dei Cesan,
Rome, 1857 ; Kraus, Le crucifix blasphématoire du Pala-
tin, trad. par Ch. de Linas ; Rome souterraine, fig. 27,
P- 334-
voitures, au.x marteaux, aux divers sym-
boles ou instruments peints sur les murail-
les des catacombes ou gravés sur les pierres
sépulcrales (').
Parmi les images dissimulées de la croix,
une des plus anciennes est le T latin, le
tau grec. « Le tati des Grecs, dit Tertullien,le
T des latins, sont une image de la croix ('). »
C'est en effet la forme d'un patibitluvi an-
tique, du gibet où étaient crucifiés les mal-
faiteurs et les esclaves. La croix en forme
de T, la crux coiniuissa ou patibiilata, est
assez fréquemment gravée sur les marbres
des catacombes, soit seule (f), soit dominant
dans un mot ou une combinaison de let-
tres (^). Comme la lettre tau exprimait en
grec le nombre 300, celui-ci fut aussitôt
regardé dès les temps apostoliques comme
symbolisant la croix (^). On poussa plus
loin encore ce raffinement de symbolisme:
le nombre 31S devint une allégorie de la
croix et de Jésus-Chkist tout ensemble, la
croix étant représentée par T ou 300 et
Jésu.s-Christ par les deux premières lettres
de 'r/;îroj;, I signifiant en grec 10 et H cor-
respondant à 8 ; et l'on en vint à citer comme
une sorte de tessera devant suggérer aux
initiés la pensée de Jésus sur la croix le
verset de la Genèse où il est question des
3 1 8 vernœ envoyés par Abraham au secours
de Lot prisonnier (°). Après avoir reproduit
le récit du vieux livre inspiré et montré
Abraham armant ses serviteurs pour la
1. De Rossi, Roma sotterranea, t. II, pi. xiv, xv, XLIX;
Bull, di arch. crist., p. 50-70, et planche iv ; Martigny,
art. Instruments, p. 380 ; Rome souterraine, p. 332.
2. Tertullien, Contra Marcioncm, III, 22, citant Ezé-
chiel, l.\, 4.
3. De Rossi, Roma sotterranea, t. II, pi. XXIX, 28, XLin,
14 ; Bull, di archeol. crist., 1S63, p. 82. — Rome sou-
terraine, p. 336.
4. De Rossi, Roma sotterranea, t. I, pi. xxni, 5 ;
Bull, di archeol. crist., 1863, p. 35. — Rome souterraine,
P- 337, 433, fig- 43-
5. S. Barnabe, Ep., 9, dans Dressai, Patres apostolici,
p. 20 ; Clément d'Alexandrie, Stromata, VI, 11.
6. Genkse, xi\", 14.
le ^î^mboUsmc chrétien au iM' siècle, D'après les poèmes De PruDence. 145
délivrance de son neveu, l'arrachant, lui, sa
femme, ses enfants, ses trésors, des mains
des rois vainqueurs, Prudence ajoute : « Ce-
«ci est une figure de notre vie. Il nous faut
«veiller en armes, et, au moyen de forces
« réunies dans notre maison, délivrer toute
«portion de nous-mêmes qui serait captive de
«la volupté. Nous aussi, nous possédons un
« grand nombre de servheurs(verm{/^,esc\a.-
€ ves nés dans la maison), si nous comprenons
«quelle est la puissance de 300 additionné
«de deux fois 9 (').» Par ce langage bizarre-
ment énigmatique Prudence fait une incon-
testable allusion au symbolisme compliqué
dont on vient de voir l'origine et le sens (^):
nous sommes forts, veut-il dire, si nous
connaissons la puissance de Jésus crucifié.
J'ai hâte de sortir de toute cette gema-
^ria{^)et de demander à notre poète des sym-
boles plus simples et plus clairs de la croix.
L'un nous est donné dans ces vers de
Prudence : « Le peuple hébreu avait soif
«dans le désert, et un étang amer au goût
«ne lui offrait que des eaux stagnantes et
«enfiellées. Le saint Moïse dit : Prenez du
« bois, jetez-le dans le gouffre, ce qui est amer
«acquerra une douce saveur (■♦). » C'est le
fait rapporté dans \Exode, XV, 23-25. Ce
bois qui adoucit toutes les amertumes est
une image de la croix. « L'eau du triste
«lac, dit Prudence, de fiel devient, grâce au
1. H;i;c ad figuram prasnotata est linea,
Quam nostra recto vita resculpat pede :
Nos esse large vernularum divites
Si, quid trecenti bis novenis additis
Possint, figura noverimus niystica.
Psychoinacliia, Prœfatio, 50-5S.
2. Cf. Brockhaus, p. 229.
3. Sur Xn/abbala en général et la gematria en parti-
culier, voir les Màlaiiges if archéologie des PP. Martin et
Cahier, t. I, p. igo et suiv.
4. Aspera gustatu populo sitiente lacuna
Tristificos latices stagnanti felle tenebat.
Moyses sanctusait : Lignum date, gurgitcni in istum
Conjicite, in dulcem vertentur amara soporem.
Diitochaeoii, 49-52.
«bois, un doux miel attique : c'est le bois
«qui donne une saveur douce aux choses
«les plus âpres, car l'espérance des hommes
«vit attachée à la croix ('). »
La croix est encore symbolisée par le ser-
pent d'airain que Moïse éleva dans le désert
et dont la vue guérissait les Israélites {').
« Comme Moïse éleva le serpent dans le
désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme
soit élevé, » a dit Jésus-Christ annonçant
son crucifiement (3). Les premiers chrétiens
voyaient dans le fait biblique ce que le
Sauveur lui-même leur avait appris à y voir,
un type du crucifix. Ils se plaisaient à le
regarder se dressant ainsi dans le lointain
des âges : « La croix, dit Prudence, a été
«annoncée d'avance, la croix a été d'abord
«ébauchée, les siècles antiques se sont im-
« prégnés de la croix (■*). » Aussi saint Am-
broise est-il l'écho de la tradition quand il
écrit : « L'image de la croix, c'est le
serpent d'airain. Il était le propre type du
corps du Christ, de sorte que quiconque le
regardait ne devait pas périr (f). » Prudence
a chanté le serpent d'airain : « La route
«desséchée du désert était brûlante de noirs
« serpents, et des morsures empoisonnées
«saisissaient le peuple, couvert de livides
« blessures. Le prudent chef suspendit à une
«croix un serpent d'airain qui guérissait le
«venin (*). » Le livre des N'onibirs n'a pas
1. Instar fellis aqua tristifico in lacu
Fit, ligni venia, mel velut Atticum ;
Lignum est, quo sapiunt aspera dulcius ;
Nam prasfixa cruci spes hominum viget.
Callieiiierinoii, \',93-96.
2. Nombres, xxi, S, g.
3. S. Jean, ni, 14.
4. Crux pra-notata, crux adumbrata.
Crucem vetustacombiberunt sjecula.
Pcri Stcphaiion, X,629, 630.
5. S. Ambroise, De Spiritu saiicto, III, 9; De Salo-
mone, 12 ; sermo 55 De cntcc Christ i.
6. Fervebat via sicca eremi serpcntibus atris,
Jamque venenati per vulnera lixida niorsus
Carpebant populum ; scd prudcns a;re politum
Dux cruce suspendit, qui virus tempcret, anguem.
Dittochaeon, 45-48.
146
IRctiue De rart chrétien.
dit que le serpent d'airain ait eu pour sup-
port une croix. L'imagination chrétienne
ajoute ce détail afin de montrer clairement
de qui il était le type et le symbole.
Une autre circonstance de l'e.xode du
peuple juif offre une image naturelle de la
croix. Quand les Hébreux combattirent au
sortir du désert contre les Amalécites,
Moïse monta avec Aaron et Ur au sommet
d'une colline et jusqu'à la fin de la bataille
demeura les bras en l'air, priant ('). « Pen-
« dant que l'armée combattait, dit Prudence,
« le prophète, les bras levés et étendus, acca-
« blait d'en haut Amalec, car il offrait alors
« une image de la croix (-). » Cette attitude
était celle de la prière chez les premiers
chrétiens, et quand ils invoquaient Dieu les
mains étendues, pareils à ces Orants dont
l'art chrétien a multiplié les images sur les
murailles des catacombes et sur le flanc
des sarcophages, ils se plaisaient à se consi-
dérer comme des crucifix vivants. « Quand
un homme, étendant les mains, vénère Dieu
avec un cœur pur, il est un symbole de la
croix, » écrit Minucius Félix {'=). Au mo-
ment de leur supplice les martyrs priaient
quelquefois les mains étendues en forme de
croix : manibus in modum crucis expansis
crantes, disent les Actes des saints Fruc-
tueux, Augure et Euloge (''). Prudence a
chanté le supplice et le triomphe de ces
saints : il les montre de même, sur le bûcher
qui les consume, étendant les mains pour
prier. « Les nœuds dont on avait attaché
« leurs mains tombèrent brûlés sans que leur
1. Exode, xvn, 9-12.
2. Hic, pr;eliante exercitu,
Pansis in altum brachiis,
Sublimis Amalec premit,
Crucis quod instar tune fuit.
Ca/Jieinerinon, XII, 169-172.
3. Minucius Félix, Octavius, 39.
4. Martyrol. Usiiardi, xil Kal. Febr. — Le texte publié
par Ruinart dit seulement : In sipio iropcei Domini consti-
tutif ce qui a le même sens.
« peau fût atteinte. Le supplice n'osa pas
« garder emprisonnées des mains qui de-
« valent se lever en forme de croix vers le
« Père, et les bras qui devaient prier Dieu
« devinrent libres ('). » Le poète compare
les trois martyrs aux enfants Hébreux dans
la fournaise : « Vous croiriez voir l'image de
« ces trois héros qui, à Babylone, chantaient
« dans le feu à la grande stupéfaction du
« tyran ('). » Les peintres et les sculpteurs
des premiers siècles avaient coutume de re-
présenter les trois Hébreux debout au mi-
lieu des flammes, les bras en croix.
VIL
L'ART chrétien présente des apôtres
divers symboles : les plus fréquents
sont les brebis et les colombes. Quelques
mosaïques des basiliques romaines montrent
les apôtres en personne : à côté de chacun
d'eux est un palmier {f). Prudence a parlé
symboliquement des douze membres du col-
lège apostolique. Par exception les symboles
qu'il emploie ne correspondent pas à ceux
dont se servait habituellement l'art chrétien.
Tantôt il les compare aux douze pierres que
Josué fit placer dans le lit du Jourdain en
souvenir du passage miraculeux du fleuve
par le peuple Israélite (■*). « C'est là, dit le
poète, un emblème des apôtres ('); » et ail-
1. Nexus denique, qui manus retrorsus
In tergum revocaverant devictas,
Intacta cute decidunt adusti.
Non ausa est cohibere pœna palmas
In niorem crucis ad Patrem levandas,
Solvit brachia quie Deum precentur.
Péri Stcplianon, vi, 103-108.
2. Priscorum spécimen trium putares,
Quos olim Babylonicum per ignem
Gantantes stupuit tremens tyrannus.
Ibid., 109-111. — Les Actes font la même comparaison;
Ruinart, Acta martyriim se/ecta, p. 222.
3. Ciampini, Vet. Mon., t. II, pi. xxill.
4. JObUlO, IV, 9.
5. Qui ter quatcrnas denique
Refluentis amnis alveo
Fundavit et fixit pctras,
Apostolorum stemniata.
Catlicmerinon, XII, 177-180.
le ^î^mboUsme cfjrcticn au it)^ siècle, D'après les poèmes oe IpruDcnce. 147
leurs : « Ces douze pierres furent placées
par nos ancêtres dans le fleuve comme une
figure des disciples (') : » disciples, ici, a
évidemment la signification d'apôtres. Tan-
tôt il les compare aux douze fontaines qui
coulaient dans l'oasis d'Elim où se reposè-
rent quelque temps les Hébreux en marche
dans le désert ('), et il fait en même temps
des soixante - dix palmiers qui , d'après
XExode, croissaient en ce lieu, l'emblème
des soixante-dix disciples que Jésus envoya
prêcher en Galilée (^). « Le peuple, dit-il,
vint sous la conduite de Moïse là où six
et six fontaines arrosaient de leur eau
transparente soixante-douze palmiers : ce
bois mystique d'Elim nous offre dans les
livres le nombre des apôtres (*). » Ici au
moins le symbolisme, bien que fort subtil,
rappelle par certains traits ceUii qui était
en usaee dans l'art du IV^ siècle. Pru-
dence compare les apôtres aux douze
fontaines comme les peintres et les mosaïstes
symbolisaient les évangélistes par l'image
des quatre fleuves du paradis terrestre, et
il prend pour emblème des disciples les
palmiers dont les mosaïstes firent quelque-
fois un symbole des apôtres.
Les branches détachées de cet arbre, les
palmes, avaient également dans l'antiquité
chrétienne une valeur symbolique. Elles
étaient, ainsi que les couronnes, considérées
comme des emblèmes de victoire. On les
gravait sur les tombeaux de simples chré-
1. Testes bis senes lapides, quos flumine in ipso
Constituere patres in forniam discipulnriim.
J'>i//oi/iaeo}i, 57-60.
2. Exode, xv, 25.
3. S. Luc, x, I. 'Ep8o(i.T|KovTa, dit le texte grec ; scplua-
ginta duos, selon la Vulgate. Prudence adopte tantôt l'une,
tantôt l'autre leçon : dans \' Apotheosis, 1005, 1006, il parle
comme la Vulgate.
4. Devenere viri Moyse duce, sex ubi fontes
Et sex forte alii vitreo de rore rigabant
Septenas decies palmas, qui mysticus Elim
Lucus apostolicum nunierum libris quoque pinxit.
Dittochaeon, 53-56.
tiens qui avaient pieusement « achevé leur
course, » selon le mot de saint Paul ('), et
paraissaient aux survivants mériter la ré-
compense céleste. Mais on les considérait
surtout comme le symbole de la victoire
par excellence, celle que remportaient les
martyrs. Prudence intitule : Sur les cotiron-
nes, Tzioi l-i'Tjiy.vilyj, le poème composé en leur
honneur. « La palme du martyre » était
devenue dès les premiers temps chrétiens
une expression classique : elle se lit dans
toute espèce de documents et est représen-
tée, ainsi que la couronne, sur une multitude
de monuments. Prudence a souvent rappelé
ces beaux symboles. « Les fleurs des mar-
« tyrs, » les Innocents massacrés à Bethléem
par l'ordre d'Hérode, « se jouent, dit-il, au
« pied de l'autel avec les palmes et les cou-
« ronnes (') ». 11 parle des dix-huit palmes
remportées par les dix-huit martyrs de
Saragosse(3). Il montre le martyr de Siscia,
saint Ouirinus, aspirant après «la palme de la
« mort ('') ». « L'Esprit-Saint, dit-il, a donné
une palme aux martyrs de Calahorra (^). » 11
célèbre en termes remarquables la victoire
de sainte Agnès, « à qui est offerte une
« double couronne : la virginité, préservée de
« toute souillure, et la gloire d'une libre
« mort (*). » On croirait voir une traduction
de ces beaux vers sur un fond de coupe où
est représentée sainte Agnès debout entre
deux colombes dont chacune lui offre une
couronne, sans doute les deux couronnes
1. S. Paul, II TiM., IV, 7.
2. Aram ante ipsam simplices
Palmis et coronis luditis.
Catheinerinon, XII, 131, 132.
3. Octies parlas deciesque palmeas.
Péri Siephanân, IV, 106.
4. Palmam mortis.
Ibid., VII, 53.
5. Ibid., VIII, 12.
6. Duplex corona est prœstita martyri,
Intactum ab omni crimine virginal,
Mortis deinde gloria libene.
Ibid., XIV, 7-9.
REVUE DE l'art CHRÉTIEN.
1885. — 2"*'^ LIVRAISON.
148
lacijuc De rsrt cijrétien.
dont parle le poète, celle de la virginité et
celle du martyre (').
VIII.
LES chrétiens ont exprimé avec une
force inconnue de la plupart des
païens la distinction essentielle de l'âme et
du corps. « lia rendu à la nature son esprit
qui en faisait partie et restitué son corps à
son origine (^), » tel est le langage vague
d'une épitaphe païenne, indice d'idées plus
vagues encore. « Il a rendu à Dieu son âme,
à la terre son corps {'), » tel est le langage
ferme et précis des épitaphes chrétiennes.
Le symbolisme artistique et littéraire en
usage chez les premiers fidèles exprime avec
une force singulière cette distinction des
deux éléments qui composent la personne
humaine.
L'âme, chose ailée, pure, immatérielle,
s'élevant d'un vol naturel vers les hauteurs,
et qui planerait toujours si elle n'était em-
prisonnée dans le corps, c'est la douce et
chaste colombe. Elle est peinte, dans les
catacombes, au-dessus des tombeaux, se
jouant dans les bocages et parmi les fleurs
du paradis, becquetant les grappes de la
vigne mystique, buvant dans des vases
pleins d'une eau qui ne tarira plus ; on la
voit gravée sur les pierres sépulcrales, avec
un rameau d'olivier dans le bec, et auprès
d'elle se lit une de ces légendes qui tradui-
sent l'image symbolique : spiritvs sanctvs
ANIMA INNOCENS ANIMA INNOCENTIS-
SIMA PALVMBA SINE FELLE SPIRITVS
Tvvs IN FACE (''). Le symbole de la
colombe était surtout appliqué à l'âme des
1. Ce verre est reproduit en couleurs dans J?ome
souterraine^ pi. IX, n" 2.
2. NATVRAE SOCIALEM SPIRITUM CORPVSQVE ORIGINI
REDDIDIT. V>Q>\%h\&VL, Inscriptions antiques de Lyon, p. 477.
3. DEO ANIMAM REDDIDIT, TERR/E CORPVS. Bjlll. di
archeol. crist., 1873, p. 148.
4. Rome souterraine, p. 298 ; Northcote, Epitaphs oftiic
cataconibs, p. 160-162.
martyrs. Les Actes de saint Polycarpe
racontent qu'au moment où le sang coulait
sous le glaive une colombe s'élança de son
corps ('). Après le supplice de saint Bénigne,
disent ses Actes, « les chrétiens virent
s'envoler de la prison à travers les airs
une colombe plus blanche que la neige,
qui indiquait par son vol que la sainte
âme du martyr montait au ciel. Cette
colombe laissa une odeur si suave, que
tous se figuraient jouir des délices du
paradis (^) ». On multiplierait aisément les
exemples semblables. Je me bornerai à un
seul, emprunté à Prudence. Le poète chante
le martyre de sainte Eulalie : il la montre
buvant avidement la flamme du bûcher.
« Aussitôt resplendit une colombe, qui sem-
« ble, plus blanche que la neige, s'échapper
« de la bouche de la martyre et monter
« jusqu'aux astres : c'était l'esprit d'Eulalie,
« pur comme le lait, rapide, innocent (3). »
Une lampe de terre cuite ayant fait par-
tie de la collection Martigny porte moulée
sur son disque l'image d'une colombe sor-
tant d'un vase. C'est l'âme qui se dégage
du corps (+). Un vase de terre, fragile et
grossier, est un symbole adopté à la fois par
l'antiquité profane et l'antiquité chrétienne
pour signifier la partie matérielle de notre
être. « Le corps est, pour ainsi dire, le vase
de l'âme, — le corps n'est qu'un vase, un
réceptacle de l'âme, — Dieu voit les âmes
1 . Epistola Ecdesiœ Smyrnensis de mariyrio S. Poly
carpi, dans Ruinart, p. 33. Cependant le texte relatif à la
colombe n'est pas sûrement établi ; voir la correction de
Funk. Cf. mon Histoire des persécutions pendant tes deux
premiers sihles d'après les documents arc/u'oiogigues,.
Paris, 1885, p. 321, note i.
2. Acta S. Benigni, dans Surius, t. XI, p. i.
3. Emicat inde columlja repens,
Martyris os nive candidior
Visa relinquere et astra sequi ;
Spiritus hic erat Eulalia;
Lacteolus, celer, innocens.
Péri Stephanôn, m, 161- 165.
4. Martigny, art. Vase, p. 771.
te %^mboli5nu chrétien au iM' siècle, D'après tes poèmes De IpcuDence. 149
nues, sans s'arrêter aux vases matériels, —
si tu es privé de sentiment, tu cesseras
d'être sous le joug des douleurs et des vo-
luptés et de servir à un vase si fort au-des-
sous de toi, » — ainsi parlent Lucrèce,
Cicéron et Marc-Aurèle {'). « Quand tu
meurs tu n'es pas mort, ton âme a aban-
donné un vase fétide, >> dit une inscription
grecque de la fin du deuxième siècle restituée
et commentée par M. Miller et dans laquelle
est sensible l'influence du néo-platonisme ('').
Tel est le langage des penseurs appartenant
à l'élite intellectuelle du monde païen. Les
chrétiens ne pouvaient manquer de s'appro-
prier une comparaison si noble et si vraie.
Saint Paul avait dit dans le même sens et
avec un accent plus haut encore : « Que
chacun de vous sache posséder son vase
honorablement et saintement {'). » Après
lui Tertullien répète : « Nous sommes des
outres, des vases de terre (^), :>> et Lactance
s'écrie : « Le corps est comme le vase qui
sert de domicile à l'esprit céleste (=). » Le
symbole du vase, fréquemment gravé sur
les marbres des catacombes (^), a le plus
ordinairement cette signification. Il est
l'emblème du corps gisant dans le tombeau.
Quelquefois une colombe est dessinée près
du vase pour compléter l'idée par une anti-
thèse éloquente, et montrer d'un côté l'en-
veloppe d'argile, de l'autre l'âme qui vient
de s'en dégager, ce qui est mort et ce qui
ne peut mourir. C'est l'idée même exprimée
par la lampe de la collection Martigny :
seulement cette dernière ne représente pas
le corps et l'âme séparés après la mort,
mais fait plutôt allusion au moment où l'âme
1. Lucrèce, De natiira reruiii, III, 441; Cicéron, 7//jt«/.
qitœst., I, 22 ; Marc-Aurèle, Penst'es.
2. Revue archéologique^ t. X.W'I (1S73), P- S4-94.
3. I Thess., IV, 4.
4. Tertullien, De patientia^ 10.
5. Lactance, Div. Iitsf., u, 12.
6. Voir Rotne souterraine, p. 329-331.
se détache du corps, où elle tremble, pour
ainsi dire, sur les lèvres des mourants com-
me un oiseau dont les ailes palpitent, s'en-
tr'ouvrent et qui va prendre son essor.
Prudence emploie éloquemment dans ses
vers le symbole du vase, avec le sens qui
vient d'être expliqué. « Ce que tu t'efforces
« de détruire, — fait-ildire au persécuteur par
« saint Vincent, — c'est un vase fragile, un
« vase de terre, qui de toute manière doit un
« jour se briser ("), » et un ange exhortant le
martyr, quand le dernier soupir est près de
s'exhaler de ses lèvres, lui adresse ces pa-
roles : « Dépose maintenant ce pauvre vase
« caduc fait de terre, qui va se briser et se
« dissoudre, et vole libre vers le ciel {^). » Ce
symbole put être d'autant plus fam.ilier à
Prudence que l'Espagne, sa patrie, est, de
toutes les parties du monde romain, celle
qui a produit le plus de potiers chrétiens et
d'où proviennent le plus d'amphores mar-
quées du monogramme constantinien, de
croix, de pieuses acclamations (^j.
Pour représenter la distinction ou plutôt
la trop fréquente opposition de l'âme et du
corps, Prudence se sert d'un autre symbole,
dont je ne retrouve pas l'équivalent dans
l'ancien art chrétien. <i Dieu reçut avec un
« geste différent les offrandes des deux frères,
<i acceptant celles qui étaient offertes avec
« un cœur vivant, rejetant celles qui procé-
« daient d'un sentiment terrestre. Le labou-
« reur jaloux tua le pasteur. Abel est le type
« de l'âme, notre chair est représentée par
1. Hoc quod laboras perdere
Tantis furoris viribus.
Vas est solutum ac fictile,
Quocumque frangendum modo.
Péri Step/tanôn, v, 160-164.
2. Pone hoc caducum vasculuin,
Compage textum terrea,
Quod dissipatiun solvitur.
Et liber ad cctluni veni.
Ibid., 301-304.
3. Hull. di archeol. cris/., 1880, p. 92.
I50
Ecuuc De rart cbcétien.
Caïn(').» Abelet Caïn sont sculptés sur quel-
ques bas-reliefs de sarcophages, dans l'acte
d'apporter chacun leur offrande à Dieu : l'un
tient en main des épis, l'autre un agneau (').
Mais aucun écrivain des premiers siècles, à
l'exception de Prudence, n'a songé à voir
soit dans les sentiments différents des deux
frères, soit dans la violence exercée par l'un
contre l'autre, l'image de l'opposition exis-
tant depuis le péché originel entre les ten-
dances de l'âme et du corps et le symbole
de l'oppression que celui-ci fait trop souvent
peser sur celle-là. Pour eux Cam et Abel
sont une figure de la Synagogue et de
l'Église, ou plus souvent du Christ immolé
et des Juifs déicides. Abel, dont l'offrande
est acceptée de Dieu et dont la mort suit
cette offrande, est particulièrement le type
du Sauveur, à la fois prêtre et victime {=).
Prudence lui-même a dans un autre poème
rapproché la mort d'Abel de celle du
Christ (■•).
IX.
ON retrouve dans les poésies de Pru-
dence un certain nombre d'autres
symboles dont la représentation nous est
offerte par les monuments de l'art religieux.
Ainsi Daniel exposé dans la fosse aux lions
et miraculeusement nourri par Habacuc, —
Jonas précipité du vaisseau, recueilli et
rejeté par le poisson monstrueux, — Élie
enlevé au ciel dans un char de feu, — font
partie du cycle artistique des premiers siè-
cles chrétiens et n'ont pas été oubliés par
le poète.
Daniel entre les lions est un des sujets
1. Fratrum sacra Deus nutu distante duorum
Aestimat accipiens viva et terrena refutans.
Rusticus invidia pastorem sternit : in Abel
Forma anim;e exprimitur,caro nostra in munereCaïn.
Dittochacon, 5-8.
2. Martigny, art. Abel et Cciï/i, p. 2, 3 ; Heuser, ^lùel
tind Kiiiit, dans Kraus, p. 2, 3.
3. Voir les textes dans Kraus, 1. c.
4. Haiiuirtigenùi, l'riLfatio, 20-26.
les plus fréquemment représentés dans les
œuvres de l'art chrétien, depuis les peintu-
res tout à fait primitives des catacombes (')
jusqu'aux boucles de ceinturon de l'époque
mérovingienne ('). Sur les sarcophages
Habacuc est souvent représenté apportant
à Daniel la nourriture que Dieu lui envoie.
Les Pères de l'Église voient dans cette
représentation soit un symbole de la résur-
rection des corps, soit une image des mar-
tyrs chrétiens, soit l'emblème de l'eucharis-
tie que les prêtres et les diacres distribuaient
aux confesseurs de la foi renfermés dans les
prisons ['). Sur un sarcophage de Brescia,
le poisson, symbole ordinairement eucharis-
tique, est présenté à Daniel par Habacuc
en même temps que le pain (^). Prudence
raconte l'histoire de Daniel miraculeuse-
ment nourri dans la fosse aux lions comme
un exemple du soin avec lequel la Provi-
dence veille aux besoins de ses serviteurs
et les défend contre les supplices, les juges
injustes, la rage des tyrans. « O sécurité
« toujours accordée à la piété et à la foi! les
« lions indomptés lèchent le prophète et
« tremblent devant l'enfant de Dieu. Ils se
« tiennent près de lui et ferment leurs mâ-
« choires : leur rage s'adoucit, leur faim de-
« vient miséricordieuse, leur gueule tourne
« autour de leur proie et ne s'abreuve pas
« de son sang. Mais alors qu'il étendait ses
« mains vers le ciel et, captif, privé d'ali-
1. llull. di archeol. crist. 1865, p. 42 ; Rome souterraine,
lig. 10, p. 109.
2. Edmond Le V<\ax\\., Inscriptions c/irc'tiennesdeiu Gante,
planches XLU et LXXXVII.
3. Voir les textes dans Kraus, art. Daniel, p. 344, 345.
— Aringhi, Roina stibterranea, t. Il, p. 504, et Martigny,
art. Daniel, p. 238, ajoutent qu'Habacuc apportant des ali-
ments à Daniel enfermé dans la fosse aux lions est aussi
une figure du soulagement que les prières des vivants
apportent aux âmes du purgatoire; c'est, disent-ils, l'opi-
nion d'un grand nombre de Pères. Kraus fait observer que
les deux écrivains ne citent aucun texte à l'appui de cette
assertion.
4. Oderici, Moniinienti eristiani di Jirescia, pi. XII, 3.
le ^gmfaoUsme cfjréticn au iu^ siècle, D'après les poèmes oe Ipriioencc. 151
« ments, invoquait Dieu dont il avait déjà
« éprouvé le secours, un ange reçut l'ordre
« de voler vers la terre pour donner au ser-
« viteur de Dieu sa nourriture : le messager
« franchit l'air docile, aperçoit de loin les
« mets rustiques que le prophète Habacuc
« distribuait à ses moissonneurs, saisit par
« les cheveux celui-ci chargé de paniers et
« le porte suspendu à travers les airs. Bientôt
« Habacuc et la nourriture sont déposés dans
« la fosse aux lions; il offre les aliments qu'il
« portait : « Prends joyeux, dit-il, et mange
« avec plaisir le repas que t'envoient dans ce
« péril le Père céleste et l'ange du Christ. »
« Daniel les prend, lève les yeux au ciel, et,
« fortifié par la nourriture, répond : Amen,
« — s'écrie: Allehiia (') ! »
Il est intéressant de rapprocher ce récit
des œuvres de l'art chrétien représentant le
même sujet. Prudence ne dit pas combien
d'animau.x étaient renfermés avec Daniel
in lacu leoniun: le texte biblique nous
apprend que la fosse renfermait sept lions (-).
Les artistes chrétiens n'en représentent
jamais que deux, un de chaque côté du pro-
phète, traitant la lettre de la Bible avec une
liberté dont les monuments nous donnent
de nombreux exemples, et faisant passer la
symétrie avant l'exactitude littérale. C'est
ainsi qu'ils représentent les mages tantôt au
nombre de deux, tantôt au nombre de
douze, et qu'ils augmentent ou diminuent
arbitrairement le nombre des corbeilles dans
les peintures faisant allusion au miracle de
la multiplication des pains : la pondération
du tableau, le groupement harmonieux des
personnages ou des accessoires, l'emportent
à leurs yeux sur toute autre considération.
La tradition artistique était si bien établie
en ce qui concerne le nombre des lions
qu'elle finit par être acceptée non seulement
1. Cathemerinon, iv, 46-72.
2. Daniel, xiv, 31.
des peintres ou des sculpteurs, mais même
des poètes; un écrivain espagnol du cin-
quième siècle, Dracontius, s'exprime ainsi:
ii La fureur des lions n'atteignit pas le pieux
Daniel, à qui la grande bonté de Dieu des-
tine un aliment, laissant à jeun l'un et l'autre
lion ('). » Dracontius avait probablement
sous les yeux en écrivant ces vers une pein-
ture, un bas-relief ou même quelqu'un des
nombreux ustensiles, coupes, lampes, fibu-
les sur lesquelsce sujetétait ainsi représenté.
Par d'autres détails. Prudence sembleencore
s'inspirer des monuments artistiques. Ainsi,
il montre l'ange saisissant Habacuc parles
cheveux pour le transporter à Babylone : le
texte sacré le raconte, et les sculpteurs chré-
tiens ont osé représenter sur quelques sar-
cophages ce sujet difficile: sur un sarcophage
de Brescia la main de l'ange ou peut-être
la main divine, sortant du ciel figuré par
sept étoiles, tient le prophète par les che-
veux et le transporte dans les airs (") ; sur
un sarcophage du musée de Latran, Daniel
reçoit une corbeille de pains des mains
d'Habacuc qu'un homme barbu tient par les
cheveu.x ('). Ce personnage, dit M. de Rossi,
ne peut être un ange, car jamais l'art chré-
tien n'a représenté les anges avec de la
barbe ; la comparaison avec d'autres figures
du même bas-relief permet à l'archéologue
1. Sceva Danielem rabies atque ira leonum
Non tetigisse pium, cui destinât insuper escam
Magna Uei pietas, jejuno iitroque teone.
Dracontius, De Dco, 111, 123. — De même, dans la Vie
de saint Simcon Stylite, 9; Domine, (\\x\duos leones\\\xm\-
liasti, suscipe aniniam ejus in pace. (Rosweide, Vitcc
Patruin, p. 172.) — Un autre exemple de la liberté avec
laquelle les artistes primitifs traitaient ce sujet, est la pein-
ture du 1" siècle, dans la catacombe de Domitille, où
Daniel est représenté, non dans la fosse, mais au contraire
sur une sorte de tertre ou d'estrade qu'escaladent les lions,
selon l'usage romain pour les condamnés a</ &\r//rtjy voir
Rome souterraine, fig. 10, p. 109, et Hisl. des persécutions
peiuiant les Jeux premiers siècles d'après les documents
archéologiques, p. 403, note 2.
2. Oderici, /. c.
3. Bull, di archeol. crist. 1S65, p. 69.
152
lacuuc Dc l'art cbcctien.
romain d'y reconnaître la seconde personne
de la sainte Trinité, le Verbe ("). Nous
avons déjà vu que pour Prudence les anges
qui apparurent à Abraham, luttèrent avec
Jacob, descendirent dans la fournaise de
Babylone, n'étaient autres que le Verbe
divin caché sous une apparence angélique.
Le poète a peut-être une pensée semblable
quand il met dans la bouche d'Habacuc
ces mots adressés à Daniel: « Prends ce
« que t'envoient le Père souverain et l'ange
« du Christ {-), » ajigelus CJwisti. Par cette
expression, assez étrange à propos d'un fait
de l'Ancien Testament, et qui semble met-
tre sur la même ligne l'Ange et Dieu le
Père, Prudence paraît vouloir désigner le
Christ lui-même: il interpréterait dans ce
cas le récit biblique comme le sculpteur du
sarcophage de Latran. Ajoutons que les bas-
reliefs représentent souvent Habacuc offrant
à Daniel la nourriture dans une corbeille ; une
fibule mérovingienne le montre même por-
tant un panier attaché sous chaque bras (3).
Prudence est tout à fait d'accord avec la
tradition artistique quand il peint Habacuc
«pliant sous le poids des paniers », //(?;^z>
graveiu canistris (+). Enfin les peintures et
les bas-reliefs montrent toujours Daniel
priant les bras étendus, dans l'attitude dont
nous avons déjà parlé, et qui aux yeux des
premiers chrétiens était un symbole de la
croix: Prudence le représente de même
« étendant vers le ciel ses deux mains »,
cum tendcret ad siiperna palmas ('). Ses vers
sont le commentaire le plus exact et le plus
circonstancié des innombrables monuments
de l'art chrétien consacrés à la représenta-
1. Ibid., p. 71.
2. Cathcinerinon, IV, 68.
3. Edmond Le Blant, Inscriptions chrt'ticnnes de lu
Gaule, pi. Lxxxvn.
4. Cathcinerinon, iv, 62.
5. Ibid., 52.
tion du martyre de Daniel et de ses mer-
veilleux épisodes.
Les peintures des catacombes, et surtout
les bas-reliefs des sarcophages, reproduisent
l'enlèvement d'Élie au ciel sur un char de
feu ('). Le prophète est quelquefois repré-
senté seul, quelquefois donnant son manteau
à Elisée {^). Les artistes n'ont pas cherché à
exprimer la nature miraculeuse du véhicule
qui l'emporte à travers les airs : ils se sont
toujours bornés à copier un quadrige an-
tique (^) : sur un sarcophage d'Arles le Jour-
dain, couché à la manière des fleuves que
personnifie l'art classique, assiste, presque
sous les pieds des chevaux, à l'enlèvement
du prophète (•'). Les premiers chrétiens ont
vu dans cette histoire biblique une figure
soit de la Résurrection, soit de l'Ascension
du Sauveur {•'); ils l'ont prise aussi comme
un symbole de la délivrance de l'âme fidèle,
symbole répété dans les touchantes invoca-
tions des liturgies funéraires ("). Prudence
se borne à raconter l'histoire d'Élie comme
un exemple et une figure des récompenses
promises au chrétien purifié par le jeûne.
« Cette observance a fait la grandeur d'Elie,
« le vieux prêtre, l'hôte de la campagne
« aride. On raconte qu'il s'était séparé du
« tumulte des hommes et avait méprisé la
« société de leurs crimes pour jouir du chaste
« silence des déserts. Mais bientôt sur un
« char ailé que traînaient des coursiers de
« feu, il fut enlevé dans les airs, afin que la
« contagion des souillures d'un monde cruel
1. Rois, ii, 11-13.
2. \'oir Rome souterraine, fig. 46, p. 446.
3. Peut-être le quadrige qui emporte dans les airs le
char du soleil; cf. Sedulius, Carmen Paschate, I, 1S4, et
Piper, Mvtkoloi^^ie itnd Symbolik des Christenthums, t. I,
P- 75-
4. JCdmond Le Blant, Etudes sur les sarcophat^es clin'-
tiens antiques de la ville d Arles, pi. xviii.
5. Martigny, art. Élic, p. 273.
6. Edmond Le Blant, Les bas-reliefs des sarcophages
chrétiens et les liturgies funéraires, dans la Revue archéo-
logique, t. XXXVI II, (1S79), p. 237.
iLe ^gmboligmc chrétien au itie siècle, D'après les poèmes De IpruDcnce. 153
« n'atteignît pas l'homme qu'avaient illustré
« de longs jeûnes ('). »
« Il n'est pas, dit avec raison Martigny,
une classe de monuments dans l'antiquité
chrétienne où Jonas ne soit reproduit ('). »
On le retrouve sur les fresques des cata-
combes, les bas-reliefs des sarcophages, les
pierres sépulcrales, les lampes, les médailles,
les pierres gravées. Trois épisodes de l'his-
toire du prophète sont ordinairement repré-
sentés : Jonas jeté à la mer par ses compa-
gnons de navigation et recueilli par un im-
mense poisson, — Jonas rejeté sur le
rivage, — ■ Jonas assis près de Ninive sous
l'arbrisseau miraculeux qui protège sa tête
contre les rayons du soleil. Ces trois épi-
sodes ont été racontés par Prudence.
Jonas, envoyé de Dieu pour aller prêcher
la pénitence aux Ninivites, veut se sous-
traire à sa mission et s'embarque sur un
vaisseau qui faisait voile vers Tharse. « Il
« escalade le haut navire, on détache le
« câble humide qui retenait la proue, on
« prend le large, la mer devient orageuse.
« Alors on recherche qui est cause du péril,
« et le sort désigne le prophète fugitif. Le
« coupable, dont le crime avait été révélé
« par les dés remués dans l'urne, est con-
« damné à périr seul au lieu de tous : on le
« lance du haut du navire, il est englouti
« dans la mer : reçu dans la gorge d'une bête,
« il est plongé vivant dans le gouffre d'un
1. Elia tali crevit observiintia,
Vêtus sacerdos, ruris hospes aridi;
Fragore ab omni quem remotiim et segregem
Sprevisse tradunt criminiim frequentiam,
Casto fruentem syrtiiim silentio.
Sed mox in auras igneis jugalibus
Curruque raptus evolavit pr,i,'pete,
Ne de propinquosordium contagio
Dirus quietum mundus adflaret virum
Olim probatis inclytum jejuniis.
Cat/tcmcrinon, VU, 26-35
2. Martigny, An.yo/ms, p. 397.
« immense ventre ('). » Les artistes chré-
tiens ont donné à l'animal mystérieux les
formes les plus fantastiques, ils en ont fait
une sorte de dragon des mers, de capricorne,
d'hippocampe aux proportions démesuré-
ment agrandies, se préoccupant sans doute
d'empêcher toute confusion entre ce monstre
marin et le poisson symbolique si souvent
représenté dans les monuments des trois
premiers siècles. Prudence s'amuse à racon-
ter avec plus d'imagination que de bon goût
le séjour de Jonas dans les entrailles du
monstre, indiqué d'un mot rapide par la
Bible. « La proie rapidement avalée échappe
« à l'atteinte des dents, franchit la langue
« sans la rougir de son sang, et de peur d'être
« broyée par les humides molaires traversa
« toute la bouche, passa à travers le palais ;
« pendant trois jours et trois nuits elle de-
« meura dans le gosier du monstre, errant
« à travers les cavernes des viscères, se
« promenant dans les tortueux détours du
« ventre, pouvant à peine respirer à cause
« de la chaleur que dégageaient intérieure-
« ment les entrailles (^). »
Prudence a raison d'arrêter là sa descrip-
1. Celsam paratis pontibus scandit ratem,
Udo revincta fune puppis solvitur,
Itur per altum, fit procellosum mare :
Tum causa tanti quaîritur pericli,
Sors in fugacem missa vatem decidit.
Jussus perirc solus e cunctis reus,
Cujus voluta crimen urna expresserat,
Prasceps rotatur acprofundo immergilur :
Exceptus inde belluinis faucibus
Alvi capacis vivus hauritur specu.
Cathemt'7-ino)i, vu, 106- 115.
2. Transmissa raptim pra;da cassos dentium
Eludit ictus incrucntam transvolans
Inipune linguam, ne retentam mordicus
Ofiam molares dissecarent uvidi.
Os omne transit et palatum pnuterit.
Ternis dierum ac noctium processibus
Mansit fermo de\oratus gutture,
Errabat ille per latebras viscerum,
Ventris recessus circumibat tortiles
Anhelis extis intus ;ïsiuantibus.
Cathetneniwn, vu, 1 16-125.
154
ÏRctiuc Oc I'3rt cfjrcticn.
tion et de passer à un autre épisode. Il ra-
conte ainsi la délivrance du prophète: « De-
« meure intact après un séjour de trois nuits,
« il est vomi avec effort par le monstre sur
« le rivage murmurant où se brise le flot, où
« la blanche écume bat les rochers salés, il
« tombe, poussé par un hoquet, et s'étonne
« d'être encore en vie ('). » Le poète le
montre ensuite se rendant chez les Ninivites
et leur annonçant la colère de Dieu qui va
consumer leur cité, puis « montant sur le
« sommet d'une haute montagne d'où il
« pourra voir l'embrasement et la ruine de la
« ville, et là abrité par les rameaux noueux
« d'une plante qui naît soudain et le couvre
« de son ombre (') ». La Bible ajoute que
le Seigneur, pour donner une leçon à Jonas
mécontent de voir la vengeance divine
arrêtée par la pénitence des Ninivites, fît
au lever du jour piquer par un ver l'arbris-
seau, qui se dessécha subitement. Prudence
ne mentionne pas cette circonstance, repro-
duite sur un seul monument de l'art des
premiers siècles, une lampe ayant fait par-
tie de la collection Martigny ('), et s'abstient
de donner un nom à l'arbrisseau miraculeux,
courge (nicnrbita), selon l'ancienne version
italique, lierre (hedera), selon la traduction
de saint Jérôme : la plupart des monuments
artistiques suivent l'ancienne version et
montrent Jonas étendu sous une cucurbita
qui s'arrondit en berceau sur sa tête, lais-
sant pendre ses fruits allongés.
1. Intactus exin tertise noctis vice
Monstri vomentis pellitur singiiltibus,
yua murmuranti fine fiuctus frangitur,
Salsosquecandens spuma tundit pumices,
Ructatus exit seque servatum slupet.
Cathcmcrinon, vu, 126-130.
2. Apicem deinceps ardui niontis petit
V'isurus uiide conglobatum turbidœ
Fumum ruinœ cladis et dir:c strucm,
Tcxtus flagcllis multinodis geiminis,
Nato et repente pcrfruens umbraculo.
Ihid., 136-140.
3. Martigny, Lettre à M. Edmond Le Hlant sur une
lampe chri'tienne inédite, p. 8 et planche (Belley, 1872)
Prudence trace ensuite un tableau fort
animé de la pénitence des Ninivites effrayés
des prédictions de Jonas. Au risque de m'é-
carter pendant quelques instants du sujet
de cette étude, je demande la permission de
faire une courte digression sur ce curieux
passage. Par une coïncidence assez singu-
lière, le tableau que trace ici Prudence n'est
pas absolument dénué de couleur locale et
paraît à peu près conforme aux renseigne-
ments que fournissent les découvertes mo-
dernes. Les femmes, dit-il, arrachent leurs
colliers et remplacent par la cendre et la
pénitence les gemmes et les tissus de soie(').
L'orfèvrerie était en Assyrie, à l'époque
même du premier empire, parvenue à un
degré très élevé de perfection : les nom-
breux bijoux trouvés dans les ruines de
Khorsabad en sont la preuve (-). On y a
rencontré beaucoup de pierres fines, corna-
lines, agates, primes d'améthyste, jaspes,
lapis-lazuli, qui sont percées et sans doute
étaient destinées à être assemblées en col-
liers et en bracelets. Quant au.x riches étof-
fes, la textrine assyrienne est célèbre dans
toute l'antiquité : les robes de soie de l'As-
syrie étaient encore recherchées à l'époque
romaine. Prudence montre les patriciens
décorés de bulles, htillati paires, qui déchi-
rent leurs vêtements en signe de deuil (').
Bullati patres paraît une expression assez
étrange. Ce ne peut être une imitation des
mœurs romaines, car à Rome la bulle était
précisément réservée aux jeunes garçons,
qui la déposaient avec la robe prétexte. Si
Prudence avait pu avoir quelque connais-
sance de l'art assyrien, on s'expliquerait
1. Glaucos amiclus induit monilibus
Matrona dcmptis, proquc gemma et serico
Crincm fliientem sordidus spargit cinis.
Ccithi-merinon, vu, 148-150.
2. Victor Place, Ninive et P Assyrie, t. 1 1, p. 191 (Paris,
1867).
3. Squallent recincta veste bullati patres.
Ciithcmerinon, vu, 151.
ïLc Symbolisme c&tcticn au iu^ siècle, D'après les poèmes De IpciiDcnce. 155
facilement ce mot : les fouilles modernes ont
fait découvrir de nombreux bijoux en or, de
forme ronde, et les bas-reliefs nous ap-
prennent que ces bijoux étaient portés par
des hommes, qui se paraient de bracelets
et de massives boucles d'oreilles. L'anneau
de celles-ci était garni d'ornements tantôt
formant des pendeloques, tantôt imitant de
grosses têtes de clous (') : il semble que le
nombre de ces clous marquait le rang plus
ou moins élevé des personnages qui entou-
raient le roi. La qualification de bullati
patres "^ourx-aJiX. s'appliquer aux grands d'As-
syrie ainsi parés. Le roi lui-même, dit
Prudence, s'associa au deuil universel en
dépouillant ses vêtements teints de la pour-
pre de Cos et en déposant son diadème
d'émeraudes et de perles enfilées (-). Ceci
est encore d'une couleur exacte : le com-
merce des Phéniciens importait en Assyrie
des étoffes teintes en pourpre : on s'étonne
seulement d'entendre parler de la pourpre
de Cos, Coas iiinrices. Cos était célèbre dans
l'antiquité par ses tissus diaphanes, si sou-
vent chantés par les poètes et réprouvés
par les moralistes ; mais la pourpre venait
de Tyr(3). Prudence est le premier qui
parle du murex de Cos. Quant aux éme-
raudes du diadème, gemmas virentes, elles
sont parfaitement à leur place : les émerau-
des étaient au nombre des pierres les plus
estimées des anciens et ils en possédaient,
dit-on, qui atteignaient des dimensions énor-
mes. Il existait en Egypte des gisements
d'émeraudes dans le voisinage de la mer
1. Botta, Monuincnt de Ninive, pi. CLXI.
2. Rex ipse Coas œstuantem murices
Laenam révulsa dissipabat fibiila,
Gemmas virentes et lapillos sutiles.
Insigne frontis exuebat vinculum
Tarpi capillos impeditus pulvcre.
Cathcmerinon, vu, 156-160.
3. Tyrisque ardebat murice lana.
Virgile, Enéide, iv, 212.
Rouge (') ; l'une de ces carrières a été dé-
couverte de nos jours (^). Il y en avait
également en Chaldée, ou du moins le com-
merce en apportait dans ce pays : Théo-
phraste parled'une émeraude d'une grosseur
extraordinaire qu'un roi de Babylone avait
envoyée en présent à un roi d'Egypte (3).
Quant aux lapilli sutiles qui ornaient le
front du roi, selon Prudence, j'y vois un
cordon de gemmes enfilées plutôt que des
pierres enchâssées dans un diadème de mé-
tal, comme le veulent tous les traducteurs
du poète (■+) : les Assyriens, conduits par
un très fin sentiment de l'art, n'aimaient
pas ces incrustations, qui rompent les belles
surfaces unies du métal (^) : ils portaient de
préférence des gemmes sans monture, enfi-
lées. Lapilli sutiles serait donc ici une
expression d'une grande justesse archéolo-
gique. Je ne prétends point, assurément,
que Prudence ait connu la civilisation assy-
rienne comme on la peut connaître de nos
jours, mais il m'a paru curieux de faire voir
qu'en puisant probablement dans sa seule
imagination les couleurs du tableau, il n'a
point commis de trop grossières erreurs, et
que le hasard l'a servi avec un bonheur ex-
traordinaire. N'est-il pas permis de croire
un peu à l'intuition des poètes ?
J'ai hâte de clore cette dissertation, et de
rentrer dans les limites de cette étude. L'his-
toire de Jonas a été prise dans les premiers
siècles chrétiens comme un symbole de la
1. Du Mesnil-Marigny, Histoire de Véconomie politique
des aneiens peuples de l'Inde, de VE^'pte, de ta Judée et de
la Grhe, t. I, p. 280. (Paris, 1878.)
2. Mémoires de la société des antiquaires de France, t.
xxxvm (1877), p. 2ig.
3. Thdophraste, De lapidibus.
4. Certains lexiques (par exemple le Dictionnaire clas-
sique de Quicherat et Daveluy) s'appuient de l'autorité de
Prudence pour traduire lapilli sutiles par v< pierres en-
châssées ». Forcellini, Totius latiuitatis Lexicon (Schnee-
bergae, 1829-1S31) est plus prudent ; au mot sutilis, rap-
portant l'expression lapilli sutiles, il l'interprète ainsi :
consuti in coronam vel adsuti diadeinati.
5. Beulé, Fouilles et découvertes, t. II, p. 223. (Paris, 1873.)
REVUE DE l'art CHRÉTIEN.
1885. — 2""^ LIVRAISON.
156
Ecuiic Oc rartcbrctien.
Résurrection. Jésus-Christ lui-même l'avait
interprétée ainsi : « Cette génération mau-
vaise et adultère demande un signe, et il ne
lui en sera point donné d'autre que le signe
de Jonas le prophète ; car, comme Jonas
fut dans le ventre de la baleine trois
jours et trois nuits, ainsi sera le Fils de
l'homme dans les entrailles de la terre
trois jours et trois nuits ('). » Symbole par
excellence de la Résurrection du Sauveur,
l'histoire de Jonas est en même temps un
symbole de celle qui est promise aux chré-
tiens : elle figure à ce titre dans les prières
liturgiques et a probablement cette signifi-
cation sur les sarcophages. Prudence la
raconte dans une pensée moins haute et
moins dogmatique : il ne décrit les trois
épisodes ordinairement représentés sur les
monuments — le prophète précipité du ba-
teau et recueilli par le monstre, — rejeté
sur le rivage, — • abrité sous l'arbrisseau, —
que pour arriver à la longue et minutieuse
description de la pénitence des Ninivites
et lui demander cette leçon pratique : « Dieu,
« ému par un tel repentir, met un frein à
« sa colère, adoucit son oracle sinistre, car
« sa clémence est toujours prête, elle absout
« facilement les péchés de ceux qui se
« repentent et se laisse toucher par les
« larmes (=). »
Il arrive quelquefois ainsi à Prudence de
tirer un simple enseignement moral d'épi-
sodes bibliques ayant aux yeux de ses con-
temporains une valeur typique beaucoup
plus haute. Le sacrifice d'Abraham, dans
lequel les Pères de l'Église et les artistes
des premiers siècles voient tous un symbole
1. s. Matthieu, xn, 39, 40.
2. Mollitus his et talibus brevem Deus
Iram refrénât temperans oraculum
Prosper sinistrum, prona nam clementia
Haud difficulter supplicein mortalium
Solvit reatum fitque fautrix flcntiuin.
Cat/iciin-rhwn, vil, 171-175.
du sacrifice du Christ et qui apparaît avec
cette signification évidente dans une des
Chambres des Sacrements au cimetière de
Calliste ('), n'est de même à ses yeux qu'un
bel exemple d'obéissance à Dieu (-) ; ainsi
encore Job, représenté sur quelques sarco-
phages comme symbole de la Résurrection
de la chair, à cause de l'admirable profes-
sion de foi mise dans sa bouche par la
Bible (3), n'est pour Prudence qu'un type
de la patience du juste parmi les épreuves
delà vie (■+).
IE terminerai ce rapide aperçu du sym-
bolisme de Prudence par l'étude de trois
~ autres symboles, dont l'un est emprun-
té à l'Ancien Testament et deux au Nouveau.
Il est douteux que Samson ait jamais
été représenté sur les monuments de l'ancien
art chrétien. Martigny fait observer que la
plupart des figures où l'on a cru le recon-
naître, emportant sur son dos les portes de
Gaza, sont des images plus ou moins dé-
fectueuses du paralytique de l'Évangile qui,
guéri, emporte son grabat ('). Le savant
archéologue cite cependant une fresque de
la catacombe de Saint-Hermès dans laquelle,
dit-il, ce sujet peut être reconnu avec quel-
que vraisemblance. Garrucci, qui publie
cette peinture, y voit avec plus de raison
selon moi la représentation ordinaire du
paralytique C^). Samson me paraît avoir pris
1. De Rossi, Ruina sotterranea,\. II, pi. xvi, 6. — Rome
soiiterniiiu', pi. V, 1.
2. Psyclwinacliia, Prœfatio, 1-8.
3. Job, xix, 25-27. — Ce célèbre passage est loin d'être
aussi clair dans l'original hébreu que dans la Vulgate:
Girodon, Exposé de la Doctrine catholiqut-, t. II, p. 229,
note 4. Voir sur ce sujet une très curieuse dissertation de
M. Edmond Le Blant, D'une teprésciitation ini'dite de
Joh sur un sarcophage d'Arles (extrait de \a.Ke7iue arché-
logique, 1860.)
4. Psyc/ioinac/iia, et suiv.
5. Martigny, art. Samson, p. 710.
6. Garrucci, Sloria delParle cristiana, pi. i.xxxui, 2.
le ^pmtjolismc chrétien au iM' sicclc. D'aptes les poèmes De IpruDcnce. 157
place pour la première fois dans l'art chré-
tien par deux des peintures en mosaïque
dont Prudence a composé les légendes.
Deux tétrastiques du Dittochœon les décri-
vent. L'une était relative au lion tué par
Samson, et représentait probablement le
héros déchirant de ses bras puissants la
bête fauve. « Du miel, dit le poète, est sorti
« de la bouche du lion, tandis que la mâchoire
« de l'âne a laissé couler de l'eau, » ■ — allu-
sion aux deux faits racontés dans le livre
des Juges, XIV, 8, XV, 19. « C'est ainsi,
« continue-t-il, que la folie nous inonde d'eaux
« insipides et que la force produit la dou-
« ceur ('). » Le second tableau représentait
Samson lâchant dans les champs des Phi-
listins trois cents renards à la queue desquels
il avait attaché des torches allumées. « Ainsi,
« dit Prudence, le perfide renard, c'est-à-dire
« aujourd'hui l'hérésie, répand dans nos
« champs la Hamme du vice (-). » Le renard
était déjà dès le temps de Prudence ce
qu'il est devenu dans la littérature du moyen
âge, le type de ruse et perfidie. Jésus-Christ
a comparé Hérode à un renard (^\ Il exis-
tait probablement, à l'époque où vivait notre
poète, de ces écrits sur la signification
symbolique des animaux, Philologus, Bestia-
riutn, dont le P. Cahier croit pouvoir faire
remonter l'original jusqu'à Tatien {^) et
dont on trouve une mention dans le décret
Gélasien sur les livres condamnés (5). Vulpes
1. Invictum virtute comas leo frangere Samson
Agreditur : necat ille feram, sed ab ore leonis
Mella fluunt, maxilla asini fontem vomit ultro :
Stultitia exundat lymphis, dulcedine virtus.
Dittûchœon, 65-67.
2. Ter centum vulpes Samson capit, ignibus armât,
Pone fauces caudis circumligat, in sata mittit
AUophylum segetesque cremat : sic callida vulpes
Nunc heresis flammas vitiorum spargit in agros.
Ibid., 69-72.
3. S. Luc, XiII, 32.
4. MiHanges d\irchéologic, t. II, p. 88.
5. Liber Physiologus, qui ab h.treticis conscriptus est,
et B. .^mbrosii nomine signatus, apocryphus. M igné, Pa-
irol. lot., t. LIX, col. 163.
esi animal dolosiiiii, et ttiinis fraudu/e)iiii>n,
ci argiiinentosum, dit un Bestiaire latin pu-
blié par le P. Cahier (•) : cette dernière
épithète s'applique bien à l'hérésie. Le
Bestiaire ajoute : Vulpes igitur figuram
habet diaboli (-). Il n'est pas impossible que
Prudence en écrivant les vers cités plus
haut se soit fait l'écho du Physiologus, au-
quel il a peut-être emprunté aussi les détails
fabuleux sur les amours et la mort de la
vipère donnés par lui dans un long passage
de X Hamartigenia (3), symbole, dit-il, de
l'union de l'âme avec le démon, d'où naissent
le péché et la mort ('').
Un symbole plus intéressant, et dont l'ori-
gine se trouvée en de nombreu.x passages de
l'Ancien etdu Nouveau Testament,est donné
par un autre quatrain du Dittochœon. Sous
un tableau représentant la construction du
temple de Jérusalem par Salomon, le poète
avait écrit : « Le temps vient, où le Christ
« construit dans le cœur de l'homme son vrai
« temple, dans lequel les Grecs apportent leurs
«adorationsetîesBarbaresleursprésents(5).)>
Lidée du temple spirituel construit par le
Christ et ouvert par lui à tous les hommes
de bonne volonté. Grecs et Barbares, est au
fond de la littérature prophétique, et se re-
trouve sans cesse dans l'Évangile et dans les
écrits des apôtres. La littérature du deuxième
siècle l'a plusieurs fois reproduite. Dans
une vision du livre d'Hermas les anges cons-
truisent de pierres vivantes une tour qui est
l'Église (*). Un autre passage montre non
1. Mélanges d'archéologie, t. II, p. 20S.
2. Ihid., p. 209.
3. Hamartigenia, 5S1-607. Cf. Bestiaire latin, dans les
Mélanges d'archéologie, t. II, p. 134. Mais Prudence a
peut-être tiré plutôt ces détails d'Elien, de Pline, ou
d'un auteur môdical, comme semblent l'indiquer les vers
582-583.
4. Hamartigenia, 608-624.
5.Tempus adest,quoteniplum honiinis sub pectoreChristus
jCdificet, quod Graia colant, quod Barbara ditent.
Diltochceon, 83, 84.
6. Pasteur, \'ision III, S.
158
Ectiuc De rart cbrcticn.
plus les anges, mais douze belles vierges,
puissances et vertus du ciel, travaillant à
l'édification de la tour ('). L'art chrétien a
reproduit sous des formes diverses cette gra-
cieuse allégorie, et on peut en citer plus d'un
exemple, depuis une fresque des catacombes
de Naples représentant des jeunes filles qui
construisent une tour {-) jusqu'à la Dispute
dic Saint Sacrement où Raphaël a dessiné,
dans un coin de son admirable composition,
derrière le groupe de droite, un édifice gran-
diose et inachevé, temple spirituel qui croît
toujours et ne sera couronné qu'à la fin des
temps.
Ainsi l'Église est symbolisée par un
temple dont les élus sont les pierres vivan-
tes, les anges ou les vertus les constructeurs,
et le Christ l'architecte. Prudence a pris
encore le temple dans un autre sens symbo-
lique. « Détruisez ce temple, avait dit le
Sauveur aux Juifs, et je le rebâtirai en trois
jours (3). » Il parlait de son corps destiné à
ressusciter après trois jours. Prudence, dans
un beau passage de XApotheosis, oppose de
même au temple juif « dont les holocaustes
« gisent enterrés sous un amas de ruines(+) >>
le temple chrétien « que nul ouvrier n'a
construit, qui n'est fait ni de bois ni de
marbre, qui n'a ni voûtes ni colonnes, mais
a été formé par la parole éternelle de Dieu,
1. Ibid.^ Similitudes ix, x.
2. Bellennann, Ueber die altcstcn diristlichen Begriib-
nistâltcn, planche V ; Guéranger, Suinte Cécile, fig. 13,
p. 197. (Paris, 1874.)
3. S. Jean, 11, 19. Cf. S. Matthieu, XXVI, 61 ; xxvn,
40 ; S. Marc. XIV, 58 ; XV, 29.
4. At tua congestœ tumulant holocausta ruinae.
Apotheosis, 537.
et n'est autre que le Verbe fait chair. C'est là
le temple éternel que les Juifs ont essayé de
renverser par les fouets, la croix, le fiel,
qu'ils ont abattu en effet, car il avait pris
dans le sein de sa mère les éléments mortels,
mais que la majesté du Père a rétabli vivant
après trois jours ("). »
Si le temple a été pris dès l'antiquité la
plus reculée, et sur la parole de Jésus-
Christ et des apôtres, comme le symbole
soit du corps même du Sauveur, soit de son
Église, cette dernière s'est présentée tout
naturellement à l'esprit des chrétiens sous
une autre image appartenant au même
ordre d'idées et indiquée dans \' Apocalypse
de saint Jean. L'Église triomphante est
comparée par lui à une Jérusalem nouvelle,
construite de métaux éclatants et de pierres
précieuses, éclairée par la lumière de Dieu
même, illuminée par l'Agneau (-). Prudence
s'est inspiré de cette brillante et suave
peinture quand il a tracé, à la fin de la
Psychoniachia, le tableau de l'édifice mer-
veilleux du temple nouveau, où réside la
Sagesse, assise sur un trône : temple cons-
truit, comme la Jérusalem nouvelle, d'or,
de saphir, de jaspe, d'améthyste, ayant
comme elle douze portes, symboles des
douze apôtres, et dont la description est
calquée sur celle de la cité sainte que l'exilé
de Patmos vit descendre du ciel, portant
en elle la clarté de Dieu (').
Paul Allakd.
1 . Apotheosis, 518-531.
2. Apocalypse, xxi, 10-27.
3. Psyc/wiitaehia, 823-8S7.
i A^^ \'*y. a'^-A X^-* a''^ a''»U a'^-A A^^ a'^ A^^ a'^VJ^ a"^-* a'^ a'^-X k^xU a'^ [[^
&S5aa?^5?^
^^lie beau cst!)ctiqutet FiDcal cbrétiem^^
H *AÔ^ *AiI^ ^^^ *AiI^ ^Atl^ ^;Al'f ^A^"^ ^Aa'f ^Atl'f ^Ail'f ''S.'' ''Si'' ^AÔ'f ^Ail'f ^;>1^ *Ail^
iTrS lettres îl''un SOlitflitC ■■^^--^■^^^-""^ Pour être proclamée ///^^^r^/^, l'éducation
^. par ^1. €C. €Cartier. rvi,-^v.^7v^.-w. artistique ne prétend pas moins s'émanciper
=;^^^=:^=:^==^=z==== de tout fondement métaphysique: comment
l'art pourrait-il s'élever au-dessus du vul-
gaire terre-à-terre, lors même qu'il ne se
complaît pas dans les fanges les plus ab-
jectes? Puisque le plus noble apanage de
l'humaine nature n'est que « la sécrétion de
la matière grise du centre cérébro-spinal »
l'artiste n'a guère à prendre souci de préparer
son œuvre par la méditation du sujet, — il
ne faut plus parler des sentiments surna-
turels, — ni par l'étude des caractères et la
composition des personnages. L'audace
remplace le travail et la chance tient lieu
de talent. Avides de lucre et gonflés de
gloriole, les Apelles et les Phidias de l'ave-
nir ne s'imaginent pas qu'avant de four-
nir.la course, il faut du moins apprendre à
marcher. Comment se préoccuperaient-ils
de mûrir dans les enseignements du maître
et la méditation des œuvres du génie, ces
sublimes problèmes de l'esthétique qui, en
élevant la pensée au delà des horizons sen-
sibles, commande à l'inspiration et imprime
aux créations de l'art un reflet de la beauté
idéale dont la splendeur est l'émanation de
la Vérité incréée ?
U milieu du tourbillon
S des événements et des
a . , ,
^ idées qui emporte notre
époque, parmi les ruines
des institutions sociales
et les audacieuses néga-
tions de tout principe
basé sur la vérité révélée, il semble oiseux
et téméraire à la fois, de s'appliquer à
reconnaître et à définir les éléments syn-
thétiques et les règles fondamentales de
l'idéal chrétien dans le domaine des arts.
Notre siècle a vu l'homme assouplir à sa
volonté deux puissants éléments et faire
de la conjonction de leurs forces opposées,
les collaborateurs de son travail et les véhi-
cules de son existence : dès lors le cours de
sa vie entière semble réglé à la vapeur. Plus
n'est besoin d'apprendre à penser avant
d'oser écrire, de s'initier aux leçons de l'école
avant d'affronter le jugement du public.
L'art, soumis au scepticisme positiviste con-
temporain, a subi les funestes effets de cette
impulsion fébrile sur la formation intel-
lectuelle des jeunes générations. Que nous
sommes loin des laborieux exercices du
trivium et du qnadriviitni, des longues
épreuves de l'apprentissage pour arriver à
la maîtrise ! Le progrès moderne a bien
nivelé ce fatras! Les salons &\.\^s expositions
des beaux-arts sont encombrés de ces essais,
de ces ébauches hâtives qui, sous l'étiquette
menteuse d'imprcssionnisiiie ou d\Hudcs,
déguisent mal les tâtonnements d'artistes
novices, trop tôt émancipés de l'atelier, voire
de l'école de dessin.
IL
LES hautes écoles du moyen âge s'é-
taient appliquées, on sait avec quelle
ardeur, à l'étude de ces questions spéculati-
ves, pour la solution desquelles la doctrine
des sages de l'antiquité trouve dans la
Révélation évangélique son complément
et son correctif Le nom du docteur aneéli-
que se présente ici sous la plume, car sa
théorie aristotélicienne du Beau, illuminée
REVUE DE l'art CHKÉTIKN,
1885. — 2*"^ LIVRAISON.
i6o
Ectiuc De l'art chrétien.
par la Foi, résume dans sa plus haute for-
mule l'enseignement esthétique des siècles
chrétiens. Après saint Thomas d'Aquin, la
notion doctrinale de l'idéal artistique reli-
gieux s'obscurcit au milieu des épreuves de
l'Église. La Renaissance prit garde de
relever ces études qui eussent logiquement
amené la condamnation des principes mis
en vogue par le néo-paganisme et le discré-
dit des œuvres artistiques conformes à la
mode du jour. Les ténèbres accumulées
pendant près de quatre siècles, avaient si
complètement dérobé à la vue des artistes
et de leur public les rayons du soleil de l'art
chrétien, qu'il eût semblé chimérique, au
début de notre siècle, d'en vouloir réveiller
la notion. L'art religieux était si bien caché
sous le travestissement du péplum et de la
toge, si bien dissimulé derrière le masque
au type athénien, si bien enserré par les
bandelettes du culte de la « belle antiquité »,
qu'il paraissait frappé de la rigidité cada-
vérique ; mais comme Lazare, il n'était pas
mort, il dormait.Ce ne sera pas aux yeux
des historiens futurs un des caractères les
moins bizarres du XIX™^ siècle que cette
rénovation du goût du moyen âge dans le
domaine du beau: ou plutôt, ne craignons
pas de le proclamer, c'est par un dessein
manifeste de la Providence que le souftle de
l'esprit chrétien s'est ranimé dans la sphère
des œuvres artistiques, tandis que notre
civilisation et l'art qui la reflète, s'abîment
dans les négations de l'éclectisme et les
prostitutions des sensualités réalistes. Sans
doute, des éléments hétéroclites ont con-
couru à cette étonnante résurrection des
formes plastiques chrétiennes : aussi les uns
se sont arrêtés en chemin, parce qu'ils n'ont
point compris le but de leur noble mission ;
les autres se sont subitement détournés,
brûlant ce qu'ils avaient adoré afin de con-
quérir une popularité frelatée. Mais la
cause de l'art religieux est immortelle
comme la Foi qui l'inspire : elle a vu de
toutes parts s'élever des champions con-
vaincus et dévoués : à côté de ceux qui
aidés du crayon, du pinceau, de l'ébau-
choir ou du marteau, travaillent à rendre à
l'idée chrétienne, dans l'ordre des faits et
dans le domaine des formes, l'influence
dont l'engouement païen l'avait dépossédée,
d'autres vaillants ont pris la plume pour
défendre la cause sainte contre l'ignorance
de la foule et les railleries des hommes de
métier. Est-il besoin de rappeler — pour
ne citer que ceux dont l'àme est retournée
vers la source de toute Beauté — Monta-
lembert et Rio, Boisserée et Gôrres, Pugin,
à la fois apologiste et artiste ? Leur œuvre
n'a pas été stérile ni leur apostolat infécond.
Dans la o^rande armée de la Dresse, les rangs
des volontaires de l'art chrétien ne sont pas
affaiblis, l'existence même de cette Revue
le démontre; nous y demandons aujourd'hui
une mention à l'ordre du jour pour l'un de
nos vétérans, M. E'tienne Cartier, l'éminent
et sympathique auteur des Lettres cPnn
solitaire. Quelque faible et incomplet que
soit le résumé de ces magistrales études d'es-
thétique chrétienne, auquel la Reinie veut
bien ouvrir ses colonnes, il vaudra, nous
l'espérons, aux doctrines si bien exposées
par l'érudit écrivain, la cordiale adhésion
des amis de l'art chrétien.
IIL
«^ I TRAVAILLERAI faire connaître aux
X artistes le beau véritable » tel est le
but (pie s'est proposé l'auteur ; ses lettres,
écrites au lendemain de l'incendie de la
« grande I^abylone moderne », reflètent
cependant \-a paix des cloîtres bénédictins ;
à Solesmes, en effet « le beau naturel n'est
que l'encadrement du beau véritable, du
ïLe ûeau esthétique et l'iDéal cîjrctien.
i6i
beau surnaturel où Dieu lui-même se ma-
nifeste dans les magnificences de la liturgie,
qui est l'art chrétien par excellence. »
« Le beau, comme le vrai, a sa source en
Dieu, qu'il apprend à connaître et à glori-
fier. » Il faut donc avant toute chose que
l'artiste chrétien s'instruise de la vérité ré-
vélée, puisque « ses œuvres doivent être
l'expression des croyances de tous ». Cette
étude est d'autant plus nécessaire à notre
époque que « le matérialisme et l'athéisme
existent depuis longtemps dans les ateliers
de nos peintres et de nos sculpteurs » et
qu'en admettant les jugements de l'opinion
sur les grands peintres de la Renaissance,
« on s'expose à adhérer ainsi à des principes
qui sont ceux du protestantisme et de la
Révolution et qui conduisent nécessaire-
ment au sensualisme et à la décadence. »
C'est en s'initiant tout à la fois aux
mystères du symbolisme, aux leçons de
l'archéologie et aux règles de l'esthétique,
que l'artiste chrétien se formera à l'accom-
plissement de sa noble mission.
Le symbolisme « est l'expression visible
des choses invisibles» ; il a sa source et sa
raison d'être dans les perfections inappré-
ciables de Dieu, révélées aux hommes par le
double mystère de la création et de l'Incar-
nation du Verbe ; aussi se manifeste-t-il
dans les choses de la nature comme dans les
actes de la liturgie, « qui en est la forme la
plus élevée», depuis les sacrifices d'Adam
jusqu'aux solennités du culte catholique.
Le symbolisme est une science nettement
définie par saint Paul (Rom. I, 20) ; dès les
premiers âges, il a trouvé d'admirables inter-
prètes dans saint Denys l' Aréopagite et dans
saint Méliton de Sardes, dont la Clavis, si
heureusement retrouvée par le cardinal Pitra,
« est le manuel le plus complet du symbo-
lisme chrétien, le dictionnaire indispensable
de ceux qui étudient les textes sacrés ».
L'archéologie qui, comme le prophète
Ézéchiel, ressuscite les peuples dont elle
relève les vestiges, est une science moderne;
née au lendemain de la découverte de
Pompéi et d'Herculanum, elle étend
chaque jour son empire et apporte à la
vérité de nos Livres Saints des témoins
providentiels et irréfragables. Bien que
jusqu'ici cette science « ne soit pas encore
complète parce qu'elle a fait plus d'analyse
que de synthèse », elle est un puissant auxi-
liaire pour l'artiste ; mais elle ne doit pas
être plus, car « l'essence de l'art n'est pas
l'imitation, pas plus l'imitation d'une époque
que l'imitation de la nature ».
Qu'on n'oublie pas cependant que « l'art
comme la société a deux forces dont l'union
constitue sa vitalité ». Ces forces sont l'auto-
rité et la liberté. La tradition — c'est-à-dire
« le droit de rechercher dans le passé les
formes qui ont le mieux exprimé l'idée que
l'artiste veut rendre » — la tradition repré-
sente l'autorité ; la grande hérésie de la
Renaissance est de s'en être séparée. En
effet, « il n'y a pas de grand art, sans art
traditionnel, » puisque, pour être compris
et justifié, « il faut que l'art reçoive de la
religion et de la patrie, l'idée qu'il doit
exprimer ». L'étude des monuments chré-
tiens dans le passé peut seule fournir à
l'artiste cet élément indispensable de son
programme.
IV.
Au delà des horizonssensibles des choses
contingentes, l'artiste doit tendre par
les élévations de l'àme jusqu'à la contem-
plation de l'idéal, du beau parfait et immua-
ble. Le beau, que tous comprennent par un
sentiment d'attraction intime et inné, —
d'où son nom grec za/,o;, qui attire — semble
pouvoir difficilement être défini par une
formule acceptée de tous. Sans s'arrêter aux
102
IRetiuc oc rart cijïcticu.
théories esthétiques de la Grèce, qui cepen-
dant eut parfois sur ce sujet, <?: des accents
vraiment chrétiens », M. Cartier demande
à saint Denys l'Aréopagite de « résumer la
sagesse antique en l'éclairant des lumières
de la foi » : son Traitd des N'oins divins,
développé par saint Thomas d'Aquin dans
un commentaire récemment retrouvé, nous
découvre, en effet, les vrais principes de
l'esthétique chrétienne.
Le beau, se manifeste à l'homme par le
sens de la beauté, qui en est l'effet et le reflet,
et, de même que le bon, lui apparaît dans
l'identité d'une insondable perfection comme
une émanation de l'Infini imprimant la
marque de ses attributs à toute créature.
C'est donc Dieu — Platon le pressentait
déjà, — qui est le beati. par essence, comme
il est le bon par excellence, unissant et
maintenant tous les êtres par le lien d'un
amour infini, semblable au soleil dans une
splendeur sans décadence comme sans
accroissement. « Le beau est une ressem-
blance divine )> : d'une part, l'harmonie de
la substance avec les proportions et les
ornements, ramène à Vanité par la conve-
nance du sujet avec la pensée créatrice et
par son rapport avec la forme parfaite ;
d'autre part, il trouve sa manifestation dans
cette trinité des sphères où le beau se
révèle parmi tous les ordres des êtres, le
beau sensible, le beau intellectuel et le beau
moral. C'est ainsi que, grâce aux mystères
de la création, de la nature divine et de
l'Incarnation, « Jésus-Christ est le beau
suprême, le principe, la source du beau
surnaturel dans le monde ; c'est lui qui le
communique à tous les êtres et qui nous le
dispense par sa grâce et par ses sacrements ;
puisqu'il s'est fait semblable à nous pour nous
rendre semblables à Dieu en nous unissant à
Lui.JÉsus-CiiRisT est le grand maître de l'es-
thétique, la doctrine et le modèle du beau ...»
V.
CONSIDÉRÉE dans son rapport avec
l'homme, l'esthétique « doit recher-
cher le beau absolu et l'unir au vrai et au
bon dans la lumière de l'intelligence et
l'amour de la volonté ». Mais, tandis que
« en Dieu, le beau est parfait »,chez l'homme,
« l'esthétique varie selon les rapports qu'il
établit entre le vrai, le beau et le bon ».
L'œuvre tout entière de la création — que
Dieu, à divers périodes de cet acte tout-
puissant, déclara bonne, — nous montre que
« le beau est encore plus la perfection du
bon que la splendeur du vrai » ; aussi « le
beau affirme le vrai, mais il prouve surtout
le bon ». N'est-ce pas ce que le Créateur
a voulu marquer en daignant donner à
notre nature <lson image et sa resse7nblance?Jf
Mais l'éternel ennemi du Bon et du Beau
a réussi à faire déchoir l'homme de ce
privilège : la divine ressemblance est altérée
par la concupiscence, qui est la manifes-
tation du mal vis-à-vis de la beauté. C'est
ainsi que « depuis le paradis terrestre, le
beau est toujours le motif et la récompense
dans la lutte du bien et du mal ». Le motif:
nous voyons à chaque page des annales
de l'humanité, l'auteur du mal « employant
les trois concupiscences et abusant du beau
sensible pour détruire le beau moral »,
comme les monuments de toute l'antiquité
en témoignent. La récompense : car l'hom-
me racheté, en usant de sa liberté pour la
soumettre à la volonté divine, rétablit par
cet effort l'harmonie, c'est-à-dire la beauté,
dans les actes de son intelligence et de sa
volonté vis-à-vis des choses sensibles, et
par cette triple victoire se rend digne de la
communication des ineffables beautés que
Jèsus-Ciirist, le prototype du beau, nous
a méritées par la Rédemption victorieuse
de la mort, du péché et de l'enfer.
le beau esthétique et TiDéal cDrctien.
163
VI.
TROIS éléments doivent concourir à la
formation du talent de l'artiste; trois
éléments aussi doivent se traduire dans ses
œuvres ; il faut qu'elles reflètent le caractère
religieux, social et individuel du milieu
dans lequel elles se produisent. « Ces
éléments existent avec des formes variées
et à des degrés différents. Leur puissance,
leurs rapports, leurs proportions expliquent
toutes les phases de l'art chez un peuple,
son origine, ses développements, ses gran-
deurs et ses décadences. »
Il en est ainsi particulièrement dans le
domaine des idées religieuses, qui forment
la véritable pierre de touche du progrès
artistique à tous les âges de l'humanité.
Nous ne pouvons suivre ici dans ses inté-
ressants développements, la lumineuse dé-
monstration de cette thèse que M. Cartier
emprunte aux monuments et aux théories
de toutes les civilisations. Soit que la vérité
demeure intacte parmi les patriarches et
chez les Hébreux, soit qu'obscurcie par les
erreurs et les fictions imposées à la crédu-
lité populaire, elle reste à peine reconnais-
sable entre les billevesées et les débauches
du paganisme, toujours la religion préside
au mouvement artistique et littéraire des
peuples antiques. L'auteur peut donc con-
clure, en s'autorisant de cet examen et des
témoignages des premiers apologistes de la
foi chrétienne, que les religions païennes
avaient conservé de nombreuses parcelles
de la vérité et que c'est à celles-ci qu'il faut
attribuer le mérite incontestable de leurs
monuments et de leurs œuvres artistiques.
L'histoire des siècles modernes confirme,
à son tour, ce témoignage : « Le Christ est
le seul élément religieux qui puisse main-
tenant vivifier l'art et produire des chefs-
d'œuvre.» Le spectacle des œuvres inspirées
par les négations hérétiques ou le scepti-
cisme protestant et rationaliste, n'est point
fait pour infirmer cette vérité.
« L'art chrétien est un par son élément
religieux, mais il est varié par son élément
social. » L'art, en effet, s'épanouit au sein
de la société humaine et il reflète nécessai-
rement les conditions variées du milieuioù
il se produit. C'est ainsi que, suivant les
progrès des sciences, — sciences spécula-
tives comme la théologie et la philosophie,
et sciences positives comme les mathémati-
ques, l'histoire, les connaissances naturelles,
— ainsi que le développement de la civili-
sation et des mœurs, l'art s'élève ou s'abaisse
avec le niveau intellectuel et moral du
siècle. De même que la connaissance et
l'amour de Dieu sont les éléments essentiels
de toute prospérité sociale, ainsi le génie
artistique décroît — nous en sommes les
témoins attristés, — sous l'influence du scep-
ticisme et du matérialisme insurgés contre
l'Auteur de tout bien et de toute beauté.
Diverses causes individuelles agissent
également sur l'inspiration de l'artiste dans
la composition de son œuvre. Les races
humaines ont produit des types nettement
caractérisés et sensiblement marqués dans
les monuments de l'Orient et de l'Occident:
il semble que la prophétie de Noë à l'égard
de ses descendants soit traduite jusque dans
les travaux des fils de Sem et de Japhet.
Chaque peuple a son type, chaque contrée
ses aspects, chaque nation son caractère
moral ; on les retrouve dans leurs créations
artistiques, car « les sens de l'artiste se
développent dans ses rapports avec tout ce
qui l'entoure » et ses œuvres en porteront
nécessairement le reflet. Ainsi se formèrent,
malgré les divergences du caractère dans
chaque individu et les conditions spéciales
de son existence, ces écoles et ces corpora-
tions d'artistes, dont les fortes traditions se
164
IRetiuc De ratt chrétien.
perpétuèrent.sous l'égide d'une foi commune
pendant tout le moyen âge; bien qu'affaiblies
par la corruption de la Renaissance, elles
demeurèrent debout jusqu'au fatal boulever-
sement révolutionnaire.
VIL
SI l'analyse nous montre qu'un triple élé-
ment concourt à la formation intellec-
tuelle de l'artiste et à la création de ses œu-
vres, la synthèse nous fait bientôt découvrir
que «l'art est un, dans son principe, dans son
but et dans ses moyens ». Le principe de
l'art, c'est Dieu ; il s'est révélé à nous dans
l'ordre de la nature, par la création de la
lumière, par le mystère de l'Incarnation dans
l'ordre des choses surnaturelles. Le but de
l'art, c'est de glorifier Dieu ; telle est la
fin que Dieu s'est proposée en faisant
l'homme et en le rétablissant plus tard dans
la grâce, et toutes choses lui ont été données
comme des moyens pour parvenir à ce but.
L'homme est doué de la pensée ; il la
communique par la parole, base de la litté-
rature et de la musique ; il s'empare de la
matière pour traduire et perpétuer son idée
dans les monuments de l'architecture et de
la sculpture ; il combine les éléments de la
lumière pour revêtir ses œuvres de la cou-
leur et les animer par les jeux du clair-
obscur. « Ainsi l'art, expression du beau,
de l'invisible, est un par ses moyens comme
par son principe et sa fin. L'architecture, la
sculpture, la peinture ne doivent pas s'isoler.
Elles se pénètrent, elles agissent ensemble
et forment une unité, comme les membres
d'une famille ; de même que l'union d'une
famille en fait la Hoire et la fortune, cettt;
alliance des branches de l'art en assure la
puissance et la grandeur. » L'art chrétien
obéit aux mêmes lois que l'Eglise catholique,
sa mère: «c'est surtout par l'unité cju'il sur-
passe l'art païen. » Ici encore il faut cons-
tater que la Renaissance, qui a tout divisé,
tout spécialisé, a fait fausse route ; en retour-
nant au paganisme, elle n'a plus compris
l'unité et la fraternité de l'art.
Vin,
TELLE est, dans un résumé bien
incomplet et, nous le craignons, bien
peu fidèle, la notion de l'art chrétien ainsi
qu'elle est apparue à l'éminent écrivain de
Solesmes comme le couronnement et la
synthèse de ses incessantes méditations dans
les sphères de l'esthétique éclairée par la
foi. Pour « formuler sur l'art une doctrine
chrétienne, bien différente de celle que nous
a laissée la Renaissance et que professe
notre matérialisme moderne », M. Cartier
ne s'est pas borné à puiser aux sources
pures mais profondes de la théologie et de
la raison. L'histoire tout entière de l'art,
depuis ses origines préhistoriques jusqu'à
ses débordements actuels, est là pour con-
firmer les enseignements de la théorie
spéculative. C'est en parcourant successi-
vement les principaux monuments de la
civilisation antique chez les Egyptiens, les
peuples de l'Orient, les Grecs, les Étrusques
et les Romains, puis en relevant soit dans
les catacombes, soit dans les écrits des
apologistes et des Pères de l'Eglise, les
premiers éléments de l'art chrétien, que
l'auteur nous amène à l'étude des grandes
œuvres où se traduisent, dans l'ordre des
faits, les conceptions artistiques du génie
inspiré par la foi catholique. Voici l'architec-
ture byzantine, représentée par Sainte-
Sophie de Constantinople, dont on a
manifestement exagéré rinfiuence sur l'art
occidental: puis vient l'architecture romane,
dans ses deu.x aspects créés par les écoles
du Rhin et du Midi ; le style ogival parait
le beau cstbétique et riDcal chrétien.
165
enfin, au X 1 1 P siècle : c'est alors que « l'ar-
chitecture chrétienne semble avoir atteint
sa perfection, car jamais l'élément religieux
n'a été plus heureusement uni à l'élément
social.» Les autres branches des arts suivent
une marche parallèle : la sculpture, avec
ses filles, la glyptique et la numismatique,
apporte son témoignage ; il en est de même
pour la peinture, soit qu'elle s'applique aux
monuments mêmes, aux manuscrits, aux
verrières, aux tapisseries, aux tableaux
proprement dits ou à leurs reproductions
gravées.
Nous aimerions à pouvoir reproduire,
même dans un cadre restreint, ce magnifique
tableau de l'histoire du génie artistique à
travers les âges ; mais le lecteur nous per-
mettra de lui laisser le plaisir d'étudier ces
pages si instructives dans l'œuvre de M.
Cartier. Il serait impossible, en effet, de
donner ici, ne fût-ce qu'un aperçu de tant
d'observations érudites, de judicieuses cri-
tiques, de considérations aussi fermes
qu'élevées sur les caractéristiques de chaque
époque, dans la voie du progrès artistique.
Sans doute, quelques-unes des idées émises
sur la genèse des styles, certains faits
invoqués à leur appui, donneraient occasion
de formuler des réserves ou des critiques :
c'est ainsi que la part faite aux monuments
et aux joyaux artistiques de l'Allemagne
est bien réduite, alors que M. Cartier prend
à cœur de faire attribuer à ses compatriotes
la palme dans toutes les branches de l'art.
De telles questions peuvent être envisagées
sous trop d'aspects divers pour ne pas
demeurer livrées aux disputes des savants :
mais où le lecteur n'hésitera pas à donner
gain de cause à l'érudit écrivain, c'est dans
la réfutation de cette thèse, chère à nos
modernes rationalistes, qui voudrait \-()ir
dans l'invasion de l'esprit laïc la cause de
l'admirable floraison des arts au XII l'^siècle.
Viollet-Leduc n'a pas craint, on le sait, de
donner à ce système l'appui de son nom et
l'autorité de sa science archéologique : celle-
ci ne gagnera certes pas à la discussion dont
elle est l'objet dans les Lettres d'îin solitaire.
IX.
IL est une autre thèse, constamment affir-
mée et universellement admise depuis
trois siècles, contre laquelle M. Cartier
n'hésite pas à s'inscrire courageusement en
faux. « L'opinion est généralement favorable
à la Renaissance; beaucoup de catholiques
même en font une gloire de l'Église, parce
que Rome paraît en avoir été le centre. i>
A rencontre de ce préjugé, le solitaire de
Solesmes estime «qu'il y a là une erreur
déplorable, propre à arrêter tout retour vers
l'art chrétien» ; il s'appuie pour la réfuter
non seulement sur les principes de l'esthé-
tique chrétienne mais encore sur l'étude des
chefs-d'œuvre de la Renaissance et la
biographie de leurs auteurs. Laissons-lui la
parole :
« La Renaissance, — dont le nom même
est un mensonge esthétique et une injure
au christianisme, car que pouvait-il re-
naître de vrai, de beau et de bien après la
naissance du Christ.-' — la Renaissance
fut une grande victoire du tentateur, une
révolte sociale contre Dieu et son Lglise,
un triomphe des trois concupiscences sur la
chrétienté. »
« La Renaissance altéra le beau; la Réforme
nia le vrai; la Révolution attaqua le bien;...
elles composent une trinité infernale et ne
sont qu'un même acte d'indépendance de
l'homme, un outrage à la souveraineté divine;
si on étudie bien la Renaissance, on verra
qu'elle a été le principe de la Réforme, dont
la Révolution fut le couronnement et la
perfection. La Renaissance a été une pre-
i66
îRctiue De rart cfjrctien.
mière séduction.qui entraîna les deux autres.
Elle profana le beau sensible en le détour-
nant de son but ; le beau intellectuel fut
alors obscurci et le beau moral disparut
dans l'orgueil de l'esprit et l'ivresse des
sens... La grande erreur esthétique de la
Renaissance est d'avoir séparé le beau du
vrai et du bien et de l'avoir placé dans ce
qui plaît aux sens. Les artistes n'ont plus
cherché le beau en Dieu, qui en est le prin-
cipe et la fin ; ils poursuivent uniquement
le beau sensible, et comme ce beau a besoin
aussi de vrai et de bon, ils cherchent ce vrai
et ce bon dans les choses secondaires, dans
l'imitation de la nature et dans la science des
moyens. C'est ainsi que la Renaissance se
trouva entraînée à l'étude du nu, qui devint
pour elle une passion qu'elle poussa jusqu'à
la folie. Le nu est la forme de la concupis-
cence ; l'artiste de la Renaissance en fit son
idéal et le glorifia dans ses œuvres contraire-
ment à toutes les lois des convenances et de
la civilisation. Il n'en rougitpas,comme Adam
devant son Créateur, et ne craignit pas d'en
offenser les regards de sa mère et de sa fille;
il en souilla même le sanctuaire, et la chapelle
Sixtine est là pour montrer à quel excès fut
poussée cette profanation, témoin ce fameux
ftigement dernier, où Charles Blanc lui-
même, ne peut voir c^xinne grande planche
d'anaioinie. »
jS—
MICHEL-ANGE et Raphaël sont les
deux coryphées del'école Renaissante.
M. Cartier s'applique, en étudiant leurs
œuvres, à reconnaître les déplorables consé-
quences de l'intluence du néo-paganisme sur
ces puissants génies.
Raphaël, on le sait, a compté de nos jours
des admirateurs fanatiques, qui malgré leur
ardente orthodoxie, «lui rendaient une sorte
de culte et auraient volontiers demandé sa
canonisation ». C'est ainsi que l'abbé Darras
déclare la Ti'ansfignration « le chef-d'œuvre
de toutes les écoles, le dernier terme de la
puissance humaine en peinture, la limite qui
dans l'art sépare l'homme de l'ange », tandis
que M. le marquis de Ségur estime que
pour dessiner \2. Dispute du Sainf-Sacrcme^it,
le génie de Raphaël, aussi immatériel que
son nom, « a été prendre au ciel ses couleurs,
ses expressions et ses lignes ». Ces éloges,
même en faisant la part d'un enthousiasme
hyperbolique, sont-ils justifiés.'' \.^ solitaire
de Solesmes, tout en reconnaissant que
« Raphaël est certainement la plus pure, la
plus belle, la plus séduisante personnifi-
cation de la Renaissance », n'a pas voulu
s'en tenir au sentiment général, dont le
comte de Maistre déjà faisait la critique;
il étudie donc le peintre d'Urbin à la fois
dans les actes de sa vie et dans les œuvres
de son pinceau. On aurait mauvaise grâce,
après avoir lu ces pages, empreintes d'une
admiration profonde pour le talent incompa-
rable de Raphaël en même temps que d'un
inébranlable attachement aux règles de l'es-
thétique chrétienne, à ne pas souscrire au
jugement formulé au terme de cette con-
sciencieuse étude: « Raphaël est le peintre
le plus admirable, le plus parfait, le plus
heureusement doué que je connaisse. . . mais
Raphaël n'a été chrétien ni dans sa vie, ni
dans ses œuvres... il a fait d'une manière
admirable de l'art pour lart; il a aimé et
glorifié la chair; il n'a pas cherché le beau
surnaturel; il n'a pas vécu avec le CiiuiST
comme Fra Angelico, et il n'a pu faire les
choses du Christ: Chifa case di Cristo, con
Cristo debe star sevipre. »
Cette devise favorite du peintre angélique
résume la doctrine catholique tout entière
sur le beau. Le Christ est l'idéal, car,
comme l'a dit Lamennais : « Il est le beau
île beau cstîjctiquc et l'iDcal cbrcticn
167
complet, le beau dans ses rapports avec le
vrai et le bien! » Il faut donc que l'artiste
s'applique à réaliser dans ses œuvres la
devise de l'Apôtre : Iiistaurarc omnia in
Christo. Dans la sphère artistique comme
dans tous les autres domaines de l'activité
humaine, le Christ est la voie, la vérité et
la vie. L'art trouve en Lui \ alpha et F oméga,
le coiuinenceiiicnt et la fin, il en est la source^
car rien de ce qni a été fait na été fait sans
Lui ; il en est le couronnement, car il est
la lumière qui a hii parmi les ténèbres du
paganisme et du sensualisme et qni éclaire
tout Iiomme venant en ce monde. Toute œuvre
de l'artiste doit être un snrsnm corda; il est
vraiment juste et raisonnable qu'elle redise,
en tout temps et en tout lieu, la gloire de
Celui qui est la splendeur éternelle de
l'Auteur de toutes choses. Heureux sont
ceux à qui il a été donné de comprendre
les grandes vérités de l'esthétique chrétienne
et qui peuvent dire, comme le solitaire de
Solesmes au terme de son œuvre : « O
Christ! idéal de l'art chrétien, idéal que
l'œil ne peut voir, l'oreille entendre et le
cœur de l'homme concevoir; idéal du vrai,
du beau et du bien, idéal de Dieu, idéal de
l'homme, idéal du ciel et de la terre, idéal
du temps et de l'éternité, idéal qu'il faut
posséder dans son âme pour bien l'exprimer,
éclairez-moi; venez en moi, pour que je vous
connaisse, que je vous adore et vous aime :
venez Seigneur Jésus ! Vejii, Domine fesu ! »
B'J" Jean Bethune de Villers.
KEVUE UE LAKT CHRETIEN.
1885. — :"" LIVKAISON.
ï±±^ kkk^AAÈ. kà.±±^ ^k±±AÈ.^ÂAÈ.,
L^ ^ X ^ ^^
Bvotjcrirs et tissus, conservés autrefois à la
catj)éï)rale ïi^Hugers» (-'"•^- article). (voIi-t. h, (1884), p. 270)
1"^^^^^^^^ ;^ ^ ^ ^^^^ ^^T^'^ ^ ^TfT¥¥¥¥TfT¥¥¥^ ^
C&apitrc i).
Les Vestimenta.
\'ANT de commencer ce long
chapitre, il ne sera pas inutile
de parler de quelques pièces,
antérieures à 1297.
La chasuble de saint René, dont on n'a
malheureusement aucune description, fut
longtemps conservée à la cathédrale avec
son calice. Elle était sans doute fort usée
en 1297, car elle figure au rang des chasubles
communes : //rw ochy a/ias çuofic/iatias,
computata illa sancti Rexati.
A l'église collégiale de Saint-Julien ap-
partinrent jusqu'à la Révolution les vête-
ments de saint Lezin, évêque d'Angers et
son fondateur. C'étaient juie aitbe, une chape
(chasuble), une étole et un manipule cC étoffe
de soie rouge sans s^alon : tous ces objets restè-
rent dans le trésor jusqu'à la translation
qui en fut ordonnée par Mgr l' évêque datis son
église (0. L'étole était remarquable: « On
voit sur l'un des bouts la figure d Eve séduite
par le serpent avec ces mots : Per Evam
PF.RniTio, et, sur r autre bo2it, l'AnJtonciation
avec ces mots: Per Mariam recuperatio [-).
Enfin la collégiale de Saint-Martin
possédait la chasuble, l'étole et le manipule
de saint Loup, évêque d'Angers (3).
Ces précieuses reliques périrent en 1793:
il n'en reste plus que le souvenir.
D'un autre côté l'ouverture des tombeaux
1. Aich. Dcpaitciiic'iitates, c. 42.
2. B. M., ms. 621, p. 3.
3. Arch. DJp., c. 42. Nous verrons plus loin cLins la
lettre de Pocquet de Livonnière au P. Montfaucon, qu'il
lui annonçait le dessin de la chasuble de saint Loup: il a
été perdu sans doute, s'il ajamais été fait.
de quelques évêques d'Angers aurait [)u
nous donner de curieux spécimens d'anciens
ornements ; malheureusement, on a presque
toujours négligé de prendre note de ce qui
fut trouvé. Voici cependant ce qu'on sait des
tombeaux d'Ulger, de Raoul de Beaimiont
et de Nicolas Geslant.
Un chanoine fit briser, en 1757,1e couver-
cle de pierre du mausolée d'Ulger, mort
en 1 149 : « On le trotiva couvert de ses or-
nements pontificaux. Ses souliers étaient
quarrés par les extrémités et sans talon, le
dessus était décoiipé à la façon de la chaus-
'sure des anciens. Son suaire s'était conservé
encore entier et presque dans sa première
blancheur. Comme je n'ai vu aucun des
restes de sa soutane, j' ignore s'il en. avait tine.
Son rocket était d'une toile assez fine, sa
chasuble d'une étoffe de soie a fleurs
rouges sur fond violet. Sa crosse de bois
était dans toute sa longuettr. La populace,
informée de cette découverte et poussée par
une curiosité funeste accourut en foule à ce
tombeau. On l'ouvrit par l'endroit qu'on avait
i]iutilement refermé dès le matin. Chacun
s'empressa d enlever quelque partie des vête-
ments, qui couvraient les ossements de ce
grand évêque : rien n' ei'it échappé à ce pillage,
si on ne se fût empressé de cacher ce précieux
ornement à ses regards... ('). >> Le couvercle
ayant été brisé du côté des pieds, il est fort
possible que la mitre, dont ne parle point le
chanoine, auteur involontaire de cette pro-
fanation, e.xiste encore dans le tombeau.
Le 29 octobre 1846 furent découverts
I. B. M. ms. 628, p. 142.
T5roDfric.s et tissus, conserves autrefois à la catècoralc D'ang;cr.s. 169
quelques débris de la chasuble de Raoul de
Beaumont.enterré dans la nef en r 197, vis-à-
vis d'Ulofer. La fosse avait été bouleversée
en I 793. Il y restait cependant les fragments
d'une lampe de verre, une crosse en bronze
et des lambeaux d'étoffe, conservés au
musée de l'Évêché. Le temps a si profondé-
ment altéré les couleurs, qu'il est impossible
de s'en faire une idée exacte. Voici un dessin
de ""/, ofrandeur naturelle d'une oartie de
cette chasuble, couverte de médaillons ronds,
remplis de lions, chimères ou fleurs de lis (').
Une petite rosace à quatre lobes, brodée
en soie avec un pois d'or au centre, réunis-
sait les médaillons, dont l'intervalle était
rempli par une lleur de lis. Le fond devait
i.J'en ai donné un dessin réduit dans l'Albiini,qui accom-
pagne ma notice sur les tombeaux des évcciues d'Angers
lyo
ïRcDue oc rart cfjccticn
être brun ou jaune foncé, les encadrements
des médaillons, les animaux et les fleurs de
lis sont brodés en or. Les feuilles entre les
branches des fleurs de lis sont brodées en
soie rouge ou verte.
Le 12 janvier 1699 fut ouverte la tombe
de Nicolas Geslant, mort en 1290. On y
trouva la mitre blanche, avec laquelle il
avait été consacré, une crosse de cuivre,
une croix de cire et douze petits pots de
terre, en partie remplis de charbon (' ).
La déclaration, faite le 11 juillet 1533
par le chapitre contre François de Rohan,
évêque d'Angers de 1499 à 1532 pour le
contraindre à contribuer aux réparations de
l'évêché, de l'église et de son mobilier
nous fait connaître, en 8 1 articles, les griefs
des chanoines, relatifs aux ornements : j'en
donne de courts extraits. Le ton emphati-
que et solennel du début est assez curieux:
on y verra en même temps combien grand
était le nombre des ornements.
^ n Église (T Angiers est tine belle,grande
« et notable église de fondation royalcct église
« cathedra lie du diocèse d Angiers, laquelle
« est composée de hnyt dignitéz, trente cha-
« noynes, deux soitbs-chantres, Jniyt niaistres
« chappelains et corbelliers, huit à nenf
« vingt chappelains, douze serviteurs, vingt
« drappeliers et six enffans de ctieur, les-
« quels actuellement jour et nuict font
(( oraison et prières et servyce divin au de-
« dans de la dite Église.
« 2^2. ffcin pour servir lequel servicchono-
« rablement et dévotement les dits sieurs et
« chapitre ont plusieurs chappes de dj'ap
<< d'or, velours, satin, damas et autre soyes
« et autres chappes et ornemens à grant
(<■ quantité.
(( 2.:fj. Item des quelles chappes et orne-
« mens précieux par quarante cinq jours en
« lan les dits doyen, dignitéz, chanoynes et
I. B. E., Ct'rémonial de Lehoreau, 1. V, p. il.
« chappelains sont revêtus, lorsqu'on fait le
« service en icelle église.
« .?//. Item des qîielles chappes et orne-
« mens précieux, le dit évesqiie d Angiers est
« tenic à tentretenement, tant par coutume,
« ancienne et immémoriale, que aussy par
« disposition de droict.
« 2^^. Item et la raison est bonne, car
« anciennement toutes les églises cathédral-
« les estaient églises régulières ut probat
« ... et lors les prélatz estaient temiz J'ournir
« leu-rs églises des ornemens comme estant le
« chef et après le bien et revenu principal de
« r église et les moyncs loco quorum hodie
« successerunt canonici habebant victum et
« vestitum, comme aujourd luii les clianoynes.
« 2-f6. Item car leurs prébendes, qui ne
« sont de vallcur que de 2 ou joo livres ne
« sont pour satisfaire ad victum et vestitum
« duntaxat, et par ce, ne sont tenus aux
« charges, que est tenu, lévesque, qui a le
<( gros bien et revenu et est le chef de l'église,
« et les chanoynes sont seulement ses membres
« et ses ministres...
« 2^J. Item ce néanmoings durant le
« temps, que le dit de Rohan a esté évesque
« d Angiers, qui a été le temps de trente trois
« ans, il n'a donné aucuns ornemens en la
« dite église ne soubzveiiu à la réparation et
« entretencment d'iceulx ornemens, pourquoy
« sont tombés en grosses ruynes et les fault
{( nécessairement réparer et pour ce couste-
« rait grands deniers....
« J22. Item y a en la dite église cent
<( chappes communes et plus que les chappe-
« lains de la dite église aux festes prennent
« et depuis le temps de jj ans que le dit de
« Rohan a été évesqtie, ont pu s'endommaiger
« de la somme de 200 escuz et plus ('). »
Le chapitre II, les VESTIMENTA,
comprendra, suivant l'ordre des inventaires:
I". Les chapelles coMi'LkTES, Cappella
I. Arch. Dép. série G. N° 264, passim.
TBroîJCVics et tissus, conscctics autrefois à la catbéQralc D'Angers. ryi
INTEGR/1Î, (chasuble, tunique, dalmatique,
une ou plusieurs chapes, souvent deux
parements d'autel, quelquefois même des
courtines et des coussins).
2"^. Les pièces séparées: Inful.e,dalma-
tic.lî particulares, capp.e, stoll.e et
manipulli, burs.e et corporalia, coli.eria,
poignalia et paramenta altarum, alb^
serice.e, map/e serice.e et paramenta
MAPARUM.
3°. Les vêtements spéciaux : vestimenta
pro episcopo, pro pueris et bidellis,
bireti et cirotiiec.e pro capsis portandis.
4°. Les paramenta altaris, qu'on peut
considérer comme les vêtements de l'autel,
mais seulement ceux qui ne figurent pas
dans les chapelles complètes.
5°. Je rattache à ce chapitre les banniè-
res, VEXiLLA.et les hais, PALLIA, pour porter
le Saint Sacrement à la procession de la
Fête-Dieu ou aux malades.
I. CAPPELL.4: INTEGREE.
Bien que les inventaires de 1299 et de
1391 n'aient pas de chapitre sous ce titre,
on reconnaît facilement parmi les chasubles,
destinées au maître-autel et les dalmatiques
certaines pièces assorties et rentrant dans
cette catégorie.
1391. L'évèque Nicolas Geslant (mort en
1289) avait laissé par testament une cha-
pelle verte : Décima (infula), de sainicto
viridi, ciiiii aîwtfrasiis aiireis ni statu suf-
ficienti. — Dalinatica et tiuiica, de sainicto
viridi ejusdem coloris cum infula superius
notata. (De panno sericeo viridi, cum
aurifragiis veteribus deauratis, quce servit
in festis confessorum et caret propriis stollis
et manipulis 1467.) (Figurata avibus et
variis bestiis, rubei coloris, habentibus
capita et pedes aurea 1561, 1606.)
Des six autres dalmatiques pour les fêtes,
quatre de sainicto /-///reformaient deux cha-
pelles avec les chasubles tertia et quarla, de
sainicto rubei coloris, in competenti statu ; de
même les deux dernières, allice bonce et
pulchrce, quas dédit Guillelnms Major, quou-
dam episcopus [1JI4), avec undecima (ca-
sula) de panno albo serico, dyaprato, duppli-
cata de sainicto croceo in bono statu (").
— • Item îina infula, cum dalmatica et
tunica, borne et pretiosœ rubei coloris, quas
dédit bonœ memorice Briencius deMacJiecolio,
quondam [i'jjç) canonicus andegavensis. —
L'évèque Foulques de Mathefelon, mort en
1355, légua « duas cappellas, intégras et
fournitas de cappis, pulcherrimas »
— Una cappella intégra, rubea, quam dédit
bonce memorice deffunctus Fulco, quondam
andegavensis episcopus, continens cappam,
capsulam, dalmaficam et tunicam, zonam,
manipuluin, stolam, sandalia, unum colerium,
duo poignalia, albam paratam et amictum,
cui cappellœ stola et manipnlum indigent
duplicatnra. (Seminata avibus peditatis et
capitatis auro ac rondellis etiam aureis
1595, 1606.)
— Una alla cappella viridis, fourrata de
syndone rubeo, continens cappam, capsulam,
dalmaticam, tunicam, stolam, zonani, mani-
puluiii, colerium et unum marchipedem,
quam dédit ecclesice dictus dominus fulco.
(Panni damasci viridi coloris, cum aurifragiis
rubeisad parvas stellas, trifoliisque nigris...
infula deest 1539.) (Dalmatien serviunt
portoribus reIi(iuiarLiin in festis pr.ecipuis
1561). A cette chapelle, on ajouta: Item
una stola pulchra et nova et manipulum
I. Guill.uime le Maire fit un voyage à Paris et aux
environs avant sa consécration : il y acheta des ornements
et autres objets ; il est fort probable que la chapelle en
question était du nombre. « Postmodum, staliin /'ans/as
in noinine Domini revertenles et ibidem tribus dicbiis
iiiiinenles, einimus initi-am pulchrain et giiamdam paivi
prelii, pannos sericos duos vel très, quadam neccssitiûi
pro capclla, ornainenta episcopalia et alios paniios pro
nobis.... >> lômai 1291. Livre de Guillaume le Maire, publié
par M. Port, p. 58.
172
Ectiue oe l'3rt cfjtcticn.
ijgi. (Deaurata, qiue proveniunt de abbatte
sancti Nicolay, cuni ymaginibus 141 8.)
— Ite»i 2ina alia cappella, intégra, de
paniio aiiri rubei coloris, cuin avions aureis
et lozengiis, quant dédit dejfimctus Michacl
Régis, quondaii! archidiaconus transiiicdua-
nensis et canonictts andcgaveiisis (ijôj),
continens capsiilaiii, dalinaticain, imiicaiii
cîim stolis et inaniptilis et paraiiientis amic-
titiiDi et albis. (Figurata avibus cum capiti-
bus, pedibus atque quadratis seu carellis
aureis cum pulchris aurifrasiis 1467.) (Elle
ne sert plus 1561.)
— Item 7ina alia cappella, qutc fuit doniiiii
Gerardi judicis [rj^j], continens capsulain,
dalmaticain et tunica/n, eu m uua. stola et
dîtobus nianipulis, qnce cappella non est
dupplicata, quod est magnum dapnum. (Vio-
letti coloris 1421) (quee est multum exami-
nata et potest reparari de una parva cappa
panni consimilis, quaï est etiam dilacerata et
fuit posita dicta cappa cum dicta cappella
1467).
— Itcn/ una cappella alba, qnce fuit domini
Radulphi (de Machecoul, mort évèque en
1358) episcopi andegavensis, pulckraet nova,
continens duas cappas, capsula m, daim atica m,
tunicam, dzias stolas, très manipulas, tria
coleria, quatuor poignalia, très albas para tas,
très aniictos et unam mapam paratam.
(Seminata avabus cum pedibus et avibus
aureis et cum pulchris aurifrasiis.... et est
satis honesta 1561) (avec les orfrois à
pigeons d'or 1596) (nommée les oyscaulx
1646)0.
— Iton una alia cappella, pro mortuis,
Jatn diu empta per /. Beguti {13 5 5) de pe-
cunia capparum {'), continens quatuor cappas,
1. B., ms. 656, t. i, p. 281 . — 26 niay 1359. Arrêté entre
les exécuteurs testamentaires de Raoul de Machecoul et
le chapitre, que le dit chapitre se contentera de la
chapelle blanche dudit évoque, pour ce qu'il pouvait
devoir au dit chapitre, durant sa vie.
2. Ceci vient h l'appui de ce ([ue je disais pkis haut re-
lativement à l'argent des chapes.
capsulant, dalinaticain et tunicam cum dtta-
biis stolis et tribus manipulis et paraiitcntis
pro albis et amictis de samicto nigro, ctvn
orfrasiis dupplicibus et four rat is de sandalis
aduratis et poniis ereis tenentibus ad dictas
cappas in pectore et scaptilis.
— Item vestimenta nigra pro def/îinctis,
videlicet infula, dalniatica et tunica ctitn,
quatuor cappis et multum devastata.
— Item una alia cappella nova cotidiana,
pro mortuis, intégra, de similibus peciis de
boucacino nigro, fourrata de boucacino adu-
rato cum orfrasiis dtpplicatis et cunt poniis
ut supra, in alia cappella.
Quatre chapelles complètes furent
données par Pierre d'Avoir, seigneur de
Châteaufremond ; voici ce qu'on en sait
par lalettre de fondation de son anniversaire
en 1390 et par les inventaires :
— ... Duas capellas intégras, de dyapris
albis, galice de diaprés iîlaxs, quœ duce
capcllcr sunt munitcc de capsulis, tunicis et
dalmaticis et paramcntis altaris a parte
superiori et inferiori, pro iina dictaruin
capellarum ijço... (Item una alia capella
alba intégra seminata de rosis ad arma
dicti domini de Castrofromundi, cum para-
mcntis altaris 1391), (la chapelle de damas
blanc, nommée les Rouscttes. Reparata fuit.
Nota quod dalmaticce sunt satini aibi de
Burges per dominum Bohic fabricium 1595)
(1646). (Item duae peciae panni serici albi
seminati de rosetis et in medio cujuslibet
rosetEe sunt arma de Castrofromundi 1467),
(positct fuerunt rosetre dalmaticis per domi-
num Bohic 1595).
Je reprends le te.xte de 1390, relatif à la
seconde chapelle blanche... et de tribus
capis ejusdem panni et coloris cum auri-
fn'oiatis pulchris et décent i bus et cum une
parainento pro lectrino seu pulpito,et est dicta
capella muni ta de albis, stollis et fenionibiis
TPioDccics et tis5U5, consctDcs autrefois à la catbcDralc D'Angers. 173
ds consimili panno et collerns propresbytero,
dyacoiio et subdyacono et de niia viappa al-
taris, parata de itno paraniento auri frigiato
13ÇO ; (couverte par endroits de rondeaulx,
où il apparaît quelques fils d'or, nommée la
chapelle des leçons des Vierges et du temps
paschal 1595) (1643). De cette chapelle
faisait partie un antiquum paramentum
album in duobus peciis, fere consumptum,
ad arma de Castrofromondi (1467).
— Item unam aliam capellam de dyapris
rubeis, galice, dvapres vermeil, muiutam
de capsula, tunica et d'il mat ica, et de para-
mentis altaris firo alto et basso, et de tribus
capis cuin auri/rigiatis ejusdem paiini et
coloris ijço. (Una rubea de panno serico
1391) (duplicata de sandalo adureo 1418)
(très cappœ rubei coloris figurata; avibus et
parvis rosis aureis, quas dédit deffunctus
condam de Castrofromondi, cum bestiis et
floribus ad arma de Castrofromondi i467)(').
(la chapelle des neuf leçons des martyrs
1606).
— Item îinam aliam capellam nigram,
brodatam et ornatam ad lacrimas albas et
AD TALENTA AURI, muuitam de capsula,
tunica et dalmatica et de paramentis pro
alto et basso et tribics capis ejusdem panni et
coleriis cum suis atirifrigiatis et albis, ami-
clis, stolis et fenionibus consimilibus et cum
tmo paramento pro lectrino ijço (seminata
de lacrymis argenteis et oculis aureis,
1467).
— Item una infula, cum dalmatica et
tunica dupplicata violeti croceique coloris,
quœ satis indiget reparatione ijçi (sint po-
sita; in reparatione aliorum vestimentorum,
1421).
— L'inventaire de 1391 comprend dans
rénumération des 12 chasubles réservées
I. Arch. dép., série G. 264., art. 308. Item une chapelle
de damas rouge, semée à bestes d'or fin, qui sert aux festcs
des martyrs, qui est quasi consommée, en faut avoir d'au-
tres, qui coûteront la somme de 60 1. et plus.
au grand autel, une chasuble jaune, qui
avec deux dalmatiques de même travail
formèrent une chapelle complète : Octava
(casula) de samicto crocci coloris, operata
diversis operibus et cum duabus ymaginibus
capitum rétro, quce indiget omnino diippli-
catione et est formosissima — dalmatica et
tunica, crocei coloris, operata ad modum
tnfulœ ejusdem coloris (figurata de serico
croceo, figurata pluribus rondellis et barris
et in partibus posterioribus sunt diversa
capita, qua; servit in anniversario circuli
puerorum psallette et in festo Sancti Mi-
chaelis in Muntetumba 1467). (La chapelle
des choreaux 1596.) (Item une chapelle de
soie jaulne brodée sur le champ de soie
tannée et bleue, nommée la chapelle des
Carreaux, qui sert seulement à la fête de
St Michel in INIunte tomba, 1643). — Cette
chapelle existait encore au XVII Je siècle.
Lehoreau dit en effet que le 16 oct. on
se servait à la fête de St Michel in Munte
tumba d'une chasuble jaulne à l'ancienne
mode, sur laquelle étaient brodées quelques
petites figures de chérubins, et de dalma-
tiques de pareille couleur à l'ancienne mode,
les manches cousues, presque comme une
aube, excepté la longueur.
En i725,Pocquet de Livonnière la men-
tionne en ces termes ://_;• a aussi un ornement
complet d'une espèce de satin jatine brodé
de soye noire, et dans le bas la chasuble est
toute fermée et les dalmatiques à manches
fermées sont cousues jusques à la ceinture,
on se sert de cet ornement à F autel le jour de
St Michel {').
Cet ornement existait encore en 1757
d'après le règlement de la sacristie ; peut-
être môme ne fut-il détruit qu'à la Révolu-
tion ; on en voit un dessin grossier dans
le Cérémonial de Lehoreau, L. iv, p. 203.
— 1406. Item Oliz'crius Maligneri, ati-
1. Bib. Nat. ms 10,912, fol. 159.
^74
iReuiie De lart c&réticn.
ditoi' sacri palatii apostolici et cantor eccle-
siariun Andegavcnsis et Nannetensis con-
cessit, tradïdit et assigiiavit ad honore m
Dei et Virginis gloriosœ et omnium sancto-
riim et sanctarwn et in remissionem pecca-
torum sui et alioriim quorum in aliqno
potuit aut potest et in futtirum tcneri très
casullas, stollas et maiiipulos ac paramenta
albaruvi et amictutim et duos patntos pro
altari cuni ymaginibus sanctorum evange-
listarîim et docforuvi quatuor.
Quœ omnia duplicata sunt de persico
viridato, de bougrano, de panno videlicet
TiERCELiN J)E GENO, stib colore crocco, pro
temporibîis videlicet adventus Doiiiini,scptua-
gesimœ et quadragesimce îisque ad pasclia
exclusive et ni/iil ultra iisque ad tempus alius
anni revolutum tempore predicto. Anno
Doiiiini niillcsiino fi;YY""^ sexto.
En Carême et pendant l'Avent le diacre
et le sous-diacre ne portaient pas de dal-
matiques, mais des chasubles. (Très infulre
pro presbytero, dyacono et subdyacono de
serico croceo... item unum paramentum
majoris altaris pro tempore adventus Do-
mini in duabus peciis... in superiori parte
est ymago Trinitatis, cum quatuor evange-
listis et in inleriori sunt quatuor Doctores
ecclesisecum Virgine Maria in medio 1467.)
(Quasi consumpti 1525.) En 1467 cette
chapelle fut affectée au temps de l'Avent ;
il y en avait une autre en tiercelin blanc
pour le Carême.
1421 — Huit panni particulares de l'in-
ventaire de 1391 sont transformés en une
chapelle complète. — Item unus pannus
aureus crocei coloris continens septem pan-
nos cum bordura de armis Siciliae et An-
degavi... (seminattis foliis aiireis). — Item
unus alius pannus similis coloris, emptus de
pecunia ecclesix, continens quatuor alnas.
(De istis octo parmis facta fîiit cappella ctini
tribus cappis.)
— Item alla cappella, pnlchra rubei coloris
deaurata, melior istitcs ecclesice p7'o majori-
bus festis deservieits, quœ etiam ex parte
ipsius (Ludovici secundi, régis Siciliae)
data fuit, continens unam cappam tantum,
infulain, dalmaticam et tunicam cum stollis
et manipulis, dtcppiicata (de satino figurato,
seminata foliis aureis et foliis ad instar folii
quercus, ad armadomini régis Sicilice 1532).
(La chapelle des Petites Bretaignes, de
satin broché, 1561, 1643.)
— Item alla capclla pulchra, pro majori-
bus conpcssorum, qiiœ fuit facta expensis
capittdi panno magna persei coloris, continens
infulam, dalmaticam- et tunicam, cîim stollis
et manipulis, cum tribus cappis, quarum
umim aurifrazium dédit dominus F. Doni-
kojninis ( IJ62) et in eadem capella sunt très
albce paratœ et très amictus ejjtsdem panni.
(de serico perseo, seminato Moribus aureis
et cum aurifragiis ad flores liliorum et ayes,
et una pars non habet flores 1532.) (de
panno dato per deffunctœ, bonse memoriœ,
dominam Margaretam Andia;, régis Renati
filiam, qu:e fuit Angliee regina 1539.) {la
chapelle des Bureaulx 1561.) (de l'une des-
quelles chapes, les orfrois sont à ymages
1595, 1643) (').
— Item una infula et dalmatica et tiinica,
de panno nigro lucaxo, seminato avibiis
aureis et très cappcc, ducs stollœ et maniputi
de eodcm, pro iirissis dcffmictorjim cum para-
nientis loco panni, data per regem Ludovi-
r//;;i.(figurata avibus cum capitibus, pedibus
et parte allarum aureis, 1467.)
— Item per dictum rcgcm et Yolandam
ejus uxorem, in ipsius obscquio, data fuit
juia infula cum dalmatica et tunica et qtiinqtie
cappce et paramenta altaris, cum duabtts
I. Arch. dép.. Série G. 264., art. 248. Item et mesme-
mcnt trois cliappes, qui sont de drap d'or, appelées les
Burcau.r, dont les orfrois sont de fin or, où il est besoin
de refaire les orfrois de l'une des dites chappcs et réparer
les autres, pourra coûter 30'.
T5roDcriC5 et tissus, conscrucs autrefois à la catfjcorale D'Angers.
ID
stollis et tribus vianipiilis cnm paramentis
triiun albariini et Irinm amittorjtin et 2ino
paraniento, iina viappa altaris, tota depanno
(iainaseeiio nigro, figurât o e2tin mwifragiis
mircis cuin scutis ad arma régis et reginœ
preedictœ. (Unum paramentuni altaris, con-
tinens duas pecias de panno damasceno
nigro : et in superiori pecia est ymago
Crucifix!, cuni ymaginibus beatœ Mariœ et
bcati Johannis Evangelistce et in inferiori
pecia est ymago beatie Maria;. In qualibet
quarum dictaruni peciarum sunt arma do-
mini Régis Siciliœ, 1467, 1643).
— Item una capella rubea, de veluto
figurato ad fiores aureas, continens easulam,
dalinaticam et tunicam cum duabus stollis,
tribus manipulis, 71110 parainento uniiis albce
et duobus paramentis altaris, dupplicata
totaliter bougrano perseo et uno ... dupplieato
iierceliiio perseo ad X V palmas aureas eum
armis dicti domini Lndovici secundi, régis
Siciiice, dupplicata tiereelino rubeo cum
orfrasiis ad ymagines... (de panno sericeo
rubeo, cum coronis et foliis aureis floribus-
que persei coloris ... 1467) (la chapelle de
vieux drap d'or rouge, qui sert aux octaves
du Sacre et de saint Maurice 1595) (et y a
en quelques endroits de petits rondeaux de
fil d'or 1606).
L'évoque Hardouin de Bueil (1387-1439)
donna les trois chapelles suivantes, inscrites
à la suite de l'inventaire de 142 i :
— Una (capella) rubca, de panno veluto,
ad cestercia argentea stellasque, coronas
aiircas, ornata, in gjia capella sunt infula,
tunica, dalmatica eum stollis et nmnipulis.
Item très albce et amit i eodeni panno parati. —
Item très capcc seu plttvinalia ejiisdein paiini
cum ornatu, cn?n aurifrasiis ad ymagines et
arma de Castro Fromondi. Item phiviale seu
eapa depanno et veluto ditiore, ornatjc parato,
cum aurifrasiis similibus piyediclis et in
dorso ipsius est Assuuiptio seu coronatio
beatcc Maria, ditissime composita et ornata.
(Cum coronatione beatce Mariae, angelis et
Agnis Dei, cum pluribus stellis de broderia,
cum armis de Castro Fromondi in aurifrasiis
1467.) (La chapelle des Croissants 1561,
1643). Cette chapelle était munie de deux
parements d'autel/^^;^;^^^y//;/^'//i■. (De velosio
rubeo, senimato de croissants gallice, stellis
et coronis 1467.) (... quasi consumpti 1595.)
Elle fut prêtée au roi de Sicile, pour sa
chapelle du château d'Angers, pour la fête de
Noël (1443), qui fut célébrée coram rege (').
■ — Item alla capella, in qua sunt infula,
tunica et dalmatica cum stollis et manipulis,
de panno albo damasceno. Item très cappce de
eodem panno, eum aurifrasiis perseis consi-
milibus. Item duo paramenti albi pro para-
mento altaris. (Ad arma de Castro- Fro-
mondi 1467.)
— Item alla capella, alba panni de satino,
in qua sunt infula, tunica et dalmatica sine
capis. Item 7inum corporale cum corpora-
libus. Item duo panni albi pro paramento
altaris quic quidem capella deputata est ad
missam beatce JMarice dicbjcs sabbatinis.
(Parvum paramentum de satino, album in
duabus peciis, qui servit altari beatse Maria;
in navi ecclesiœ subtus Crucifixum, 1467).
Plusieurs ornements furent remis à
l'église, après la mort d'Hardouin de Bueil,
entre autres les deux chapelles suivantes :
— Una infula, eum stolla et manipula et
paramento altaris, de quo paramento factie
fuerunt duce dalmaticce rubei coloris et albi
ad modum scangrii, galicc dcscequier (échi-
quier).
— • Item una alia infula, citni paramento
altaris in duabus peciis, viridis coloris,
figuratis. De predicto paramciito factcc
I. Conclusions du chapitre, 23 octobre 1443. On prête
au clerc de la chapelle du Roy, pour la fête de Xocl, trois
chappes aux croissants, les parements d'autel semblables
et les ornements de drap de panne donnes par la feue reine
Yolande.
KliVLÎE DE l'art CHRÉTIEN.
1S85. — s"'° LIVK.MSOS.
lyô
IReuuc î)C r^rt cfjrcticn
fuerunt dnœ dalmaticcc. Item duo paranicufa
altaris, viridis coloris ad barras aiiri, quorum
unu?n posititm fuit in paramcnto dictarnm
daimaticaritm.
Viennent ici, suivant l'ordre chronolo-
gique, les riches chapelles, données par
René d'Anjou.
Ce prince, ami des arts et très généreux,
fit présent, le 4 mars 1462, d'une magnifique
chapelle, connue jusqu'à la Révolution sous
le nom de la grande Broderie. Le roi et la
reine de Sicile assistèrent à une messe du
Saint-Esprit, chantée parle chapitre, pour la
réception de ce chef-d'œuvre. Voici la lettre
de René, concernant ce don royal (').
« Nous, René par la grâce de Dieu, Roy
de Ihûlm et de Sicile, duc d'Anjou et per
de France et duc de Bar, comte de Provence,
de Forcalquier pour la singulière et cordialle
affection que avons et portons à la dicte
éo-lise en Révérence et honneur du dit
es
monsieur saint Maurice et de ses benoistes
compaignons soubs la protection duquel
avons fondé lordre du Croissant. Nous a
icelle église pour icelle décorer avons donné
et octroie, donnons et octroions par ces pré-
sentes les aournements d'unechappelle toute
batue à broderie d'or contenant cinq pièces,
c'est assavoir chasuble, tunicque, dalma-
ticque, chappe et ung parement dautel hy-
storiés de la Passion Notre Seigneur. Et
avons voulu et voulons que des à présent
comme pour lors notre deces advenu ladite
église et les supposés d'icelle puissent joir et
user de notre présent don et octroie et eulx
servir d'iceulx aournements aux jours et
festes convenables et requis sans ce que
après notre deces il leur avoir autres
lettres de don des dicts aournemens que ces
présentes et sans que nos successeurs ou
aiant cause leur en puissent faire demande
I. Registres delà Fabrique, t. I, p. 72. Littera dona-
cionis pulcherrimx capelliu per Renatum regem SiciliK.
en question aucune le temps aucun. En re-
servant touttefois avons que tant que vi-
vrons nous nous en pourrons servir en notre
chappelle aux jours et festes que bon nous
semblera. En tesmoing de ce nous avons
signé et desputé et fait signer de lun de
nos secrétaires et apposer et placquer notre
scel de scrict. Donné en nostre chastel
d'Angiers le iiij jour de mars lan de grâce
mil rccc soixante et deux.
Tj, , Par le roy nions le marquis Dupont aisn(5, fils de
' monseigneur le duc de Calabre et de Loraine aisné
filz du dit S' Roy. Les comtes deWaudemont et de
Troye Jehan s'' de Beauveau, sen"' daniou Sallahdin
dangleure s' de Nogent le s' de Natelieure et plu-
[sieurs autres presens.
Nardiîau.
1467. — Pulckerrima cappella, data
ecclesiœ per serenissimiim doinimim nostrtim,
domiiium Renatum regem Iherusalem, Sici-
liœ et Ar agonis ducemque Andegaviœ, mira-
BiLi ARTiFicio contcxta, brodât a ad historiam
de vita Christi ab annonciatione dominica
risque ad resurrectionem Christi inclusive,
contincns cappain, iufulam, duas dalinaticas
et ununi parante ntum altaris de resnrrectione
Domini. {\^Vi grant chappelle, (\\i\ sert à Noël
— le grand parement, qui sert à Pâques
1561) [\?i grande chapelle, faite de broderie
à ymages fort précieuses et riches .... 1643.)
(Un autre parement, fait en Provence,
comme le reste de la chapelle, fut donné
quelques années après. Item unum aliud
paramentum de passione Domini 1505.)
(Le grand parement du devant d'autel, qui
sert à Noël, 1561.) (Deux beaux et riches
parements, faits de broderie à ymages, fort
précieuses et d'une même façon, 1643.)
Item une estole et un fanon de drap d'or
changeant, cjui ne sont apariés, faits à
broderie et personnages et servent à la grant
chapelle, 1595.
Pierre du I '/liant, peintre du roi de
Sicile, broda ces belles pièces; son héritière
ISroDcrics et tissus, conserves autccfois à la catbcDrale D'3ngcrs.
//
reçut en 1478 à titre de reliquat de compte
la somme de 4782 florins, 8 gros (').
René écrivit au chapitre le 15 nov. 1479
pour le prier d'envoyer chercher un second
parement d'autel, du même travail... «...
Avons fait continuer depuis notre partcmcnt
de notre ville d'Angers le parement d'autel,
selon l'ouvrage des orfrois des chappcs,
chasubles et autres ornements que pieçà
donnâmes en la dite église, tellement que de
présent est du tout parfait et achevé. Veuillez
envoyer aticuns de vos confrères et concha-
noines pour recevoir le dit parement, que leur
ferons bailler. — Arles, /j nov, I4jg » (^).
Cette chapelle était fort estimée en 1533.
— Art. 276. Item la grant chapelle, qui est
une chappc, chasuble, pour diacre et sous-
diacre, toute d'or fn nué tant du long, qtie
du travers, que l'on estime lx mil escus,
pourra cotister à réparer jj escus if).
La grande broderie dont Lehoreau parle
avec admiration dans son Cérémonial, était
estimée de son temps 40,000 escus (■*) ; elle
ne servait que le jour de Noël, de Pâques
et de la Fête-Dieu. Le rèoflement de la
sacristie de 1757 dit qu'on ne la prenait
plus le jour du Sacre, crainte de la poussière,
dont l'ég^lise était remplie. Les parements
d'autel ornaient le reposoirdu Jeudi Saint :
l'un d'eux fut restauré et monté sur une
carrée de tringles en i 764 (-). La chasuble
fut raccourcie en 1763 (°).
A la fin du règlement de 1 757 on lit parmi
les observations faites aux sacristains celle-
1. Revue des questions historiques, 1874, p. 164. Extrait
des Archives des Bouches-du-Rhône, B. 273, f" igo.
2. Buil. inonum. de P Anjou, ii>57, p. 88.
3. Arch. di'p., sdrie G. 264, art. 276.
4. B. E. C('réinonial As Lehoreau, t. V, p. 14.
•i.ArLh.dc'p.,icnc G. 83 5, comptes de Fabrique 1764a 1765.
Alademoiselle Lochard, tapissière pour avoir raccommodé
le devant d'autel, pareil au magnifique ornement de la
grande broderie, lequel sert présentement au reposoir du
jeudi saint ... 48 livres.
6. .4>xh.di'p.,iûv\c G. 835., comptes de Fabrique de 1762
à 1763. Pour avoir fait raccourcir la cliasuble de la grande
broderie, relever et appliquer le galon en broderie, qui en
fait la bordure, 6 livres.
ci : « On ne peut trop engager les sacristains
d'avoir un soin partictilier des ornements,
surtout de L.\ gr.\nde broderie, qïd est le
plus bel ornement de France, de le couvrir
toujours avec des chappes doublées de soie et
jamais autrement ...» (').
L'unanimité des éloges, donnés par tant
de témoins vivant à une époque où le style
gothique était pourtant bien dédaigné, est
curieuse à constater.Ce magnifique ornement
fut dépecé et brûlé à la Révolution (■).
— Sccunda pulchra cappella panni atiri
preciosissimi figurati, continens cappam, in-
fulam, duas dalmaticas cum aurifragiis ad
historiam de passione Domini fesu-Christi
beatique Maitricii et sociorum ejus, data per
dictum regem. — Très pecice panni auri
cramoisy, gai lice, semmatœfloi-ibus cardonum
et cum scuczonibus ad arma domini Renati,
régis Siciliœ ad parandum majus altare de
longitudine dicti al taris et latent m, datœ
per dictum Regem et sunt de panno ditissimo
et sei'viunt in majoribus festis. Item duce
pecice paramentoru7n panni aitrei seminati
foliis aureis, co7iti/ientes qucelibet pecia très
alnas vel circa et pomtntur de longitudine
dicti alla ris. Item unum paramentum altaris
m iina pecia de velosio rttbeo, in quo est
coronatio beatœ Marice, continens tredecini
ymagincs de broderia. (Le grand parement
de drap d'or rouge, qui sert aux festes
solennelles comme Noël, la Saint- Maurice
1Ô43). Quatuor auricularia panni aurei
cramoisy, seminati foliis cardonum, cum
quatuor houpis de simili paramento. (La
CH.VPELLE JOYEUSE I 56 I -I 643.) (5).
1. Musée de l'Évêché.
2. Arch. dép.
3. Arch. déplient G., N. 267, art. 267 et 27S.— Item une
chappe d'or frisé, qu'on appelle la Joyeuse, à orfroi, qui
fort endommagée, pourra coûter à réparer la somme de
50 escus. Item la chasuble et deux dalmoircs de la dite
chapelle, tant pour les orfrois, que drap d'or fin, pourra
coûter à réparer la somme de 60 escus.
B. M., ms. 658, p. 28S. Entrée de M«'' Henri Arnaud. On
lui présente sous le porche une chape, appelée lay<»)v«Jt'.
178
iR c U u c D c r 3 r t c I) v c t i c n .
— Tcrtia pulchra capclla panni aiiiri
de velosio nigro super velosiiini, ciun foliis
cardomim et arboribits, dcserviens m com-
vicmorationc viorluoj-uin, coutinens cappani,
infulam, duas dalmaticas anii mirifragiis
ad hisioriat}! If cm qiiinque peciœ paniît
aurei de velosio iiigro super velosiuiu, sc-
minatœ foliis cardonum, quartirn ducv su7it
pro tabula altaris, tam snperiori quam
inferiori, et 7ina illaniui, qucc est bor-
data continet très alnas cuni tcrtia parte
alnce. Altéra, qua non est bordât a, continet
très alnas cuvi diviidio quartcrio. Tertia
magna petia, quœ ponitur super altarc juxta
capsani, continet quinque alnas citni uno tertio
et est bordata de velosio in parte snperiori
duntaxat. Dtiœ aller peciœ pro latcribus
altaris, continentes qucrlibet très alnas cuvi
diniidio quarterio et snnt bordatcc de velosio
ab utraque parte, fiicrnntquc dater pcr dictitni
doniinmn Renatuni, regeni Siciliœ cuni cap-
pella similis panni. Item quatuor carelli de
panno aurco nigro valde pretioso super velo-
siuin et serviuntin crastinoomniitm sanctornni
et snnt vacua. — L'inventaire de 1 505 dit, en
parlant de cette chapelle : ad historiam de
passione Domini ; d'autre part, d'après un
compte de fabrique de 1464 à 1465 il
paraît évident que les orfrois de la chapelle
rouge furent placés sur celle de velours noir.
(La grant chapelle des trépassés 1561.)
(Une belle chapelle de drap d'or sur velours
noir frisé 1643.)
— Item alla capclla panni aurei, miinita
aurifragiis, ad arma ducis Britannice, conti-
jiens duas c appas, consimiles, infulam, duas
dalmaticas cum stollis et manipulis. (La
chapelle des Grandes-Bretaignes et les deux
chappes de mesme, 1561-1643.) (').
— Item altéra cappella de panno série eo,
1. Ibid., art. 283. Item la chasuble et deux dalmoires
de drap d'or fin frizé sur velours cramoisy et orfrois d'or tin,
aux armoiries de Bretagne, pourront coijter à réparer la
somme de 60 escus.
seminato foliis aitrcis, coutinens infulam,
dalmaticas cum unastola et uno manipulo, et
in infula sola snnt arma deffunctcc RIaricc
regincc Sicilicc. (... de purpura seu velosio
rubeo, seminata foliis quercuum aureis ...
1539.) {^La chappelle des feilles de chcsne
I 561- 1643.)
— Item una altéra cappella de velosio
violeto, qucc fuit facta de tunicâ defnnctce
Ysabcllis, regincc Siciliœ, cum aurifragiis,
sine cat>pa. (Capella purpura velousio rubeo
sive violeto figurato... la chappelle qui sert
aux festes des Appostres et dymanches
1561) (de velours rouge, tirant sur couleur
de pourpre 1643).
— ■ Capellœ communes. — Item tma alla
cappella antiqua, de panno serico albo figurato
avibus cum capitibus aureis et oculis 7iigris
et in ejus aurifragiis suiit duo scuzoni pluries
facti : continet très cappas vctustate consump-
tas cum infula, dalmaticis, una stolla et uno
manipulo. (La chapelle blanche, nommée
les yeux noirs 1595.)
— Item una alla cappella cum infula
panni serici et dalmaticis de bombace, gallice
fustaine, multum consumpta cum stollis et
manipulis, dcserviens die lunœ et die mercurii
in missis beatœ Mariée. (1505.)
— Item una cappella de satino rubeo
piano, quœ servit quotidie in diebus feriatis
et caret stollis et manipulis. (1595.)
— Item una alla cappella de damasto
viridi per dominum Fournicr, canonicum
ad missas bcatoritm Sebastiani et Serenedi
duntaxat, deserviendum, ad dicti Fournicr
arma, Icgata. ([643.)
— Cappellce pro mortuis. — Item una
cappella nigra de ostade gallice, qucc deservit
quotidie in missa anniversariorum.
— Item très aliœ infulce, quarum duœ
sunt de tiercelino albo figurato ad ymagincs
et angelos cum duobus stollis et duobus
manipulis de pari panno : altéra pro subdya-
15voDei'ics et tissus, conserves autrefois à la catfjciiralc D'Angers. 179
cono de panno damasceno albo, sine maniptdo
et serviiint die un s doniinicis Kadragesiiiue.
(1505.) Item zimun parameuttini majoris
altaris iii ditabns peciis de tiercelino, depicto
ymaginibiis pro teinpore Kadragesinicc.
— /te/u uiia cappella, ex panno albo
deaiirato cuiu dalniaticis, stollis et manipnlis
data per depfnnctnni doniinnin de Rely, cpi-
scopnin Andegavenseni. (1498.) — Item tria
paramenta ad deserviendnin majori altai'i,
munita circnniqnaque velosio violato, data
ecclesiœ per bonœ meviorice dcfnnctjini doini-
nnm de Rely. (Le grant parement de drap
d'or blanc, pour les festes de Notre-Dame,
my-août et autres, 1643.)
1505. — Item una capella alba, ex satino
albo, einn anrifragiis veluti violet i, continens
infulam et dalmatieas. (1539.)
— Item capella cnm dalmaticis de velnto
nigro. (1525.)
1525. — Item nna capella panui dama-
sceni cendrati continens in/nlam, dnas dal-
viaticas cnm anrifragiis de tajjetazio rîtbeo
cnm Jloribns albis et viridibns. Capella pro
mortnis. (La chapelle Cendrée, 1561.)
1539. — Item iina alla capella pan ni
aurei rasi viridis coloris, continens in/nlam,
duas dalmatieas, dnas stolas et très manip7ilos,
data per de/jnnctnm boiuc memorice Reve-
rendissimnm in Ckristo patrem et domintim,
domimim Franciscnm de Rohan, qnondam
ai'c/iiepiscopnm et comitem Lugdîinenseni
et episcopnm Andegavensem, Andegavinm
filium domini Pétri de Rohan Francicr
marescali, cnm viveret, ad eornm arma
insignita. (La chapelle, qui sert à la Saint-
Martin et à Saint-Jean-Baptiste, 1561.)
(La chapelle de Monseigneur de Lyon,évesqne
d'Angers, lô-fji)
— Item nna capella de velozio violeto,
qnam Jecit eomponere dominas Fahic (/jjy),
expensis Jabriccc. Est intégra. (La chapelle
de velours violet, qui sert aux festes des
confesseurs a trois chapes doubles 1561.)
— • Loco triiini veternm caparnm pamii
OSTADI-; nigri, pro dejfunctis, fnernnt factce
très alice capce cnm casnlâ et ditobas dalmati-
cis, munîtes aurifragiis futani violet i. (ijôi.)
Similiter fnerjint loco veternm casulce et
dalmaticarnm damasci nigri confectee aliœ et
positce aurifragiœ veternm, qnia consumptœ.
1595. — Item nna- capella de velozio
viollato, nova, fulcita casula, dnabus dalma-
ticis, capa duabns stollis et tribus manipnlis
eju,sdem panni {^16^/).
ISQ*^' — Item une chapelle de velours
ronge incarnat, garnie d'une chasuble, deux
dalmatiques, une estolle et deux fanons, nom-
mée la chapelle ad Arma Sancti illauritii.
(On y ajoute deux chapes de velours rouge,
dont les orfrois sont faits à figures, de fil
d'or 1606) (et au chapperon y a un nom de
Jiisus et des fleurs de lis, 1643). {-^ cette
chapelle on joint encore deux autres chapes
de v^elours rouge, dont l'une est brodée de
jaune en bas et deux escuçons aux chappe-
rons, 1643.)
— Item une autre chapelle de velours noir,
garnie d'une chasuble, de deux dalmatiques,
dont les orfrois sont de toille d'aigetit rayée
de noir, deux belles étoiles et trois fanons
de mes me velours, garny de franges au bout
et y a ti'ois croix de passement d'or. — ■ Item
deux chappes de vellours noir,garnyes de taille
d'or rayées de noir, comme la chapelle précé-
dente. — Item une belle et oie de vellours noir,
bordée aux deux côtés de passement d'or et
garnie de trois croix de mesme passement
dor, scavoir au milieu et aux: deux bouts.
— Item trois pièces de parement, dont y a
une de satin et les deux aultres de taffetas, le
tout orange, qui servent à parer le dit autel
au temps des advents avec trois chasubles et
une chape, pour servir aux prêtre, soiibs chan-
tre, diacre et sous diacre.
i8o
IRcuuc De l'art cïjtcticn.
1599- — • Jtcui une chapelle de drap d'or
blanc, garnie d'une chappe, d'tme chasuble,
deux dalinatiqncs, deux étoiles, trois fanons,
donnée par monsieiir de Beaulieu Ruzé
(évêque d'Angers, i^'èy), secrétaire d État
et y sont les armes de roy Henri quatriesnie
(trois) et celles du dit sieur de Beaulieu
(garnie de trois chappes, faites du parement
d'autel de toille d'argent battue d'or, es
quels sont les armes de France et de Po-
loigne et du dit deffunt sieur Ruzé évesque
et de deux carreaux de toille d'argent battue
d'or, donnéspar ledit sieur Beaulieu Ruzé).
(Nommées les Rîcsées, 1643.)
1 643. Une chapelle de velours violet, garnie
de leurs étoiles et fanons avec l'écharpe, garnie
de clinquant d' argent, qui sert aux diman-
ches de r Avcnt et du Caresme avec une
chappe de velours tanné brun, aussi garnie
de clinquant d'argent.
— Item une chapelle de satin violet, conte-
nant une chasuble, deux dalmatiques, deux
étoiles et trois fanons, oîi sont les armes de
feu M. Fouquet, vivant évêque [1616-1621)
garnie de clinquant d'argent, qui sert les jours
de Pâques fleuries, vendredy et saniedy saint.
— Item une chapelle de damas rouge, où
sont aussi les armes dîidit seigneur évêque,
garnie de deux dalmatiques, étoiles et fanons.
— Item tine chapelle de tabis violet à fleurs,
oii sont pareillement les armes dudit seigneur,
garnie de deux dalmatiques, étoiles et fanons,
qui sert aux vigiles.
— Item une chapelle de damas vert, oii
sont aicssi les armes du dit seignejw, garnie
comme dessus, qui sert aux dimanches pcr
annum.
— Itein une vieille chapelle de damas
violet contenant la chasuble, deux dalmatiqties
(mises pour chasubles) coupées par le devant
avec es toiles et fanons avec le parement du
grand autel de même, qtci sert à lavetit et
au caresme.
ii. les pièces séparées : inful.^, dal-
matic^ particulares, capp^, stoll^
et manipulli, burs^ et corporalia,
colleria, poignalia et paramenta
albarum, alb.<e serice^e, map^c serl-
ce^e, et paramenta maparum.
Inful.ï;.
1297. — Item quatuor dcccm in fui as bonas
et pulc liras pro festivitatibus.
On en retrouve douze dans l'inventaire
de 1391 :
Duœ sunt antiquse et multum devastatse.
Tertia, quarta de samicto rubei coloris in
competenti statu.
Ouinta de samicto rubei coloris in com-
petenti statu.
Sexta de panno mixto auri cum orfrasiis
aureis satis antiquis et indiget reparatione.
Septima de samicto adurato cum leopar-
dibus aureis, dupplicata de rubeo in bono
statu. (... persei obscuri de satino cum
leopardibus, croissans et soleils gallice, ad
legendum lectiones in vigiliis PaschEC et
Penthec